Du bon usage de la mise à pied :
Si le pouvoir de direction de l'employeur permet à celui-ci la mise à l'écart du salarié suspecté d'avoir commis une faute, les sanctions financières qui affecteraient ce dernier demeurent à priori prohibées par l'article L.1331-2 du Code du travail.
Cependant, ce principe est tempéré par le régime de la mise à pied, qui prenant deux formes, conservatoire ou disciplinaire entraîne une perte de salaire pour le salarié durant la période d'exécution.
Or, qu'elles soient ou non qualifiées de sanctions, elles répondent à une véritable exigence procédurale, à laquelle l'employeur se doit d'être attentif.
L'article L.1331-1 du Code du travail dispose qu'une sanction est une mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement qu'il considère comme fautif et que cette dernière peut affecter ou non la présence du salarié dans l'entreprise, or, paradoxalement, la mise à pied conservatoire n'est pas une sanction (I) mais tout comme la mise à pied disciplinaire, elle affecte la présence du salarié dans l'entreprise (II)
I - la mise à pied conservatoire, mesure d'attente forcée
Lorsqu'un salarié est soupçonné d'avoir commis une faute grave, l'employeur peut le contraindre physiquement et financièrement à rester à l'écart de la bonne marche de l'entreprise.
S'il optait pour la mise à pied conservatoire, l'employeur bénéficiait d'un formalisme minimum, (prévenir le salarié verbalement), puis lui faire parvenir une lettre recommandée avec avis de réception où contre décharge en précisant le caractère conservatoire et indéterminée de la mesure qui lui serait appliqué.
Le salarié était par ailleurs convoqué à un entretien préalable aux fins d'être entendu sur une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.
Par ailleurs, il était établi de jurisprudence constante que les dispositions de l'article L.1332-3 du Code du travail (Cass.Soc, 09/04/08) laissaient supposer la commission par le salarie d'une faute grave.
Or, c'est cette interprétation qu'est venue contredire la Cour de Cassation dans son arrêt du 03/02/2010, considérant désormais, que cette mesure n'impliquait pas nécessairement que le licenciement prononcé soit disciplinaire, mais que ce dernier pouvait être validé par l'existence objective d'une insuffisance professionnelle.
Or, elle ne peut être constitutive d'une faute qu'en raison d'un comportement du salarié volontairement nuisible à l'entreprise.
L'employeur dispose ainsi des prérogatives suivantes :
- Soit, il signifie au salarié une sanction inférieure à celle envisagée au départ (blâme, licenciement, mise à pied disciplinaire couverte par la durée de la mise à pied conservatoire)
-Soit, il le licencie pour insuffisance professionnelle, mais en ce cas, la période d'inactivité doit également être rémunérée, car seule la faute grave peut entraîner une perte de revenu.
-Soit, il invoque classiquement un licenciement disciplinaire.
Il appartient des lors à l'employeur d'évaluer les faits justifiant le recours à cette mesure, mais si la faute grave est caractérisée, la mise à pied disciplinaire s'imposera avec d'autant plus d'efficacité quelle fera écho au respect du formalisme procédural.
II - La mise à pied disciplinaire
Une sanction disciplinaire est une mesure prise par l’employeur à la suite d’agissements du salarié qu’il considère comme fautifs. Avant d’appliquer la sanction, l’employeur est tenu de respecter une procédure destinée à informer le salarié concerné et à lui permettre d’assurer sa défense. Si la sanction envisagée est une mise à pied disciplinaire, elle doit être tout à la fois proportionnée et limitée dans le temps, elle doit de plus être la conséquence d'une faute grave.
Des lors, avant de prendre une sanction autre qu’un avertissement, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable en précisant l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien ( article R.1232-1 du Code du travail).
La convocation rappelle au salarié qu’il peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (articles D. 1234-4 à D.1232-12) du même Code.
Lors de l’entretien, l’employeur indique les motifs de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La convocation à l’entretien et la notification de la sanction doivent être faite par lettre recommandée où remise en main propre contre décharge, mais en ce cas, le salarié précise sur cette lettre de façon manuscrite qu'il a bien reçu cette dernière.
Précisons, qu'en matière de sanction disciplinaire, l'employeur doit envoyer cette lettre de convocation dans les deux mois suivants la découverte des faits fautifs, car sinon, ils ne pourront être qualifiés comme tels.
Enfin, à l'inverse de la mise à pied conservatoire, elle revêt le caractère d'une sanction particulière car elle entraîne la perte de la rémunération de la période incriminée pour le salarié.
Elle précède nécessairement la mise en œuvre d'un licenciement pour faute, sinon, elle serait qualifiée de conservatoire et donc rémunérée.