UNION MEDITERRANEENNE POUR LE PROGRES
Quel statut pour les enfants recueillis sous Kafala par des parents français ?
Table ronde organisée par l’Union Méditerranéenne du Progrès, Université D’Automne
Hyatt Regency Casablanca
Vendredi 12 novembre 2010, 09h00 – 12h 00
09H45 – Présentation des acteurs et de leurs expériences
- Jean-Luc Martinet, délégué national UMP Maroc
- Maitre Mohamed Ben Abdeslam FERCHADO, Magistrat au Tribunal de la famille de Rabat
- Maitre Youssef LEMGUERBI, Magistrat au Tribunal de la famille de Casablanca
- Christiane KAMMERMANN, sénatrice représentant les français établis hors de France
- Jean-Michel BOURLES, Magistrat de Liaison, Ambassade de France
- Thierry PLANTEVIN, conseillé élu à l’AFE
- Maitre Karim ADYEL, Docteur d’Etat Français en droit comparé et Avocat à la cour
- Maitre Nadia MOUHIR, avocate à la cour de Rabat, spécialisée dans les dossiers de Kafala
- Fatima- Zohra ALAMI , vice présidente de l’association Osraty
- Fatima Onfray El WAFY membre fondateur de l’association Osraty
- Ahmed BENABADJI, parent d’enfant pris en charge sous Kafala
- Myriam NCIRI , parent d’enfant pris en charge sous Kafala
10h00 – Débat
Modérateur : Catherine Barut, Présidente nationale de la commission Kafala de l’Union Méditerranéenne du Progrès.
12H00 – Conclusions et élaboration des propositions retenues Yves NICOLIN, Député de Loire
Rapport Table Ronde du 12 novembre 2010
Quel statut pour les enfants recueillis
sous Kafala par des parents français ?
Remerciements
La problématique de cette table ronde s’est pleinement inscrite dans l’organisation des
universités d’Automne de l’Union Méditerranéenne du Progrès dont l’objectif est de
travailler autour d’échanges et de réflexions communes afin de poursuivre l’optimisation des
relations entre les deux rives.
Notre commission Kafala/Tutorat souhaite particulièrement exprimer des remerciements :
A Monsieur le Député Yves Nicolin qui malgré un planning chargé a maintenu sa visite de 24
heures au Maroc.
A Maitre Mohamed Ben Abdeslam Ferchado, Magistrat au Tribunal de la famille de Rabat,
pour avoir accepté notre invitation à débattre sur le sujet de la Kafala.
Aux sénateurs Mme Kammerman et M Duvernois pour leur intérêt à comprendre les
problématiques vécues par les familles en charge d’un enfant sous Kafala.
A Maitre Karim Adyel, Docteur d’Etat Français en droit comparé pour l’exposé de son étude
doctrinale et jurisprudentielle comparative entre la Kafala et l’adoption simple. Et pour son
rôle de traducteur.
A Jean-Luc Martinet, Délégué national de l’UMP, Khadija Doukali Tahiri, Secrétaire
Nationale- Déléguée suppléante et à Thierry Plantevin conseillé élu à l’AFE pour leur soutien
dans les recherches de solutions.
De façon plus générale, un grand merci à toutes les familles concernées par cette problématique pour la richesse de leurs témoignages et la sérénité des échanges.
Exposé de l’étude doctrinale et jurisprudentielle comparative entre la Kafala etl’adoption simple. Maitre Karim ADYEL, Docteur d’état français en droit comparé.
L’objectif de Maitre Adyel était de préparer une étude doctrinale et jurisprudentielle
comparative entre les deux institutions (Kafala et Adoption simple) ainsi que d’envisager des
solutions juridiques pour parvenir à faire reconnaitre par la France le statut de la Kafala
comme démarche d’adoption.
1. Etude comparative des deux régimes
Maître Karim Adyel nous a présenté les grands principes de l’adoption simple en France et
ceux de la Kafala au Maroc ainsi que les points de divergence et de convergence.
Deux statuts encadrés par des lois – En France, l’adoption simple est régie par les dispositions qui sont prévues aux articles 360 à 370-2 du code civil français.
Au Maroc, c’est la loi 15-01 relative à la prise en charge des enfants abandonnés qui s’applique en la matière et qui est définie dans son article 2. Cette loi est composée de 32 articles prévoyants la condition de la Kafala, sa procédure ainsi que son exécution.
Il faut également rappeler que la Kafala est un concept juridique reconnu par le droitinternational prévu par la convention des nations unies du 20 Novembre 1989 relative audroit de l’enfant dans son article 20. En revanche, La convention de la Haye du 29 Mai 1993sur la protection des enfants exclue la Kafala de son champ d’application puisqu’elle neconcerne que les formes d’adoption où il y a création d’un lien de filiation.
Dans les deux législations (Française et Marocaine), l’adoption est réservée à des époux mariés depuis 2 ans ou âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans ou à des personnes seules âgées de plus de 28 ans L’adoption simple en droit français ne pose pas de condition d’âge del’adopté.
Des dispositions similaires en ce qui concerne la filiation et la succession -
Le statut del’adoption simple dans le droit français intéresse les familles adoptantes qui seraient soucieuses de respecter les conditions de la Kafala, à savoir l’impossibilité de filiation avec les enfants recueillis. En effet, en droit français, dans le cas de l’adoption simple, les liens de filiation préexistants ne sont pas rompus, l’adopté conservant ses droits notammenthéréditaires dans sa famille d’origine. Elle n’implique pas l’acquisition automatique de la nationalité française.
De ce point de vue, la Kafala, également appelée en France recueil légal, est analogue à l’adoption simple car elle n’opère pas de rupture totale et irrévocable des liens de filiationpréexistants.
2. Etude jurisprudentielle
La jurisprudence française a longtemps souffert d’un défaut d’unité ce qui a poussé le législateur à élaborer la loi du 6 Février 2001 relative à l’adoption internationale prévoyant notamment le conflit des lois en la matière.
L’étude de la jurisprudence en France, concernant l’adoption d’enfants marocains, montre que malgré une certaine résistance des juges de fond, la Cour de cassation semble admettre que le juge puisse s’affranchir des limites de la loi nationale pour apprécier le consentement même de la Kafala.
Ainsi, dans une décision du 19 Juin 1997, la cour d’appel de Paris a considéré que tel était le cas lorsque les adoptants de nationalité française, après avoir obtenu successivement une Kafala marocaine puis une autorisation judiciaire de sortie du territoire et un acte notarié d’institution d’héritier, peuvent produire un acte du juge marocain, représentant légal du mineur, autorisant une régularisation de la situation de ce dernier auprès des autorités judiciaires françaises. La réponse dénuée d’ambigüité des autorités marocaines à la demande française qui leur avait été adressée permet de considérer que le juge marocain a donné un consentement éclairé à la demande d’adoption plénière.
La Cour d’appel de Toulouse a autorisé, le 22 novembre 1995, la transformation d’une Kafala en adoption simple, estimant que ces deux institutions étaient assimilables. La cour d’appel de Paris a rendu une décision identique, le 22 Mai 2001. La cour d’appel de Reims a prononcé, le 02 Décembre 2004, une Kafala marocaine en adoption simple.
Toutefois, par décision du 10 Octobre 2006, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Reims, considérant que du moment que la loi marocaine interdit l’adoption et que, par ailleurs, le mineur n’était pas né et ne résidait pas habituellement en France, la Cour d’appel de Reims a violé l’article 370-3, alinéa 2 du code civil français introduit par la loi du 6 février 2001 qui dispose que : « l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si le mineur est né et réside habituellement en France ».
3. Pistes de solutions
Il semble que la seule manière susceptible à apporter des solutions juridiques à cetteproblématique est de se situer d’un point de vue international.
Dans ce sens, et si l’on se réfère à la loi belge du 6 Décembre 2005 qui a introduit la Kafala dans son dispositif juridique interne sous certaines conditions à remplir, cette loi serapproche considérablement de l’adoption simple. Sur le plan pratique, en suivant la procédure fixée, des personnes de nationalité belge parviennent à adopter légalement desenfants marocains abandonnés.
A l’instar de l’exemple belge, et dès qu’un accord similaire sera trouvé entre le Maroc et la France, il n’y aura plus de problème quant à l’application de cet accord qui, en respectant les conventions et traités internationaux, écartera de fait et de droit l’application de la loi 15-01 sur la Kafala ou invitera les états français et marocain à incorporer de nouvelles dispositions dans leur droit positif interne après avoir légiféré en la matière.
Docteur Karim Adyel