Quelle option pour l'harmonisation juridique des pays de la CEPGL

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Quelle option pour l'harmonisation juridique des pays de la CEPGL

J’ai lu avec intérêt votre analyse intitulée « Quelle option pour l’harmonisation juridique des pays membres de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) ». Je voudrais aussi apporter ma modeste contribution à cette réflexion en espérant quelle pourra nous édifier davantage sur cette question importante de notre sous-région. Je me trouve actuellement à Bukavu pour quelques jours et je serais honoré de vous rencontrer.

 

Je suis aussi conscient que vous de la difficulté pour la CEPGL de réaliser l’intégration économique dans les pays membres. Comme vous l’avez si bien dit ; le droit est l’instrument par lequel se réalisera l’intégration économique. D’où la nécessité de réaliser d’abord une intégration juridique des pays membre de la Communauté Economique des Pays des Grands-Lacs, en acronyme CEPGL de manière à trouver une concordance plus ou moins grande et nette des régimes juridiques applicables aux activités économiques dans les pays membres quelque soit le lieu de leurs accomplissements.

 

Selon Sid Ahmed ; l’intégration permet le renforcement du pouvoir de négociation des pays concernés à un moment où la régionalité des échanges mondiaux devient de plus en plus une réalité. Parler d’une même voix permet de se faire entendre … Elle s’impose pour des raisons économiques, elle sera vue dans ce cas comme une stratégie de développement .

 

La Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), est crée en 1976. Pour les Etats membres (le Burundi, le Rwanda et la République Démocratique du Congo), l'objectif est de mener des actions conjointes en vue de l'essor économique de la région. Mais l’un des aspects les plus importants pour les pays membres de la CEPGL est de s’assurer une sécurité mutuelle. En effet, le 2 aout 1966 ; les Etats membres signent l’accord de coopération en matière de sécurité. L’article 5 de cet accord stipule que : « Chacune des parties s'engage à interdire l'installation des bases militaires étrangères, le stationnement et le transit des forces étrangères, du matériel militaire, d'individus ou groupes d'individus dont il aurait des raisons de croire qu'ils constituent un danger ou une menace pour l'une des parties. Au cours des entrevues ultérieures entre les différents chefs d'Etats, la sécurité est toujours la principale préoccupation. En effet, le 20 mars 1967, soit quelques mois après la signature de ce premier accord de sécurité, les chefs d'Etats se retrouvent pour signer une déclaration commune, dite la déclaration de Goma. Dans celle-ci, ils s'engagent à se concerter régulièrement et à se transmettre tous les renseignements relatifs au maintien de la sécurité dans leur pays respectif. C'est au cours de cette réunion que est instaurée la tripartite, autre étape marquante de l'évolution vers ce qui va devenir plus tard la CEPGL. Par la conclusion des ces accords de sécurité ; il ressort une certaine similitude entre les trois pays membres : tous sont dirigés par des régimes à parti unique dérivant en régimes dictatoriaux et une convergence de compatibilité des valeurs, l'essentiel du pouvoir concentré entre les mains d'un seul individu ou d'un groupe. Fraîchement installés au pouvoir, les trois régimes sont désireux de consolider leur autorité. Cette convergence rend possible une installation d'une communauté de sécurité par les accords de 1966, prémices de la CEPGL. En octobre 1990, c'est en application de cette décision que le chef d'Etat congolais, Mobutu justifie l'envoi des troupes congolaises aux côtés des Forces Armées Rwandaises (FAR), combattre les éléments armés du Front Patriotique Rwandais (FPR). Ce mouvement, composé d'anciens réfugiés rwandais en Ouganda, envahit le Rwanda à partir de l'Ouganda qui ne faisait pas partie de la communauté de sécurité. Le gouvernement Burundais ne prit pas la même décision ce qui crée un climat de suspicion entre les Etats membres. En effet, le Burundi est soupçonné d’appuyer le FPR. Certains observateurs interprètent la position burundaise comme la preuve d’une solidarité ethno-raciale entre tutsi rwandais et burundais. Ainsi, beaucoup des jeunes recrues du FPR, majoritairement tutsi notamment les Banyarwanda en provenance du Kivu, transitent par le Burundi avant de rejoindre le maquis et le front au Rwanda.

 

En novembre 1991, le Parti pour la Libération du Peuple Hutu (Palipehutu) attaque le Nord-Ouest du Burundi, près de la frontière congolaise. Le Palipehutu aurait obtenu un appui des commandos congolais installés à Luberizi, au Sud-Kivu. Cet appui aurait été justifié par la volonté du Chef d’Etat congolais de déstabiliser le régime burundais afin de mettre fin à la tentative de démocratisation entreprise dans ce pays; cette tentative constituait un risque de voir naître des revendications démocratiques dans le Congo du Maréchal-président. Car au Congo, cette période voyait également se développer les revendications démocratiques qui poussent le Chef de l'Etat à mettre fin au régime monopartiste. Ainsi débuta la longue période

dite de transition démocratique. Le début des années nonante symbolise la fin des régimes à parti unique dans les différents pays de la communauté.

 

Ces évolutions socio-politiques, et notamment l’apparition de nouveaux acteurs politiques dans les différents pays membres font voler en éclats ce qui reste de la communauté de sécurité.

En juillet 1994, le FPR, déjà présent sur la scène politique rwandaise depuis octobre 1990 gagne la guerre et devenait le réel détenteur du pouvoir au Rwanda.

 

L'évolution de la communauté de sécurité de 1990 à 1997, instaurée par les trois régimes à parti politique unique le MPR au Congo, MDR-Parmehutu au Rwanda et Uprona au Burundi, et développée par des présidents militaires Habyarimana au Rwanda, Mobutu au Congo, Bagaza et Buyoya au Burundi, montre qu'ils se sont inspirés du volet sécuritaire du modèle européen. L’incapacité à résoudre la problématique des déplacements de la population au sein de l’espace Grands Lacs conjuguée à l’apparition des nouveaux acteurs au sein de cet espace ont eu raison de la communauté de sécurité.

 

Depuis les débuts de années quatre-vingts dix ; des changements importants s’opèrent dans la région des Grands Lacs. Le régime du Président Habyarimana est déboulonné est remplacé par le régime actuel qui n’a pas des bonnes relations avec les autres pays membres de la CEPGL. Le Rwanda s’englophonise et se tourne désormais vers l’Afrique orientale, dominé par le droit anglo-saxon. Le droit rwandais est même entrain de s’imprégner de la doctrine du droit anglo-saxon. Il y a trois ans ; que ce pays claqué la porte de la Communauté Economique des Etas d’Afrique Centrale, en acronyme CEEAC. Depuis l’année passé ; le Rwanda a adhéré au Commonwealth ; avant cela elle a adhéré à l’East African Community et se trouve actuellement entrain de revoir son arsenal juridique de manière à le rendre familier au droit de la famille juridique anglo-saxonne. Le Rwanda est entrain de légiférer pour se développer sous le modèle anglo-saxon ; ce qui n’est pas le cas pour les autres membres.

 

Au moment où le Rwanda est entrain de tourner le dos à la famille juridique romano-germanique et s’intègre dans la famille juridique anglo-saxonne ; un autre pays membre de la CEPGL ; la RDC est entrain de faire son entrée dans une dynamique autre ou même contraire à celui du Rwanda ; il s’agit de son adhésion à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ; en acronyme OHADA.

 

La RDC a rejoint l’OHADA pour rendre son marché attractif pour les investissements privés, porteurs de croissance et d’emploi. Pour ce faire ; une série des révisions dans l’arsenal juridique congolais est en vue. Le droit de l’OHADA est un droit que l’on pense être de la tradition juridique romano-germanique. En y adhérant le Congo reste dans la famille juridique romano germanique et s’intègre dans la région d’Afrique Centrale. Il convient de dire que le droit de l’OHADA est un droit qui est plus tôt proche du droit français que le droit anglo-saxon auquel le Rwanda est entrain d’adhérer.

 

Un autre pays membre de la CEPGL revoit son système juridique ; mais contrairement à la RDC ; il souhaite le rendre conforme au droit des affaires de l’East African Community dont il est membre. Le droit des affaires de l’East African Community est de la famille juridique anglo-saxonne. Les pays membre de l’East African Community sont également du giron anglo-saxon ( il s’agit du Kenya ; de la Tanzanie ; de l’Ouganda ; du Burundi et du Rwanda ).

 

Au regard à ceci ; nous constatons que tous les pays de la CEPGL sont chacun entrain de revoir sont système juridique en ordre dispersé. Chacun privilégie d’autres intérêts que ceux de la communauté et cela traduit le fait que une véritable intégration économique n’est pas la préoccupation majeure des pays membres. Le Rwanda ; le Burundi et la RDC ont chacun le souci de se développer mais pas au travers de la CEPGL. A-t-elle été crée sous l’initiative des pays membres ? Cette question mérite d’être posé surtout à la lumière de ces propos de l'ancien premier ministre congolais Kengo wa Ndondo qui disait : « certains prêts financiers, censés dynamiser les processus d'intégration, étaient conditionnés par la signature des traités préparés dans des bureaux d'étude en Europe » L’intégration juridique qui devrait servir de locomotives à l’intégration économique de ses Etas membres sera impossible aussi longtemps que s’organise des poches des droits concurrents au sein d’une même communauté régionale.

 

Nous pensons que la CEPGL a échoué à sa mission d’intégration. Cela entre autre parce qu’en 1966, seules les préoccupations des dirigeants sont prises en compte. Ce n'est que plus tard que seront abordés les problèmes de développement économique. Même si, la paix et la sécurité restent les conditions sine qua non à toute action de développement et de bien-être de la population.

 

Les populations des pays concernés doivent avoir un style de vie commun. Au vu de l'histoire et de la culture de ces populations, on peut estimer qu'elles possèdent un style de vie commun. Pour la plupart, elles appartiennent à l’aire historico-culturelle des Grands Lacs. Cependant, la division territoriale du Congo en deux aires culturelles distinctes doit être prise en compte. La partie Est, swahiliphone, qui partage un style de vie proche du Rwanda et du Burundi, et la partie Ouest, lingalaphone, dont les caractéristiques culturelles s'orientent vers celles de la cuvette centrale congolaise.

Cet échec de la CEPGL peut être dû au fait que l’initiative d’intégration vient parfois d’ailleurs que des pays membres ; comme le sous-entend l’ancien premier ministre Kengo L'échec de la CEPGL est lié non seulement à l'application d'un modèle inadéquat, mais également à la mauvaise définition et à la délimitation inappropriée de l'espace concerné par le processus d'intégration. Le modèle européen est inadéquat parce que le contexte socio-politique de la Région des Grands Lacs et les présupposés du contenu étatique africain sont différents.

 

Quelle option pour les Etats membres de la CEPGL de réaliser leur intégration économique sous régionale, au regard des traditions juridiques et de l’environnement géopolitique ?

 

Si le Rwanda et le Burundi se tournent vers les traditions juridiques anglo-saxonne ; c’est à cause de leurs intérêts économiques qu’ils trouvent plus en Afrique de l’Est et alors dans le giron anglo-saxon qu’en Afrique Centrale. En effet ; que ce soit pour l’importation ou l’exportation ; l’essentiel des rapports économiques du Rwanda et du Burundi passent par l’Afrique de l’Est dont tout les pays membres sont anglo-saxons. Vu que le Rwanda et le Burundi s’intègrent dans cette famille du droit qui n’est pas celle de la CEPGL, ils devront quitter la CEPGL.

 

La RDC ; resterait-elle alors membre unique de la CEPGL ? Cela est absurde car l’idée même de communauté sous-entend la présence d’au moins deux personnes. Nous pensons que la CEPGL va disparaitre car les pays membres n’ont pas le souci d’intégration alors que c’est cela qui devrait les amener à élaborer des normes allant dans le sens de la convergence de leurs droits.

Que ce soit pour l’exportation (essentiellement des produits miniers à l’état brut) dans les provinces congolaises du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ; que pour l’importation ; les opérations économiques de ces deux régions de la RDC se réalisent par l’Afrique de l’Est. Les opérations économiques de la Province congolaise du Katanga se réalisent essentiellement par l’Afrique de l’Est (Tanzanie) ou l’Afrique Australe (Zambie) qui est la porte de sortie et d’entrée du Katanga car le chemin de fer qui était censé relier le Katanga au port de Matadi est dans un état pitoyable. Les autres provinces de la RDC sont économiquement plus en relation avec les pays d’Afrique Centrale, c’est-à-dire l’Angola, le Congo-Brazza.

Cela est la raison pour laquelle la RDC est membre de plusieurs organisations régionales aux traditions parfois contraires ou opposées ( la Communauté de Développement des Etats d’Afrique Australe , en acronyme SADEC ; le Common Market for Eastern et Southern Africa , en acronyme COMESA ; la CEAC et bien d’autres). LA CEPGL devra alors disparaitre.

 

Il s’impose alors la nécessité de réfléchir sur le positionnement dans l’un des organisations régionales en examinant les atouts à y gagner.

La RDC devrait adhérer à une seule communauté régionale issues soit de la famille juridique anglo-saxonne, soit de celle romano-germanique. Il devra trouver dans laquelle peut-elle trouver le plus d’avantages économiques. La condition sine qua none pour la réussite d’une telle décision serait de développer les conditions d’affaire et moyens de transport entre l’Est, l’Ouest, le Sud et le Nord en passant par le centre (les deux Kasaï ).

Les Etats membres de la CEPGL élaboreraient des normes facilitant l’intégration économique entre eux si cela était un souci pour eux. En effet ; le Rwanda et le Burundi ont agressé à deux reprises la RDC ; causant une guerre qui a causé plus de six millions de mort et des conséquences économiques très graves. Le Congo ne participait plus jusqu’il y a peu aux réunions de la CEPGL et avait retiré ses représentants de tous les organes de cette organisation. Il y a peu seulement que la RDC est rentré dans la CEPGL mais l’on peu penses qu’ils restent dans l’esprit des congolais des suspicions ; la rancune ou que le Rwanda a gardé ses velléités dominatrice sur le Congo.

 

KIRHERO NONDA Serge

Etudiant en L2 Droit Economique et Social de l’Université Libre des Pays des Grands à Goma

 

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1 Publié par CLUB OHADA BUKAVU
12/03/2011 20:52

Merci infiniment serge pour ce commentaire
Pleins succès et franche collaboration
Magistrat Ezéchiel

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