Dès lors que l’autorité territoriale respecte son obligation d’information et de mise en demeure, l’agent en situation d’abandon de poste ne peut se prévaloir des garanties liées à la procédure disciplinaire. C’est ce que vient de rappeler le Conseil d’Etat dans son arrêt du 25 juin 2012 (CE, 25 juin 2012, n° 327248).
Tout agent de la fonction publique (d’Etat, hospitalière ou territoriale) qu’il soit titulaire, stagiaire ou contractuel est lié par l’obligation de servir. Ce principe de « service fait » conditionne la rémunération de l’agent public.
Ainsi la notion d’abandon de poste est-elle une construction jurisprudentielle en réponse à la violation de cette obligation de servir. L’abandon de poste peut se définir comme étant la situation de l’agent qui par son absence irrégulière, ou par le refus de rejoindre son poste à l’issue d’une période régulière de congé, manque à son obligation de servir. L’agent est considéré comme ayant sciemment « rompu le lien qui l’unissait à l’administration et renonçant délibérément aux garanties qu’il tient de son statut » (Circulaire ministérielle du 11 février 1960).
Dès lors, cela autorise l’employeur à l’exclure définitivement du service et donc à le radier des cadres, après avoir respecté une procédure préalable.
Rappelons que l’agent doit fournir un justificatif de son absence dans les 48 heures et/ou prévenir son employeur par tous moyens de son absence pendant ce délai.
Dès lors, l’employeur ne peut raisonnablement invoquer un abandon de poste durant cette courte période, cette notion s’appréciant au-delà de ce délai de 48 heures d’absence injustifiée. Néanmoins l’administration pourra prendre une sanction disciplinaire marquant le fait de l’absence injustifiée.
Une notion difficile à cerner.
Devant l’absence de définition, une jurisprudence abondante a permis de clarifier les situations d’abandon de poste.
Ainsi, ne constitue pas un abandon de poste :
- L’agent qui cesse d’assurer son service mais qui s’est présenté chaque jour à son poste (CE 27/02/1981) ;
- L’agent qui ne rejoint pas sa nouvelle affectation mais qui est présent dans son ancien service (CE 04/07/1997) ;
- L’agent en congé maladie qui refuse de se soumettre aux contre-visites d’un médecin agréé (CE 13/03/1995);
- L’exercice du droit de grève ou d’une activité syndicale ;
- L’agent atteint de troubles mentaux qui ne mesure pas la portée de la mise en demeure de rejoindre son poste (CE 02/02/1998).
En revanche, constitue un abandon de poste :
- L’agent qui sans fournir de justificatif cesse ses fonctions et ne les reprend pas après une mise en demeure (CE 13/12/2002) ;
- L’agent qui ne reprend pas ses fonctions à l’issue de son congé de maladie et ne produit pas de certificat médical (CE 26/09/1994) ;
- L’agent qui reconnu apte à ses fonctions après avis du comité médical ne rejoint pas son poste après un congé maladie mais fournit un certificat médical n’apportant aucun élément nouveau sur son état de santé (CE 21/06/1995).
La procédure d’abandon de poste : mise en demeure et notification.
La radiation des cadres est subordonnée à une mise en demeure préalable (CE 22/10/1993, Centre de pneumologie de R), ce qu’indique également la circulaire du 11/02/1960 : « Il conviendra, préalablement à toutes décisions, d’adresser une mise en demeure ». A défaut, l’ensemble de la procédure est viciée.
Cette mise en demeure est soumise à une procédure précise, elle doit :
- Prendre la forme d’un écrit explicite et notifié à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception pour permettre la preuve de l’envoi et de la réception, ou par un agent assermenté. La présentation d’un pli recommandé à une adresse que le destinataire a quitté sans en aviser l’administration vaut notification.
- Comporter le délai dans lequel l’intéressé doit rejoindre son poste et l’information sur le risque encouru s’il n’obtempère pas, à savoir la radiation des cadres, sans procédure disciplinaire préalable (pas de conseil de discipline, ni de communication du dossier individuel).
- Etre signé par l’autorité compétente pour nommer et pour radier l’agent.
La méconnaissance des conditions de forme et de fond rend irrégulière la procédure et la décision de radiation des cadres. Elle pourrait donc être annulée par la juridiction administrative car prise à la suite d’une procédure irrégulière.
En cas de refus manifeste de reprendre son service, de silence de l’agent ou de présentation de justificatifs non retenus par l’administration, la rupture du lien avec l’administration sera établie et l’abandon de poste caractérisé. La décision de radiation des cadres pourra alors véritablement intervenir.
Les effets de l’abandon de poste : la radiation des cadres ou licenciement.
La procédure d’éviction se caractérise par l’absence de toutes garanties pour l’agent. Il n’y a en effet aucune obligation de communiquer le dossier personnel à l’agent, ni aucune saisine d’un organe comme une CAP ou un conseil de discipline.
L’administration prend un arrêté de radiation des cadres, notifié en recommandé à l’agent. Les différentes étapes de la procédure doivent apparaître dans les considérants de l’arrêté. L’arrêté prononçant la radiation des cadres ne fait pas partie des actes transmissibles au contrôle de légalité.
La radiation des cadres pour abandon de poste prend effet à la notification de la décision de radiation. Toute rétroactivité à une date antérieure est entachée d’illégalité.
L’agent en situation d’abandon de poste est regardé comme ayant rompu volontairement son lien avec l’administration et en conséquence, ne peut prétendre au versement d’une allocation chômage (art L351-1 et L351-3 du Code du Travail).