1) Exposé du litige soumis à l’appréciation de la Cour d’appel de Toulouse
Salarié de la SA G. depuis le 1er juillet 2005 en qualité de responsable qualité, M. Michel M. a démissionné de ses fonctions par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2008, et demandé à être dispensé partiellement de l'exécution de son préavis, à compter du 30 septembre.
Le 24 septembre 2009, il a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Albi d'une demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence insérée à son contrat de travail.
Par jugement du 5 juillet 2010, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une indemnité de 500 € en application de l' article 700 du Code de procédure civile, retenant que l'employeur avait valablement levé la clause de non-concurrence par courrier du 31 juillet 2008, conformément aux stipulations de la convention collective applicable des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le salarié a régulièrement relevé appel de cette décision.
Développant oralement ses conclusions écrites, il soutient que le courrier du 31 juillet 2008 ne lui a été présenté que le 5 septembre 2008 puis à nouveau le 8 septembre 2008, bien après l'expiration du délai dans lequel la convention collective applicable enferme la possibilité pour l'employeur de renoncer à la clause de non concurrence.
Il prétend qu'il a apposé sa signature au bas de cette lettre en raison du chantage de l'employeur qui le menaçait de refuser la dispense partielle de préavis.
Il estime que d'une part la chronologie des échanges épistolaires, d'autre part l'attestation de Monsieur C, autre salarié qui démissionnait dans les mêmes conditions, confirment sa version des faits.
Enfin, il fait valoir que les conditions d'une confirmation d'un acte irrégulier font défaut.
Le salarié réclame en conséquence les sommes de 27.509 € et 2.750,90 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, la somme de 9.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'inexécution fautive de l'obligation contractuelle, ainsi qu'une indemnité de 4.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Développant également ses conclusions écrites à l'audience, la SA G. entend démontrer l'incohérence de la version de Monsieur M., son remplaçant ayant été embauché le 1er septembre 2008, soutient que l'acceptation par M. M. de la lettre le 31 juillet 2008 a conditionné l'accord donné le 1er août 2008 au salarié d'écourter son préavis.
Elle conteste la valeur probante de l'attestation produite et fait valoir subsidiairement qu'en toute hypothèse, en ratifiant la lettre du 31 juillet 2008, le salarié a confirmé l'acte de renonciation de son employeur de sorte qu'il ne peut plus se prévaloir de sa nullité.
Elle demande la confirmation du jugement, réclame la somme de 3.000 € à de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 2.500 € en remboursement de ses frais de défense.
2) Motifs de la décision rendue par la Cour d’appel de Toulouse
La clause de non concurrence contractuelle visait la France et l’Europe, pour une durée d'un an, et renvoyait aux stipulations de la convention collective pour le calcul de la contrepartie financière.
L'article 28 de la convention collective applicable permet à l'employeur de se décharger du paiement de cette contrepartie sous condition de prévenir l'intéressé par écrit dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail de ce qu'elle le libère de l'interdiction de non concurrence.
C'est donc à la SA G. qu'il appartient de démontrer qu'elle s'est valablement déchargée de cette obligation, c'est-à-dire qu'elle a avisé par écrit le salarié de sa renonciation unilatérale à l'interdiction de non concurrence au plus tard le 1er août 2008, la lettre de démission ayant été reçue le 24 juillet précédent (article 641 du Code de procédure civile).
Celle-ci n'ayant pas procédé par lettre recommandée avec accusé de réception, elle ne peut justifier avoir envoyé cette dénonciation dans le délai conventionnel.
Son courrier dactylographié daté du 31 juillet 2008 ne comporte que la signature du salarié, sans mention par ses soins ou ceux de l'employeur de la date de la remise. Il ne contient donc aucune reconnaissance par le salarié de ce que le courrier lui a été remis le 31 juillet, et en tous cas avant le 2 août 2008.
La chronologie des échanges épistolaires ne permet pas plus de prouver à quelle date est intervenue la remise au salarié de ce courrier :
- le courrier par lequel l'employeur accuse réception de la lettre de démission, en date du 1er août, n'en fait pas état, pas plus qu'aucun des autres courriers échangés entre parties avant l'expiration de la relation contractuelle,
- il n'y a aucun motif à privilégier la thèse de l'employeur - selon laquelle il n'a donné son accord de principe le 1er août 2008 pour un départ anticipé du salarié qu'en raison de la levée de la clause entérinée la veille- par rapport à celle du salarié qui soutient n'avoir obtenu cet accord définitif, par lettre du 8 septembre, qu'après avoir signé ce jour-là la lettre du 31 juillet 2008.
Au surplus il est établi et non contesté que la même lettre, datée du 31 juillet 2008, signée d'un autre salarié démissionnaire de l'entreprise, ne lui a été remise en main propre que début septembre.
En dernier lieu, la simple signature du salarié au bas du courrier ne saurait caractériser la volonté effective et non équivoque de ce dernier de renoncer à l'action tirée du caractère tardif de la remise de ce courrier, de sorte que la SA G. ne peut prétendre que le salarié a confirmé l'acte nul.
En conséquence, la preuve n'étant pas rapportée de ce que la SA G. a renoncé à la clause de non concurrence selon les modalités fixées par la convention collective applicable, elle doit verser la contrepartie financière due en application des stipulations combinées de son contrat de travail et de la convention collective, soit les sommes telles qu'évaluées par le salarié et dont le montant ne donne lieu à aucune discussion.
Le salarié est également fondé à obtenir le dédommagement du préjudice causé par l'inexécution fautive par l'employeur de son obligation de paiement, préjudice qui n'est pas entièrement réparé par les intérêts légaux. Il lui est alloué à ce titre la somme de 3.000 €.
3) La réparation du préjudice subi par le salarié
En l'espèce, l'employeur n'établit pas qu'il a renoncé dans le délai conventionnel à l'interdiction de non concurrence.
L'employeur doit en conséquence verser la contrepartie pécuniaire et le salarié est fondé à demander le dédommagement du préjudice causé par l'inexécution fautive par l'employeur de son obligation de paiement[1].
La Cour le condamne donc à payer au salarié :
- les sommes de 27.509 € et 2.750,90 € au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et de l'indemnité de congés payés y afférente,
- la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'inexécution fautive de l'obligation de paiement de cette contrepartie.
- une indemnité de 2.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par Claudia CANINI, Avocat à la Cour
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[1] C. Appel Toulouse 1er Mars 2012 N° 10/04199