Quel régime juridique pour les crimes commis par algorithme ?

Publié le 28/01/2025 Vu 61 fois 0
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La régulation des crimes algorithmiques soulève d’innombrables questions complexes sur la responsabilité, la vie privée et les droits fondamentaux

La régulation des crimes algorithmiques soulève d’innombrables questions complexes sur la responsabilité,

Quel régime juridique pour les crimes commis par algorithme ?

 

L’essor de l’intelligence artificielle et des algorithmes complexes transforme rapidement de nombreux aspects de notre société, des systèmes financiers à la justice, en passant par la santé et la sécurité publique. Cependant, avec l'usage croissant de ces technologies, de nouvelles formes de crimes et de délits voient le jour, mettant en lumière des questions juridiques fondamentales sur la responsabilité, l'éthique et la régulation. Les algorithmes, souvent perçus comme des outils neutres et objectifs, peuvent en réalité être à l’origine de comportements nuisibles, qu’il s’agisse de discrimination, de fraude ou de perturbation des systèmes économiques et sociaux. Cet article explore les crimes commis par des algorithmes, leurs implications juridiques et les défis pour le droit.

I. L’Algorithme comme Acteur du Crime : Une Nouvelle Forme de Responsabilité ?

1. Les Algorithmes à l’Origine de Discrimination Systématique

L’un des exemples les plus médiatisés de "crimes" liés aux algorithmes est celui des biais algorithmiques. Lorsqu’un algorithme est conçu pour prendre des décisions importantes, comme l’admission à un emploi, l’attribution d’un prêt bancaire, ou même la détermination d’une peine judiciaire, des biais systémiques peuvent surgir si les données d’apprentissage sont elles-mêmes biaisées. Un algorithme peut ainsi reproduire et amplifier des inégalités sociales, raciales ou économiques, aboutissant à des discriminations qui portent atteinte aux droits fondamentaux des individus.

Un cas emblématique est celui des systèmes de recrutement automatisés, qui, nourris de données historiques où les candidatures masculines étaient privilégiées, ont conduit à une discrimination systématique à l’égard des candidates femmes. Dans ce contexte, l’algorithme, bien qu’étant une machine, commet un acte discriminatoire à travers ses décisions. Une telle situation soulève des questions sur la responsabilité du concepteur de l’algorithme : doit-il être tenu pour responsable des conséquences de son programme, même si l’algorithme a agi de manière autonome ?

En droit, ces pratiques peuvent être qualifiées de discriminations indirectes et sont interdites par des législations comme la Directive européenne 2000/78/CE et le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Toutefois, l'attribution de la responsabilité reste un défi. Est-ce l'entreprise qui utilise l'algorithme, les concepteurs du système, ou l'algorithme lui-même qui doit être tenu responsable des dommages causés ?

2. Les Algorithmes dans la Commission de Fraudes Financières et Économiques

Les algorithmes sont également largement utilisés dans le secteur financier, où ils automatisent des processus tels que le trading à haute fréquence ou la détection de fraudes. Toutefois, leur utilisation dans ces domaines peut aussi engendrer des crimes économiques.

Le trading algorithmique, par exemple, peut entraîner des manipulations de marché comme le front-running (pratique consistant à profiter de l’accès privilégié aux informations de marché pour exécuter des ordres avant d’autres participants). De même, des fraudes par manipulation algorithmique peuvent surgir, où un algorithme est utilisé pour fausser les prix des actifs ou dissimuler des transactions illégales.

En termes de régulation, l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a mis en place des lignes directrices pour encadrer le trading algorithmique et éviter de telles manipulations, mais la question de la responsabilité pénale en cas d’abus reste floue. Peut-on poursuivre en justice un programme informatique pour manipulation de marché ? Faut-il rendre responsable l’entité qui a conçu ou exploité un tel algorithme ?

3. Les Criminels Numériques et les Cyberattaques Facilitée par des Algorithmes

L’algorithme peut aussi être un instrument dans la commission de cybercrimes. Par exemple, des attaques par ransomware ou des attacks DDoS (par déni de service) peuvent être orchestrées par des logiciels autonomes alimentés par des algorithmes malveillants. Ces algorithmes sont capables de rechercher des failles de sécurité, d’infiltrer des systèmes informatiques, puis de demander une rançon en échange de l’arrêt de l’attaque.

Les législations sur les cybercrimes existent dans de nombreux pays, mais elles sont souvent inadaptées à la vitesse à laquelle les technologies évoluent. Les victimes de ces cybercrimes peuvent se retrouver dans une situation juridique complexe. Si un algorithme autonome a mené l’attaque sans intervention humaine directe, comment la responsabilité pénale peut-elle être établie ? Faut-il considérer les concepteurs du programme comme responsables de l’utilisation criminelle de leur algorithme, ou la responsabilité incombe-t-elle à l’entité qui a déployé l’outil dans un cadre criminel ?

II. Les Défis Juridiques et Éthiques de la Responsabilité des Algorithmes

1. La Responsabilité des Concepteurs d’Algorithmes

Les concepteurs d’algorithmes doivent-ils être tenus responsables des actions de leurs créations ? La responsabilité des actes d’algorithmes est une question complexe, car elle soulève la question de la responsabilité objective (basée sur le fait de créer un outil dangereux) et de la responsabilité subjective (impliquant une faute consciente ou intentionnelle).

À ce jour, la plupart des législations n’ont pas encore prévu un cadre juridique spécifique pour traiter les crimes commis par des algorithmes. En Europe, bien que des réglementations comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD) exigent des concepteurs de garantir que leurs algorithmes respectent les droits des individus, la question de la responsabilité pénale en cas de crimes reste floue. Les responsabilités civiles des entreprises sont plus souvent évoquées que la responsabilité pénale des individus ayant conçu ces technologies.

2. L’Intelligence Artificielle et l’Autonomie Décisionnelle

Un autre problème majeur réside dans la question de l’autonomie décisionnelle des algorithmes. À mesure que l’IA devient plus autonome, elle peut, en théorie, commettre des actes sans aucune intervention humaine. Si un algorithme commet un délit sans intervention humaine directe, cela soulève la question de savoir si l’IA elle-même pourrait être tenue responsable des crimes qu’elle commet.

Cela va au-delà des simples questions de responsabilité pénale : s’agit-il de créer un droit spécifique pour l'IA ? Devrait-on, par exemple, reconnaître la personnalité juridique à des entités autonomes alimentées par des algorithmes ? Ces questions sont encore largement débattues, et le droit n’est pas encore préparé à gérer une situation où les machines prennent des décisions de manière indépendante.

3. Les Régulations Émergentes : Le Cadre Européen et International

L’Union européenne a entrepris des efforts significatifs pour encadrer l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle, notamment à travers le Règlement sur l’Intelligence Artificielle (AI Act), qui propose un cadre pour les applications d'IA à haut risque, notamment celles susceptibles de nuire aux droits fondamentaux. Ce règlement vise à introduire des principes de transparence, de non-discrimination et de responsabilité en matière d’algorithmes. Toutefois, l’application de ces principes dans le cadre de la criminalité algorithmique reste en construction.

D’autres juridictions, comme les États-Unis, sont également en train de développer des normes et des législations sur l’IA, mais l'approche reste souvent fragmentée et moins centrée sur la protection des droits individuels que celle de l’UE.

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