Utilisation de la messagerie électronique de l'entreprise par les organisations syndicales à défaut d'accord

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Utilisation de la messagerie électronique de l'entreprise par les organisations syndicales à défaut d'accord

« Vu l'article L. 2142-6 du Code du travail [...]

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le message syndical était arrivé dans les seules boîtes électroniques des responsables d'agence, ce qui ne caractérisait pas une diffusion au sens de l'article L. 2142-6 du Code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation précise les conditions d'utilisation par les organisations syndicales de la messagerie électronique de l'entreprise.

Un délégué syndical reçoit un avertissement pour avoir envoyé à partir de son ordinateur et de sa messagerie personnelle, un tract signé de l'intersyndicale à l'adresse électronique des trente-cinq points de vente des agences d'une société. Il est débouté de sa demande en annulation de cette sanction par le conseil des prud'hommes. La cour d'appel confirme ce jugement, aux motifs qu'il n'existe pas dans l'entreprise d'accord autorisant les organisations syndicales à utiliser la messagerie électronique et que la liberté d'expression et de communication syndicale par voie électronique est limitée par les dispositions de l'article L. 2142-6 du Code du travail. Cet arrêt est cassé par la Chambre sociale, au visa et pour violation de ce texte. Elle relève que la cour d'appel avait constaté que le message syndical était arrivé dans les seules boîtes électroniques des responsables d'agence, ce qui ne caractérisait pas une diffusion au sens de l'article L. 2142-6 du Code du travail.

Introduites par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, les dispositions de l'article L. 2142-6 du Code du travail prévoient qu'« un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail. L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message ». L'article L. 2142-6 du Code du travail subordonne ainsi la diffusion de tracts syndicaux sur la messagerie électronique de l'entreprise à un accord d'entreprise, au respect duquel sont strictement tenues les organisations syndicales. Le cas échéant, la méconnaissance des termes de l'accord justifie des sanctions disciplinaires(1).

Faut-il déduire de ces dispositions légales que les syndicats ne peuvent pas utiliser la messagerie électronique de l'entreprise, en l'absence d'accord conclu à ce sujet ?(2)

Considérant que cet article réglemente de manière générale la liberté d'expression et de communication syndicale par voie électronique, la cour d'appel s'est prononcée en ce sens. À cette interprétation de l'article L. 2142-6 du Code du travail, la Cour de cassation donne un coup d'arrêt par la décision rapportée. Elle reproche à la cour d'appel d'avoir appliqué ces dispositions alors que n'était pas caractérisée en l'espèce, une diffusion de tracts syndicaux au sens de l'article L. 2142-6 du Code du travail, le message syndical étant destiné uniquement aux responsables d'agence d'une société.

De prime abord, cette motivation peut susciter la perplexité. Le nombre des destinataires de l'envoi d'un tract syndical ne paraît pas de nature à justifier l'exclusion ou non d'une diffusion(3). Mais ce n'est pas tant le nombre, que la qualité des destinataires de l'envoi, qui semble avoir déterminé l'appréciation de la Cour de cassation. Si des responsables d'agences sont des salariés, ils sont aussi les représentants de l'employeur au sein des établissements. L'envoi de tracts sur leurs boîtes électroniques professionnelles, lorsqu'ils sont comme en l'espèce les seuls destinataires, peut dès lors être envisagé comme un envoi non pas aux salariés, mais à l'employeur.

Cette analyse aboutit a fortiori à soustraire du champ d'application de l'article L. 2142-6 du Code du travail, la transmission de tracts syndicaux à l'employeur(4). La Cour de cassation signifie ainsi que seule la diffusion de tracts auprès des salariés tombe sous le coup des conditions posées par l'article L. 2142-6 du Code du travail. Les juges du fond ne peuvent donc pas s'en tenir au constat de l'utilisation par les organisations syndicales de la messagerie électronique de l'entreprise pour envoyer un tract syndical.

La distinction ainsi mise en avant par la Chambre sociale entre la diffusion de tracts syndicaux auprès des salariés et leur transmission à l'employeur n'est pas dénuée d'assise dans le Code du travail(5). Elle recèle toutefois une interprétation inattendue de la diffusion des tracts considérée par l'article L. 2142-6 du Code du travail. Est ainsi mise en relief la restriction qu'apporte ces dispositions légales à la liberté d'expression et de communication des organisations syndicales, dont le principe vaut y compris lorsqu'elle s'exerce par voie électronique. Ce principe justifie que le choix de la messagerie électronique de l'entreprise comme mode de transmission d'un tract syndical à l'employeur ne soit pas déterminant, nonobstant l'article L. 2142-6 du Code du travail. L'exigence d'un accord d'entreprise pour la diffusion de tracts syndicaux par voie électronique est ainsi adossée au premier chef à l'exigence de préservation de la liberté individuelle des salariés de prendre connaissance d'un tract syndical.

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