NOTE D’ORIENTATION N° CNO/03/2014

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PORTEE LIMITEE DE LA REVISION DE L’ACTE UNIFORME REGISSANT LES SOCIETES COMMERCIALES SUR LE PROCESSUS D’HARMONISATION DES STATUTS

PORTEE LIMITEE DE LA REVISION DE L’ACTE UNIFORME REGISSANT LES SOCIETES COMMERCIALES SUR LE PROCESSUS D’HA

NOTE D’ORIENTATION N° CNO/03/2014

1. Note introductive

 La République Démocratique du Congo connaît des croisements de textes qui, malgré quelques débats, ne dégénèrent pas en cacophonie juridique, encore moins en blocage du processus de mise en œuvre du droit uniforme. 

La loi autorisant l’adhésion de la RDC au Traité du 17 octobre 1993 a été promulguée le 11 février 2010, à un moment où le Traité révisé était déjà adopté, mais encore en attente de l’écoulement du délai de soixante jours après le dépôt du septième instrument de ratification pour son entrée en vigueur, laquelle a eu lieu près de cinq mois avant le dépôt de l’instrument d’adhésion à Dakar (13 juillet 2012). D’aucuns ont vainement attendu une nouvelle loi, une autre promulgation et un dépôt additionnel se rapportant au Traité révisé le 17 octobre 2008. En réalité, le premier alinéa de l’article 58 du Traité règle la question : « Tout Etat ratifiant le présent traité ou y adhérant postérieurement à l’entrée en vigueur d’un amendement au présent traité devient par là-même partie au traité tel qu’amendé ».

 Le règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) vient d’être révisé, à la grande satisfaction de tous. La succession de textes ne pose pas problème. La question de sa date d’entrée en vigueur sème cependant quelques confusions, mais pas seulement en RDC. Le premier alinéa de l’article 3 du Règlement  n° 001/2014/CM du 30 janvier 2014 modifiant et complétant le Règlement de procédure de la CCJA du 18 avril 1996 est clair à cet égard : « Le présent règlement, qui prendra effet à compter de la date de sa publication (…) ».

Au contraire, la révision de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) suscite d’intenses débats qui appellent clarification. Des débats pouvant préfigurer une tempête, mais visiblement dans un verre d’eau ! En effet, le champ de discussion véritablement pertinent limite son contours au seul sort des sociétés n’ayant pas harmonisé leurs statuts avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme révisé (5 mai 2014), plus exactement le sort des clauses contraires, car tout n’est pas forcément matière à harmoniser.

La présente note vise précisément à attirer l’attention des sociétés commerciales sur :

- l’applicabilité du droit uniforme à leur égard, singulièrement des règles régissant   les sociétés commerciales ;

 - la nécessité d’harmoniser leurs statuts avant l’expiration de la période transitoire allant du 12 septembre 2012 au 12 septembre 2014. 

Elle précise aussi le sort des sociétés qui auront omis d’accomplir cette formalité ainsi que l’impact de la révision de l’AUSCGIE (Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique) intervenue le 30 janvier 2014 sur le processus de mise en harmonie. Cet impact est mineur, parfois même inexistant, car les amendements et innovations issus de ladite révision (infra, paragraphe 4) visent rarement les dispositions classiques des statuts, lesquelles s’assortissent systématiquement de mesures d’ajustement automatique à l’évolution législative (infra, paragraphe 4), sans oublier les mécanismes de régularisation du droit communautaire des sociétés commerciales et du GIE (notamment article 75 AUSCGIE auquel se réfère la haute juridiction communautaire : CCJA, n° 035/2009, 30-6-2009 : Société AES SONEL SA c/ N. J., Ohadata J-10-86, cité par le Code pratique OHADA, Paris, Editions Francis Lefebvre, 2013, page 1342) (infra, paragraphe 9).

D’une manière générale, cette note rappelle que : l’Acte uniforme en vigueur s’applique aux sociétés même antérieurement  constituées, à quelques exceptions précises près ;

 - la date d’expiration de la période transitoire reste fixée au 12 septembre 2014 ;

 - à cette date, tous les statuts rédigés sur base du droit national devront avoir été mis en harmonie avec l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (« AUSCGIE » ou « Acte uniforme ») ;

 - l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique révisé (« AUSCGIE révisé » ou « Acte  uniforme révisé ») n’entraîne aucune extension de la durée de la période transitoire, bien que d’éventuels ajustements soient envisageables pour harmoniser, entre 2014 et 2016, les clauses conformes à l’AUSCGIE mais contraires à l’AUSCGIE révisé (hypothèse rare, comme indiqué au paragraphe 4 ci-dessous) ;

 - le défaut d’harmonisation n’entraîne pas dissolution (sauf lorsque le capital social est inférieur au minimum fixé par l’Acte uniforme et que l’alternative consistant à augmenter ledit capital ou à transformer la société n’a pas été appliquée), mais a pour conséquence que les clauses non conformes sont réputées non écrites, une régularisation n’étant toutefois pas à exclure (voir infra, jurisprudence CCJA) et « les dispositions nouvelles s’appliquent » (nouvelle rédaction de l’article 908).

- remplacé par le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM), le Nouveau Registre du Commerce (NRC) cessera d’exister, au lendemain du 12 septembre 2014, tant pour les sociétés commerciales que pour les commerçants personnes physiques.

2. Applicabilité de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et  du groupement d’intérêt économique

1° Cas des sociétés nouvellement constituées

 L’Acte uniforme s’applique aux sociétés en constitution :

 « Le présent Acte uniforme est applicable aux sociétés et aux groupements d’intérêt économique qui sont constitués sur le territoire de l’un des ‘Etats parties’ à compter de son entrée en vigueur dans ledit Etat partie. 

Toutefois, les formalités constitutives accomplies antérieurement n’ont pas à être  renouvelées » (article 907 AUSCGIE/ AUSCGIE révisé).

 Le principe est clair : soumission des sociétés qui se constituent à l’Acte uniforme en vigueur.

2° Cas des sociétés antérieurement constituées

- Principe

A l’exception des dispositions nationales contraires (ce qui ne vise ni les dispositions identiques ou celles qui comblent les lacunes du droit national, ni les statuts non encore harmonisés), l’Acte uniforme s’applique à ces sociétés en vertu des articles 908 et 919 :

« Les sociétés et les groupements d’intérêt économique constitués antérieurement à l’entrée en vigueur du présent Acte uniforme sont soumis à ses dispositions. Ils sont tenus de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions du présent Acte uniforme dans un délai de deux (2) ans à compter de son entrée en vigueur » (article 908 AUSCGIE révisé).

Le principe n’admet aucun doute : soumission des sociétés antérieurement constituées à l’Acte uniforme. Le fait d’instituer une période de mise en harmonie des statuts ne supprime pas le principe de soumission aux dispositions de l’Acte uniforme. De même, la soumission à l’Acte uniforme n’est pas édictée uniquement pour les besoins de la mise en harmonie. En effet, la mise en harmonie ne concerne, « le cas échéant », que les clauses statutaires contraires, précise l’article 909 : « La mise en harmonie a pour objet d’abroger, de modifier et de remplacer, le cas échéant, les clauses statutaires contraires aux dispositions impératives du présent Acte uniforme et de leur apporter les compléments que le présent Acte uniforme rend obligatoires ». 

La mise en harmonie ne vise pas la non conformité des clauses statutaires aux dispositions supplétives de l’Acte uniforme en vigueur. Elle n’affecte pas, non plus, les dispositions de l’Acte uniforme que ne connaissait pas la loi nationale, qui comblent des lacunes et s’appliquent sans suspension. 

Force est de constater que bon nombre de clauses statutaires des sociétés de droit  congolais consistent en une simple transposition de principes classiques et de termes standards répandus dans les systèmes juridiques d’obédience romano-germanique (comme le système congolais), à laquelle l’Acte uniforme est proche. 

La lecture de l’« Harmonisation du droit congolais avec les Actes uniformes de l’OHADA » (Commission Nationale OHADA, volume 1, Kinshasa, 2012, pages 235 à 335) révèlent l’identité d’objet, la compatibilité et la complémentarité entre la nette majorité des dispositions légales congolaises en matière de sociétés commerciales et celles du droit OHADA, à l’exception de la société anonyme dont les règles comblent désormais la quasi-absence de cadre juridique congolais de la société par actions à responsabilité limitée.

Les clauses statutaires concernées peuvent donc survivre et l’application des règles y relatives du droit uniforme ne peut subir aucune suspension : elle obéit au principe posé par l’article 908. 

- Tempérament

L’article 919, qui apporte un tempérament à cette soumission, en en enfermant l’effet à la période de deux ans et en en limitant l’étendue aux seules dispositions législatives nationales non conformes : 

- « Sont abrogées, sous réserve de leur application transitoire pendant une période  de deux (2) ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme, aux sociétés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, toutes dispositions légales contraires aux dispositions du présent Acte uniforme » (AUSCGIE).

 L’AUSCGIE révisé substitue la mention « toutes dispositions légales contraires aux  dispositions du présent Acte uniforme » par « l’Acte uniforme du 17 avril relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ».

- « Est abrogé, sous réserve de son application transitoire pendant une période de deux (2) ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme, aux sociétés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique » (AUSCGIE révisé).

 Ainsi, sous réserve de sa survie durant la phase transitoire d’harmonisation, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique est abrogé.

3. Période transitoire pour l’harmonisation des statuts

L’harmonisation des statuts doit s’opérer du 12 septembre 2012 au 12 septembre 2014.

L’Acte uniforme révisé ne supprime pas la fin de la période transitoire et ne crée pas une nouvelle période de tolérance pour les statuts dont la rédaction se fondait sur le droit national des sociétés. Il n’institue de nouvelle transition que pour les statuts déjà conformes au droit OHADA (AUSCGIE) au cas où tel amendement ou innovation de L’AUSCGIE l’impose, ce qui, en réalité, n’arrivera pas ou s’avérera fort rare pour, d’évidentes raisons mentionnées au paragraphe 4 ci-dessous.

A l’expiration de la période transitoire susvisée (12 septembre 2014), les sociétés, seront totalement régies par le droit uniforme : « Les clauses statutaires contraires sont réputées non écrites » (article 915 AUSCGIE) « et les dispositions nouvelles s’appliquent » (article 915 AUSCGIE révisé).

En RDC, le Nouveau Registre du Commerce (NRC) deviendra invalide et inopérant au lendemain du 12 septembre 2014. Tout commerçant ou société commerciale devra obligatoirement être identifié par un numéro de Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM).  

4. Textes de référence et impact mineur de l’AUSCGIE révisé sur la rédaction et l’harmonisation des statuts

Du 12 septembre 2012 au 4 mai 2014, l’Acte uniforme de référence pour l’harmonisation des statuts est l’AUSCGIE adopté le 17 avril 1997.

A compter du 5 mai 2014, la nouvelle rédaction de cet Acte uniforme l’emporte : il s’agit de l’AUSCGIE révisé.

L’AUSCGIE révisé comporte certes des innovations, notamment : administrateur provisoire, société par actions simplifiée, société par actions simplifiée unipersonnelle,  société à capital variable, régime des apports en industrie, faculté d’introduction des

NTIC dans les conseils d’administration et les assemblées générales ainsi qu’en matière de formalités et de publicité, régime de distribution d’actions gratuites aux salariés, nouvelles dispositions sur les valeurs mobilières. 

Cet Acte révisé apporte aussi d’importants amendements, entre autres : le régime des nullités, le mode de filialisation des succursales, les règles de gouvernance, la modification des seuils rendant obligatoire la présence de commissaires aux comptes dans les SARL, le renforcement du régime juridique des sociétés faisant appel public à l’épargne, la création de catégories d’actions.

Mais ce texte comprend de multiples corrections de pure forme (remplacement de « dommage » par « préjudice », ou de « siège » par « siège social », par exemple) et des ajustements découlant des exigences de la légistique (ainsi, la conjugaison au temps présent au lieu du futur ou encore le remplacement de la formule « doit être » ou « peut être » par « est ») qui n’affectent pas les statuts rédigés ou mis en harmonie avec l’AUSCGIE datant de 1997.

Par ailleurs, quelques options nouvelles rendent simplement facultatif ce qui était obligatoire : suppression de l’obligation de désigner des administrateurs actionnaires (à hauteur des deux tiers au moins des membres du conseil d’administration) ; possibilité pour les Etats de modifier, voire supprimer, l’exigence ou le montant minimum du capital social ou de renoncer au recours au notaire lors de la création des statuts.

Il est donc probable que les sociétés constituées entre le 12 septembre 2012 et le 4 mai 2014, ou ceux dont les statuts ont été mis en harmonie durant cette période, voient leurs statuts demeurer intacts sous l’empire de l’Acte uniforme révisé.

Ainsi, si l’harmonisation des statuts des sociétés de droit congolais justifie de substantielles modifications depuis le 12 septembre 2012, l’adaptation des statuts ainsi harmonisés ou de ceux des sociétés créées sous l’empire du droit OHADA sera soit sans objet, soit de très faible portée (touchant, le cas échéant, de très rares dispositions devenues contraires).

En tout état de cause, toute disposition non conforme sera réputée non écrite à l’expiration de la période transitoire liée à l’AUSCGIE révisé. Elle sera remplacée en vertu de l’article 915 AUSCGIE révisé : « les dispositions nouvelles s’appliquent ».

Cette régularisation sera, soit volontaire et spontanée, soit forcée en application de l’article 75 AUSCGIE/AUSCGIE révisé (voir paragraphe 9,1° ci-dessous).

En outre, la clause statutaire de style en vertu de laquelle les dispositions légales se substituent aux clauses contraires, véritable clause d’ajustement statutaire automatique, conduit au même résultat :

  « Pour tout ce qui n’est pas prévu aux présents statuts, les parties entendent se conformer à la législation en vigueur en République Démocratique du Congo.

Les dispositions de cette législation auxquelles il n’est pas dérogé licitement par les présents statuts sont réputées inscrites et les clauses qui seraient contraires aux dispositions impératives de cette législation sont réputées non écrites ».

 Enfin, en vertu de l’article 913 : « Si aucune mise en harmonie n’est nécessaire, il en est pris acte par l’assemblée des actionnaires ou des associés dont la délibération fait l’objet de la même publicité que la décision modifiant les statuts  » (article 913).

Les sociétés - probablement la très large majorité ou la quasi-totalité - qui constateront

que l’AUSCGIE révisé, qui entre en vigueur le 5 mai 2014, ne comporte pas de dispositions rendant contraires les clauses de leurs statuts (rédigés pour la constitution d’une nouvelle société ou harmonisés par souci de mise en conformité avec le droit uniforme, entre le 12 septembre 2012 et le 4 mai 2014) tiendront une assemblée générale extraordinaire à une date de leur choix, mais située entre le 5 mai 2014 et le 5 mai 2016, uniquement pour consigner ce constat dans un procès-verbal. Il ne s’agit pas d’une harmonisation, mais du constat de l’inutilité de la mise en harmonie, faute d’objet.

5. Sort des sociétés en constitution

Avant le 5 mai 2014, la constitution s’opère selon les règles de l’AUSCGIE, conformément à l’article 908 dudit acte.

A partir du 5 mai 2014, la constitution s’effectue sur base des prescrits de la nouvelle version de cet Acte uniforme, précisément l’AUSCGIE révisé : « Le présent Acte uniforme est applicable aux sociétés et aux groupements d’intérêt économique qui sont constitués sur le territoire de l’un des ‘Etats parties’ à compter de son entrée en

vigueur dans ledit Etat partie » (article 907 alinéa 1).

6. Sort des sociétés ayant harmonisé leurs statuts entre le 12 septembre 2012 et  le 4 mai 2014

 Les statuts ainsi harmonisés demeurent intacts et valables.

Toutefois, du 5 mai 2014 au 5 mai 2016, les clauses statutaires comprenant des  règles contraires aux dispositions impératives de l’AUSCGIE révisé devront être harmonisées. Comme observé précédemment, cette hypothèse pourrait s’avérer rare en pratique, car les matières modifiées ou nouvellement introduites par l’AUSCGIE révisé sont loin de figurer au nombre des clauses statutaires classiques. Et comme indiqué ci-dessus, une clause statutaire standard généralement reprise dans les statuts sociaux rend automatique l’ajustement à l’évolution législative (supra paragraphe 4).

En tout état de cause,  selon les termes du deuxième alinéa de l’article 907 :

« Toutefois, les formalités constitutives accomplies antérieurement n’ont pas à être renouvelées ».

7. Les sociétés n’ayant pas encore harmonisé leurs statuts entre le 12 septembre

2012 et le 12 septembre 2014

Avant le 5 mai 2014, l’harmonisation reste possible sur base de l’AUSCGIE.

A partir du 5 mai 2014, l’harmonisation se réalisera uniquement sur base de la nouvelle rédaction de cet Acte uniforme, précisément l’AUSCGIE révisé : « Les sociétés et groupements d’intérêt économique constitués antérieurement à l’entrée en vigueur du présent Acte uniforme sont soumis à ses dispositions. Ils sont tenus de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions du présent Acte uniforme dans un délai de deux (2) ans à compter de son entrée en vigueur » (article 908).

La fin du processus de mise en harmonie des statuts (rédigés en vertu du droit congolais des sociétés) avec le droit OHADA demeure le 12 septembre 2014. Les statuts harmonisés avant le 5 mai 2014 pourront ajuster (mise en harmonie) les éventuelles clauses conformes à l’AUSCGIE mais contraires à l’AUSCGIE révisé, ce, du 5 mai 2014 au 5 mai 2016 (pour cette hypothèse rare, voir le paragraphe 4 ci dessus).

8. Conséquences du défaut d’harmonisation entre le 12 septembre 2012 et le 4 mai 2014

Les sociétés qui n’auront pas encore accompli la formalité d’harmonisation entre le 12 septembre 2012 et le 4 mai 2014 pourront encore le faire entre le 5 mai 2014 et le 12 septembre 2014. Il est clair qu’à compter du 5 mai 2014, ils s’appuieront sur l’AUSCGIE révisé.

Mais le point de départ et la durée de la période transitoire pour mettre les société de droit congolais en harmonie avec le droit uniforme (tel que modifié et complété) ne changent pas.

Il reste certes vrai que les sociétés de droit congolais devenues sociétés de droit OHADA avant le 5 mai 2014 pourront connaître une nouvelle harmonisation, mais exclusivement dans l’hypothèse rare où des clauses statutaires conformes à l’AUSCGIE s’avèreraient contraires aux dispositions impératives de l’AUSCGIE révisé (sur l’objet de la mise en harmonie, voir article 909 AUSCGIE). De même en sera-t-il, à l’avenir, en cas d’amendement de l’AUSCGIE révisé.

9. Conséquences du défaut d’harmonisation le 12 septembre 2014

1° Clauses réputées non écrites et application des dispositions nouvelles

L’article 915 AUSCGIE et AUSCGIE révisé pose une règle claire :

« A défaut de mise en harmonie des statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, dans le délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur, les clauses statutaires contraires à ces dispositions sont réputées non écrites et les dispositions nouvelles s’appliquent » (la mention « et les dispositions nouvelles s’appliquent » est un ajout de l’AUSCGIE révisé).

Cette règle appelle deux remarques.

D’une part, le défaut de mise en harmonie au 12 septembre 2014 n’empêche pas la  survie de la société défaillante, mais les clauses de ses statuts qui s’avéreraient non conformes deviendraient ipso facto réputées non écrites : « Le défaut de mise en harmonie des statuts d’Air Afrique avec les dispositions de l’AUSCGIE ne saurait avoir d’autres effets que de rendre ‘réputées non écrites’ les clauses statutaires contraires à ces dispositions » (CCJA, n° 04/2004, 8-1-2004 : A.D. et autres c/ Compagnie Multinationale Air Afrique et autres, Ohadata J-04-88 ; J-05-49, cité par le Code pratique OHADA, op. cit., page 1342).

D’autre part, ladite société ne se décomposerait pas en société de fait (nouvellement redéfinie par l’article 864 AUSCGIE révisé), car les clauses réputées non écrites seront remplacées par « les dispositions nouvelles » comme le sous-entend l’article 915 AUSCGIE et le précise explicitement la nouvelle rédaction de cet article (AUSCGIE). Du reste, les statuts comportent généralement la clause de stabilité ou d’ajustement automatique reproduite au paragraphe 4 ci-dessus. Enfin, le droit communautaire des sociétés commerciales et du GIE comporte des mécanismes de régularisation visant à renforcer les chances de survie de la société (notamment les articles 75 et 242 à 250 AUSCGIE et AUSCGIE révisé). 

En tout état de cause, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) a déjà fixé les esprits à une époque où la mention « les dispositions nouvelles s’appliquent » n’était pas encore insérée dans l’article 915 :

« L’article 908 de l’AUSCGIE n’a prévu aucune sanction pour le défaut d’harmonisation des statuts d’une société commerciale, sauf à mettre en œuvre l’article 75 dudit Acte uniforme, aux termes duquel ‘si les statuts ne contiennent pas toutes les énonciations exigées par le présent Acte uniforme, ou si une formalité prescrite par celui-ci pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente, dans le ressort de laquelle est situé le siège social, que soit ordonnée, sous astreinte, la régularisation de la constitution …’ » (CCJA, n° 035/2009, 30-6-2009 : Société AES SONEL SA c/ N. J., Ohadata J-10-86, cité par le Code pratique OHADA, op. cit., page 1342).

La haute juridiction communautaire apporte également d’utiles autres éclairages :

« L’article 908 de l’AUSCGIE qui prescrit aux sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique constitués antérieurement à son entrée en vigueur de mettre en harmonie leurs statuts avec ses dispositions dans un délai de deux ans, ne sanctionne pas par la nullité (de la société) le défaut de cette mise en harmonie. Seules les clauses statutaires contraires à ces dispositions sont réputées non écrites conformément aux dispositions de l’article  915. Par conséquent le moyen visant le défaut d’harmonisation des statuts pour dire que la société concernée n’existait plus juridiquement pour pouvoir ester en justice doit être rejeté » (CCJA, 1

ch., n° 001, 4-2-2010 : M.B. c/ 1° Intertrans Trading Limited Gabon SARL ; 2° Intertrans Trading Limited Niger SARL ; 3° S.A.T.A. SARL, Ohadata J-11-45, J-12-21, cité par le Code pratique OHADA, ibid).

2°) Dissolution, sauf cas de régularisation par augmentation du capital ou transformation de la société

 Un risque de dissolution pèse sur les sociétés dont le montant du capital social est inférieur au minimum prévu par l’Acte uniforme (minimum non modifié par l’AUSCGIE révisé) : 2.000 USD pour les ex. SPRL (correspondant à la SàRL de droit OHADA) et 20.000 USD pour les ex. SARL (correspondant à la SA de droit OHADA). L’Acte uniforme prévoit la dissolution de ces sociétés, mais offre une double alternative permettant d’en assurer la survie, à savoir l’augmentation du capital social ou la transformation en une forme de société avec laquelle le capital existant serait en conformité (article 914 AUSCGIE et AUSCGIE révisé) :

« A défaut d’avoir augmenté leur capital social au moins du montant minimal prévu à l’article 311 du présent Acte uniforme pour les sociétés à responsabilité limitée et à l’article 387 du présent Acte uniforme pour les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes dont le capital serait inférieur à ces  montants doivent, avant l’expiration du délai fixé à l’article 908 du présent Acte uniforme, prononcer leur dissolution ou se transformer en société d’une autre forme pour laquelle le présent Acte uniforme n’exige pas un capital minimum supérieur au capital existant ».

Commentant les articles 908 et 914 (par référence à une note sous l’article 908 au sujet du deuxième alinéa de cet article, lequel alinéa est abrogé et avait perdu de sens depuis longtemps, car il visait une forme de société introuvable dans tout l’espace OHADA : la société en commandite par actions), la doctrine s’interroge sur le sort d’une société « dissoute de plein droit » si personne n’invoque son illégalité ou sa dissolution » ; elle conclut que pareille société devrait être assimilée à une société de fait « si l’on en juge par l’article 865 qui dispose qu’une société qui n’accomplit pas les formalités légales constitutives prévues par l’Acte uniforme ou qui adopte une forme non reconnue par cet Acte est une société de fait » (Code OHADA, 4è édition, Paris, Editions Juriscope, 2012, pages 653 et 654).

L’application de l’article 914, en ce qu’elle prévoit la dissolution de plein droit, ne concerne que la SPRL de droit national congolais au capital inférieur à 2.000 USD et la SARL (équivalent de la SA de droit OHADA) au capital inférieur à 20.000 USD, à la double condition suivante en RDC : défaut, à la date du 12 septembre 2014, de mise en harmonie des statuts avec le droit OHADA et absence de régularisation par une augmentation du capital social ou une transformation en une autre forme de société dont le minimum requis pour le capital social serait respecté.

En conséquence, le risque de dissolution de plein droit est strictement lié à la question du montant minimum du capital social et relève essentiellement d’une hypothèse d’école, à moins de vouloir expressément la réalisation effective de ce risque fatal en tournant le dos aux mécanismes de régularisation.  

10. Hypothèses d’harmonisation entre le 5 mai 2014 et le 5 mai 2016

Entre 2014 et 2016, toute société de droit OHADA, dans tout l’espace OHADA, vérifiera la conformité de ses statuts avec l’AUSCGIE révisé. En cas d’absence de mentions obligatoires ou de non conformité d’une ou de plusieurs clauses, une harmonisation s’imposera entre le 5 mai 2014 et le 5 mai 2016. Elle se limitera aux seules clauses statutaires non conformes aux nouvelles dispositions impératives, car « la mise en harmonie a pour objet d’abroger, de modifier et de remplacer, le cas  échéant, les clauses statutaires contraires aux dispositions impératives du présent

Acte uniforme et de leur apporter les compléments que le présent Acte uniforme rend obligatoires » (article 909 AUSCGIE/ AUSCGIE révisé). Et, à défaut d’harmonisation à l’expiration du délai de deux ans, « seules les clauses statutaires contraires à ces dispositions sont réputées non écrites conformément aux dispositions de l’article 915 » (CCJA, 1ère ch., n° 001, 4-2-2010 : M.B. c/ 1° Intertrans Trading Limited GabonSARL ; 2° Intertrans Trading Limited Niger SARL ; 3° S.A.T.A. SARL, Ohadata J11-45, J-12-21).

Ce processus ne concerne pas les sociétés se créant à partir du 5 mai 2014 dans tout l’espace OHADA. De même, il ne vise pas les sociétés de droit congolais qui n’auraient pas mis leurs statuts en harmonie avant le 5 mai 2014. Ces dernières pourront harmoniser lesdits statuts entre le 5 mai 2014 et le 12 septembre 2014 en se  conformant à l’Acte uniforme révisé et en application au moment de cette mise en harmonie (qui doit intervenir dans le délai de deux ans fixé par l’Acte uniforme le 12

septembre 2012, au moment de son entrée en vigueur en RDC, et bien avant sa révision du 30 janvier 2014).

Fait à Kinshasa, le 8 avril 2014.

Roger Masamba

Président de la Commission Nationale OHADA.

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