La Cour de cassation a frappé un grand coup ce mercredi 6 avril 2011 en rendant trois arrêts qui rappellent sans équivoque que la technique des mères porteuses reste illégale en France. Les enfants conçus de cette manière à l’étranger et rapatriés en France ne peuvent pas avoir chez nous d’acte de naissance établissant une filiation avec leurs deux parents d’intention.
Deux grands principes de notre droit français ont inspiré ces décisions :
- l’indisponibilité de l’état des personnes ;
- le respect du corps humain.
Le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes
Quelle est la portée du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes dans notre droit interne ? En rendant trois arrêts similaires le même jour, la Cour de cassation vient de confirmer son intransigeance sur le caractère impératif de ce grand principe. Cela revient à sacraliser le lien entre la filiation et les attaches du sang.
Or, la filiation et les attaches du sang sont dissociés depuis belle lurette dans notre droit par le biais de l’adoption qui implique nécessairement l’attribution de l’autorité parentale à l’adoptant.
En outre, paradoxalement, certains tribunaux français ont tendance à favoriser les étrangers par rapport aux français pour la transcription des actes d’état civil étrangers en France. Ainsi, par jugement en date du 10 février 2011, le tribunal de grande instance de Nantes a reconnu la transcription sur les registres d’état civil français de l’acte de naissance d’un enfant californien né d’une mère porteuse du fait que ses parents venaient d’acquérir la nationalité française.
Le principe du respect du corps humain
Les trois arrêts de la Cour de Cassation mentionnent l’article 16-7 du code civil et font ainsi indirectement référence au principe de respect du corps humain.
Mais cet autre grand principe de notre droit doit lui aussi être relativisé car il est déjà modulé par de nombreuses exceptions.
Chacun peut en effet décider de son plein gré de faire don de son corps à la science, ou de faire un don d’organe pour sauver un autre individu en détresse. Sans parler du don de gamètes, du transfert d’embryon dans un milieu favorable à son développement…
Reconnaissance des enfants nés de mères porteuses par souci d’humanité et d’équité
Conscient de la nécessité d’une solution juridique, le Conseil d’Etat avait suggéré la possibilité de permettre au père d’un enfant né d’une mère porteuse de confier à la mère d’intention (celle qui n’a pas porté l’enfant) une « délégation partagée » de l’autorité parentale qui serait officiellement constatée par les pouvoirs publics.
Alors pourquoi cette mesure ne ferait-elle pas l’objet d’une transcription sur l’état civil? Une telle transcription pourrait constituer un compromis acceptable de part et d’autre. En effet, elle ne viendrait pas contrarier l’ordre public international français tout en officialisant le lien entre l’enfant né d’une mère porteuse et sa mère d’intention car le nom de celle-ci ne figurerait qu’en marge de l’acte de naissance de l’enfant.
Par ailleurs, le don d’organe se justifie par le fait qu’il permet de prolonger une autre vie humaine ; le transfert d’embryon dans un milieu favorable à son développement se justifie par le souci de favoriser une vie en cours de formation…
Dans le prolongement de ce raisonnement, pourquoi ne pourrait-on absolument pas envisager de remplacer le don de tout ou partie du corps humain par un simple prêt d’usage de ce même corps pour aider des mères qui souffrent de ne pas pouvoir avoir d’enfant et éviter de pénaliser outre mesure des enfants qui n’y sont strictement pour rien ? Le droit français n’a-t-il pas également dépénalisé l’adultère, reconnu les enfants naturels, inventé le pacs et légalisé la procréation médicalement assistée ? Pourrait-on se permettre de fabriquer sur le sol français des "sans papiers" d'un nouveau genre alors que ces enfants nés de mères porteuses ont vocation à devenir des français à part entière ? Et les partisans du refus de reconnaissance des enfants nés de mères porteuses ont-ils pensé un seul instant à l’équité vis-à-vis de ces enfants et de ces mères ainsi moins bien traités que les autres ?
Respect des droits de l’homme oblige
Notre ordre public international français paraît par ailleurs discutable par rapport à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Celle-ci dispose notamment, en son article 8, que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». L’interdiction de la gestation pour autrui, le refus de reconnaissance des enfants nés de mères porteuses du seul fait des circonstances de leur engendrement et notamment les conséquences pratiques qui en découlent sont évidemment de nature à porter une atteinte disproportionnée à leur droit de vivre une vie normale.
La Convention européenne des droits de l’homme, en tant que convention internationale dûment ratifiée par notre pays, s’impose de plein droit à notre droit interne. Un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme nous paraît donc à la fois légitime et opportune.
Une possible adaptation du droit français aux enfants nés de mères porteuses
Enfin, la gestation pour autrui est déjà permise dans de nombreux pays du monde : Belgique, Pays bas, Grèce, Danemark, certains états des Etats Unis, Inde, Ukraine …Et pourquoi pas la France ? Au nom de l’exception française, encore une fois ?
Si la France venait à s’aligner sur ces pays, l’actuel article 311-20 du code civil pourrait accueillir opportunément un nouvel alinéa instituant un nouveau contrat que l’on pourrait d’ores et déjà appeler « contrat de projet parental ». La conclusion de ce nouveau contrat nécessiterait, de la même manière que la procréation médicalement assistée, le consentement du couple et l’assistance d’une tierce personne prête à offrir ses services, avec l’intervention obligatoire d’un juge ou d’un notaire…
A quand la promesse de ventre par acte authentique ?
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