Le Conseil d’Etat, par sa décision en date du 11 décembre 2013 (CE, 11 décembre 2013, Société antillaise de sécurité, n°372214) semble mettre définitivement fin à l’audace des juges du fond qui prônaient encore l’existence d’un délai de standstill dans le domaine des marchés à procédure adaptée (MAPA).
Le délai de standstill est un délai suspensif entre la communication de la décision d'attribution du marché et la signature de ce dernier afin de permettre aux candidats évincés d'engager, le cas échéant, une procédure de recours précontractuel en procédure formalisée (article 80 du CMP : « I.-1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée »). Ce délai permet de contester un manquement aux obligations en matière de publicité et de mise en concurrence par le pouvoir adjudicateur.
Dans la présente affaire, le grand port maritime de la Martinique avait engagé une procédure adaptée en vue de la passation d’un marché de prestation de sécurité incendie et d’assistance à la personne. Le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Fort-de-France a été saisi par un concurrent évincé d’une demande d’annulation de la décision rejetant son offre. Dans sa décision, la Haute juridiction a indiqué dans le cadre d’un considérant de principe d’utiles précisions en matière d’office du juge des référés dans le cadre d’une procédure adaptée (MAPA).
Notamment, « (…) les manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont limitativement définis par les dispositions des articles L. 551-18 et L. 551-20 du code de justice administrative citées ci-dessus ; que, lorsque le marché n’est pas soumis à l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice, de respecter un délai minimal entre la notification de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une offre et la signature du contrat, l’annulation d’un tel contrat ne peut résulter que, soit du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéa de l’article L. 551-18, soit de ce que le contrat a été signé, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 551-4 ou L. 551-9 du même code, alors que le tribunal administratif était saisi d’une demande en référé précontractuel ; (…) ».
Par cette décision le Conseil d’Etat confirme que le pouvoir adjudicateur n’est soumis au respect d’aucun délai de standstill en MAPA. Cette voie jurisprudentielle avait déjà été suivie par certaines juridictions de fond (TA Paris, 30 juillet 2010, Société Althing, n° 1012380).
Il avait déjà retenu un tel raisonnement en 2011 en indiquant que : « (…) les marchés passés selon une procédure adaptée, (…) ne sont pas soumis à l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d’attribution (…) » (CE, 19 janvier 2011, Grand port Maritime du Havre, n°343435).
Puis l’année suivante en précisant de nouveau que : « (…) les principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats ainsi que la règle de transparence des procédures qui en découle, n’imposent aux pouvoirs adjudicateurs ni d’indiquer aux candidats évincés les motifs du rejet de leurs offres ni de respecter un délai raisonnable entre la notification de ce rejet et la conclusion du contrat (…) » (CE, 29 juin 2012, Société PRO 2C, n°357976).
Mais des Cours ont tenté de faire prévaloir un délai de standstill en matière de procédure adaptée : « (…) incombe notamment à la personne responsable du marché d’informer les candidats évincés du rejet de leur candidature ou de leur offre et de respecter un délai raisonnable avant de signer le marché afin de permettre aux intéressés, éventuellement, de contester le rejet qui leur est opposé (…) » (voir CAA Nancy, 18 novembre 2013, Communauté de communes de Vesle Montagne de Reims, n°12NC01181).
Le Code des marchés publics est pourtant très clair lorsqu’il affirme que ce délai ne s’applique qu’en procédure formalisée. Il ne prévoit donc pas une application en MAPA. Par conséquent, le Conseil d’Etat ne fait qu’appliquer une interprétation littérale de l'article 80 du CMP.