En septembre 2014, le Juge des référés enjoignait, pour la première fois en France, à Google de supprimer des liens renvoyant vers des contenus diffamatoires. http://www.village-justice.com/articles/Google-consecration-droit,18003.html
En l’espèce, c’était Google France qui s’était vu enjoint par le Juge des Référés français de procéder à ce déréférencement.
Cette Ordonnance de référé était rendue alors que l’arrêt du 13 mai 2014 de la Cour de Justice de l’Union Européenne venait de consacrer, en Europe, le droit à l’oubli. http://www.legavox.fr/blog/e-reputation-et-droit/affaire-google-spain-affirmation-droit-16075.htm#.WA3taOiLTIU
Dans une affaire portant sur le droit au respect de la vie privée, le Président du Tribunal de Grande Instance de Nice, statuant en référé avait, le 9 juillet 2015, enjoint, sous astreinte, à Google Inc. et à Google France de « faire procéder à la suppression des liens référencés en lien avec les données à caractère strictement privé et personnel » concernant un particulier qui se plaignait de ce qu’en tapant ses nom et prénom sur le moteur de recherche, s’affichaient des résultats contenant des données sur son ascendance, ses enfants et certaines unions.
Google France et Google Inc. ont fait appel de cette ordonnance. De son côté, le particulier en question a ajouté à ses demandes et a notamment demandé à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence de :
- Condamner « Google France et Google Inc. de lui fournir tous moyens techniques lui permettant de manière géographique et numérisée de localiser, d’accéder, de modifier et/ou de supprimer les données personnelles stockées par le responsable de traitement Google… »
- « mettre fin à toute utilisation et toute forme de diffusion de ses données à caractère personnel ».
Non seulement la Cour n’a pas fait droit à ces nouvelles demandes, mais elle a, dans un arrêt du 15 septembre 2016, partiellement réformé l’Ordonnance déférée, venant ainsi préciser les contours du droit au déréférencement sur Google en France.
En premier lieu, la Cour d’appel met, cette fois, Google France hors de cause en retenant que cette société « n’a pas de responsabilité directe dans le fonctionnement du moteur de recherche ni dans le site Google.fr et qu’elle n’est pas concernée par l’élaboration des liens incriminés ».
La Cour fait donc droit à l’argumentation de Google France qui soutenait qu’elle était une entité distincte de la société américaine Google Inc. et qu’elle ne participait pas au fonctionnement du moteur de recherche.
La Cour ajoute, par ailleurs, que la formulation retenue par le Juge des référés pour désigner les liens à supprimer (« liens référencés en lien avec les données à caractère strictement privé et personnel » de Monsieur X) est trop large et imprécise et qu’il convient, en réalité, d’accueillir la demande de suppression des seuls liens identifiés et signalés. (en l’espèce, deux liens seulement posaient encore des difficultés et renvoyaient à des données personnelles concernant ce particulier).
Les praticiens qui saisiront le Juge judiciaire d’une demande de suppression de liens auront donc intérêt, dans leur assignation, à être précis et à copier/coller les liens litigieux dont le déréférencement est sollicité….
Autre apport intéressant de cet arrêt, la Cour rejette la demande tendant à imposer à Google de mettre en place un filtrage pour l’avenir « de toute utilisation ou de toute forme de diffusion [des] données à caractère personnel » de la personne physique concernée.
La Cour retient ainsi « « l’existence s’une obligation générale pesant sur la société Google Inc. de surveillance des informations relatives au demandeur est disproportionnée par rapport au but poursuivi ; qu’elle est, quant à son principe et techniquement, sérieusement contestable ; qu’il ne peut donc être fait droit aux demandes (…) tendant à la mise en place d’un filtrage à partir de mots-clés ou de tout autre mécanisme de contrôle et de surveillance pour l’avenir ».
Le droit au déréférencement existe en France, mais il demeure extrêmement encadré et ne peut donc, sauf circonstances particulières que la jurisprudence ne manquera pas de définir, intervenir qu’a posteriori et sur des liens clairement identifiés.
Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, 15 septembre 2016, 1ère Ch C, n°15/13987