Pour rappel, l’article L. 145-41 du Code de commerce prévoit le dispositif de la clause résolutoire. Lorsqu’un commandement émis par le bailleur vise la violation d’une obligatoire expressément prévue dans le bail, et que le preneur n’y procède pas dans un délai d’un mois, la résiliation dudit bail intervient de plein droit. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Le juge n’ayant pour seul contrôle celui du respect des conditions visées à l’article L. 145-41 du Code de commerce et du respect de la bonne foi posée à l’article 1134, alinéa 3, du Code civil.
En l’espèce, dans l’arrêt du 11 février 2016 (n° 14-25.323), rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, un propriétaire donne à bail à une société des locaux commerciaux à destination de vente au public de produits alimentaires. Le 20 mai 2010, le bailleur délivre au preneur un commandement, visant la clause résolutoire du bail, de garnir les lieux loués et d’exploiter effectivement le fonds de commerce. Considérant qu’elle y procédait déjà, la société locataire assigne le bailleur en opposition à ce commandement.
La cour d’appel avait débouté le propriétaire de son action en résiliation de plein droit du bail par acquisition de la clause résolutoire mise en œuvre par le commandement qu’il a délivré. Elle retient à cet effet son insuffisance probatoire de la persistance injustifiée des infractions reprochées.
Le bailleur reproche à la cour d’appel de l’avoir débouté de ses demandes et fait valoir que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit produit effet un mois après un commandement de payer resté infructueux. Dans les deuxième et troisième branches de son moyen, il reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si les éléments probatoires qu’il invoquait à sa cause n’étaient pas de nature à prouver la persistance des infractions visées par le commandement.
En effet, il est fait grief à la cour d’appel de n’avoir pas constaté la persistance alors que, d’une part, la société locataire n’avait pas exécuté une décision antérieure l’ayant condamnée à verser une certaine somme d’argent au titre des loyers dus ; qu’en outre, l’huissier de justice alors chargé des mesures d’exécution n’avait rien pu saisir d’utile. D’autre part, le bailleur retient que les bilans et comptes de résultats de la société et l’état de ses stocks ou de ses achats suffisaient à faire la preuve de la persistance injustifiée des infractions reprochées.
La Cour de cassation s’accorde sur le raisonnement de la cour d’appel. En premier lieu, le bailleur n’avait pas fait constater par huissier que le défaut de garnissage et l’absence d’exploitation du fonds de commerce visés au commandement avaient perduré, passé le délai d’un mois. Par ailleurs, la Cour de cassation énonce que la cour d’appel a souverainement retenu qu'en dépit d'une exploitation rendue difficile du fait des nombreux débordements des sanitaires situés au sous-sol, résultant de la non-conformité de cette installation, divers articles se trouvaient dans la boutique et que les bilans et les comptes de résultat de la société locataire, ainsi que l'état de ses stocks et de ses achats, ne suffisaient pas à démontrer la persistance des infractions. La cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer les recherches visées par les deuxième et troisième branches, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
Ainsi, il ressort de cet arrêt que pour qu’une clause résolutoire soit acquise, une simple infraction ne suffit pas. Une sommation est nécessaire, l’infraction doit avoir duré un certain temps (condition de persistance) et doit avoir été constatée par voie d’huissier de justice. La Cour de cassation vient ici sanctionner la mauvaise foi du bailleur ; lequel ne peut, dès lors, agir en acquisition de la clause résolutoire. Le commandement délivré au preneur est entaché de nullité.
Un conseil pratique peut être prodigué au locataire menacé par une clause résolutoire stipulée au sein du contrat de bail le liant au propriétaire ; en effet, la seule réunion des conditions de l’article L. 145-41 du Code de commerce ne suffit pas. Encore faut-il que le propriétaire soit de bonne foi, conformément à l’article 1134, alinéa 3, du Code civil. Cependant, cela devra être soulevé par le preneur dans la mesure où le juge ne peut pas soulever d’office le moyen tiré de la mauvaise foi du propriétaire.
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