LA NON-EXPLOITATION DU FONDS DE COMMERCE SUR LE LIEU LOUE ET LES CONSEQUENCES SUR LE BAIL COMMERCIAL

Publié le 30/03/2013 Vu 19 915 fois 7
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Le droit des baux commerciaux est technique et très encadré. Chaque situation se présentant au preneur ou au bailleur nécessite vigilance et attention.

Le droit des baux commerciaux est technique et très encadré. Chaque situation se présentant au preneur ou a

LA NON-EXPLOITATION DU FONDS DE COMMERCE SUR LE LIEU LOUE ET LES CONSEQUENCES SUR LE BAIL COMMERCIAL

 Une situation attirera dans cet article particulièrement notre attention; celle de la non-exploitation du fonds de commerce sur le lieu loué par le preneur, pour diverses raisons, mais qui appelle à connaitre les conséquences de cette hypothèse sur les parties au bail commercial et sur le bail lui-même.

 

 I. CONCERNANT LE RENOUVELLEMENT DU BAIL:

 Le droit au renouvellement du bail commercial est d'ordre public, c'est-à-dire qu'aucune clause ne peut s'y opposer. Néanmoins, à la lettre des dispositions du Code de Commerce:

 Article L145-17 du Code de Commerce

I. - Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité :

1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;


Article L. 145-8 du Code de Commerce

 Le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux.

 Le fonds transformé, le cas échéant, dans les conditions prévues à la section 8 du présent chapitre, doit, sauf motifs légitimes, avoir fait l'objet d'une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ou de prolongation telle qu'elle est prévue à l'article L. 145-9, cette dernière date étant soit la date pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.

La cessation d'exploitation peut donc:

 - soit constituer un motif grave et légitime de refus de renouvellement:

 CEPENDANT il faut rester attentif, en effet : l'absence ou l'insuffisance de motivation d'un congé avec refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes sans offre d'indemnité d'éviction laisse subsister le congé et le droit pour le preneur de prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction.

 Cass. 3e civ., 28 oct. 2009, n° 07-18.520 et 08-16.135, FS-P+B, Mmes Elicabide c/ Mmes Lavigne et Thouanel (pourvoi c/ CA Pau, 27 juin 2006) : JurisData n° 2009-050052

 

- soit priver le locataire du droit au renouvellement du bail et le placer en dehors du champ d'application du statut des baux commerciaux, rendant ainsi inutile toute mise en demeure

Des arrêts illustrent cette tendance:

  Cass. 3ème civ 16 mai 1962 STE RADIAX C/ KLEIN

"ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL CONSTATE QUE LA SOCIETE RADIAX N'EXPLOITE PLUS SON FONDS DE COMMERCE DANS LES LIEUX LOUES ET QUE CEUX-CI, DEPUIS LE TRANSFERT DE CE FONDS, QU'AVAIT IGNORE LE BAILLEUR, NE CONSTITUAIENT QUE DES LOCAUX ACCESSOIRES NON INDISPENSABLES A L'EXPLOITATION DUDIT FONDS ;

QUE, DANS CES CIRCONSTANCES, ELLE A DECIDE, A BON DROIT, QUE LA LEGISLATION SUR LE RENOUVELLEMENT DES BAUX COMMERCIAUX ETAIT SANS APPLICATION EN LA CAUSE ET QU'EN CONSEQUENCE LA SOCIETE LOCATAIRE NE POUVAIT SE PREVALOIR DE L'ACCEPTATION DU PRINCIPE DU RENOUVELLEMENT DU BAIL, POUR PRETENDRE AU PAYEMENT DE L'INDEMNITE D'EVICTION, PREVUE PAR LE DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 ;"


 Cass. 3ème civ. 27 février 1991 STE ROGARAY C/ ELF FRANCE

"Mais attendu qu'ayant relevé que les réserves formulées dans le congé, avec offre d'indemnité d'éviction, visaient les conditions requises par le décret du 30 septembre 1953 pour son application et que la société Rogaray n'exploitait pas les lieux depuis plus de 3 ans, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant exactement que le bailleur pouvait invoquer, postérieurement au congé, une cause d'inapplicabilité du statut des baux commerciaux ;"

 Cass. 3ème civ. 12 juillet 2000 n°98-21.945

Mais attendu, qu'ayant constaté que le fonds avait été inexploité du 30 juin 1990 au 30 juin 1991, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, si la période d'observation consécutive à l'ouverture de la procédure collective constituait un motif légitime de non-exploitation au regard du refus de renouvellement du bail sans indemnité, il n'en était pas de même pour l'inexploitation se poursuivant au-delà de cette période ;

 

 Cass. 3e civ. 16 janvier 1991, Palma c/ Arnaud

La cour d'appel a légalement justifié sa décision de refuser au locataire de locaux commerciaux le droit au renouvellement de son bail, faute d'exploitation effective du fonds de commerce dans les lieux loués, dès lors qu'ayant souverainement relevé qu'à la date du constat d'huissier, dont elle a apprécié la valeur probante, il n'y avait aucune activité dans les lieux loués.

Cependant malgré ces exemples jurisprudentiels, une exception subsiste;

Le locataire peut prouver l’existence d’un motif légitime l’ayant conduit à interrompre l’exploitation de son fonds de commerce.

Une raison sérieuse et légitime est nécessaire.

Les motifs invocables sont divers et peuvent résulter, notamment, de la procédure collective du locataire, de son état de santé, ou de son comportement fautif ou de celui du bailleur.

- procédure collective: (Cass. 3ème10 décembre 2008 n°07-15241)

 

L'appréciation du caractère légitime des motifs invoqués relève là aussi du pouvoir souverain des juges du fond.

 (Cass. 3e civ. 1er février 1989 n° 201 D, Decroix c/ Rey).

En l’état actuel de la jurisprudence, il semblerait que la non-exploitation se soit pas imputable à une faute du locataire, ce qui est positif pour ce dernier dans sa relation contractuelle avec son bailleur.


II. CONCERNANT LA RESILIATION DU BAIL:

 En cours de bail, la résiliation aux torts du preneur ne peut être encourue pour défaut d'exploitation du fonds en l'absence d'une stipulation explicite à laquelle le locataire aurait contrevenue.

 La Cour de cassation casse  au motif que « l'obligation d'exploiter est une condition d'application du statut des baux commerciaux dont l'inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués ».

(Cass. 3e civ. 10 juin 2009 n° 07-18.618 (n° 653 FS-PB), Sté Halles des Viandes c/ Pugliese).

 

La résiliation du contrat de bail pour inexploitation du fonds de commerce est impossible si elle n’est pas prévue par une clause contractuelle.

Autrement dit, l’exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués n’est pas une obligation inhérente à l’économie du bail commercial, et sans clause résolutoire indiquant cette hypothèse, la résiliation ne pourra pas avoir lieu.

 

III. CONCERNANT LA CESSION DU DROIT AU BAIL COMMERCIAL

 Par principe, le bail commercial est habituellement cédé avec le fonds de commerce qui y est exploité et il est classique d’affirmer que cette cession ne peut être refusée à son locataire par le bailleur conformément à l’article L. 145-16 du Code de commerce.

Lorsqu’il est question de céder le bail commercial sans le fonds de commerce, la règle est différente:

Lors de la cession du bail commercial seul, il faut vérifier que le locataire en titre exploite correctement son fonds, et qu’il n’existe pas de litige entre le preneur et son bailleur. En effet, pour invoquer le droit au renouvellement du bail commercial à l’issue de la période initiale ou renouvelée, le locataire doit exploiter son fonds de commerce depuis au moins trois ans (art. L. 145-8 C. com.).

En effet, il convient de souligner que le bailleur peut s'opposer à la cession du droit au bail, néanmoins:

Le refus du bailleur d'autoriser la cession du droit au bail nécessite un motif légitime.

Une société ayant conclu un bail commercial décide de céder son droit au bail à une autre société. Le propriétaire des locaux commerciaux refuse d'agréer la société cessionnaire du droit au bail sans motif, après avoir tenté de négocier directement avec elle pour conclure un nouveau bail commercial. 
La locataire demande en justice des dommages-intérêts pour le refus abusif de la cession de bail. Et le propriétaire demande que soit constatée la résiliation du bail pour non-exploitation des lieux loués. 
La Cour de cassation n'accède pas à la demande du bailleur. Elle rappelle que le refus opposé par le bailleur à cette cession ne peut pas être discrétionnaire mais doit avoir un motif légitime. L'échec des pourparlers que le bailleur avait menés avec la société cessionnaire pour conclure un nouveau contrat de bail n'est pas un motif légitime du refus de la cession. Le bailleur doit donc réparer le préjudice subi par le locataire en raison de son refus abusif.

(Cass. civ. 3, 15 juin 2011, n° 10-16233)

 

Aussi, pour être efficace, l’acquisition du seul droit au bail doit permettre au cessionnaire d’exploiter suffisamment longtemps son commerce pour bénéficier du droit au renouvellement. En conséquence, l’acquéreur s’abstiendra, sauf accord spécifique avec le propriétaire du local, d’acquérir un bail commercial dont l’échéance est inférieure à trois ans.

Il est dès lors conseillé d'être particulièrement vigilant concernant le déroulement de son bail commercial, et dans le cas d'une non-exploitation pour diverses raisons de se rapprocher de son bailleur pour mieux appréhender les situations évoquées ci-dessus, et surtout, de connaitre les stipulations de son bail en tout état de cause.

 

F.D

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1 Publié par Visiteur
21/07/2014 18:21

BONJOUR

j'ai signé un bail commercial le 1 er mars 2006 avec une société que j'appellerais X . Ayant 2 sociétés avec le même gérant et la même exploitation c'est la 2ème société que j’appellerais Y qui a exploité le fonds de commerce jusqu'au 2 janvier 2013, le propriétaire était au courant mais rien d'écrit , par contre les factures de loyers et de charges étaient bien intitulé au nom de la société Y .Depuis le 2 janvier 2013 c'est bien la société X qui a signé le bail qui exploite le fonds . Le problème , le propriétaire m'a fait signifier un refus de renouvellement de mon bail au 28 février 2015 invoquant l'inexploitation du fonds par le locataire X signataire du bail pendant les 3 années avant l'expiration du bail . il ne reconnait pas la sous location entre mes 2 sociétés . Je signale que dans mon bail il n'y avait aucune clause à se sujet
merci de m'informer

2 Publié par Visiteur
23/11/2015 09:59

j'ai contracté un bail de 9ans d'exploitation hotelière auprès d'un service immobilier, il se trouve que les revenus générés par leur fonction, ne couvre pas les dépenses de fonctionnement qui me reviennent, comment résilier le bail

3 Publié par Visiteur
23/11/2015 18:38

Cher Monsieur,

Votre question amène une réponse spécifique qui dépasse le simple commentaire sur ce blog. Si vous souhaitez développer votre commentaire, je vous invite à m'envoyer un mail à l'adresse suivante: david.faravelon@gmail.com

Restant à votre disposition,

Bien cordialement,

David Faravelon

4 Publié par Visiteur
06/10/2016 15:43

Bonjour Maître

Dans ma boutique il y a eu cession avec un nouveau locataire et celui-ci ma demandé au terme du bail un renouvellement par huissier et je le lui ai accordé également par huissier mais avec une augmentation de loyer.
Puisqu'il conteste l’augmentation, j'ai engagé une commission de réconciliation et si je n'obtiens pas un loyer satisfaisant, je veux utiliser moi droit d'option et donc résilier le renouvellement .

Ma question est: à quel moment puis-je invoquer mon droit d'option et suis-je en droit de ne pas payer les indemnités d’éviction si le locataire n'a pas eu plus de trois ans d’activé dans les lieux avant le terme du contrat, en effet, le contrat a commencé le 10 septembre 2007 et c'est terminé le 9 septembre 2016, la cession du locataire a été faite le 8 janvier 2014 ( ce qui fait 2 ans et 9 mois) et il a ouvert mi avril 2014 ci qui fait 2ans et demi d'activité?

Bien cordialement,
Michel J.

5 Publié par Visiteur
08/12/2016 12:18

Bonjour,

Je souhaite acquérir un droit au bail d'un local commercial préempté par la ville depuis plus de 3 ans.
Quid de la procédure de rétrocession ? Peut elle encore se faire au profit de la ville, ou dois je passer directement avec le propriétaire ?
Quelle peut être le prix de ce droit au bail, après 3 ans de non exploitation du local ?
Merci d'avance pour vos conseils

6 Publié par Visiteur
14/01/2017 10:54

Pour invoquer le droit au renouvellement du bail commercial à l’issue de la période initiale ou renouvelée, le locataire doit exploiter son fonds de commerce depuis au moins trois ans (art. L. 145-8 C. com.).
La question du bailleur est comment vérifier, ou s'assurer que le preneur a effectivement exploité le
fond de commerce à l’issue de la période initiale ou renouvelée. Quels sont éventuellement les documents pouvant êtres légalement demandés ou exigés à cet effet ?
Les trois derniers bilans ? .................

7 Publié par Visiteur
16/01/2017 12:15

Bonjour,Pour invoquer le droit au renouvellement du bail commercial à l’issue de la période initiale ou renouvelée, le locataire doit exploiter son fonds de commerce depuis au moins trois ans (art. L. 145-8 C. com.).La question du bailleur est comment vérifier,prouver ou s'assurer que le preneur a effectivement exploité le fond de commerce à l’issue de la période initiale ou renouvelée. Quels sont éventuellement les documents pouvant êtres légalement demandés ou exigés à cet effet ?
Les trois derniers bilans ? .........CORDIALEMENT

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