[Point de vue...] Essai d’une détermination du fondement de la responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait de la mise en ligne d’un contenu illicite au regard du droit camerounais
par Gaorang WANGKARI WAIROU, Docteur/Ph. D. en Droit privé de l’Université de Maroua, Enseignant vacataire à l’Université de Garoua, Enseignant associé à l’IFPST de Maroua (Cameroun)
INTRODUCTION
Aujourd’hui, Internet est considéré comme un moteur de croissance économique et comme un critère de développement des
pays[1]. Formidable « espace de réalisation des libertés fondamentales»[2], dont les démocraties modernes ont besoin, le réseau internet est très vite devenu le siège de la publication de nombreux contenus illicites. Toute chose qui met à
contribution les règles de la responsabilité civile. En effet, toute personne peut être victime de la mise en ligne d’un contenu
illicite. La réparation du dommage s’obtient par une action en responsabilité civile à l’encontre de l’internaute qui a mis en
ligne le contenu illicite sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil camerounais. Cependant, la victime peut
buter sur l’anonymat et pseudonymat ou sur l’insolvabilité de cet internaute, dans ce cas, elle pourra engager son action à
l’encontre des acteurs qui rendent matériellement possible la diffusion du contenu illicite à savoir les intermédiaires
d’internet[3]. En l’absence d’un texte spécifique applicable à la responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait de la
mise en ligne d’un contenu illicite en droit camerounais, on ne peut rien dire de plus précis à propos du fondement d’une telle
responsabilité. En attendant que le Cameroun ne se dote d’un texte spécifique à la matière, il faut nécessairement recourir au
droit commun de la responsabilité civile pour déterminer le fondement d’une telle responsabilité. C’est pourquoi cette
réflexion se propose de déterminer le fondement de la responsabilité civile des intermédiaires d’internet au regard du droit
commun camerounais de la responsabilité civile. Avant tout autre développement, il convient de clarifier les notions
d’intermédiaires d’internet, d’internet, de contenu illicite et de responsabilité civile.
Par intermédiaires d’internet, il faut entendre les personnes n’ayant pas de lien direct avec le contenu illicite, mais leur faute
sera prétendue parce qu’elles ont autorisé la survenance du dommage sur Internet par les auteurs directs des faits
dommageables. Il en est ainsi des fournisseurs d’accès à internet tels que Afrikanet, Yoomee, Matrix Telecoms, Ipersat, Waza
télécoms, Gosat Cameroon ou Creolink, les opérateurs de communications électroniques comme Camtel, Orange Cameroun et
Mtn Cameroun, les fournisseurs de contenus à l’instar de Netflix Cameroun et YouTube, les fournisseurs d’hébergement, les
gérants des cybercafés et les promoteurs des réseaux sociaux[4].
Le réseau internet est défini en droit camerounais comme un ensemble de réseaux mondiaux interconnectés qui permet à des
ordinateurs et à des serveurs de communiquer efficacement au moyen d’un protocole de communication commun[5].
Monsieur le Professeur Michel VIVANT définit internet comme un « réseau mondial associant des ressources de
télécommunication et des ordinateurs serveurs et clients, destinés à l’échange de messages électroniques, d’informations
multimédias et de fichiers »[6]. Les caractéristiques juridiquement importantes de l’Internet peuvent être regroupées en trois
thèmes principaux, à savoir, 1'interactivité, la délocalisation ou l’ubiquité et la dématérialisation ou la virtualité[7].
Le terme « contenu » renvoie à un ensemble d’informations relatives aux données appartenant à des personnes physiques ou
morales, transmises ou reçues à travers les réseaux de communications électroniques et les systèmes d’information. Ce
contenu devient illicite lorsqu’il porte atteinte à certains droits. La loi camerounaise sur la cybercriminalité apporte une
définition sur le contenu illicite en disposant que c’est un contenu portant atteinte à la dignité humaine, à la vie privée, à
l’honneur ou à la sécurité nationale[8]. La nature de ces contenus peut être particulièrement variée, et peut par exemple
prendre la forme d’une incitation à la haine, d’une atteinte au droit de propriété ou aux droits de la personnalité d’un tiers[9].
Plus généralement, il peut s’agir de tout contenu qui outrepasse le droit à la liberté de communication des internautes. Les
contenus illicites sont finalement ceux qui tombent sous le coup d’une infraction légale[10].
Quant à la responsabilité civile, elle se définit comme : «L’obligation de réparer le préjudice résultant de la violation du devoir
général de ne causer aucun dommage à autrui, soit par son fait personnel, soit du fait des choses dont on a la garde, soit du
fait des personnes dont on doit répondre (responsabilité du fait d’autrui). La responsabilité est délictuelle quand le fait
dommageable illicite est intentionnel, quasi-délictuel dans le cas contraire lorsqu’il y a simple imprudence ou
négligence »[11]. Le but de la responsabilité civile est de rétablir l’équilibre détruit par le dommage et de remettre la
personne lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit[12].
Le travail de clarification des notions étant fait, il apparaît opportun de faire une brève précision sur le cadre de la réflexion
afin de mieux la circonscrire. À cet effet, il convient de noter qu’il n’y a pas eu d’intervention législative spécifique au
Cameroun concernant la responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait de la mise ligne d’un contenu illicite, malgré
le grand nombre de dommages causés sur ce réseau. L’absence totale d’intervention législative au Cameroun concernant la
responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait de la mise ligne d’un contenu illicite impose de faire appel au droit
commun afin de trouver des solutions pour les victimes des dommages subis sur ce support. Par ailleurs, dans le souci
d’approfondir l’analyse, cette réflexion va fortement s’inspirer du droit français.Le recours au droit français et l’accent
singulier qui y sera mis se justifient par l’intense débat doctrinal qui existe actuellement en France sur la matière[13].
L’emphase qui sera mise sur le droit français est la bienvenue notamment dans un contexte où le droit français exerce une
influence considérable et offre certaines solutions intéressantes en matière de détermination des régimes de responsabilité
civile du fait de la mise sur internet d’un contenu illicite.
Cette réflexion est d’une actualité indéniable. En effet, au regard des questions juridiques pertinentes et des préoccupations
sociales qu’elle recèle, l’intérêt de lui consacrer une réflexion spécifique se justifie pleinement. Sur le plan théorique, cette
réflexion constitue notre contribution, modeste soit-elle, au débat qui a cours sur le fondement de la responsabilité civile des
intermédiaires d’internet du fait de la mise ligne d’un contenu illicite. Ce d’autant que ce débat reste encore aujourd’hui, peu
exploré par les juristes camerounais. En effet, la doctrine camerounaise n’offre pas une littérature abondante sur le sujet.
D’un point de vue pratique, cette étude contribue à faciliter la réparation du dommage en cas de mise en ligne d’un contenu
illicite, à travers notamment une meilleure détermination du fondement de la responsabilité civile des intermédiaires
d’internet du fait de la mise en ligne d’un contenu illicite. Car, l’existence de plusieurs intervenants sur la toile rend
complexe la réparation du dommage en cas de mise en ligne d’un contenu illicite[14]. Aussi, elle contribue à la lutte contre
l’impression d’absence de droit qui est souvent décriée sur internet[15]. Cette impression doit pourtant être largement
dépassée[16]. Car, comme l’affirme Monsieur Vincent Tilman,« dès qu’il est lieu social, il y a de place pour le droit »[17].
L’intérêt de cette réflexion étant précisé, il faut dire que l’acceptation d’une responsabilité des intermédiaires d’Internet n’a
pas entraîné un consensus au sein de la doctrine. Cette question a même suscité un grand débat doctrinal. Certains auteurs
ont refusé d’engager la responsabilité civile de ces prestataires sous prétexte que ces derniers ne peuvent pas contrôler
toutes les informations diffusées par leur canal[18]. D’autres auteurs ont quant à eux suggéré de pouvoir engager de la
responsabilité civile de ces intermédiaires. Il en est ainsi de Monsieur Michel VIVANT qui énonce que « L’irresponsabilité de
principe est inadmissible non seulement d’un point de vue juridique, mais encore d’un point de vue éthique comme sociétal.
Mais la responsabilité “mécanique” “par défaut” (…) l’est tout autant»[19]. Nous soutenons également que la responsabilité
civile des intermédiaires d’internet soit retenue. Ce d’autant que l’extension de la responsabilité civile aux intermédiaires
techniques présente beaucoup d’avantages pour les victimes d’Internet. Celui qui subit un préjudice d’un contenu litigieux
diffusé sur Internet peut trouver un responsable à qui demander la réparation de son préjudice. Agir contre un professionnel
peut être plus avantageux pour la victime du fait de sa solvabilité. De plus, la possibilité de recours contre les intermédiaires
d’Internet peut instaurer un climat de sécurité et de confiance sur Internet. En effet, le recours contre un intermédiaire connu
peut rassurer la victime, surtout lorsqu’il se trouve face à un auteur, inconnu ou anonyme, d’un contenu lui portant préjudice.
Si la responsabilité civile des intermédiaires d’internet doit être admise, il va se poser la question du fondement d’une telle
responsabilité au regard du droit commun de la responsabilité civile. Dès lors, sur quel fondement peut-on engager la
responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait de la mise en ligne d’un contenu illicite en droit camerounais ?
En guise de réponse à cette interrogation, notre réflexion postule que la responsabilité civile des intermédiaires
d’internet peut être engagée aussi bien sur le fondement de la faute (I) qu’en l’absence de la faute(II).
I. La responsabilité civile des intermédiaires d’internet fondée sur la faute personnelle
La responsabilité civile fondée sur la faute est régie par l’article 1382 et 1383 du Code civil camerounaisN° Lexbase :
A767247B. Il faut d’emblée relever que les intermédiaires peuvent commettre des fautes délictuelles considérées comme
permettant ou facilitant l’acte litigieux, ou multipliant la diffusion et l’impact du contenu illicite sur Internet[20]. L’existence
d’un lien suffisant entre l’activité de l’intermédiaire d’internet et la survenance de l’acte litigieux (mise en ligne d’un contenu
illicite), suffit à entraîner l’intermédiaire dans la chaîne de responsabilité, dès lors que peut être caractérisée sa faute ou, plus
largement, son implication dans la réalisation du dommage. Ainsi, qu’il s’agisse des intermédiaires intervenant dans la
communication de l’information illicite (A) que des intermédiaires intervenant dans le contenu illicite(B), leur responsabilité
civile peut être engagée sur la base de la faute.
A. Responsabilité civile des intermédiaires intervenant dans la communication de l’information illicite
La communication de l’information litigieuse est faite par les opérateurs de communications. Il s’agit d’intermédiaires qui
fournissent un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des
informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication. Pour pouvoir naviguer
sur Internet, la personne doit avoir un ordinateur ou un téléphone et un abonnement à Internet. Cet abonnement est établi
par le fournisseur d’accès (1). Une fois connecté, pour trouver les informations qu’ils lui sont utiles, l’internaute fait appel à
des outils de recherche (2) qui le dirigent vers les informations souhaitées.
1- La responsabilité civile du fournisseur d’accès à Internet
Le droit camerounais définit le fournisseur d’accès à Internet comme «toute personne physique ou morale qui assure l’accès
au réseau internet »[21]. Cette définition est proche de celle donnée par Monsieur Michel VIVANT qui définit le fournisseur
d’accès à Internet comme « l’organisme offrant à des clients l’accès à Internet, ou plus généralement à tout réseau de
communication »[22]. Les fournisseurs d’accès offrent à leurs clients les ressources techniques permettant à ces derniers
d’accéder aux services d’Internet. Leur rôle se limite à relier l’internaute à un contenu avec lequel le fournisseur n’a aucun
rapport. Sa fonction est purement technique, il n’a aucun contrôle sur le contenu diffusé sur ses infrastructures. La question
de la responsabilité civile du fournisseur d’accès à Internet sur le fondement de la faute fait l’objet d’un intense débat
doctrinal.
Une partie de la doctrine a considéré que ces fournisseurs bénéficient d’immunité de la responsabilité : «immunité
relative »[23], ou une «quasi-immunité de responsabilité»[24] ou plus directement un régime de «non responsabilité»[25].
Pour bénéficier de cette présomption d’irresponsabilité, le fournisseur d’accès ne doit intervenir d’aucune manière dans
l’information transmise. Il doit être totalement neutre pour que sa responsabilité civile ne puisse pas être engagée[26]. Lajurisprudence française a engagé la responsabilité d’un fournisseur d’accès n’ayant pas respecté le principe de neutralité qui
lui est imposé[27]. Ce dernier, par sa sélection ou sa modification, est passible de responsabilité civile s’il interfère avec des
contenus illégaux ou est à l’origine de transmissions préjudiciables. Le fournisseur d’accès va donc être exempté de sa
responsabilité s’il reste neutre envers le contenu répréhensible diffusé sur Internet[28].
Cependant, pour un grand nombre d’auteurs, la neutralité du fournisseur d’accès envers le contenu illicite diffusé n’exclut pas
totalement sa responsabilité civile[29]. Nous adhérons à la position de cette doctrine majoritaire, car, il serait malvenu de
consacrer l’irresponsabilité absolue du fournisseur d’accès alors que c’est par le biais de son office que le dommage a pu être
réalisé. Sans les prestations de cet opérateur de communication, l’internaute ne pourrait pas accéder ni à Internet ni au
contenu illicite diffusé sur ce réseau.
Ainsi, la responsabilité civile du fournisseur d’accès peut être engagée dans l’hypothèse où, bien qu’il avait connaissance de
l’illégalité du contenu diffusé sur Internet, il n’y a pas interdit l’accès. Sa connaissance de l’existence d’un contenu illicite sur
Internet est présumée lorsqu’un tiers, par exemple, l’a informé des informations qu’il considère préjudiciables[30]. Aussi, la
victime d’un contenu illicite sur Internet peut demander des dommages et intérêts au fournisseur d’accès lorsqu’elle l’a
informé de l’existence de contenu et que, malgré ça, il n’y a pas interdit l’accès.
Aussi, la responsabilité civile du fournisseur d’accès à internet peut être engagée lorsqu’il fait un usage abusif des données
personnelles de ses clients. L’exemple qui tend à devenir classique est celui de la fourniture par le fournisseur d’accès à
internet, de certaines données tels le numéro de téléphone ou l’e-mail d’un client, à une société de publicité. Rappelons que
le fournisseur d’accès à internet est tenu de stocker temporairement les données de connexion des internautes afin d’assurer
leur transmission « dans l’instantanéité et sans possibilité de contrôler le contenu de ce qui transite par son service»[31].
L’utilisation de ces données peut représenter une faute engageant la responsabilité des fournisseurs d’accès.
Il n’existe pas encore une décision des juridictions camerounaises sur la question. L’admission de la responsabilité civile des
fournisseurs d’accès à internet par les juridictions camerounaises permettrait certainement de réduire la mise en ligne des
contenus illicites. Car, les fournisseurs d’accès se sachant potentiellement responsables en cas de mise en ligne d’un contenu
illicite, prendront toutes les mesures nécessaires pour empêcher la diffusion de tels contenus.
Au final, en dépit du rôle technique du fournisseur d’accès et sa neutralité de principe, il peut se trouver responsable de la
réparation des dommages et intérêts à la victime. Sa responsabilité civile est fondée sur la faute qui peut se manifester à
travers soit le non-respect de la vie privée des internautes, l’utilisation de leurs données personnelles, le non-retrait des
contenus illicites après qu’il ait été informé. Qu’en est-il donc des outils de recherche, autre intermédiaire intervenant dans la
communication de l’information illicite ?
2. La responsabilité civile des outils de recherche
Les outils de recherche «sont des mécanismes fournissant ou utilisant des index pour retrouver les documents
correspondants à une requête qu’on lui fournit ou collection structurée et thématique de répertoires résultant d’une
compilation d’un domaine d’information »[32]. Les moteurs de recherche comme Google et les annuaires comme Yahoo sont
considérés comme des outils de recherche sur Internet. Ils sont en principe neutres, c’est pourquoi certaines juridictions
françaises ont refusé d’engager la responsabilité des outils de recherche[33].
Mais, cette neutralité demeure artificielle, car, les outils de recherche ne sont pas totalement neutres. En effet, les résultats de
recherche affichés sont indexés puis hiérarchisés par ces intermédiaires afin de classer ceux qu’ils estiment les plus
pertinents en premier[34]. Ils peuvent aussi exclure certains contenus de l’indexation par des fichiers robots ou par des
logiciels spéciaux. Les outils de recherche ont donc un rôle actif dans l’affichage des résultats. Dès lors, il se pose la question
de savoir si un outil de recherche référence dans sa base de données des mots-clés portant atteinte aux personnes ou aux
biens ou encourageant à la haine ou au racisme…, sa responsabilité civile peut-elle être engagée ?
En principe, la responsabilité des outils de recherche peut être engagée lorsque ces intermédiaires suggèrent
automatiquement des termes péjoratifs ou diffamatoires aux recherches des internautes. Cette responsabilité civile fait l’objet
de divers débats. Une juridiction française affirme que : « les propos incriminés ne sont pas le fruit de l’expression humaine,
mais de résultats mathématiques, automatiquement produits par une machine »[35], c’est-à-dire des robots et des logiciels
du moteur de recherche. Il se pose alors le problème de la responsabilité du moteur de recherche en tant que robot. Les
algorithmes du moteur de recherche peuvent fonctionner en toute autonomie et peuvent dans ce sens causer des préjudices à
autrui, par l’ajout d’adjectifs diffamatoires aux suggestions écrites par les internautes dans la barre de recherche ou par la
redirection vers un site litigieux, etc. À cet égard, il faut noter que, quel que soit le niveau d’autonomie de ces algorithmes,
« l’homme doit toujours être responsable en dernier ressort de la prise de décision»[36]. Dans ce sens, les personnes doivent
programmer ces algorithmes de telle manière qu’ils ne constituent pas de comportement fautif[37]. La responsabilité des
outils de recherche peut également être engagée lorsque, ayant connaissance de l’illégalité d’un site, ils n’ont pas en
empêché l’accès[38]. Enfin, la responsabilité civile des outils de recherche peut également être engagée, s’ils ont été notifiés
(par le biais d’un jugement par exemple) des caractères illicites d’un site et qu’ils refusent de le retirer[39].
Quoi qu’il en soit, s’il n’existe pas au Cameroun des décisions de justice sur cette question, il ne fait aucun doute que le juge
camerounais aura à se prononcer sur cette question à l’avenir tant il est facile de constater la récurrence des dommages sur
internet du fait des outils de recherche. Dans cette optique, nous espérons que le juge camerounais admettra la responsabilité
civile des outils de recherche, car, cela contribuera à mieux protéger la victime.
Au final, en dépit de leur neutralité de principe, la responsabilité civile des intermédiaires intervenant dans la communication
de l’information illicite peut être engagée sur le fondement de la faute. D’autres intermédiaires ont un rôle direct avec le
contenu illicite diffusé sur Internet que ce soit dans sa diffusion ou son contrôle, ce qui pourra permettre l’engagement leur
responsabilité civile.
B. La responsabilité civile des intermédiaires intervenant dans le contenu illicite
Les intermédiaires d’internet intervenant dans le contenu illicite sont les fournisseurs d’hébergement d’une part(1) et les
fournisseurs de services de partage de contenu en ligne d’autre part (2).
1- La responsabilité civile des fournisseurs d’hébergement
L’hébergement informatique comprend le stockage d’informations en mémoire, c’est-à-dire le stockage de données et la
connexion de sites Web à Internet. Il consiste en la conservation en mémoire d’informations, c’est-à-dire le stockage de
données, et la connexion d’un site web à Internet[40]. Le fournisseur d’hébergement fournit à ses clients «un espace de
stockage d’informations et un mécanisme de maintenance dans le cadre d’un contrat de prêt octet… »[41].
La question de la responsabilité du fournisseur d’hébergement Internet n’est pas encore évoquée devant les tribunaux
camerounais. Par contre, cette question n’a pas cessé de soulever de grandes discussions doctrinales et jurisprudentielles en
droit français. En effet, si une partie de la jurisprudence française[42] avait admis l’irresponsabilité de cet intermédiaire[43], il
faut dire qu’aujourd’hui, la responsabilité civile des fournisseurs d’hébergement est consacrée par les juges[44]. Cette
responsabilité peut-être fondée soit sur une faute d’abstention, soit sur une faute de commission.
L’hébergeur peut être tenu responsable du préjudice causé à autrui par sa faute d’abstention. C’est le cas quand il a eu
connaissance de l’illicéité du contenu transmis sur Internet et qu’il n’a pas réagi[45]. En général, les fournisseurs
d’hébergement disposent de moyens techniques pour faire cesser les atteintes ou pour supprimer les contenus illicites. Il y a
lieu de signaler que cette faute d’abstention découle de l’obligation de contrôle de l’hébergeur. Elle peut résulter aussi d’une
mauvaise réaction après un contrôle de sa part. La responsabilité de l’hébergeur est également engagée dès que le délai de
retrait du contenu illicite fixé par le tribunal est écoulé sans qu’il ait retiré ce contenu[46]. Il n’est pas nécessaire que ce
contenu illicite sur Internet cause préjudice à autrui. La responsabilité de l’hébergeur est engagée par la simple non-exécution
de l’obligation de retrait lorsqu’il s’agit d’une action en cessation[47].
L’hébergeur peut également être tenu responsable du préjudice causé à autrui par sa faute de commission. En effet, lorsqu’un
hébergeur a un doute sur la licéité d’un contenu mis sur Internet, il peut le retirer afin d’écarter sa responsabilité. En
contrepartie, nous pouvons constater que l’hébergeur est engagé envers celui qui a déposé un contenu par un contrat
d’hébergement de publier le contenu objet du contrat d’hébergement. Lorsque l’hébergeur décide de retirer un contenu sur
Internet qui s’avère ultérieurement licite, il risque de se voir reprocher une inexécution contractuelle et sa responsabilité peut
être engagée. L’hébergeur est donc doublement encadré. « Ne pas intervenir peut constituer une faute. Intervenir peut en
constituer une également »[48]. Il ne doit pas trop peu agir, sous peine de voir sa responsabilité délictuelle engagée, mais il
ne doit pas trop agir, sous peine de voir sa responsabilité contractuelle engagée[49].
2- La responsabilité des fournisseurs de services
Les fournisseurs de services sont des prestataires intermédiaires, car ils proposent un service d’intermédiation entre les
utilisateurs qui désirent partager des contenus et les autres utilisateurs qui vont bénéficier de ces contenus[50]. Il s’agit des
sites collaboratifs qui donnent l’opportunité aux internautes de mettre en ligne des textes, des vidéos, des produits, des
œuvres, etc., en leur offrant un espace de stockage limité. Ce service d’intermédiation se fait via ce qu’on appelle des
plateformes. La plateforme est « un système informatique caractérisé par son type de processeur et ses composants
matériels, son système d’exploitation et les logiciels qu’il permet d’utiliser »[51]. Les plateformes peuvent être à l’origine de
préjudices sur Internet, ce qui peut engager leur responsabilité civile. Il existe plusieurs types de plateformes, mais notre
analyse va porter sur les plateformes de réseaux sociaux d’une part, et les plateformes de partage d’autre part.
Les réseaux sociaux sont le résultat de l’évolution d’Internet et plus précisément le web 2.0. Leur objectif est d’offrir «des
moyens techniques pour mettre en relation des personnes »[52]. Nous pouvons trouver aujourd’hui divers réseaux sociaux
comme Facebook, LinkedIn, Instagram, Twitter, etc. Il y a lieu de signaler que l’utilisateur du réseau social doit être inscrit sur
la plateforme pour bénéficier d’un espace gratuit et personnalisé appelé « profil ». Sur ce profil, l’utilisateur introduit ses
informations personnelles (Nom, prénom, âge, sa photo, etc.). L’utilisation de ces données par ces plateformes de réseaux
sociaux à des fins commerciales, telles que la revente de ces données aux sociétés de publicité engage la responsabilité de
ces plateformes. Au regard du grand nombre de camerounais inscrits sur Facebook notamment, la responsabilité civile des
plateformes de réseaux sociaux permettra de réduire le risque de l’utilisation de leurs données personnelles à des fins
préjudiciables. À cet effet, confronté à une telle question, le juge camerounais devra avoir le courage de sanctionner ces
mastodontes du numérique qui donnent du fil à retordre même aux plus grandes puissances.
Concernant les plateformes de partage, ils sont chargés de stocker et de permettre au public d’accéder à des œuvres ou
d’autres objets protégés par le droit d’auteur, à des fins lucratives via des plateformes. Il y a lieu de remarquer que ce type de
plateformes constitue une occasion pour les ayants droit (auteurs d’œuvres) de disposer d’un nouveau canal de distribution.
Ces ayants droit vont bénéficier aussi des revenus attribués par le biais des publicités générées lors de l’accès à ces mêmes
contenus protégés[53]. Notons qu’à la différence d’autres types d’intermédiaires, le fournisseur de services de partage de contenus en ligne intervient dans le contenu qu’il héberge. Par exemple, si un intermédiaire propose un contenu personnalisé
à chaque utilisateur, pour que sa responsabilité civile soit engagée, cet intermédiaire fournisseur de service de partage de
contenus doit avoir un rôle actif dans le traitement du contenu[54].
En l’absence d’une jurisprudence camerounaise, pour faire la lumière sur ce point, il convient de revenir à la jurisprudence
européenne qui a engagé la responsabilité civile de ces intermédiaires de service de partage des contenus pour un acte de
communication en public[55]. Constitue un acte de communication en public, la mise en ligne et l’autorisation d’accès donnée
par les intermédiaires de partage de contenus aux utilisateurs des plateformes en ligne. En principe, cet acte n’est pas
litigieux et ne constitue pas une faute en tant que telle, il le devient lorsque le contenu mis à la disposition du public est illicite
ou préjudiciable.
Pour illustrer cette idée, un exemple est donné lorsque ces intermédiaires accordent l’accès au public à des œuvres protégées
par le droit d’auteur sans l’autorisation des ayants droit. Cet « acte de donner accès » constitue une faute engageant la
responsabilité de cet intermédiaire. « Le modèle d’affaires même de ces acteurs économiques leur impose donc à présent
l’obligation de principe d’obtenir une autorisation des titulaires de droits, sous peine d’engager leur responsabilité directe et
objective »[56].
Dans le contexte camerounais, l’admission de la responsabilité des fournisseurs de services de partage de contenus paraîtrait
logique et contribuerait à mieux protéger les auteurs d’œuvres qui se plaignent souvent d’être lésés par la mise en ligne de
leurs œuvres sans leur consentement. En admettant cette responsabilité, les fournisseurs de service de partage de contenus
n’auront pas d’autres choix que de fournir : « leurs meilleurs efforts, conformément aux normes élevées du secteur en matière
de diligence professionnelle, pour garantir l’indisponibilité d’œuvres et autres objets protégés spécifiques pour lesquels les
titulaires de droits ont fourni aux fournisseurs de services les informations pertinentes et nécessaires »[57].
Au final, tout au long des développements qui ont précédé, il a été démontré qu’en cas de mise en ligne d’un contenu illicite,
la responsabilité civile des intermédiaires d’internet peut être engagée sur le fondement de leur faute personnelle. Par
ailleurs, il convient de préciser qu’il est possible d’engager la responsabilité de ces intermédiaires sur d’autres fondements.
II. La responsabilité civile des intermédiaires d’internet sans faute
La notion de responsabilité sans faute est apparue dans les années 1970[58]. Cette responsabilité se définit comme une règle
qui régit les cas dans lesquels le fondement de la responsabilité est autre que la faute elle-même[59]. Il existe plusieurs types
de responsabilités sans faute dite aussi responsabilité objective, que nous pouvons essayer d’appliquer aux intermédiaires
d’internet du fait de la mise en ligne d’un contenu illicite. Il s’agit d’une part de la responsabilité du fait des choses et du fait
d’autrui consacrés par l’article 1384 du Code civil camerounais N° Lexbase : A767247B (1) et de la responsabilité fondée sur
la théorie du risque et de garantie qui sont des constructions jurisprudentielles et doctrinales d’autre part (2).
A. La responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait des choses et du fait d’autrui
En droit camerounais de la responsabilité civile, deux catégories de faits générateurs justifient que l’on puisse être
responsable d’autre chose que de son fait personnel, le fait des choses (1) et le fait d’autrui (2)[60], et chacune de ces
catégories peut être transposée à la situation des intermédiaires d’internet.
1- La responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait des choses
La responsabilité du fait des choses est organisée par l’article 1384 du Code civil camerounaisN° Lexbase : A767247B. Il faut
d’emblée rappeler qu’en droit commun de la responsabilité civile, trois conditions doivent être réunies pour que la
responsabilité du fait de la chose soit engagée : la chose, le fait de la chose et la garde de la chose. La principale question,
pour ce qui est de son application à des intermédiaires d’internet, est de savoir si une chose peut être immatérielle. Des
réponses négatives[61] ou positives[62] ont été apportées par la doctrine. Même si, en France, des juridictions du fond ont
exclu que les conditions de la responsabilité du fait des choses puissent être réunies afin d’engager la responsabilité d’un
hébergeur[63], avouons ne pas percevoir de réponse définitive dans l’évolution d’une matière guidée par l’opportunité. La
solution n’est commandée par aucun élément décisif, elle s’inscrit avant tout dans un travail de droit prospectif[64].
Ainsi, il est possible de considérer que sur Internet, face à une erreur de paramétrage par exemple, un algorithme est
susceptible de causer des dommages aux particuliers. À titre d’exemple, il peut suggérer des contenus illicites dans les
résultats proposés par le moteur de recherche, ajouter des descriptions diffamatoires aux résultats de recherches ou mettre
en avant des propos négationnistes, ou des faits diffamants, en discriminant, en associant des termes injurieux à une
personne[65]. Cela peut causer des pertes financières importantes sur le plan économique et peut porter atteinte à la
réputation des individus ou des communautés. Dans ce cas, qui sera responsable ? Et sur quel fondement ? Peut-on parler
d’une responsabilité du fait de l’algorithme ?
La responsabilité des moteurs de recherches[66] a été retenue dans plusieurs cas par la jurisprudence française[67]. Le
moteur de recherche Google a ajouté dans la liste de suggestion au nom d’une assurance le mot « escroc », lorsqu’un
internaute tapait « Lyonnaise de garantie » ou même « Lyonnaise de g », Google leur suggérait « Lyonnaise de garantie
escroc ». L’assurance a poursuivi Google pour diffamation et injure publique. Pour s’exonérer, la réponse de Google a été « ce
n’est pas nous, c’est l’algorithme »[68]. «Or un algorithme ne sait ni injurier ni diffamer»[69]. Il en ressort que la
responsabilité du moteur de recherche du fait des choses sera retenue à condition qu’il ait un pouvoir d’usage, de direction et de contrôle sur la chose.
Dans le contexte camerounais, l’admission de la responsabilité des intermédiaires du fait choses est fortement souhaitée. En
effet, en l’absence de faute des intermédiaires et compte tenu de la difficulté de poursuivre l’auteur du dommage en raison de
l’anonymat que peut utiliser cet auteur et de la transnationalité du réseau internet, il est généralement difficile à la victime
d’obtenir la réparation des dommages qu’elle a subis. Ainsi donc, la consécration de la responsabilité des intermédiaires sur
ce fondement lui permettra d’obtenir la réparation du dommage.
Au final, si la responsabilité civile des intermédiaires d’Internet du fait de la chose doit être retenue en droit camerounais, leur
responsabilité du fait d’autrui doit également être envisagée.
2- La responsabilité civile des intermédiaires d’internet du fait d’autrui
La responsabilité civile du fait d’autrui est consacrée par l’article 1384 du Code civil camerounaisN° Lexbase : A767247B.
Pour engager la responsabilité du fait d’autrui[70], deux conditions doivent être réunies : le fait d’autrui et la garde d’autrui. Il
convient d’emblée de dire que ce que l’on appelle la « garde d’autrui »[71] n’a pas les mêmes défauts que la garde de la
chose pour que, conceptuellement, on rechigne à ce que le gardien d’autrui puisse être reconnu coresponsable de
l’expression illicite d’autrui[72]. Par exemple, nous pouvons penser que sur Internet, le régime de responsabilité civile du fait
d’autrui peut être appliqué à ceux qui fournissent un accès Internet à titre professionnel ou en tant qu’activité annexe, tels
que les cybercafés. En effet, en se connectant via un cybercafé, l’internaute peut utiliser l’anonymat pour effectuer des actes
illicites tels que le téléchargement illégal et le piratage d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou la publication de contenus
portant atteintes à la vie privée ou autres droits d’autrui. La preuve de ces comportements illicites est très difficile à apporter.
Avec des centaines d’internautes se connectant depuis le même poste sur le réseau public, les internautes qui sont les
principaux auteurs de ces actions ne peuvent être identifiés, et les victimes tentent donc de rejeter la responsabilité de ces
derniers sur les cybercafés. C’est une responsabilité de plein droit du fait d’autrui[73]. Aussi, la responsabilité des plateformes
de commerce électronique du fait des commerçants publiant des produits illicites sur leurs plateformes en tant qu’un éditeur
de service en ligne peut être engagée. Cette responsabilité a été retenue en droit français, dans un jugement datant de 4 juin
2008[74].
Il faut tout de même préciser qu’en droit camerounais, contrairement à la responsabilité du fait des choses, il n’y a pas un
principe général de la responsabilité du fait d’autrui. En effet, les hypothèses pouvant fonder la responsabilité du fait d’autrui
sont limitativement précisées par le Code civil[75]. Et l’hypothèse de la responsabilité des intermédiaires d’internet du fait de
leurs utilisateurs n’y figure pas. Toutefois, il faut préciser qu’en France, la jurisprudence a procédé à la consécration d’un
principe général de la responsabilité du fait d’autrui depuis le célèbre arrêt Blieck[76]. L’admission de ce principe par les
juridictions camerounaises est fortement souhaitée, car, elle conduira à intégrer la responsabilité civile des intermédiaires
d’internet dans le régime de la responsabilité du fait d’autrui. Cela permettra d’élargir les responsables potentiels des faits
dommageables sur internet, toute chose qui contribuera à garantir la réparation des dommages subis par la victime.
En tout état de cause, malgré les objections qui peuvent être formulées, envisager la responsabilité des intermédiaires
d’internet du fait d’autrui est nécessaire. Ce régime apparaît le plus adapté pour engager la responsabilité des intermédiaires
techniques non pas pour leur propre fait, mais du fait des internautes qui utilisent les services de ces intermédiaires pour se
connecter[77].
B. La responsabilité civile des intermédiaires d’internet fondée sur la théorie du risque et de garantie
Le statut de la faute civile, comme fondement traditionnel de la responsabilité civile, connaît un recul et un affaiblissement
régulier. La responsabilité civile sur internet s’est d’abord développée par le truchement du droit commun de la faute, mais en
ne trouvant pas toujours de fautif, il semble que la recherche d’autres fondements est nécessaire pour la protection de la
victime et l’amélioration de ses chances d’obtenir une réparation des préjudices subis sur ce réseau. C’est dans cette optique
que la responsabilité civile des intermédiaires d’Internet peut trouver son fondement sur la théorie du risque (1) et de
garantie (2).
1- La responsabilité civile des intermédiaires d’internet fondée sur la théorie du risque
La théorie du risque est devenue un fondement pour la responsabilité civile, tendant à une indemnisation presque
automatique des victimes[78]. Les fondateurs de cette théorie, Messieurs les Professeurs Saleilles et Josserand, estiment que
l’usage de la chose créant un profit et en contrepartie créant un risque ferait naître la responsabilité. La théorie du risque se
base sur plusieurs éléments : celui qui exerce une activité qui fait naître un risque pour autrui doit supporter les dommages
qui peuvent être causés par cette activité. La responsabilité civile est la contrepartie du profit qu’une personne tire d’une
activité qui peut se révéler dangereuse. La production de profits d’une activité peut justifier la réparation des dommages
qu’elle provoque. Il existe deux types de théories risques : la théorie du risque-profit et la théorie du risque créé.
L’application de la théorie du risque-profit aux intermédiaires d’internet se justifie, car, ils tirent profit de leur activité, à
travers des confortables recettes publicitaires et des revenus des abonnements que paient les internautes pour accéder à
Internet[79]. En effet, l’intermédiaire a choisi d’exercer une activité génératrice de risque pour des tiers, il en tire
généralement profit. Elle est la principale théorie à même de justifier l’application d’une responsabilité objective. Des travaux
récents vont jusqu’à affirmer que la jurisprudence des intermédiaires techniques aurait été « inconsciemment construite
autour de la théorie du risque-profit »[80]. En conséquence, ces intermédiaires doivent être responsables des dommages que
cette activité engendre. Car, lorsqu’un service accessible à des milliers d’utilisateurs dans le monde fourni par un
intermédiaire technologique aux internautes[81] devient le support d’un acte illégal, il pourrait sembler choquant que lefournisseur de tels services n’en soit pas tenu pour responsable, alors même qu’il en tire profit[82]. La Cour d’appel de Paris a
ainsi retenu la responsabilité d’un hébergeur pour la diffusion de photos litigieuses sur ce fondement[83]. Elle a retenu :
« qu’en offrant (…), d’héberger et en hébergeant de façon anonyme, sur le site altern.org qu’il a créé et qu’il gère, toute
personne qui (…) en fait la demande aux fins de mise à disposition du public (…) de messages de toute nature qui n’ont pas le
caractère de correspondances privées », il avait « manifestement » excédé le rôle technique d’un simple transmetteur
d’information et qu’il devait ainsi, « d’évidence, assumer à l’égard des tiers aux droits desquels il serait porté atteinte dans de
telles circonstances, les conséquences d’une activité qu’il a, de propos délibéré, entrepris d’exercer dans les conditions
susvisées et qui, contrairement à ce qu’il prétend, est rémunératrice et revêt une ampleur que lui-même revendique ».
La responsabilité civile des intermédiaires d’internet peut également trouver son fondement sur la théorie du risque créé. «Le
risque doit être supporté par celui qui l’a créé » proclame Josserand en 1897[84]. Que le risque soit avant tout dû aux
technologies modernes n’est pas un obstacle à l’application de cette théorie. Son ambition est justement de répondre à
l’apparition de nouveaux risques. Elle pourrait, sur le plan théorique, très bien s’appliquer aux intermédiaires d’internet. En ce
sens, il a été affirmé que « de manière générale, sur le plan des principes, il n’y aurait rien eu d’extravagant à faire une place
à la notion de risque »[85]. Il est vrai que la responsabilité objective a été étendue à des domaines qui n’évoquent pas
spécialement le risque[86]. Rien ne s’oppose donc définitivement à l’extension de la responsabilité objective aux
intermédiaires d’internet. Ce d’autant qu’elle garantira la réparation des dommages subis par la victime du fait de la mise en
ligne d’un contenu illicite.
2- La responsabilité civile des intermédiaires d’internet fondée sur la théorie de garantie
La théorie de garantie peut également être envisagée comme fondement de la responsabilité civile des intermédiaires
d’internet. Selon cette théorie, le devoir de réparer les dommages causés par quelque chose incombe à la personne qui
l’insère activement dans la circulation matérielle et légale, généralement dans le but d’en tirer profit. C’est la garantie contre
toute activité nuisible de tiers, en particulier les activités qui se traduisent par l’utilisation de choses[87]. La théorie de
garantie part du postulat que tout individu a le droit au respect de son intégrité corporelle et ses biens, droit qui doit être
protégé en cas de lésion[88].
L’application de cette théorie aux intermédiaires d’internet est intellectuellement cohérente même si elle n’a trouvé que très
peu d’écho en droit positif en français[89]. Rien n’interdit donc au juge camerounais, s’il est confronté à une affaire de mise
en ligne d’un contenu illicite, de retenir la responsabilité civile des intermédiaires d’internet sur ce fondement.
CONCLUSION
En somme, la détermination du fondement de la responsabilité civile des intermédiaires d’internet est sujet qui fait l’objet
d’une intense réflexion doctrinale dans le monde. En droit camerounais, en l’absence d’un texte spécifique applicable à la
responsabilité civile des intermédiaires d’internet, il faut nécessairement recourir au droit commun de la responsabilité civile
pour déterminer le fondement d’une telle responsabilité. Au regard du droit commun, la responsabilité civile des
intermédiaires d’internet peut être engagée aussi bien sur le fondement de la faute qu’en l’absence de la faute. Cependant,
malgré tout le mérite qu’on peut reconnaître à la transposition des fondements de la responsabilité civile de droit commun à
la responsabilité des intermédiaires d’internet, il n’en demeure pas moins que cette transposition demeure complexe et
lacunaire, toute chose susceptible de laisser libre cours à l’incertitude juridique. C’est pourquoi, au regard de la recrudescence
des dommages subis sur internet du fait de la mise ligne d’un contenu illicite, il est nécessaire pour le Cameroun de se doter
d’un texte spécifique applicable à la responsabilité civile des intermédiaires d’internet.
Notes de bas de pages
[1] N. Dreyfus, Marques et Internet : protection, valorisation, défense, éd. Lamy, 2011, France, p. 71.
[2] I. Falque –Pierrotin, « La constitution et l’Internet »,Nouveaux Cahiers du conseil constitutionnel, 2012, n°36, p. 32.
[3] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, Université Jean Moulin - Lyon III ; Université de Sfax (Tunisie), 2022, p. 119.
[4] G. Wangkari Wairou, « Regard sur la loi n° 2023/009 du 25 juillet 2023 portant charte de protection des enfants en ligne au Cameroun », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, octobre 2023, p. 2.
[5] Article 3 de la Loi n°2023/009 du 25 juillet 2023 portant charte de protection des enfants en ligne.
[6] M. Vivant, Lamy Droit du numérique : Lexique relatif au vocabulaire informatique et à la terminologie des télécommunications et du réseau internet, Wolters Kluwer SAS, 2013, p. 1948.
[7] S. Guillemard, Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatia,l Thèse de doctorat présentée en cotutelle à
la Faculté des études supérieures de l’Université Laval Québec, 2003, pp. 84-195.
[8] Article 4 al 26 de la loi n°2010/012 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et à la cybercriminalité au Cameroun.
[9] M. Saingr, La régulation des contenus illicites sur les réseaux sociaux, Mémoire de Master 2, Université de
Montpellier,2019-2020, p. 7.
[10] Ibidem.
[11] S. Guinchard (dir.), Lexique des termes juridiques, 25
ème éd., Paris, Dalloz, 2017-2018, p. 1807.
[12] Civ. 2
ème, 28 octobre 1954, Bull. civ. II, n°328, p. 222 ;JCP 1955. II.8765, note R. Savatier ; RTD civ. 1955. 324, n°24, obs.
H. Mazeaud ; Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 9 juillet 1981, 80-12.142.
[13] Malheureusement en droit camerounais, ce débat n’existe pas encore ou n’existe que peu.
[14] C. Feral Schuhl, Cyber droit : Le droit à l’épreuve de l’Internet, Dalloz, Paris, 8
ème éd., 2021, p.127.
[15] G. Wangkari Wairou, Les règles de conflit de droit international privé camerounais et les atteintes à la vie privée par
internet, Thèse de doctorat en droit privé, Université de Maroua, Octobre 2022, p. 22.
[16] W. Capller, « Un net pas très net. Réflexions sur la criminalité virtuelle »,Arch. Phil. Droit, n° 43, 1999, p. 180.
[17] V. Tilman, « Arbitrage et nouvelles technologies »,R. Ubiquité, 1999, pp. 47-64.
[18] Voir notamment A. LUCAS et al., Droit de l’informatique et de l’Internet, Paris, PUF, 2001, p. 453 ; P. TRUDEL, « La
responsabilité sur Internet », Séminaire Droit et Toile, organisé par l’UNITAR (Institut des Nations unies pour la formation et la
recherche), en association avec OSIRIS (Observatoire sur les systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au
Sénégal) et l’INTIF (Institut francophone des nouvelles technologies de l’information et de la formation) de l’Agence
intergouvernementale de la francophonie, Bamako, 27 mai 2002, p. 2 ; M. Lavanchy,La responsabilité délictuelle sur Internet
en droit suisse, Thèse de licence, Université de Neuchâtel, faculté de droit, Session 2002.
[19] M. Vivant, « La responsabilité des intermédiaires de l’Internet »,JCP, 1999, éd. G., p. 2021.
[20] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op.cit., p. 187.
[21] Article 3 de la Loi n°2023/009 du 25 juillet 2023 portant charte de protection des enfants en ligne.
[22] M. Vivant, Lamy Droit du numérique, op. cit., p. 1946.
[23] L. Grynbaum, « LCEN. Une immunité relative des prestataires de services internet »,Comm. com. Electr. 2004, étude
n°28, p. 10.
[24] E. Montero, « La responsabilité des prestataires intermédiaires de l’Internet », inCahiers du CRID, n°19, p. 288.
[25] C. Manara, Droit du commerce électronique, LGDJ, 2013, p. 65 ; C. Castets-Renard,Droit de l’internet : droit français et
européen, Montchrestien, 2
ème éd., 2012, p. 278.
[26] Cette neutralité a été inscrite en droit français par la loi LCEN.
[27] Il appartenait au FAI de « garantir la neutralité de ses services vis-à-vis du contenu des messages transmis sur son réseau
et le secret des correspondances », T.com., réf., 5 février 2017.
[28] Ph. Le Tourneau, Contrats du numérique, 10
ème édition, Dalloz, 2022, p. 421
[29] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 189.
[30] P. Trudel, « La responsabilité sur Internet »,op. cit., p.26
[31] TGI Nanterre, 8 décembre 1999, Lynda N. épouse L., SARL France Cybermedia, SARL SPPI, Société Esterel /sté Multimania
Production, CCE, 2000, n°3, comm. 40, note A. Lepage.
[32] P. Trudel, « La responsabilité sur Internet »,op. cit., p.21.
[33] V. sur cette question : T.G.I. de Paris, Ordonnance du 31 juill. 2000 ; C. d’A de Paris, 14e ch. A, 15 mai 2002,Dalloz, 2003,
n° 9, p. 621 avec les observations de C. Manara.
[34] E. Ricbourg-Attal, La responsabilité civile des acteurs de l’internet du fait de la mise en ligne de contenus illicit,eLarcier,
Bruxelles, 2014, p. 263.
[35] TGI Paris, ch. 17, 23 oct. 2013 : Légalis ;RLDI 2013/99 n° 3297 obs. L. C.
[36] Parlement européen, « Rapport sur une politique industrielle européenne globale sur l’intelligence artificielle et la
robotique, (2018/2088(INI)) », 2019.
[37] S. Simonyan, Le droit face à l’intelligence artificielle : analyses croisées en droit français et arménien, thèse de doctorat,
Université de Lyon, 2021, p. 275.
[38] V. sur cette question Cabinet M-I. Cahen et al. « La responsabilité des moteurs de recherche », disponible
sur http://www.murielle-cahen.com/p-moteur.zsp, p. 2.
[39] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 198.
[40] H. Bitan, Droit des créations immatérielles : logiciels, bases de données et autres œuvres sur le web 2.0,Lamy Axe Droit,
mars 2010, p. 14.
[41] V. affaire Valentin Lacambre. Exemple de contrat: tam-o-tam.com: Article 1, le fournisseur propose la location d'un
service d'hébergement de page web... article 2, le fournisseur propose au client la possibilité de disposer d'une adresse web
et et d'un espace disque dur sur un serveur performant.
[42] Cass. Crim. 17 nov. 1992, LPA 12 avril 1993, n°44, p. 4. Selon la cour, l’hébergeur n’est pas tenu de vérifier le contenu de
l’information qu’il met en ligne.
[43] Comme dans le jugement du tribunal d’instance de Puteaux du 28 septembre 1999, Axa Conseil lard (Sté) a. C/ Monnier
a. Dans cette affaire, le juge a refusé toute assimilation du fournisseur à un directeur de publication, considérant qu’il «
n’intervient en aucune façon sur l’émission des données », qu’il ne peut pas même « en déterminer le thème ni le sujet », qu’il
ne peut « ni sélectionner ni modifier les informations avant leur accessibilité sur l’internet » et que dans ces conditions, il ne
dispose d’ « aucune maîtrise dur le contenu des informations avant que celles-ci ne soient disponibles sur l’internet ».
[44] TGI Nanterre, ord. Réf., 31 janvier 2000, RG n°00/00222, Les trois suisses a. c/Axinet Communication (SARL) a.,D. 2001.292, note M-A. Gallot Le Lorier et V. Varet. Dans cette affaire, le juge a estimé non seulement la responsabilité du déposant des noms de domaine mais également la responsabilité de l’hébergeur du site sur lequel s’est déroulée la vente litigieuse.
[45] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 201.
[46] Ou d’éliminer toute possibilité d’accéder à ces contenus.
[47] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 202.
[48] M. Vivant, «La responsabilité des intermédiaires de l’internet »,op. cit., p. 180.
[49] A. Tourette, Responsabilité civile et neutralité de l’internet : Essai de Conciliation, thèse, Nice, 2015, p. 265.
[50] K. Grisse, « After the storm—examining the final version of Article 17 of the new Directive (EU) 2019/790 »J,ournal of
Intellectual Property Law & Practice, novembre 2019, vol. 14, n° 11, p. 896.
[51] A. Rey, (dir) Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert, 2005, p. 1792.
[52] J. Larrieu, Droit de l’Internet, Ellipses, Coll. Mise au point, 2
ème éd., 2010, p. 150.
[53] F. Brison et al., Actualités législatives en droit d’auteur, Larcier, Bruxelles, 2019, p. 40.
[54] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 209.
[55] V. Cassiers, « Arrêt « Ziggo » : la plate-forme YouTube sera-t-elle bientôt hors-la-loi ? », Journal de droit européen, n°243,
2017, p. 360.
[56] C. De Callataÿ et al., « La responsabilité des intermédiaires à la lumière de la nouvelle Directive « Digital Single Market »
», in Les droits intellectuels, entre autres droits, UB3 – Éditions Larcier, Bruxelles, 2019, p. 161.
[57] Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins
dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.
[58] N. Forster et al., La responsabilité sans faute de l’union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2021, p. 21.
[59] Ibid., p. 29.
[60] « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé
par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde » (article 1384 du code civil
camerounais).
[61] A. Lucas, « La responsabilité civile du fait des choses immatérielles », inLe droit privé français à la fin du XXe siècle.
Études offertes à Pierre Catala, Litec, 2001, pp. 817-826, spé. n° 12-14, pp. 220-221 ; Ph. Le Tourneau,Contrats informatiques
et électroniques, Dalloz Référence, 8
ème éd., 2014-2015, n° 10.12 – Brun, n° 359, jugeant qu’ «une vision « dématérialisée »
de la chose justiciable de l’article 1384 alinéa 1er, susciterait sans doute plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait, en soumettant ces « choses », d’un genre si particulier à un régime juridique qui n’est en rien adapté à leur spécificité. ».
[62] E. Tricoire « La responsabilité du fait des choses immatérielles », in Libre droit. Mélanges en l’honneur de Philippe le TOURNEAU, Dalloz, 2008, pp. 983-1002 ; W. Duhen, La responsabilité extra-contractuelle du fournisseur d’accès à Internet, PUAM, 2013, pp. 238-239, concluant toutefois à l’impossibilité de mettre en cause la responsabilité d’un FAI sur ce fondement, faute de direction et de contrôle (nos 240-243) ; E. Ricbourg-Attal (dir. J. Julien), La responsabilité civile des acteurs de l’internet du fait de la mise en ligne de contenus illicites, op. cit., p. 415 considérant que « le critère de contact entre le fait de la chose et le siège du dommage semble difficile à transposer aux choses immatérielles » (n° 420), mais que « ce serait l'illicéité du contenu qui pourrait révéler l’anormalité » (n° 421). – Pour une étude d’ensemble favorable à l’immatérialité des choses, voir F. Zenati, « L’immatériel et les choses », Arch. phil. Droit, 1999, t. 43, pp. 79-95.
[63] « Les dispositions de l’article 1384 du Code civil n’ont pas vocation à s’appliquer, [l’hébergeur] n’ayant ni la garde des ordinateurs sur lesquels sont stockées les données permettant les actes de contrefaçon incriminés, ni la direction, l’usage et le contrôle du site litigieux » (TGI Paris, ch. 1, 23 mai 2001, Serge P. et a. C/ sté. Free et a.. : Légalis ;Comm. Com. électr. n°
11, nov. 2001 , pp. 21-22).
[64] Voir la proposition d’Élise Ricbourg-Attal dans sa thèse (op. cit.), concluant qu’« il ne paraît pas utopique d’imagine que le XXIe siècle donnera naissance à un régime de responsabilité du fait des choses immatérielles. » (p. 436).
[65] Z. Jacquemin, « Les sanctions civiles comme outils de régulation de l’activité numérique » InEnjeux internationaux des activités numériques entre logique territoriale des États et puissance des acteurs privés, Larcier, 2020, p. 183.
[66] Google en particulier.
[67] Cass. Fr. (1er civ.), 19 février 2013, n°12-12798, Bull., 2013, I, n°19. Et Cass. Fr. (1er civ.), 19 juin 2013, n°12-
17591, Bull., 2013, I, p. 130.
[68] Z. Jacquemin, « Les sanctions civiles comme outils de régulation de l’activité numérique »,op. cit., 2020, p. 184.
[69] Ibidem.
[70] La responsabilité du fait d’autrui désigne le fait de répondre du fait d’autrui, à savoir le fait qui, ayant pour cause les agissements dommageables d’un sujet de droit, justifie qu’un autre sujet de droit, en raison du lien qui l’unit à l’auteur direct du dommage, voie sa responsabilité être engagée.
[71] J. Julien, « Responsabilité du fait d'autrui – Responsabilité générale du fait d'autrui »,Rép. civ. Dalloz, 2019, pp. 54 et s.
[72] Il est parfaitement envisageable, par exemple, qu’un « animateur de communauté » (community manager), chargé de veiller à la bonne réputation de son employeur sur les réseaux sociaux, en vienne par excès de zèle à dénigrer un concurrent sur l’espace graphique d’une plateforme. Un jugement du Tribunal de grande instance de Marseille du 11 juin 2003 fut précurseur en ce qu’il retint pour la première fois la responsabilité d’un employeur du fait de la publication d’un contenu illicite en ligne d’un de ses salariés (TGI Marseille, 11 juin 2003 : CCE2003, n°85, p. 30, obs. L. Grynbaum ;D. 2003, p. 2825, obs.
CH. Le Stanc ; JCP E 2004, I, p. 624, note Luot N. Martinod ;Expertises 2003, n° 274, p. 351, note S. Voisin).
[73] T. Verbiest, « Les cybercafés à la recherche d'un statut juridique », inCIPRUT (M) Les Echos, 2003.
[74] Dans cette affaire, le tribunal de grande instance de Troyes a estimé que les éditeurs de service en ligne sont tenus d’une obligation conduisant à ce que leurs sites ne soient pas utilisés à des fins illicites. Ils sont tenus par conséquence de mettre en place des mesures techniques de prévention et ils doivent également rechercher le contenu illicite publié par autrui
sur leurs sites.
[75] L’article 1384 du code civil camerounais dispose que Le père et la mère, après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
[76] Plén., 29 mars 1991, n° 89-15231, Blieck :JCP 1991 II 21673, concl. Dontenwille, note J. Ghestin ;RTD civ. obs. P. Jourdain ; GAJC, 12e éd., 2008, t. II, nos 227-229.
[77] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 289.
[78] R. Bellayer-Le Coquil, « Le droit et le risque », «Au bonheur du risque ?»,ATALA n° 5; 2002, p.129.
[79] A. Kchaou, La responsabilité civile et Internet, op. cit., p. 226.
[80] É. Ricbourg-Attal (dir. J. Julien), La responsabilité civile des acteurs de l’internet du fait de la mise en ligne de contenus illicites, op. cit., p. 418.
[81] Comme la vente en ligne, le partage des œuvres, etc.
[82] F. Terre, « Être ou ne pas être… responsable : A propos des prestataires de services par Internet »,JCP G 2011, p. 1944.
[83] CA Paris, 10 février 1999, Lacambre / Estelle Hallyday, D., 1999, jur. 389, note N. MalleT-PouJol, et JCP G, 1999, II,
10101, note F. OliVier et E. Barbry.
[84] L. Josserand, De la responsabilité du fait des choses inanimées, Rousseau, 1897, p. 123.
[85] A. Lucas, « La responsabilité des différents intermédiaires de l’internet », inL’internet et le droit. Droit français, européen
et comparé de l’internet. Actes du colloque organisé par l’École doctorale de droit public et de droit fiscal de l’Université Paris
I les 25 et 26 septembre 2000, Victoire Éd., coll. Légispresse, 2001, pp. 239-240.
[86] J.-S. Borghetti, « La responsabilité du fait des choses, un régime qui a fait son temps »,RTD Civ., 2010, pp. 12-13.
[87] B. Starck et al., Droitcivil : Les obligations, Litec, Paris, 6
ème éd., p. 641.
[88] Ibidem.
[89] B. Tourette, Responsabilité civile et neutralité de l’internet : Essai de Conciliation, op. cit., p. 133.