Profil de l’Ohada L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (Ohada) apporte une réponse appropriée, pratique, harmonieuse et africaine à la problématique ci-dessus. Dotée de la personnalité juridique internationale, cette organisation comprend quatre institutions : le Conseil des ministres (législatif votant les actes uniformes à l’unanimité), la Cour commune de justice et d’arbitrage (judiciaire veillant à l’interprétation et réglant le contentieux de l’application du traité) qui intervient comme cour suprême supranationale autant que comme structure d’appui à l’arbitrage, le Secrétariat permanent (exécutif, qui assiste le Conseil des ministres et gère le quotidien) et l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.
En vertu de l’article 2 du traité du 17 octobre 1993, par droit des affaires, l’Ohada entend « l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports », mais aussi « toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l’unanimité, d’y inclure », conformément à l’objet du traité de l’Ohada. Cette conception extensive du droit des affaires s’illustre déjà par des normes juridiques uniques appelées actes uniformes. En vue d’améliorer le climat d’investissement mais aussi de s’inscrire dans une perspective africaine de création d’un espace juridique et judiciaire commun devant aller de pair avec, au plan politique, la consolidation de l’unité africaine et, au plan économique, l’émergence d’un marché commun africain, la RDC a tout intérêt à adhérer à l’Ohada, unique espace juridique et judiciaire commun en Afrique, probable catalyseur pour l’unification ou l’harmonisation du droit dans tout le Continent africain. En tout état de cause, pour les raisons évoquées précédemment, il importera soit de réformer sensiblement notre droit dans l’isolement, ce qui conduira à plagier subtilement ou clandestinement les textes de l’Ohada compte tenu de leur haute qualité, soit à participer à l’idéal africain en adhérant à l’Ohada. En fait, le choix a déjà été fait, seules les modalités pratiques et la concrétisation des options restant à accomplir. Il apparaît en effet que les délégués représentant la Nation à Sun City ont levé l’option pour l’adhésion de notre pays à l’Ohada (selon le Directeur de Cabinet du Vice-Président de la République chargé de l’Ecofin). Dans cet élan difficilement réversible, le gouvernement s’est aussi engagé à accélérer l’adhésion de la RDC à l’Ohada (lettres d’intention adressées au FMI en juillet et décembre 2003), adhésion annoncée par le Président de la République pour 2004, relayé en cela par toutes les autorités du pays.
Analyse comparative et de conformité du droit congolais et des normes de l’Ohada
L’analyse comparative du droit congolais et des normes de l’Ohada révèle une nette avance des secondes, comme en témoignent éloquemment les analyses comparatives de l’annexe 2 du Rapport final et les tableaux présentés en annexe 3 du même rapport. Certes, bon nombre de règles sont conformes ou compatibles avec le droit Ohada, à quelques nuances près : droit de l’arbitrage, droit comptable, droit du transport. Il est vrai que des différences se dessinent clairement à travers les procédures simplifiées de recouvrement des créances, totalement inconnues dans notre ordre juridique, et les voies d’exécutions, nettement plus modernes et mieux fournies en droit Ohada. Mais il n’en demeure pas moins que le droit congolais des affaires est bien loin du néant et conserve pieusement l’héritage napoléonien. Cependant, force est de constater que, pratiquement non actualisé depuis près de cent vingt ans pour le texte de référence relatif aux sociétés commerciales, quatre-vingt-dix ans pour le code de commerce (droit commercial général), soixante-dix ans pour le droit de la faillite, notre droit des affaires ne répond plus adéquatement aux besoins des opérateurs économiques et aux réalités du monde moderne. Par exemple, le droit commercial (comme le droit civil du reste) se cramponne encore sur l’incapacité juridique de la femme mariée ; le droit des sociétés par actions à responsabilité limitée (SARL) équivalent de la société anonyme de l’Ohada repose sur trois articles, dont le premier commence par imposer une autorisation de l’exécutif pour la création de ce type de société. La société unipersonnelle est inconnue, alors qu’elle peut contribuer à faciliter la structuration de l’économie informelle. De même, notre système juridique ne contient aucune disposition sur la société de fait, alors qu’elle pourrait également exercer d’utiles pressions sur la formalisation de l’économie souterraine. D’autres lacunes contrastent avec les avancées du droit Ohada : droit pénal des sociétés, procédures d’alertes, rôle et pouvoirs des commissaires aux comptes ; droit des entreprises en difficulté : des rapprochements sont perceptibles entre les deux systèmes juridiques (le concordat préventif et le concordat simple du droit congolais ressemblent grosso modo au règlement préventif et au redressement judiciaire du droit Ohada), mais sans le modernisme et le perfectionnisme de ce dernier système. En droit commercial général des innovations de tailles seront apportées en cas d’adhésion de la RDC à l’Ohada. Elles concerneront notamment : le registre du commerce et du crédit mobilier qui reçoit non seulement les immatriculations des commerçants et sociétés, mais aussi l’inscription de sûretés mobilières, avec également l’avantage qu’offrira aux opérateurs économiques la centralisation nationale et régionale des informations et la possibilité d’exercer leurs activités dans large espace en s’immatriculant dans un Etat partie (celui du lieu du principal établissement ou du siège social) ; le fonds de commerce, que notre droit n’évoque qu’incidemment au sujet du gage du fonds de commerce, a retenu l’attention du législateur Ohada qui en circonscrit la composition et organise des opérations bien connues des praticiens comme le nantissement, la vente et la location-gérance ; inconnu en droit congolais, le bail commercial, indispensable pour les opérateurs économiques non propriétaires est minutieusement réglementé en droit Ohada avec des mécanismes de protection des locataires (droit au renouvellement), mais sans mépris à l’égard des intérêts du bailleur. Enfin, la vente commerciale repose sur des règles adaptées et inspirées de la convention de Vienne, alors que le droit congolais se résigne encore à appeler au secours le droit civil, en sa qualité de droit commun. Toutefois les lacunes sont moins graves en droit des sûretés, les plus frappantes concernant la lettre de garantie et la lettre de contre garantie que notre droit ne connaît pas. Par ailleur s, diverses matières régissant la vie des affaires reposent sur un arsenal juridique récent ou actualisé dans des domaines qui échappent à l’empire du droit Ohada. Comme on l’a obs ervé plus haut, ces textes demeureront intacts en cas d’adhésion à l’Ohada et leur stricte application contribuera assurément à l’amélioration du climat de l’investissement : Code des investissements, Code minier, Code forestier, réforme fiscale, réforme douanière. Magistrat Ezéchiel Amani Cirimwami Directeur |