Une plainte a été déposée par le sieur Placet aux mains d'un juge d'instruction. Le plaignant s'est constitué partie civile. Suite à l'information, le procureur de la République a conclu que le juge d'instruction devait prononcer un non lieu. La partie civile fait appel.
Le procureur général, demandeur au pourvoi, soutient que la plainte de la partie civile ne met pas en mouvement l'action publique ; que, dès lors, le juge d'instruction avait dû nécessairement se conformer aux réquisitions de non-lieu à instruire, qui lui interdisaient d'une manière absolue toute autre décision, et que conséquemment la chambre des mises en accusation n'avait pu, sans excès de pouvoir, retenir la connaissance d'une opposition à laquelle il ne lui appartiendrait légalement de donner aucune suite.
Mais l'article 63 du Code d'instruction criminelle stipule que « toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou un délit pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction ». En investissant la partie lésée du droit de saisir de l'action civile le juge d'instruction, le législateur a nécessairement entendu que le dépôt même de la plainte entre les mains de ce magistrat, avec constitution de partie civile, mettrait également en mouvement l'action publique. C'est un tempérament au principe général suivant lequel l'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. La poursuite suscitée par la partie civile devant le juge d'instruction offre donc nécessairement, aussi bien que celle qui résulte d'une citation directe, les mêmes caractères que si elle avait été requise par le ministère public.
La chambre des mises en accusation n'a commis ni un excès de pouvoir, ni violation de la loi, et a été valablement saisie par la partie civile. Donc la Cour de cassation rejette le pourvoi du Procureur de la République.
Dans la mise en mouvement des poursuites, le juge d'instruction n'est pas tenu par le parquet. La plainte avec Constitution de partie civile met en mouvement l'action publique, même contre l'avis du parquet. Si on établit un parallèle avec la citation directe, où il est permis à la victime de saisir directement en matière correctionnelle, il n'y a pas de raisons qu'elles ne puisse le faire en matière d'instruction.
Cet arrêt est important car on est dans un système d'opportunité des poursuites, où le procureur a un pouvoir discrétionnaire de mise en œuvre des poursuites. Comme il y aune subordination hiérarchique, le parquet reçoit indirectement des ordres du ministre. Ce serait donner trop de pouvoir et permettre des dénis de justices pour les victimes de certains crimes qui ne pourraient pas recourir à un juge, si le parquet refuse de poursuivre. Cela évite donc les dénis de justice.
La conséquence de l'arrêt Placet est énorme : la victime a un droit presque absolu de saisir le juge d'instruction. Elle peut inventer de toutes pièce une infraction, dénoncer, etc.
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Mais le juge, même s'il a un doute, doit il informer forcément ?
La question s'est posée en 1925 dans un arrêt Bencker : la Cour de cassation a dit que le juge d'instruction avait l'obligation d'inculper la personne à la suite de la Constitution de partie civile. A la suite de cet arrêt, on a abusé de ce droit pour diffamer, calomnier, ce qui a engorgé totalement les cabinets d'instruction pour des plaintes fantaisistes.
Le législateur a réagi de deux façons : il a permis au juge d'instruction d'ouvrir son information contre X et d'entendre la personne dénoncée comme simple témoin, et non comme inculpé. En 1993, le législateur a précisé que la personne visée pouvait être témoin assisté pour pouvoir accéder au dossier.
De plus, en 1932, une mesure curative a été prise : comme pour tout abus de droit, on sanctionne celui qui se constitue abusivement partie civile.