Le dernier (et premier) article sur les privilèges de l'administration lors de la réalisation de travaux publics avait pour but non pas de recenser l'ensemble de ces privilèges, mais, n'en déplaise aux stricts positivistes, hostiles à toute théorie juridique, de dessiner une réflexion théorique sur le principe même et l'existence de ces privilèges. Les livres de droit et les codes sont là pour fournir toute la documentation possible sur le droit positif en la matière. Il me paraissait plus intéressant de raisonner sur la question. Mais non, aujourd'hui, la théorie paraît « inutile », détachée des réalités concrètes. Seul compte le droit positif. Pourquoi les règles ont été rédigées de la sorte ? Peu importe ! Tant qu'on les connaît...
Malgré ce fond sonore positiviste, la théorie domine bien la matière juridique. Le droit, on le sait, est une avalanche de catégories. De ces classifications découlent des régimes juridiques particuliers qui ont des conséquences directes et très concrètes sur les dossiers. Les classifications ne sont pas faites arbitrairement, selon « l'humeur du jour ». Elles répondent bien à une logique sous-tendue, plus ou moins assumée, à des présupposés intellectuels subjectifs. Ne pas prendre conscience de ces présupposés, c'est aller au-devant de toutes les velléités. Mais c'est aussi ne pas pouvoir appréhender des logiques qui ne sont pas les nôtres. C'est la garantie d'une querelle sans fin.
La théorie, aussi abstraite soit-elle, permet de mieux connaître son discours et de mettre en perspective des réformes qui nous dépassent. Il faut aller lire des ouvrages de grands auteurs, tel qu'Hauriou pour le droit public (je publierai prochainement un article sur la théorie de l'institution, fondamentale pour comprendre la limitation de l'État par le droit). Il faut comprendre ces théories « ancestrales » pour appréhender la réalité juridique contemporaine. Que serait notre système juridique sans Kelsen ? Que sera t-il lorsque la théorie du réseau remplacera celle de la pyramide des normes ? Ce sont là des questions auxquelles seule la théorie juridique permet de répondre.