Focus sur les droits fondamentaux du salarié

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Focus sur les droits fondamentaux du salarié

Droits fondamentaux des salariés

 

Clauses de non concurrence

En exigeant que, pour être licite, la clause de non-concurrence souscrite par un salarié pour le temps suivant l'expiration du contrat de travail « comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière », la Cour de cassation avait opéré un spectaculaire revirement de jurisprudence dans son arrêt du 10/07/02 .


C'est ainsi que sont désormais privées d'effet les clauses de non-concurrence souscrites par un salarié en l'absence de contrepartie financière versée par l'employeur et que, de la même manière, sont privées d'effet les dispositions du droit contractuel collectif qui réglementent la clause de non-concurrence pour l'après contrat de travail sans prévoir une contrepartie financière à la charge de l'employeur.


La Cour faisait ainsi référence au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle en ce sens qu'elle renvoie à la notion de principe fondamental, ou de liberté fondamentale, qui commande aujourd'hui l'ordonnancement juridique tant national que supranational

 

Les conditions de validité de la clause de non-concurrence en droit du travail

 

-          Sauvegarde de l’exercice de l’activité professionnelle du salarié

-          Conditions de limitation

-          Conditions de contrepartie financière

Examen de la validité de la clause de non concurrence au regard de l’article 8 de la CEDH qui dispose que toute personne doit avoir la possibilité de vivre une vie familiale normale

 

Clauses de mobilité

La Cour de cassation a admis la  nullité des clauses de mobilité à travers lesquelles un salarié accepte toute mutation au sein des différentes sociétés d'un même groupe ou d'une même unité économique et sociale (Soc. 23 sept. 2009, n° 07-44.200, infra, I, B). En décalage avec la politique de mobilité pratiquée dans les groupes, la solution, arrimée au droit des contrats, trouve son fondement dans l'impossibilité pour un salarié d'accepter par avance un changement d'employeur, changement qui requiert son accord. Implicitement, la Cour réitère ainsi son attachement à l'autonomie juridique des différentes personnes morales lorsque la qualité d'employeur est en cause

 

Obligation de l’employeur quant à la sécurité et la santé du salarié au travail

Dans un tout autre domaine, c'est à l'aune de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur, et dont il doit assurer l'effectivité, que sont clairement envisagées désormais les incidences des recommandations du médecin du travail (Soc. 23 sept. 2009, n° 08-42.629 et 14 oct. 2009, n° 08-42.878, infra, I, C). D'où le caractère non fautif du refus du salarié de reprendre le travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin. Il appartient alors à l'employeur, qui n'est pas en droit d'exercer son pouvoir disciplinaire, de prouver que le poste de travail avait bien été adapté compte tenu des recommandations du médecin, ou que cette adaptation était impossible

 D'où encore l'obligation pour l'employeur de solliciter une seconde fois l'avis du médecin du travail, en cas de refus par le salarié d'une proposition de reclassement qu'il considère comme non conforme à l'avis d'inaptitude (Soc. 23 sept. 2009, n° 08-42.525, infra, I, C).

Liberté d’expression

Les droits de la personne et la discrimination ont donné lieu également à quelques décisions importantes. C'est ainsi que la chambre sociale se prononce, pour la première fois, sur la licéité d'un « code de conduite des affaires » qui concernait la divulgation d'informations relatives à l'entreprise et instituait un dispositif d'alerte professionnelle. Avec beaucoup de fermeté et de minutie, la Cour confronte le code en question à la liberté et au droit d'expression des salariés en dehors et à l'intérieur de l'entreprise, autant qu'à la procédure d'autorisation auprès de la CNIL, ainsi qu'à l'exigence d'information des salariés sur leur droit d'accéder à des données et d'en demander la rectification (Soc. 8 déc. 2009, n° 08-17.191, infra, II, A).

 

Harcèlement moral

En matière de harcèlement moral, deux décisions retiennent l'attention. En même temps que la haute juridiction considère, de la manière la plus nette, que la reconnaissance d'un harcèlement moral n'exige pas d'intention malveillante (Soc. 10 nov. 2009, n° 08-41.497, infra, II, B), elle admet que des méthodes de gestion puissent caractériser un comportement de harcèlement (Soc. 10 nov. 2009, n° 07-45.321, infra, II, B). Le lien ainsi établi requiert, pour l'heure, qu'un salarié déterminé ait été visé mais il ouvre peut-être la voie à la reconnaissance d'un harcèlement managérial collectif, affectant un groupe de travailleurs

 

Primes

Si les employeurs sont le plus souvent soucieux de préserver leur droit de licenciement, il leur arrive aussi quelquefois de chercher à retenir, par la stipulation de clauses de fidélité, les salariés qui souhaiteraient, le cas échéant, quitter l'entreprise (sur cette question, cf. le numéro spécial de Droit social, mai 1991, consacré à la fidélité à l'entreprise). Depuis quelques années, les techniques se font encore plus sophistiquées et prennent parfois la forme d'avances remboursables pour le cas où le salarié partirait de l'entreprise avant la date convenue. On se trouve alors en présence d'une sorte de salaire conditionnel, d'une rémunération versée sous la condition résolutoire d'une démission du salarié. C'est la licéité d'une clause de ce type qui était discutée dans l'arrêt rapporté.

En l'espèce, une employée de bureau, recrutée en 1992, avait démissionné de son poste le 31 janv. 1997. Lors du règlement de ses comptes, l'employeur avait déduit des sommes dues à la salariée le montant de la prime de fin d'année de 1996, au motif que celle-ci était remboursable si la salariée quittait l'entreprise avant le 30 juin de l'année suivante. La salariée saisit alors le conseil de prud'hommes, qui lui accorda la prime litigieuse. L'employeur forma un pourvoi contre cette décision, en invoquant l'art. 1134 c. civ. et la liberté des conventions - si tant est que l'on fût en l'espèce en matière contractuelle (cf., sur ce point, F.-J. Pansier, note sous l'arrêt commenté, cah. soc. barreau Paris, juill. 2000, n° A 33) - et en soutenant que, s'agissant en l'occurrence d'une simple gratification, son versement pouvait être laissé à la libre convenance des parties. C'est ce pourvoi qui est rejeté par l'arrêt rapporté, la Cour rappelant que, « si l'employeur peut assortir la prime qu'il institue de conditions, encore faut-il que celles-ci ne portent pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié ». Elle en déduit que l'employeur « ne pouvait, sans porter atteinte à la liberté de travail de la salariée, subordonner le maintien du droit à la prime de fin d'année à la condition de la présence de Mme Klein dans l'entreprise au 30 juin de l'année suivant son versement ».

L'employeur  ne pouvait agir de cette façon, « sauf à pratiquer une sanction pécuniaire illicite ».


La Cour de cassation a donc fondé sa décision essentiellement sur l'atteinte que réaliserait la clause litigieuse à la liberté du travail du salarié. La faculté de démissionner de celui-ci se trouverait en effet réduite par l'obligation de reverser la somme déjà perçue et la clause devrait donc être annulée

Cette prime est  largement alimentaire. Pour cette raison, le salaire a par nature vocation à être dépensé au fur et à mesure qu'il est réglé au travailleur. A partir de là, en présence d'une prime remboursable, de deux choses l'une : ou le salarié, comme il en a le droit, dépense les sommes qu'il a touchées, mais, en cas de démission, il risque de se trouver pris à la gorge par l'employeur (la prime ne le fidélise pas, elle l'asservit), ou le salarié garde par-devers lui les primes versées, pour conserver intact son droit de démissionner, mais alors il faut admettre qu'il n'y a pas vraiment eu versement d'un salaire au sens de l'art. L. 143-2, puisque le travailleur se trouve privé du droit de dépenser les sommes ainsi versées.

En réalité, il ne peut y avoir de versement au sens de l'art  précité que celui qui permet au salarié de dépenser librement ce qu'il a touché. D'une certaine façon, en matière de salaire comme en matière de donations, « donner et retenir ne vaut ». Le versement d'un salaire, dans le code du travail, implique le règlement de sommes définitivement acquises. Ce qui condamne bien évidemment les primes remboursables, l'employeur ne pouvant reprendre ce qu'il a déjà versé et qui était juridiquement dû (cf. en ce sens la pertinente démonstration de F. Gaudu, largement reprise ici, in Fidélité et rupture, Dr. soc. 1991, p. 419, spéc. p. 421). Ce qui donne aussi la mesure de cette condamnation.


Toutes les stipulations de primes sous conditions résolutoires devraient être condamnées par l'arrêt du 18 avr. 2000

 

L'atteinte à la dignité du salarié »: un manquement grave de l'employeur à ses obligations « Soc ; 07/02/12 »

 

La notion de dignité s'invite, avec force et intérêt, dans la sphère de la résiliation judiciaire. C'est plus précisément « l'atteinte à la dignité » du salarié, ici caractérisée par la tenue de propos indélicats de la part de l'employeur, qui constitue désormais une cause de résiliation judiciaire du contrat de travail. Alors qu'elle n'avait été directement évoquée par la Chambre sociale que pour justifier le versement de dommages et intérêts en raison du préjudice subi par le salarié,  le fait que cette dernière s'y réfère dorénavant pour envisager la rupture du contrat de travail assure à cette notion un impact et un poids supplémentaires. Si « l'atteinte à la dignité » n'était qu'assez peu évoquée en tant que telle par la jurisprudence, elle pourrait s'installer durablement dans le paysage juridique et au-delà de la résiliation judiciaire.

« L'atteinte à la dignité » du salarié constitue, indépendamment de toute situation de harcèlement moral, un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles. Ce comportement fautif, bien qu'isolé, justifie une résiliation judiciaire du contrat aux torts de celui-ci.

Le terme « d'atteinte à la dignité » interpelle également. Celui-ci irrigue le droit positif. Il est envisagé par certains textes sans pour autant être précisément défini. Il est d'abord évoqué en cas de harcèlement moral

 Le Code pénal punit aussi, dans un chapitre consacré « aux atteintes à la dignité de la personne », le fait de ne pas rétribuer un individu vulnérable ou en état de dépendance ou de lui verser une rétribution sans rapport avec l'importance du travail accompli, et de le soumettre à des conditions de travail ou d'hébergement qui sont incompatibles avec la dignité humaine.


Dans cette mouvance, « l'atteinte à la dignité » du salarié peut résulter de la tenue ponctuelle de propos indélicats. C'est le second enseignement de cet arrêt. La solution n'est pas surprenante. Le mot « insulte» suppose en effet, par définition, une « parole ou (un) acte qui offense, qui blesse la dignité »

C'est au regard d'autres décisions que cette solution dénote. La tenue de propos dégradants de la part de l'employeur ne justifie pas toujours la rupture du contrat. Une Cour d'appel en 2001 avait ainsi rejeté la demande d'un salarié visant à obtenir la résiliation de son contrat en raison d'injures proférées par son employeur

 Egalement, la jurisprudence a déjà pu affirmer que des sarcasmes et insultes pouvaient porter atteinte à la dignité du salarié, mais jusqu'alors seulement en cas d'agissements répétés et dans une situation de harcèlement.

Ce nouveau motif de rupture doit également être observé au regard d'autres causes de résiliation judiciaire. Il est acquis que le non paiement des salaires, des faits de harcèlement, le fait de ne pas organiser de visite de reprise quand celle-ci est obligatoire, la modification unilatérale de la rémunération du salarié constituent, entre autres exemples, des motifs de résiliation. Mais, c'est la première fois que la Cour se réfère à une cause aussi large, qui se détache finalement des obligations relevant strictement de la sphère contractuelle. L'exigence de respecter la dignité d'une personne va, bien évidemment, au-delà.


Malgré ces incertitudes, il semble possible d'affirmer que cette décision aura un impact important. Deux raisons, au moins, permettent d'avancer une telle hypothèse. Elle sera d'abord probablement envisagée pour d'autres cas de rupture : prise d'acte, licenciement disciplinaire, allons plus loin, pour éventuellement justifier la rupture de relations de travail autres que salariées. Ensuite, la preuve de ce manquement semble plus aisée qu'en cas de harcèlement, puisqu'il n'est pas nécessaire de démontrer l'existence d'agissements répétés, autre élément qui promet d'offrir un large écho à cette décision. E

 

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