Résiliation et fin du bail commercial : la clause résolutoire

Publié le Modifié le 19/05/2016 Vu 5 699 fois 0
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Visée à l’article L. 145-41 du code de commerce, la clause résolutoire sanctionne le cocontractant qui a manqué ou commis une faute dans l’exécution des clauses et conditions du contrat de bail. Elle conduit à une résiliation automatique, « de plein droit ». L’application de la clause résolutoire est subordonnée à la signification préalable d’une mise en demeure de procéder à l’exécution des obligations découlant du bail commercial.

Visée à l’article L. 145-41 du code de commerce, la clause résolutoire sanctionne le cocontractant qui a

Résiliation et fin du bail commercial : la clause résolutoire

I. Principe et champ d’application

1. Principe : la clause résolutoire permet d’obtenir la résiliation d’un bail commercial en cas de manquement contractuel du locataire. Cependant, s’agissant d’une cause de résiliation volontaire et conventionnelle, il conviendra pour en obtenir l’application, que ladite clause soit incluse au contrat de bail commercial et qu’elle vise le manquement reproché.

2. Champ d’application : la clause résolutoire s’applique aux baux commerciaux soumis au statut des baux. Les parties peuvent néanmoins prévoir conventionnellement une extension entraînant l’application du statut à un contrat de bail qui n’en relève pas.

3. Si à l’origine, était exclusivement concerné le défaut de paiement du loyer aux échéances convenues entre les parties, désormais, l’article L. 145-41 du code de commerce est applicable pour quelque motif que ce soit ; la clause résolutoire peut donc viser autant des charges qu’une obligation de faire.

II. Conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire

L’article L. 145-41, alinéa 1er, du code de commerce prévoit que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

D’une façon générale, la mise en œuvre de la clause résolutoire implique :

  • de démontrer l’existence d’une faute imputable au preneur et relative aux charges et conditions du contrat de bail commercial ;
  • que ce manquement soit prévu dans la clause résolutoire ;
  • que ladite clause soit invoquée de bonne foi par le bailleur (même si les conditions d’application de la clause sont réunies, la mauvaise foi du bailleur peut entraîner l’échec de sa mise en œuvre) ;
  • que le manquement ait persisté au-delà du délai d’un mois après mise en demeure.

A. Conditions de fond

La mise en œuvre de la clause résolutoire suppose en premier lieu que soit expressément stipulé dans le bail que la faute reprochée est sanctionnée par la résiliation de plein droit. La Cour de cassation a retenu sur le fondement des articles 1134 du code civil et L. 145-41 du code de commerce que la résiliation de plein droit d’un bail commercial, en vertu de la clause résolutoire qu’il contient, implique nécessairement un manquement à des obligations expressément visées dans celui-ci. En outre, le bailleur ne doit pas avoir renoncé à bénéficier de l’application de cette clause. Étant entendu que la renonciation ne peut résulter que d’actes faisant état d’une volonté non équivoque ; la renonciation pouvant être néanmoins tacite.

Enfin, le bailleur invoquant l’application de la clause résolutoire devra être de bonne foi. La Cour de cassation n’hésitant pas à refuser l’application pour mauvaise foi du bailleur (pour un exemple de mauvaise foi, voir : Cass. civ. 3ème, 11 février 2016, n° 14-25.323).

B. Conditions de forme

La mise en œuvre de la clause exige donc que le bailleur ait préalablement notifié au preneur une mise en demeure précisant l’infraction reprochée. La jurisprudence précise le contenu de cette mise en demeure :

- Doit y être mentionné le délai d’un mois prévu à l’article L. 145-41. Ce rappel est impératif tout comme l’est le respect du délai. En effet, est nulle la clause résolutoire insérée au bail prévoyant sa mise en œuvre quinze jours après un commandement resté infructueux (Cass. civ. 3ème, 8 décembre 2010, no 09-16.939).

- Doivent y être indiquées de façon expresse les clauses non respectées par le preneur. Cette obligation vise à informer ce dernier de ce qui lui est reproché afin qu’il puisse, le cas échéant, procéder à la régularisation des faits. À défaut, la Cour de cassation a considéré comme nuls le commandement ou la sommation.

Le commandement ou la sommation réguliers (non entachés d’un vice de forme) permettront d’obtenir la résiliation de plein droit du bail commercial, s’ils ne sont pas suivis d’effet dans le délai d’un mois. De même, l’infraction doit persister ; il revient au bailleur de prouver cette persistance.

Lorsque les conditions sont réunies et que l’infraction visée par la mise en demeure persiste au-delà du délai d’un mois, la résiliation est acquise de plein droit. Le bailleur devra alors la faire constater par le tribunal de grande instance ou le juge des référés compétents, sauf en cas de contestation sérieuse. Il est à noter que la finalité de l’assignation n’est pas de faire prononcer la résiliation du contrat mais de respecter ce qu’avaient prévu conventionnellement les parties en cas de résiliation.

III. Procédure de la mise en œuvre de la clause résolutoire

Bien souvent, le juge des référés du tribunal dans le ressort duquel se trouvent les lieux loués est compétent pour se prononcer soit sur l’acquisition de la clause résolutoire, soit sur une demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire (cf. infra). Bailleur et preneur peuvent donc prévoir expressément et conventionnellement sa compétence en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire.

En pratique, si le bailleur assigne le preneur devant le juge des référés en vue de faire constater la clause résolutoire, le preneur de son côté soulèvera très probablement une contestation sérieuse pour s’opposer à la recevabilité des demandes. Le juge des référés peut dès lors se déclarer incompétent en cas de contestation sérieuse sur le manquement invoqué.

Ainsi, le locataire qui n’aurait pas obtempéré dans les délais impartis pour se libérer de ses obligations ou dont l’expulsion aurait été prononcée par l’ordonnance de référé ayant constaté l’acquisition de la clause, ne peut demander au juge de l’exécution un délai supplémentaire pour libérer les locaux commerciaux. Le juge de l’exécution n’a de fait pas le pouvoir de suspendre une clause résolutoire définitivement acquise en raison de l’incapacité du locataire à faire face aux délais qui lui étaient imposés dans le cadre de la suspension des effets de la clause résolutoire par le juge des référés.

IV. Suspension judiciaire de la clause résolutoire : mécanisme protecteur du preneur

L’article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce autorise le juge, sous certaines conditions, à accorder des délais au preneur, et à suspendre les effets de la clause résolutoire.

Cet alinéa 2 dispose que : « Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Quelles sont les subtilités que recouvre cet article L. 145-41, alinéa 2 ? Explications.

A. Conditions de la suspension judiciaire

La demande de suspension

L’alinéa 2 de l’article L. 145-41 prévoit que la demande de suspension est « présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil ». Il résulte de la formulation de cet article que la demande doit être formulée par le preneur ; le juge ne pouvant se saisir ni l’accorder d’office.

De même, d’un point de vue procédural, la demande ne peut être reçue que « lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée ». Ainsi, le locataire ne se voit pas imposer un délai particulier ; la seule obligation pour lui est d’agir avant toute décision définitive ayant l’autorité de la chose jugée.

Ainsi, le locataire qui à l’expiration du délai d’un mois n’a toujours pas exécuté l’obligation litigieuse, mais qui l’exécute avant qu’une décision ne vienne constater la résiliation, aura tout intérêt à effectuer une demande de suspension judiciaire, car la juridiction saisie pourra constater la résiliation malgré l’exécution intervenue.

Les pouvoirs du juge

Le juge dispose de pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 1244-1 à 1244-3 du code civil. Ceux-ci concernent l’octroi de délais dans une limite de deux ans au maximum, en considération de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Il peut, ainsi, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. La Cour de cassation lui reconnaît, à ce titre, un pouvoir discrétionnaire le dispensant de toute motivation quant à la décision qu’il aurait prise. Cependant, la cour d’appel de Caen a jugé qu’il n’était pas permis au juge d’accorder un nouveau délai si le premier n’a pas été respecté.

B. Effets de la suspension judiciaire

Les effets varient selon que le locataire se libère ou non de son obligation à l’issue du délai qui lui a été octroyé par le juge.

Dès lors qu’aucune résiliation n’a été constatée par une décision passée en force de chose jugée, le juge peut librement accorder des délais. À la suite de la suspension, si le locataire obtempère dans les délais qui lui incombe, l’effet du commandement ou de la sommation est annulé et la clause résolutoire ne pourra jouer.

A contrario, si le preneur n’exécute pas l’obligation dans les délais accordés par le juge, quel que soit le manquement qui lui est reproché, la clause résolutoire jouera à la date d’expiration du délai d’un mois rappelé par la mise en demeure. Comme cela a été évoqué, le locataire ne saurait demander l’accord de nouveaux délais ; la clause résolutoire est définitivement acquise.

V. Effets de la clause résolutoire

A. Effets vis-à-vis du bailleur

Le bailleur dispose de plusieurs facultés lorsque la clause résolutoire est acquise. Il peut, à cet effet contraindre le preneur à exécuter ses obligations après saisine du juge compétent ; solliciter le bénéfice de la clause résolutoire avec les conséquences en découlant (expulsion, perte du fonds de commerce exploité dans les locaux loués) ; refuser le renouvellement du bail pour des motifs graves et légitimes (article L. 145-17 du code de commerce).

B. Effets vis-à-vis du preneur

Si dans le délai d’un mois prévu par la mise en demeure ou à la suite des délais accordés par le juge en cas de suspension judiciaire, le preneur n’a pas rempli ses obligations, il risque une action du bailleur.

Pour rappel, ça n’est pas l’extinction du délai qui prive le locataire des droits dont il dispose mais la décision ayant force de chose jugée constatant définitivement l’acquisition de la clause résolutoire.

Le locataire s’expose également, outre les conséquences relatives à l’acquisition de la clause résolutoire, à des sanctions conventionnelles complémentaires telles que le remboursement des frais de poursuite, la fixation à l’avance d’indemnité, l’acquisition de l’intégralité du dépôt de garantie au bailleur à titre d’indemnité.

Je reste à votre disposition pour tout acte, consultation ou information.

Maître David Semhoun

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