Le Concept de risque social
Selon Maslow, l’homme ne peut progresser sur une pyramide déterminée qu’au fur et à mesure que ces besoins sont comblés, or les premiers d’entre eux sont les besoins de sécurité et les besoins alimentaires.
Développé à l’origine à l’occasion des risques nés d’une activité professionnelle, le concept de risque professionnel s’est peu à peu transformé en risque inhérent à l’ensemble de la société.
Or, appréhender la notion de risque, c’est accepter que l’existence humaine est susceptible de rencontrer des aléas, c’est-à-dire un évènement futur et incertain.
Dès lors, appliquée aux risques sociaux, cette définition engage à considérer qu’un individu classé dans une catégorie majoritaire, en l’espèce le salarié et sa famille, sera quasi inévitablement victime d’une diminution de son revenu économique au cours de sa vie professionnelle, en raison d’une maladie ou d’un accident pour les évènements les plus malheureux, ou à contrario, en raison de l’accueil d’un enfant.
C’est pourquoi, à partir de la définition du concept de risque social, s’est développée une certaine idée de la société, et à partir de 1946, le concept de droit de créance.
Cerner le concept de risque social, demande ainsi, tout à la fois d’en examiner les définitions (I) et d’en dégager les enjeux (II)
I – Examen des définitions du risque social
Examiner le concept de risque social emporte la nécessité d’en définir la notion (A) ainsi que son rôle (B)
A – Notion de risque social
On le retrouve présenté à des maints égards tant dans le préambule de la constitution de 1946 qu’à l’article 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE pour autant il n’existe pas de définition légale ou constitutionnelle, on peut alors lui appliquer une définition large (ensemble de risques inhérents à une société) pour Paul DURAND ou restreinte, diminution d’un gain économique en raison de la suspension du contrat de travail ou de la naissance d’un enfant pour le publiciste Léon Duguit.
B – Rôle du risque social
En présence d’un aléa, c’est à dire d’un évènement futur et incertain, le risque social que représentait la diminution du gain économique perçu par le salarié était prise différemment en charge, que cela soit par l’épargne, la solidarité ou encore l’engagement de la responsabilité civile sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
Le rôle du risque social était dès lors d’identifier la responsabilité sans faute de l’employeur à l’occasion de l’activité salarié du travailleur et de permettre son indemnisation afin de compenser une partie du préjudice subi par ce dernier et sa famille.
Or, l’insuffisance de ces réponses a contribué à redéfinir le rôle du risque social et l’a sorti de son lien avec le risque professionnel, entraînant dans son sillage de nouveaux enjeux.
II – Enjeux qui entourent le concept de risque social
Se prémunir contre le risque social, suppose de mettre en œuvre des mécanismes de protection qui répondent à leur définition (A), mais au-delà de la protection légitime et permanente du travailleur et de sa famille, apparaît au début de ce siècle un élargissement de ces derniers au concept de besoin, ce qui occasionne désormais une prise en charge spécifique (B).
A – Mise en œuvre des mécanismes de protection des risques sociaux issus de l’activité professionnelle
La création en Allemagne d’un code des assurances sociales en 1911 marque les débuts de la mise en place d’un système d’assurance sociale né à l’initiative du Chancelier Bismarck afin de permettre aux ouvriers de l’industrie ne dépassant pas un certain niveau de revenu de voir leur gain économique protégé en cas de maladie, d’accident du travail ou de vieillesse.
Le risque social identifié à la notion de risque professionnel permet par cette mesure obligatoire de disposer de la solidarité entre ouvriers de la même branche d’activité.
Cette qualification du risque est d’importance, car dans la France de la révolution industrielle, elle va donner lieu à la loi du 09/04/1898 qui tend à encadrer les conséquences des accidents du travail et à envisager pour la première fois l’activité professionnelle comme un risque autonome devant faire l’objet d’une protection spécifique.
La loi fut ainsi qualifiée de sociale, car elle instaura un droit nouveau, l’automaticité de la reconnaissance du risque professionnel d’où naît la responsabilité de l’employeur en raison du lien de subordination qui le lie à son employé ;
Après, la première guerre mondiale, l’idée se développe de généraliser cette sécurité sociale pour tous, mais c’est surtout à la suite du rapport de Beveridge en 1942 que le concept de risque social va évoluer et être fécond.
B – Evolution du concept de risque social et prise en charge spécifique
A la différence du système de l’assurance sociale obligatoire de Bismarck, le plan Beveridge de 1942 vise à éradiquer la pauvreté, car, de nouveaux risques sociaux ont été identifiés dans nos sociétés modernes, ils appellent dès lors à une prise en charge spécifique.
En effet, l’éloignement de l’emploi d’un nombre conséquent d’individus en raison de la désindustrialisation de nos sociétés ne permet plus d’ouvrir des droits auprès des mécanismes traditionnels de protection, tel que la sécurité sociale.
Par ailleurs, le déficit chronique de cette institution a conduit à favoriser le développement d’autres formes de solidarité.
La notion de besoin apparaît alors avec son corollaire, le concept d’assistance qui chez Beveridge va prendre la forme d’une allocation universelle et uniforme gérée par un système autonome.
En France, l’aide sociale a remplacé l’assistance aux pauvres et se différencie de l’assurance sociale par le fait que ces droits ne sont pas ouverts, mais au contraire, ils sont l’objet d’une solidarité collective qui ne donne pas lieu à contrepartie.
Ces droits sont par ailleurs subsidiaires, c’est-à-dire qu’ils ne sont conférés à leur titulaire qu’après épuisement des formes traditionnelles de solidarité.
L’analyse du concept de risque social montre qu’au-delà de la protection naturelle et solidaire à laquelle le salarié peut avoir légitimement droit est apparu un besoin croissant de sécurité au sein de nos sociétés contemporaines qui au fur et à mesure qu’il s’est développé, c’est insidieusement immiscé dans la nature de l’individu pour le placer dans une position d’insécurité permanente, ce qui fait dire à R.CASTEL, que « paradoxalement, être protégé, c’est être menacé ».