Désignation du délégué syndical : périmètres et concordances..

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Désignation du délégué syndical : périmètres et concordances..

Soc. 12 avril 2012, n° 11-60.218

 

« Mais attendu que l'article L. 2143-3 du Code du travail fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, et que ce n'est que si le syndicat ne dispose plus dans l'entreprise ou l'établissement d'aucun candidat remplissant cette condition qu'il peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ; qu'il en résulte que le syndicat qui n'a présenté dans le périmètre de désignation lors des élections professionnelles aucun candidat susceptible d'être désigné délégué syndical ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 2143-3, alinéa 2 ;

Et attendu que le syndicat n'ayant présenté aux élections des membres de comité d'entreprise aucun candidat travaillant au sein de l'agence de Rochy Condé et n'ayant présenté de liste aux élections des délégués du personnel au sein de cette agence, sans faire état d'une situation particulière de nature à justifier cette carence, c'est à bon droit que le tribunal a dit nulle la désignation au sein de l'agence de Rochy Condé d'un salarié simple adhérent du syndicat ».

Rendu dans une configuration qui pourrait devenir l'exception - celle d'une entreprise à établissements multiples dont le périmètre d'élection du comité d'entreprise est celui de l'entreprise dans son ensemble tandis que le périmètre de désignation des délégués syndicaux demeure celui des établissements, également périmètre d'élection des délégués du personnel -, l'arrêt du 12 avril 2012 ici commenté n'en livre pas moins plusieurs enseignements.

Dans cette affaire, le syndicat avait désigné comme délégué syndical d'un des établissements de l'entreprise, celui de Rochy Condé, un salarié travaillant dans cet établissement mais qui n'avait pas été candidat aux dernières élections professionnelles. Après avoir rappelé la règle énoncée à l'article L. 2143-3, alinéa 1er, du Code du travail selon laquelle le délégué doit être désigné parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages, la Cour de cassation a précisé, reprenant l'alinéa 2 du même article, que ce n'est que si le syndicat ne dispose plus dans l'entreprise ou l'établissement d'aucun candidat remplissant cette condition qu'il peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise. Elle a déduit de ces dispositions légales que le syndicat qui n'a présenté dans le périmètre de désignation lors des élections professionnelles aucun candidat susceptible d'être désigné délégué syndical ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 2143-3, alinéa 2. En conséquence, la Haute juridiction a approuvé le premier juge d'avoir annulé la désignation dès lors que le syndicat n'avait présenté aux élections des membres de comité d'entreprise aucun candidat travaillant au sein de l'agence de Rochy Condé et n'avait pas non plus présenté de liste aux élections des délégués du personnel au sein de cet établissement.

La condition d'audience requise pour être désigné délégué syndical, énoncée à l'article L. 2143-3, alinéa 1er, du Code du travail, a été tempérée par un système de « repêchage ». Il est précisé à l'alinéa 2 de cet article que, « s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ».

La signification de cette disposition a été discutée dès l'adoption de la loi du 20 août 2008. Est assurément visée l'hypothèse dans laquelle tous les candidats présentés par un syndicat et ayant obtenu 10 % ont quitté l'entreprise entre deux élections (démission, licenciement). En revanche, la lettre du texte, en particulier les termes « s'il ne reste plus », doit-elle conduire à écarter toute possibilité de repêchage dès le résultat des élections, lorsque le syndicat n'a présenté aucun candidat susceptible d'être désigné dans les circonstances qui étaient celles de l'arrêt ?

La Cour de cassation a opté pour une interprétation restrictive des dispositions de l'article L. 2143-3 du Code du travail. La faculté de désigner un candidat n'ayant pas obtenu une audience d'au moins 10 % d'audience, ou à défaut un « simple adhérent », n'est pas une alternative dont le syndicat peut user lorsqu'il n'a pas de candidat remplissant cette condition, peu important la cause de cette « carence ». Elle ne joue que dans des circonstances dans lesquelles le syndicat avait présenté des candidats ayant obtenu l'audience requise, candidats dont il ne dispose plus en raison de la survenance d'évènements dont on pressent qu'ils doivent être indépendants de toute volonté de celui-ci comme, semble t-il, des candidats eux-mêmes. En conséquence, le syndicat qui n'a pas présenté de candidats, ou bien qui en a présenté un nombre insuffisant par rapport au nombre de délégués syndicaux susceptible d'être désignés, ne saurait se prévaloir de l'article L 2143-3 alinéa 2 du Code du travail. Cette lecture repose sur l'idée qu'un syndicat ne pourrait, en quelque sorte, se « dispenser » de la condition d'audience présidant en principe à la désignation du délégué syndical en ne présentant pas de candidats.

Tout en optant pour une telle lecture de l'article L. 2143-3, alinéa 2 du Code du travail, l'arrêt du 12 avril 2012 redonne une certaine actualité à une ancienne jurisprudence.

Selon les termes de celui-ci, il « résulte » de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du Code du travail que « le syndicat qui n'a présenté dans le périmètre de désignation lors des élections professionnelles aucun candidat susceptible d'être désigné délégué syndical ne peut invoquer » ces dispositions. Quelque peu obscur, l'énoncé est éclairé par le second attendu. La Cour de cassation y approuve le premier juge d'avoir annulé la désignation comme délégué syndical de l'établissement de Rochy Condé d'un salarié de cet établissement n'ayant pas été candidat aux élections, ni à celle du comité d'entreprise ni à celle des délégués du personnel de cet établissement.

Énoncée sous la forme d'une déduction de la règle énoncée à l'article L. 2143-3, alinéa 2, du Code du travail, la solution repose implicitement sur une exigence : l'appartenance du salarié à l'établissement au sein duquel il est désigné en qualité de délégué syndical. Bien qu'elle ne résulte d'aucun texte, cette condition, affirmée à travers quelques arrêts, retrouve ici une certaine vigueur. Lorsque l'entreprise comporte plusieurs établissements distincts pour la désignation des délégués syndicaux, le syndicat doit donc présenter comme candidats aux élections au moins un salarié travaillant dans chacun des établissements, sauf à se priver de la faculté de désigner des délégués syndicaux d'établissements. En dépit de l'incise « sauf situation particulière de nature à justifier cette carence » de candidat, dont on peine à imaginer ce qu'elle recouvre, la solution apparaît ainsi d'une grande rigueur.

Si cette concordance entre le périmètre de désignation du délégué syndical et celui dans lequel le salarié désigné travaille n'est pas expressément prévue par les textes et, par conséquent, aurait pu ne pas être reprise par la Cour de cassation après la loi du 20 août 2008, il est vrai qu'elle fait désormais écho à l'exigence d'une audience « personnelle ». Celle-ci implique que, bien que désigné par le syndicat et représentant ce dernier auprès de l'employeur, le délégué syndical a aussi désormais une légitimité électorale qui l'ancre à une collectivité déterminée dont il est membre. Mais l'argument pourrait tout aussi bien être renversé. Dès lors que l'audience du délégué syndical peut être indifféremment recueillie aux élections du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, donc dans des périmètres qui peuvent être plus larges que celui dans lequel le salarié travaille, il n'apparaît pas impératif que le salarié désigné en tant que délégué syndical d'un établissement soit salarié dudit établissement.

L'arrêt du 12 avril 2012 permet en revanche de lever une incertitude quant à la concordance requise ou non entre le cadre de désignation du délégué syndical et celui des élections auxquelles il a été candidat. Il ressort de cette décision que le délégué syndical d'établissement doit avoir recueilli l'audience exigée soit aux élections intervenues à ce niveau, soit à celles qui se sont tenues dans un périmètre plus large. La Cour de cassation relève en effet que le syndicat n'avait présenté, en l'espèce, aucun salarié de l'établissement comme candidat, ni aux élections des délégués du personnel dudit établissement, ni aux élections du comité d'entreprise, ces dernières ayant été organisées au niveau de l'entreprise dans son ensemble.

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