LA PROTECTION DU CONJOINT SURVIVANT PAR LE CHOIX DU REGIME MATRIMONIAL
- La protection légale
A défaut de choix, les époux sont soumis au régime de communauté réduite aux acquêts. Il leur permet de recevoir chacun la moitié des biens acquis pendant le mariage, alors même qu'ils n'auraient pas participé également à la constitution de ce patrimoine.
Chaque époux conserve cependant, la propriété des biens propres, soit ceux détenus avant le mariage et de ceux reçus par donation ou succession en cours de mariage. La loi protège donc le survivant, qui bénéficiera de la moitié de la communauté, même dans le cas où seul le défunt avait contribué à la constitution et à l'accroissement de ce patrimoine commun.
Les modifications possibles
- Le recours aux avantages matrimoniaux
La modification des règles du régime de communauté réduite aux acquêts peut aboutir à avantager son conjoint. Notamment, en changeant la composition des masses de biens, ou les règles de la liquidation et du partage de la communauté.
Elle permet à l'époux survivant de retirer un gain supérieur à ce qu'il aurait retiré avec le régime légal de communauté.
Cet enrichissement du survivant par le biais du régime matrimonial est un avantage matrimonial. L'avantage matrimonial accroit les droits du survivant au moment de la liquidation du régime matrimonial, par rapport à ce que prévoit la loi. Par conséquent, il diminue d'autant les biens qui se trouveront dans la succession du défunt, et donc les biens que vont recevoir les héritiers.
Mais ces derniers ne peuvent pas remettre en cause cet avantage au profit du conjoint. (art 1527 code civil) En ce point, il se distingue de la donation, transmission de biens sans contre partie reçue par le donateur, qui elle, va pouvoir être remise en cause si elle dépasse les quotités librement transmissibles à titre gratuit.
Le saviez vous ? Dans les familles recomposées, les avantages matrimoniaux vont pouvoir être contestés comme les donations, par les enfants qui ne seraient pas issus des deux époux. Grâce à l'action en retranchement, ils peuvent limiter ces avantages aux quotités disponibles spéciales entre époux.Leur efficacité est donc moindre. D'autres solutions doivent alors être recherchées.
- La modification des masses de biens
Afin d'augmenter la protection de son conjoint par le biais du régime matrimonial, les époux peuvent élargir la masse commune. Plus la communauté intègre de biens, plus la masse à partager entre les époux sera importante, donc plus la part qui reviendra au survivant lors de la liquidation augmentera.
Cela peut s'effectuer par l'adoption d'un régime de communauté universelle qui intègre dans la communauté l'ensemble des biens des époux.
L'adoption du régime de meubles et acquêts englobe dans la masse commune, en plus des biens acquis durant le mariage, les biens meubles de chaque époux qu'ils possèdent au jour du mariage. Il peut choisir d'apporter un bien qui lui était propre à la communauté. Dans ce cas, ce bien qui, initialement aurait du être repris par l'époux à la dissolution, sera partagé entre eux.
- Les clauses relatives à la liquidation du régime
Dans cette situation, il n'est pas question d'agir sur la composition des masses de biens, mais de modifier les règles égalitaires prévues par le code civil au moment de la liquidation du régime et du partage des biens.
1ere solution :A ce titre, les époux peuvent insérer une clause de préciput. Cette clause permet au survivant, de prélever sur la masse commune, un ou des biens déterminés, sans contre partie financière à verser à la communauté, et avant que celle-ci ne soit répartie par moitié entre le survivant et la succession du défunt. (Art 1515 code civil)
Elle attribue donc au bénéficiaire un bien, en sus de sa part de communauté, sans qu'il ait à verser une quelconque indemnité.
2eme solution : Le prélèvement du ou des biens déterminés, peut aussi s'effectuer en contre partie d'une indemnité à verser par le bénéficiaire. Il s'agit alors d'une clause de prélèvement moyennant indemnité. (Art 1511 code civil) Elle ne confère dans ce cas pas de droits en plus au survivant puisqu'il doit, pour se voir attribuer le bien, indemniser la communauté. Mais elle lui permet de bénéficier du bien en pleine propriété, sans concours avec les héritiers du défunt.
3eme solution :En principe, la communauté est répartie par moitié entre les époux. Mais ils peuvent écarter cette règle par l'insertion d'une clause de partage inégal. (Art 1520 et 1524 code civil)
A ce titre, le survivant peut recevoir une part de communauté supérieure à la moitié, comme les deux tiers, les trois-quarts, voire l'intégralité de la communauté.
Trucs et astuces : Pour que cette clause produise son plein effet, il sera conseillé aux époux d'écarter le droit de reprise des apports conféré par le code civil aux héritiers.En effet, ceux-ci peuvent reprendre les biens apportés à la communauté par leur auteur et ceux qu'il a reçus par donation ou succession, ce qui vient réduire la masse de biens reçue par le survivant.
4eme solution: ces clauses ne sont que des exemples, les époux selon leur situation familiale, patrimoniale, et en fonction de leurs souhaits peuvent envisager d'autres solutions.
- Le changement de régime matrimonial, permet d'adapter les solutions au cours du mariage, et d'adopter des règles de plus en plus protectrices de son conjoint à mesure que le mariage perdure.
Il est tout à fait envisageable d'agir à la fois sur la composition des masses et sur les règles de liquidation. A titre d'exemple, il est fréquent d'opter pour un régime de communauté universelle, et d'y ajouter une clause d'attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant ; ce dernier recevra alors l'intégralité du patrimoine du couple.
LA PROTECTION DU CONJOINT SURVIVANT PAR LE DROIT SUCCESSORAL
- La protection légale
Seul le conjoint non divorcé au moment du décès hérite de son époux, il est conjoint successible. (art 732 code civil) Les droits du survivant dans la succession de son conjoint décédé dépendent des autres héritiers existants.
- Les droits du conjoint en présence d'enfants
Lorsque le conjoint est en concours avec des enfants du défunt, il a le choix entre recevoir un quart des biens du défunt en pleine propriété, ou bénéficier de l'usufruit de la totalité des biens du défunt. (Art 757 code civil)
- S'il choisit le quart des biens en pleine propriété, les enfants auront vocation à recevoir les trois-quarts restant.
Inconvénient : ce choix fait d'abord naître une indivision entre le conjoint et les enfants qui ne prendra fin que par un partage. L'indivision peut être une situation peu confortable puisque plusieurs personnes ont les mêmes droits sur un même ensemble de biens, la gestion est donc plus difficile.
Avantage: ce choix permet au conjoint survivant de recevoir des biens en pleine propriété, après partage de l'indivision successorale, et de pouvoir donc librement disposer des biens, contrairement à l'usufruit.
- S'il opte pour l'usufruit de l'ensemble, les enfants bénéficieront alors de la nue propriété de cet ensemble. Traditionnellement, le propriétaire d'un bien a trois prérogatives sur ce bien, il peut l'utiliser, en percevoir les fruits, et en disposer. Il peut aussi dissocier ces prérogatives, pour en accorder certaines à une autre personne, c'est un démembrement de propriété.
Le propriétaire qui concède à un tiers l'usufruit du bien, lui donne le droit d'user du bien et d'en percevoir les fruits, sans pouvoir en disposer.
L'usufruitier a donc le droit d'utiliser le bien et de le louer, sans pouvoir le vendre. Dans ce cas, le propriétaire est alors appelé nu propriétaire, il ne peut plus exercer l'intégralité de ses prérogatives, et doit respecter les prérogatives octroyées à l'usufruitier. Il retrouvera la plénitude de son droit de propriété à la fin de l'usufruit. Le survivant en optant pour l'usufruit bénéficiera donc de ces prérogatives, et ce, pendant toute sa vie.
Les biens concernés ne sont pas la propriété du survivant, mais la propriété des enfants du défunt, les nus propriétaires. Ils retrouveront l'intégralité de leurs prérogatives de propriétaire sur ces biens, au décès du conjoint survivant, l'usufruit du conjoint survivant étant viager.
Avantage : l'usufruit sur les biens existants permet au survivant de continuer à utiliser les biens qu'il détenait avec son époux, ou que son époux détenait seul et les enfants nus propriétaires ne peuvent pas vendre les biens sans l'accord du survivant usufruitier. Il conserve donc ses conditions de vie.
Inconvénient : le démembrement de propriété fait naître des droits différents au profit de plusieurs personnes sur un même bien. L'usufruitier souhaite utiliser le bien et percevoir les fruits, alors que le nu propriétaire attend la fin de l'usufruit pour recouvrer la propriété de son bien. Des conflits peuvent émerger en cas de mésentente entre elles.
Pour éviter cette mésentente, l'usufruit peut être converti en rente viagère à la demande des nus propriétaires ou du survivant. (art 759 code civil) Le saviez-vous ? cette option offerte au conjoint survivant par le code civil, disparait en présence d'enfants non issus des deux époux.
Dans ce cas, le survivant recevra seulement un quart des biens en pleine propriété.
- Les droits du conjoint en l'absence d'enfants
Lorsque le conjoint survivant est en concours avec les parents du défunt, il va recevoir la moitié des biens de la succession, les père et mère se partageront la moitié restante.
En présence d'un seul parent, le conjoint successible recoit alors les trois-quarts des biens. (art 757-1 code civil)
Dans tous les autres cas, le conjoint successible recueille l'intégralité de la succession. (art 757-2 code civil)
Le saviez vous ? le conjoint survivant bénéficie en plus, de droits sur le logement de la famille quelque soit les héritiers présents, afin de protéger son cadre de vie.
-L'augmentation de la protection légale
1ere solution: Les époux peuvent recourir à des libéralités entre époux pour augmenter la portion de biens que recoit le survivant en application de la loi, à savoir un quart des biens, ou l'usufruit de l'ensemble des biens.
Les libéralités correspondent aux dispositions à titre gratuit, c'est-à-dire, aux donations et legs. La possibilité de disposer de ses biens à titre gratuit, c'est-à-dire sans contre partie, est limitée par la réserve héréditaire.
La réserve héréditaire, est la portion de succession réservée par la loi à certains héritiers.
Les héritiers réservataires sont les enfants du défunt, et à défaut d'enfants, le conjoint non divorcé. (Art 913 et 914-1 code civil) Cette portion ne peut donc pas être entamée par des donations ou legs qu'aurait fait le défunt au détriment des héritiers réservataires, à peine de réduction.
L'autre portion de succession dont le défunt peut librement disposer est la quotité disponible. (art 912 code civil)
En l'absence d'enfants, le défunt peut, par une libéralité, transmettre l'intégralité de ses biens à son conjoint. (art 1094 code civil)
En présence d'enfants, la libéralité devra respecter la quotité disponible.
Cependant, entre époux les quotités sont plus étendues que d'ordinaire. Un conjoint peut donc recevoir d'avantage de biens, qu'un tiers.
La libéralité faite à une personne autre que son conjoint devra respecter la quotité ordinaire, alors que la libéralité faite à son conjoint bénéficie d'une quotité disponible spéciale entre époux, qui est plus étendue. (art 1094-1 code civil)
Le saviez-vous ? Le défunt peut transmettre à son conjoint soit :- l'usufruit de la totalité des biens de la succession- les trois-quarts des biens en usufruit, et le quart restant en pleine propriété - la quotité disponible ordinaire, à savoir la moitié des biens en pleine propriété en présence d'un enfant, le tiers, en présence de deux enfants, ou - le quart en présence d'au moins trois enfants (art 913 code civil)Le conjoint survivant pourra bénéficier uniquement de l'une des trois quotités énoncées.
Cette transmission doit traditionnellement prendre la forme d'un testament, puisqu'il s'agit de disposer de ses biens pour la période postérieure à son décès.
Néanmoins entre époux, il est possible de procéder par le biais d'une donation au dernier vivant ou donation de biens à venir, par laquelle l'époux transmet à son conjoint les biens qui existeront à son décès dans la limite des quotités précitées.
Donation ou testament, produiront les mêmes effets juridiques, à savoir, la transmission successorale des biens du défunt à son conjoint, et pourront tous deux être librement révoqués ou modifiés selon les souhaits du disposant. (art 1096 code civil)
2eme solution : La souscription d'une assurance-vie au profit de son conjoint va permettre de lui transmettre un patrimoine financier hors du cadre successoral.
Le capital reçu par le survivant bénéficiaire n'est pas soumis aux règles successorales. Il n'est donc pas pris en compte pour le calcul de la quotité disponible spéciale et vient s'ajouter aux droits successoraux.
3eme solution : Les époux peuvent recourir à d'autres mécanismes, selon leurs volontés, qui portent non sur des quotités de biens comme la donation au dernier vivant, mais sur des biens déterminés qu'ils choisissent.
Le legs graduel permet, par exemple, de transmettre un bien ou des biens à un bénéficiaire, ici le conjoint, à charge pour lui, de le conserver et de le transmettre à un second bénéficiaire déterminé, qui pourrait être les enfants. Les solutions précitées ne sont pas exhaustives.
Nous pouvons vous conseiller sur les choix qui vous sont offerts en fonction de votre volonté.
- La diminution de la protection légale
Le futur défunt ( ou "de cujus" ) peut souhaiter, non pas accorder une protection plus étendue à son conjoint, mais au contraire, transmettre ses biens à d'autres personnes.
1ere solution: En présence d'enfants, les droits successoraux du conjoint survivant ne sont pas impératifs, il est donc possible de déshériter son conjoint. Grâce à un testament authentique , il va pouvoir supprimer l'intégralité des droits successoraux accordés au conjoint survivant, à savoir le quart des biens de la succession, ou l'usufruit du tout, et le droit viager d'usage et d'habitation sur la résidence principale du couple et les meubles la garnissant.
La seule limite est le droit temporaire au logement qui permet au survivant de se maintenir dans sa résidence principale durant l'année qui suit le décès. Ce droit étant d'ordre public, le de cujus ne peut pas le supprimer.
Enfin, le conjoint survivant qui est dans le besoin peut demander le versement d'une pension à la succession. (art 767 code civil)
2eme solution: le de cujus peut aussi, sans déshériter son conjoint, lui transmettre moins, que ce que la loi prévoit. Il peut choisir non pas de lui transmettre une quotité de biens, mais seulement un ou des biens déterminés.
Dans ce cas, il indiquera par testament les biens concernés, et précisera qu'il ne souhaite pas que son conjoint puisse compléter ses droits à hauteur des droits légaux.
Lorsque les libéralités reçues du défunt par le survivant sont inférieures aux droits accordés par la loi, le survivant peut en demander le complément à hauteur des droits légaux. (Art 758-6 code civil)
Donc pour éviter qu'il puisse solliciter le complément, il est nécessaire de l'exclure expressément. Si le "de cujus" souhaite supprimer le droit viager d'usage et d'habitation, un testament authentique est nécessaire. (Art 764 code civil)
Le saviez vous ? En l'absence d'enfants, le conjoint survivant est héritier réservataire. (Art 914-1 code civil) Par conséquent, le de cujus ne peut pas entièrement le déshériter, il recevra obligatoirement un quart des biens de la succession en pleine propriété.Les trois-quarts restant pouvant être librement transmis à la ou aux personnes de son choix.
N'hésitez pas à nous contacter , nous restons à votre disposition pour tous renseignements complémentaires
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Article écrit avec l'aide de Laeticia Caddy élève avocate à l'époque