La garantie de passif est un mécanisme contractuel permettant à l’acquéreur d’une société d’être indemnisé par le cédant en cas de survenance d'événements défavorables non révélés avant la signature du contrat de cession. L’ensemble des pertes financières subies par la société et trouvant leur origine dans un fait antérieur non révélé par le vendeur ont ainsi vocation à être couvertes par la garantie de passif.
Cette garantie permet indirectement de diminuer le prix d’acquisition à hauteur des pertes trouvant leur origine dans des actes de gestion antérieurs à la vente de la société.
Nous vous exposons les principales clauses à intégrer afin de garantir l’efficacité de la garantie de passif, ou au contraire d’en limiter la portée.
Exiger du cédant l’inclusion de déclarations au sein du contrat de cession
L’efficacité d’une garantie de passif suppose en premier lieu que le vendeur s’engage sur un certain nombre d’éléments. En effet, ce n’est qu’en cas d’inexactitude d’une déclaration que la garantie pourra être actionnée, ce qui suppose que l’acquéreur ait lui-même exigé et négocié l’inscription de déclarations et d’engagements au sein du contrat de cession.
Déclarations d’ordre général
Il est systématiquement recommandé d’obtenir du cédant les déclarations suivantes :
- capacité à réaliser la vente : obtention de l’ensemble des autorisations nécessaires à la signature du contrat de cession, absence de promesse ou de nantissement pré-existant et portant sur les actions cédées, etc...
- existence de la société, absence d’état de cessation de paiement ou d’imminence d’une telle situation.
- existence des filiales éventuelles (ou absence de filiales) : validité de la détention des participations concernées.
- absence de contentieux relatifs aux mandats de dirigeants exercés par la société cédée au sein d’autres sociétés.
Par ailleurs, une déclaration portant sur la pleine et entière propriété des actions ou parts sociales cédées doit être intégrée. En cas d’acquisition de l’intégralité du capital social, il est en outre recommandé de faire déclarer au cédant l’absence de valeurs mobilières donnant accès au capital non visées dans le contrat de vente (BSA, BSCPE, OCA etc…). Cette déclaration garantira à l’acquéreur de bien détenir, à terme, la totalité du capital social de l’entité acquise.
Déclarations liées au fonctionnement de la société
Une déclaration protectrice consiste à faire déclarer au vendeur que l’activité de la société a toujours été réalisée conformément aux lois et règlements en vigueur ainsi qu’aux statuts de la société.
Il pourra être précisé que les dirigeants n’ont commis aucune faute de gestion ou acte qui pourrait conduire ultérieurement (à savoir suite à l’acquisition) la société à enfreindre les dispositions légales et la jurisprudence en vigueur.
En outre, une déclaration liée à la détention des permis, licences, accréditations et agréments nécessaires à son activité peut être intégrée dans le contrat de cession.
Absence d’effet négatif de la revente sur l’activité de la société
Il est courant que les contrats conclus par la société comprennent des clauses dites “de changement de contrôle” interdisant à l’associé majoritaire de perdre le contrôle de la société sans l’accord du co-contractant, au risque de se voir opposer la résiliation du contrat concerné.
Ces clauses de changement de contrôle sont courantes dans les contrats de financement, les contrats industriels (secteur de l'énergie, de l'aéronautique…), dans certains contrats de licence, de location,de distribution, etc…
Ainsi, avant la signature du contrat de vente (ou entre le signing et le closing), il convient de solliciter auprès des co-contractants concernés leur engagement de ne pas exercer la clause de changement de contrôle suite au changement d’actionnaire majoritaire.
Au sein de la garantie de passif, afin de s’assurer que le cédant a obtenu l’ensemble des renonciations nécessaires (notamment de la part des prêteurs) à exercer leur clause de changement de contrôle, il est recommandé d’inclure une déclaration portant sur l’absence de faculté de résiliation des contrats significatifs (contrat de crédit, contrat fournisseur, licences…) du fait de la prise contrôle.
Exactitude et sincérité des comptes annuels de la société
Le prix d’acquisition étant principalement fondé sur l’analyse des comptes annuels transmis, il est recommandé à l’acquéreur d’exiger du vendeur les déclarations suivantes :
- approbation régulière des comptes sociaux par l’assemblée générale des associés.
- comptes sociaux établis conformément aux principes comptables généralement admis sur le territoire français.
- passifs trouvant leur origine antérieurement à la date de clôture suffisamment provisionnés.
- créances inscrites en compte effectivement recouvrables, etc…
L’absence d’exactitude des comptes ouvrira ainsi droit à indemnisation.
Déclarations liées à la conduite des affaires depuis la signature de la lettre d’intention LOI”)
Il est courant que l’avocat d’affaires prenne soin de garantir à l’acquéreur la gestion “en bon père de famille” de la société entre la date de signature de la lettre d’intention et la réalisation effective de la vente.
En effet, durant cette période intercalaire, le dirigeant est susceptible de réaliser certaines opérations ayant une incidence négative sur l’activité (licenciement, ou au contraire embauches trop importantes, changement de stratégie, conclusion d’emprunts…). Il convient donc que le cédant s’engage, durant cette période, sur :
- l’absence de dépenses et d’investissements non courants
- l’absence de conventions conclues entre la société et lui-même ou ses affiliés
- l’absence d’augmentation de salaire non courante
- l’absence de conclusion d’emprunts ou d’octroi de garanties, etc...
Variété des déclarations et engagements envisageables
En complément des déclarations présentées ci-dessus, l’acquéreur peut avoir intérêt à solliciter d’autres engagements portant sur :
- le nombre de salariés embauchés et la conformité des relations de travail au droit du travail, en ce compris à la convention collective applicable.
- la liste des contrats de crédit conclus par la société.
- l’absence de redressement fiscal et le respect de la réglementation fiscale, l’absence d’appartenance (ou l’appartenance) à un périmètre d’intégration fiscale, l’absence de sursis ou de report d’imposition etc..
- l’absence de litiges engagés à l’encontre de la société ou par la société, etc...
Paramétrer les aspects financiers liés à la garantie de passif
Définir avec précision les préjudices couverts par la garantie.
Il convient de préciser les cas dans lesquels la garantie peut être actionnée, à savoir :
- en cas de découverte d’un supplément de passif non déclaré par l’acquéreur ou insuffisamment provisionné dans les comptes.
- en cas d’inexactitude d’une des déclarations du vendeur.
L’efficacité de la garantie dépend donc en grande partie de la rédaction des déclarations et de leur portée plus ou moins générale.
Fixer un plafond à la garantie de passif
Le cédant aura intérêt à plafonner le montant de la garantie afin de limiter le montant de la réduction de prix qu’il devra éventuellement supporter. En pratique, le montant de ce plafond varie entre 15% et 30% du prix des actions ou parts sociales, sous réserve des particularités de l’opération concernée.
Il est recommandé de fixer le plafond en fonction des risques identifiés durant la période d’audit : certains niveaux de risque justifient un plafond portant sur plus de 30% du prix. Au demeurant, il est envisageable de ne pas fixer de plafond.
Alternativement, un plafond peut être fixé mais ne pas s’appliquer aux déclarations essentielles faites par le cédant (existence de la société, détention des actions, absence de procédure collective, etc…).
Fixer un seuil de minimis et un seuil d’indemnisation
Le seuil de minimis est le seuil en dessous duquel un préjudice ne pourra pas être compris dans une demande d’indemnisation fondée sur la garantie de passif.
Par ailleurs, il est courant d’inclure un second seuil “cumulé” que l’acquéreur devra franchir pour adresser la demande d’indemnisation (après avoir additionné l’ensemble des préjudices excédant individuellement le seuil de minimis).
Ces deux seuils ont pour objectif de circonscrire l’exercice de la garantie à la couverture de préjudices significatifs, la mise en œuvre de la garantie et les contestations et vérifications nécessaires étant coûteuses et chronophages.
Préciser la durée de la garantie et en garantir le paiement
Il convient de limiter la durée durant laquelle la garantie de Passif pourra être exercée. La durée de la garantie est généralement située entre 18 mois et 36 mois.
Par ailleurs, l’acquéreur peut solliciter de la part du cédant un mécanisme de garantie du paiement des indemnités susceptibles d’être versées suite à l’activation de la garantie de passif. Plusieurs garanties, ou mécanismes équivalents, sont disponibles :
- solliciter une caution personnelle, bancaire, ou une garantie à première demande.
- constituer un nantissement en cas de cession partielle.
- prévoir un paiement du prix en plusieurs échéances afin de pouvoir couvrir le paiement des indemnités par compensation avec la créance résiduelle de paiement du prix d’acquisition.
- séquestrer une portion du prix de vente.
L’insertion de cette “garantie de la garantie” permettra à l’acquéreur de recouvrir sans difficultés sa créance indemnitaire.