La loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse est le texte fondateur en matière de liberté de la presse et des médias. S’il consacre une certaine liberté d’information et d’expression, il en limite toutefois l’étendue en instaurant certaines exigences procédurales.
Deux articles établissent ainsi ce formalisme drastique : l’article 50 et l’article 53.
L’article 50 de la loi de 1881 dispose en effet que : « Si le ministère public requiert une information, il sera tenu, dans son réquisitoire, d’articuler et de qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels la poursuite est intentée, avec indication des textes dont l’application est demandée, à peine de nullité du réquisitoire de ladite poursuite. »
Quant à l’article 53, il dispose que : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite. »
Ainsi, les articles 50 et 53 constituent les piliers du procès de presse mettant en place des exigences particulières de clarté tant au stade de la délimitation factuelle de la poursuite qu’au stade de sa qualification. Ces textes permettent donc de protéger la liberté d’expression et les droits de la défense de l’organe de presse poursuivi, en lui permettant de préparer utilement sa défense. Mais très récemment, la question de la constitutionnalité de ces articles s’est posée.
Concernant l’article 50, par un arrêt du 19 février 2013[1], la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que cet article ne portait pas atteinte « aux principes d’égalité devant la justice ni au droit à un recours effectif à une procédure juste et équitable » et qu’il « visait à éviter une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression » de sorte que les dispositions de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881 assurent « un juste équilibre entre les droits des victimes d’infractions de presse et les droits de la défense », et « ne constituent pas un obstacle excessif à l’exercice d’un recours juridictionnel effectif ». La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi refusé le renvoi au Conseil constitutionnel de la QPC.
En ce qui concerne l’article 53, par une décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 53 de la loi conforme à la Constitution. Dans cette affaire concernant France Télévisions, la Cour de cassation avait transmis au Conseil Constitutionnel une Question Prioritaire de Constitutionnalité posée par la société ECOCERT France. Cette question était relative à la conformité de l’article 53 au principe constitutionnel garantissant le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction affirmé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La société en question évoquait le fait que le formalisme excessif de la disposition ne trouvait aucune justification devant les juridictions civiles et que la sanction de nullité en cas de non-respect de ces exigences présentait un caractère disproportionné. Elle ajoutait également que les dispositions contestées méconnaitraient le droit au recours effectif.
Toutefois, le Conseil constitutionnel affirma qu’en imposant à l’auteur de la citation d’élire domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, et en imposant que la citation précise et qualifie le fait incriminé, le législateur a simplement voulu que le défendeur soit mis à même de préparer utilement sa défense dès la réception de la citation et, notamment, en cas de diffamation, puisse exercer le droit, qui lui est reconnu par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, de formuler en défense une offre de preuve dans un délai de dix jours à compter de la citation.
Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé l’article 53 conforme à la Constitution affirmant que la conciliation opérée entre, d’une part le droit à un recours juridictionnel du demandeur et, d’autre part, la protection constitutionnelle de la liberté d’expression et le respect des droits de la défense ne revêtait pas un caractère déséquilibré. Le Conseil constitutionnel réaffirme ainsi dans cette décision l’importance de la procédure en droit de la presse.
[1] Cass. crim., 19 fév.2013, n°12-84.302 : JurisData n°2013-003144 ; Procédures 2013, chron.3, n°8, N.Verly)