Plan de départs volontaires et prise d'acte de la rupture : les vicissitudes de la volonté du salarié

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Plan de départs volontaires et prise d'acte de la rupture : les vicissitudes de la volonté du salarié

« Attendu, d'abord, que si l'employeur qui entend supprimer des emplois pour des raisons économiques en concluant avec les salariés des accords de rupture amiable, n'est pas tenu d'établir un plan de reclassement interne lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre des objectifs qui lui sont assignés en terme de suppression d'emplois, il en va autrement lorsque le projet de réduction d'effectifs de l'employeur implique la suppression de l'emploi de salariés qui ne veulent ou ne peuvent quitter l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires ; que le maintien de ces salariés dans l'entreprise supposant nécessairement en ce cas un reclassement dans un autre emploi, un plan de reclassement interne doit alors être intégré au plan de sauvegarde de l'emploi ;

Attendu, ensuite, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par un salarié concerné par une procédure de suppression d'emplois pour raisons économiques, lorsqu'elle est justifiée par l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur est tenu d'établir, produit les effets d'un licenciement nul ».

Le roman jurisprudentiel sur les départs volontaires maintenait ses lecteurs dans l'expectative, suite au retentissant arrêt Renault du 26 octobre 2010(1). Certes, le trouble originel qu'a pu susciter sa rédaction s'était entre-temps estompé, grâce aux éclairages essentiels que plusieurs conseillers de la Chambre sociale ont pris grand soin à apporter, en privé comme en public. Il s'agissait, en réalité, de dispenser l'employeur d'intégrer au plan de sauvegarde de l'emploi - ou, pour être plus précis, au plan de reclassement que doit comporter le plan de sauvegarde de l'emploi - des mesures de reclassement interne, dans une hypothèse particulière : celle où le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement. En de telles circonstances, le plan de départs volontaires (PDV), à supposer réunies les conditions d'application de l'article L. 1233-61 du Code du travail, doit s'accompagner de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), mais le plan de reclassement que ce dernier doit intégrer n'a pas, quant à lui, à comporter de plan de reclassement interne (PRI). Vertige du plan... Ainsi l'arrêt Renault consacrait-il l'équation suivante : « PDV - PSE - PRI ». Cette proposition ne valant que dans le contexte que prétendait alors cibler la Cour de cassation, la communauté des interprètes attendait avec une certaine impatience que l'occasion se présente à la Chambre sociale de préciser sa construction, le cas échéant en prolongeant le « récit ».

Ceux qui attendaient un bel arrêt se délecteront de cet arrêt du 25 janvier 2012, auquel la Haute juridiction réserve(ra) une publicité maximale, avec en prime un (utile) communiqué(2). L'affaire s'y prêtait. Un opérateur de télécommunications, la société Completel Grenoble, avait, dans le cadre d'une réorganisation qui s'accompagnait de la décision d'externaliser un service, inscrit au sein du plan de sauvegarde de l'emploi un dispositif de départs volontaires au bénéfice des salariés concernés par l'externalisation de leur emploi et ne souhaitant pas rester au service de la société. L'un de ces salariés, ayant vu son projet et donc sa candidature rejetés par la commission paritaire qui avait été instituée pour sélectionner les bénéficiaires du dispositif de départs volontaires, insatisfait de la proposition de reclassement interne que lui avait ultérieurement soumise la direction, engagea une action en résiliation judiciaire avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, en mettant en cause la validité du plan de sauvegarde de l'emploi. Mal ciblés, les griefs mis en avant par le salarié se centraient, semble-t-il, sur sa prétention à bénéficier de l'ensemble des mesures d'un plan, en estimant que celui-ci portait atteinte au principe d'égalité de traitement. S'abstenant de déplacer la discussion sur un autre terrain, la cour d'appel, après avoir notamment constaté que le rejet de la candidature du salarié s'expliquait par le fait que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi pour les départs volontaires, avait décidé que cette prise d'acte n'était pas justifiée et devait produire les effets d'une démission. Le pourvoi qui sera formé à l'encontre de cette décision va permettre in fine à la Cour de cassation de recadrer le débat, de le (re)centrer sur la question du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi accompagnant un plan de réduction d'effectifs au moyen de départs volontaires, en éclairant ainsi les limites de la jurisprudence Renault (I). Ce qui réorientera sensiblement l'appréhension de la prise d'acte mise en oeuvre par le salarié (II).

I. - Sur les départs volontaires (et l'exigence d'un plan de reclassement interne)
Manifestement, la Chambre sociale de la Cour de cassation a souhaité se saisir de cette affaire pour affiner la jurisprudence inaugurée par l'arrêt Renault. Il n'est pas anodin que la solution - l'équation (« PDV - PSE - PRI ») - que celui-ci consacrait soit, dans l'arrêt du 25 janvier 2012, hissée au rang de principe, alors que, dans sa formulation originelle, elle avait plutôt un statut d'exception, nous semble-t-il(3). La présentation, ici, se renverse, et l'énoncé normatif fait l'objet d'une réécriture particulièrement bienvenue. Désormais, il est précisé que l'employeur ne peut se dispenser, dans ce que l'on peut appeler « l'hypothèse Renault », que d'intégrer au plan de sauvegarde de l'emploi, non pas un plan de reclassement en tant que tel, mais un plan de reclassement « interne ». Nuance évidemment capitale. L'on savait que la Chambre sociale (ré)introduirait, à la première occasion, cet adjectif, dont l'absence dans l'arrêt du 26 octobre 2010 avait provoqué des questionnements ; c'est maintenant chose faite. Le principe devient d'autant plus intelligible que l'énoncé qui l'exprime, faisant peau neuve, est, du même coup, purgé de la (douteuse) référence à un plan de reclassement qui ne viserait que les salariés dont le licenciement ne peut être évité(4). Sur ce versant, l'arrêt Completel s'emploie essentiellement à dissiper les équivoques : il fluidifie l'expression du principe, il (le) clarifie.

Les Hauts magistrats ne se sont, cependant, pas contentés de réécrire un principe déjà acquis ; leur démarche apparaît beaucoup plus ambitieuse : c'est la signification du principe posé, ses contours, ses limites, qu'ils ont cherché à affiner, à préciser, en se saisissant de l'opportunité que leur offrait, à ce titre, le pourvoi. À la réflexion, il n'est pas totalement exclu que la Cour ait pu, dans cette affaire, se borner à reprendre la solution posée par la jurisprudence Renault, en inférant des constatations faites par les juges du fond que le plan de départs volontaires n'excluait nullement toute perspective de licenciement, dans la mesure où les salariés dont les emplois étaient supprimés ne pouvaient tous bénéficier de ce dispositif, comme le confirmait la situation de l'auteur de l'action judiciaire. Ce dont il aurait pu être déduit que l'employeur se devait d'introduire au sein du plan de sauvegarde de l'emploi un volet reclassement interne. Semblable présentation aurait néanmoins présenté un inconvénient : celui de ne guère éclairer, en la laissant dans une forme de pénombre, la signification conférée par la Chambre sociale à l'exigence d'une exclusion de tout licenciement, qu'elle érige en critère de différenciation, et dont dépend l'obligation d'intégrer ou non au plan de sauvegarde de l'emploi des mesures de reclassement interne. Or, cette notion, les magistrats ont, apparemment, voulu, avec l'arrêt du 25 janvier, l'éclairer - mais par la bande. C'est la raison pour laquelle la Chambre sociale a privilégié une présentation qui, formellement, assortit le principe de la dispense d'un plan de reclassement interne en présence d'un plan de départs volontaires d'une importante exception, qu'elle explicite en ces termes : « il en va autrement lorsque le projet de réduction d'effectifs de l'employeur implique la suppression de l'emploi de salariés qui ne veulent ou ne peuvent quitter l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires ».

Les termes de cette proposition ont été soupesés - et choisis avec soin. Point n'est question ici d'un engagement de l'employeur de ne pas licencier. C'est à l'impact du projet de réduction des effectifs que se réfère la Cour ; c'est sur son incidence - potentielle, mais nécessaire - en matière de suppression d'emplois qu'elle met l'accent, en l'envisageant comme une relation logique, ce que traduit le choix du verbe « impliquer ». Qu'il s'agisse d'un projet tendant à la fermeture d'un site, à une délocalisation, à la cessation d'un métier ou à l'externalisation d'un service, c'est la nature du projet envisagé par l'employeur qui prévaut, sous réserve, toutefois, que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail sur le transfert des contrats de travail ne soient pas réunies. Il y a là une approche, disons « objectivante », qui ne peut que rejaillir, pour des raisons de cohérence, sur l'appréhension de la condition consacrée par l'arrêt Renault, relative à l'exclusion de tout licenciement. Au regard de l'analyse retenue, ici, par la Cour de cassation, cette condition ne saurait désormais être rapportée, nous semble-t-il, à l'intention (subjective, psychologique) de l'employeur au moment où il met en place le plan de départs volontaires ; elle ne peut s'entendre que d'un dispositif qui, par son économie même(5), s'avère, en fait, exclusif de tout licenciement - de toute perspective de licenciement - économique, à raison de la mise en oeuvre de ce plan ou du projet économique qui en est à l'origine. Implication devient le maître mot. Si l'on revient à l'analyse déployée par la Cour dans l'arrêt Completel, il faut considérer que la relation d'implication, par laquelle le projet de l'employeur apparaît susceptible d'entraîner des suppressions d'emploi, se trouve caractérisée chaque fois que le maintien dans leur emploi des salariés concernés n'est pas acquis. Et il peut en aller ainsi, bien sûr, tant dans l'hypothèse où le salarié ne se déclare pas candidat que dans celle où il n'a pas la garantie que sa candidature sera retenue. Si la Chambre sociale assimile la situation des salariés « qui ne veulent » et de ceux qui « ne peuvent » quitter l'entreprise, c'est parce les uns comme les autres sont, en pareilles circonstances, dépossédés de la faculté de se maintenir dans leur emploi. De ce choix, ils sont tout simplement privés. C'est alors la clef de voûte - le fondement - de l'analyse ayant inspiré l'arrêt Renault qui en sort ébranlée. Sa justification, en somme. Il est à présent clair, nous semble-t-il, que si l'employeur avait, dans le cadre de cette précédente affaire, pu valablement, dans l'optique de la Cour de cassation, instituer un plan de sauvegarde de l'emploi sans y introduire de mesures tendant à éviter la rupture des contrats de travail ou en limiter le nombre, c'est parce qu'il suffisait aux salariés - théoriquement, tout du moins - de ne pas se déclarer « volontaires » au départ afin de conserver leur emploi. Ce qui était une manière, au fond, de conditionner la force juridique de cette volonté exprimée par le diagnostic (juridique) d'une volonté libre, réelle, et réputée caractérisée dès lors que le salarié était censé avoir le choix entre partir (dans le cadre du PDV) ou rester (dans son emploi). Le volontariat, dans l'approche de la Chambre sociale, procédait de l'existence d'une telle faculté ou possibilité de choix. Que l'on adhère ou non à cette analyse, il faut en déduire a contrario qu'à défaut d'être placés face à cette alternative, les salariés dont l'emploi sera, à court terme, supprimé n'échappent à la rupture de leur contrat que s'ils se voient offrir - et acceptent - un reclassement interne, par hypothèse sur un autre emploi. C'est bien ce qui amène la Cour de cassation, dans l'arrêt Completel, à exiger de l'employeur qu'il se donne les moyens d'éviter une rupture qui, sans cela, sera la seule « alternative » au départ volontaire et, par conséquent, qu'il intègre au plan de sauvegarde de l'emploi un plan de reclassement interne : « le maintien de ces salariés dans l'entreprise supposant nécessairement en ce cas un reclassement dans un autre emploi, un plan de reclassement interne doit alors être intégré au plan de sauvegarde de l'emploi ». C'est, en quelque sorte, l'envers de la jurisprudence Renault.

Si l'analyse de la Cour de cassation peut sur un plan technique s'apparenter au double négatif, avec suppléments d'âme, de l'arrêt Renault, son envers donc, elle peut aussi, à un niveau plus fondamental, être comprise comme l'ébauche d'un renversement autrement radical. Pourquoi l'équation « PDV - PSE - PRI » se trouve-t-elle ici mise à mal ? Parce que, avancera-t-on en première approche, la Cour de cassation entend différencier deux genres de plans de départs volontaires(6), suivant qu'ils ouvrent ou non, potentiellement, sur la perte de leur emploi par les salariés qui n'ont voulu ou pu quitter l'entreprise. Autrement dit, sur la perte involontaire de leur emploi, puisque la volonté à l'oeuvre est uniquement celle de l'employeur. Dans l'affaire Completel, le salarié, rappelons-le, n'avait pu bénéficier du dispositif de départs volontaires. Néanmoins l'analyse aurait été la même si sa candidature avait été retenue par la commission paritaire de suivi, le plan de sauvegarde de l'emploi ayant été indûment « amputé » de l'un de ses attributs essentiels. Cela signifie que la volonté de rompre émanant du salarié aurait été en ce cas dépourvue de force juridique. Faute d'un choix entre rester (dans son emploi) et partir... L'on en vient, dès lors, à se demander - bien que la Cour de cassation se garde de s'engager dans cette voie - si la ligne de démarcation se situe véritablement entre deux sortes ou genres de plans de départs volontaires, ce qui supposerait que la volonté du salarié soit juridiquement efficiente en tant que volonté de rompre le contrat, et si ne doit pas plutôt être comprise et/ou conçue comme une différenciation entre ce qui ce qui constitue un plan de départs volontaires et ce qui n'en est pas (vraiment) un, au plan juridique. Si l'équation « PDV - PSE - PRI » tombe, dans l'affaire Completel, c'est, pourrait-on dire, parce que la prémisse (« PDV ») est... fausse. Et elle est fausse parce que le dispositif ne mérite pas d'être qualifié de plan de départs volontaires - sauf à vider la notion de volonté de sa substance. Dans ce que l'on peut appeler, désormais, « l'hypothèse Completel », le prétendu plan de départs volontaires s'apparentait à un dispositif des plus classiques, mêlant mesures de reclassement externe, aides à la création ou la reprise d'entreprise, actions de formation, etc. Autant de mesures pour la mise en oeuvre desquelles - c'est une tautologie - la volonté du salarié joue un rôle, mais pas au niveau de la rupture du contrat de travail (puisque tel n'est - absolument - pas son objet !).

Au coeur de cette problématique des départs dits volontaires se loge une question sémantique, doublée d'une question épistémologique : qu'est-ce qui mérite la dénomination et, par suite, la qualification de plan de départs volontaires (avec comme enjeux immédiats la mise à l'écart ou l'adaptation possibles des règles applicables en cas de licenciements économiques) ? Cette question, la Cour de cassation, pour l'heure, la contourne. Probablement même a-t-elle raison, à ce stade précis, de le faire. Mais l'arrêt du 25 janvier 2012 ne pourrait-il constituer une base, de par la dualité qu'il met en exergue, pour différencier les (vrais) départs volontaires, assortis d'un régime juridique qui leur serait propre, et les mesures qui n'en ont que l'apparence, mais qui relèvent par exemple de logiques de reclassement externe ou d'accompagnement social ?

II. - Sur la prise d'acte de la rupture (en cas d'absence ou d'insuffisance du PSE)
Revenons à l'arrêt. En s'abstenant d'intégrer dans le plan de sauvegarde de l'emploi le plan de reclassement interne qui aurait dû y figurer, l'employeur avait indiscutablement commis un manquement. La question était, par conséquent, pour la Cour de cassation(7), de savoir si ce manquement, parmi ceux que le salarié invoquait, était susceptible de justifier une prise d'acte de la rupture de son contrat, et, dans l'affirmative, de déterminer ce que doivent être les effets de cette résiliation unilatérale.

Ce n'est pas la première fois que la Cour de cassation était confrontée à une situation alliant ou combinant prise d'acte de la rupture et plan de départs volontaires. Cette problématique était au coeur de l'affaire qui donna lieu à un important arrêt du 30 mars 2010, par lequel Cour précisa que le manquement susceptible de justifier la prise d'acte doit être suffisamment grave - ce que l'on savait déjà - mais aussi et surtout « de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail »(8). Le rapprochement avec l'arrêt Completel apparaît instructif. Dans ce précédent, la salariée avait imputé à l'employeur une défaillance dans l'examen de sa candidature dans le cadre d'un dispositif de départ volontaire. Or ce manquement, s'il remettait éventuellement en cause la perspective de reclassement externe qu'avait l'intéressée, n'avait, en revanche, pas la moindre incidence sur la poursuite de son contrat, qui allait, de toutes façons, prendre fin. N'y avait-il pas lieu d'inférer de cette analyse, a contrario, que lorsque le manquement concerne des mesures de reclassement interne - ayant donc pour objet, cette fois, le maintien du contrat - que l'employeur s'est abstenu d'intégrer au sein du plan de sauvegarde de l'emploi, la prise d'acte du salarié, intervenant par hypothèse avant toute rupture, est nécessairement justifiée ?

La Cour de cassation censure effectivement, dans son arrêt du 25 janvier, le raisonnement des juges d'appel qui avaient cru pouvoir faire produire à la prise d'acte du salarié les effets d'une démission. La lecture du dispositif laisse penser que l'analyse de la Chambre sociale s'appuie sur le fait que le manquement de l'employeur affectait le volet reclassement interne du plan de sauvegarde de l'emploi(9). C'est pourtant une analyse assez sensiblement différente qu'exprime le chapeau intérieur de l'arrêt, en affirmant qu'est fondée la prise d'acte du salarié concerné par un processus de suppression d'emplois pour raisons économiques « lorsqu'elle est justifiée par l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi que l'employeur est tenu d'établir ». Cette formulation révèle, nous semble-t-il, que, si l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi procédait ici de l'absence de plan de reclassement interne, ce n'est pas la méconnaissance relative aux exigences d'un reclassement interne que vise cependant la Cour de cassation, mais - exclusivement - le manquement affectant le plan de sauvegarde de l'emploi et, plus précisément, son contenu. La nuance est essentielle, car l'insuffisance de ce plan peut s'originer dans d'autres défaillances ou causes que l'absence totale de reclassement interne, et s'apprécie en considération de l'ensemble des dimensions du plan, y compris son volet reclassement externe. Quoi qu'il en soit, la Chambre sociale érige dans cet arrêt, dans le sillage d'une ligne jurisprudentielle aujourd'hui très nette, l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi comme l'un de ces manquements(10) qui, en soi, par nature, justifient nécessairement la prise d'acte de la rupture par le salarié de son contrat de travail.

Payante - au sens figuré comme au sens propre - aura été la stratégie du salarié qui invoquait, non pas l'absence de fourniture de travail par l'employeur au moment de la rupture, mais une illicéité entraînant, en vertu des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du Code du travail, la nullité du licenciement - lorsque licenciement il y a(11). L'on sait que, dans le cadre de sa construction jurisprudentielle, la Cour de cassation s'attache à ajuster les effets de la prise d'acte justifiée, identifiés en principe aux effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux situations juridiques concernés, et ce, en fonction du régime qui aurait eu vocation à s'appliquer en cas de licenciement. Cette approche ayant été inaugurée par l'arrêt Barbot qui posait que la prise d'acte d'un salarié protégé, lorsqu'elle est justifiée, produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur. C'est cette même démarche que l'on retrouve dans l'arrêt Completel : la prise d'acte de la rupture justifiée par l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi « produit les effets d'un licenciement nul ». Faut-il considérer que le salarié serait en droit d'obtenir sa réintégration ? Nous en doutons, en raison de l'incohérence qu'il y aurait à faire produire à une volonté de rompre le contrat de travail - ce qu'est, en tant que mode de rupture, la prise d'acte - des effets diamétralement opposés(12) ! Le salarié pourra, en revanche, obtenir les indemnisations dues en cas de nullité du licenciement, en obtenant, le cas échéant, la condamnation de l'employeur responsable de l'absence ou de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, en sus des indemnités de rupture, de l'indemnité prévue par le second alinéa de l'article L. 1235-11 du Code du travail, d'un montant au moins égal aux salaires des douze derniers mois(13). L'approche sera alors analogue à celle consacrée(14), dans le cas de la prise d'acte du salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail(15).

La prise d'acte de la rupture dévoile, dans l'arrêt du 25 janvier 2012, une facette qu'on ne lui connaissait pas, en raison de la nature du manquement imputé à l'employeur. Il ne saurait être question toutefois d'y déceler l'apparition d'une prise d'acte d'un nouveau genre, une sorte de « prise d'acte pour raisons économiques », que l'on prétendrait, en vain, soumettre au second alinéa de l'article L. 1233-3, afin d'ouvrir au salarié le bénéfice des garanties instaurées par le droit du licenciement économique (priorité de réembauche, etc.). La prise d'acte intervenue en raison du non-respect par l'employeur des règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi ne repose pas sur une cause économique, mais, conformément à la logique d'imputation qui la caractérise, sur un manquement de l'employeur aux règles juridiques applicables aux ruptures pour raisons économiques. L'arrêt ne consacre pas moins une nouvelle déclinaison du régime de la prise d'acte de la rupture par le salarié de son contrat de travail.

Sollicitée - par l'employeur - au travers d'un plan de départs volontaires, la volonté du salarié se sera finalement exprimée au moyen d'une prise d'acte, au demeurant justifiée...

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