Rappel des faits
En 2018, Monsieur et Madame X ont été démarchés par une plateforme frauduleuse de trading en vue d'investir des fonds sur le Forex avec d'une part, la promesse de gains importants et d'autre part, une rentabilité rapide et certaine de leur investissement.
Depuis leur compte bancaire Crédit Agricole, les consorts X ont émis, à la demande de la plateforme frauduleuse, plusieurs virements à destination de comptes ouverts à l'étranger pour un montant total de 231.400 euros, entre juin 2018 et septembre 2018.
Très rapidement, la plateforme frauduleuse est devenue injoignable et les consorts X n'ont jamais pu récupérer leurs fonds.
Dans ces circonstances et estimant que le Crédit Agricole n'avait pas respecté son devoir de vigilance à l'égard du fonctionnement manifestement inhabituel de leur compte bancaire, Monsieur et Madame X ont assigné leur banque, le Crédit Agricole, afin d'obtenir réparation de leur préjudice financier.
Manquement du Crédit Agricole à son devoir de vigilance et engagement de sa responsabilité contractuelle
1) Sur l'activité inhabituelle du compte bancaire
Sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil, le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a, avant toute chose, rappelé que :
"Il résulte de cette disposition que le banquier est tenu, à l’égard de son client profane, d’un devoir de mise en garde et de vigilance dont il doit prouver l’exécution effective."
Après avoir souligné que Monsieur et Madame X n'avaient pas la qualité d'investisseurs avertis et qu'ils ne possédaient aucune expérience en matière de placements financiers, les juges ont énuméré plusieurs anomalies intellectuelles apparentes qui affectaient le compte bancaire des consorts X :
- Première anomalie intellectuelle relevée : le montant des virements, qu'ils soient pris isolément (de 32.000 euros à 80.000 euros par virement) ou globalement (230.000 euros) ;
- Deuxième anomalie intellectuelle relevée : la destination des virements. Le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a précisé à ce titre que "la localisation des comptes crédités dans l'Union européenne n'est nullement un gage de sécurité (ou d'apparence de sécurité) [...]" ;
- Troisième anomalie intellectuelle relevée : la fréquence d'exécution des virements. En effet, cinq virements importants avaient été exécutés en moins d'un mois ;
- Quatrième anomalie intellectuelle relevée : le caractère inhabituel des opérations. Les juges ont en effet considéré que "les relevés versés aux débats ne mentionnent aucun autre virement aussi élevé ou effectué à l'étranger".
2) Sur le placement de la plateforme frauduleuse sur la liste noire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) antérieurement à l'exécution des virements
Le Tribunal de Clermont-Ferrand a ensuite indiqué que la plateforme frauduleuse, dont avaient été victimes Monsieur et Madame X, figurait sur la liste noire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) depuis septembre 2017, soit avant l'exécution des virements des consorts X par le Crédit Agricole.
A ce titre, les juges ont considéré que :
"[...] alors même que cette entité était inscrite sur la liste noire publiée par l'Autorité des Marchés Financiers [...] et que ce simple fait devait conduire le CREDIT AGRICOLE à adopter une posture d'alerte maximale"
Malgré la présence de nombreuses anomalies intellectuelles apparentes qui affectaient le fonctionnement du compte bancaire de ses clients et la présence de la plateforme frauduleuse sur la liste noire de l'AMF, le Crédit Agricole n'a, à aucun moment, exercé son devoir de vigilance.
Condamnation du Crédit Agricole à indemniser ses clients à hauteur de 95% du préjudice financier
Au regard de ces manquements, le Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a alors déclaré que le Crédit Agricole avait manqué à son devoir de vigilance :
"La banque, qui a ignoré ces anomalies manifestes, caractérisées et répétées, a donc manqué à son devoir de vigilance et de mise en garde - lequel devait nécessairement l'emporter sur son obligation de non-immixtion, sauf à vider son obligation général de conseil de toute substance"
Il a ensuite été établi que le Crédit Agricole avait privé les consorts X d'une chance de ne pas effectuer les virements litigieux et de conserver les fonds investis :
"La probabilité de renoncer est évaluée, au regard des éléments précités qui auraient dû conduire à une mise en garde franche et univoque sous forme d'avertissement solennel, à 95%"
Le Crédit Agricole a par conséquent été condamné à indemniser ses clients à hauteur de 95% du préjudice financier subi, soit 218.500 euros.
Décision commentée : TJ Clermont-Ferrand, 3 mars 2022, n°20-03988
Une procédure d'appel est actuellement en cours.
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Me Céline CHAPMAN / Me Gaël COLLIN
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