Traités et Conventions CEMAC révisés du 25 juin 2008 et application du droit communautaire...

Publié le 17/03/2014 Vu 5 240 fois 0
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Le 25 juin 2008 ont été révisés à Youndé le Traité portant création de la CEMAC et les Conventions subséquentes. Ces révisions portent alors des réformes qui augurent d'une meilleure application du droit CEMAC une fois les textes révisés entrés en vigueur.

Le 25 juin 2008 ont été révisés à Youndé le Traité portant création de la CEMAC et les Conventions sub

Traités et Conventions CEMAC révisés du 25 juin 2008 et application du droit communautaire...

     

          Le 25 juin 2008 les Etats membres de la CEMAC procédaient à Yaoundé à  la révision des textes originaires de la Communauté, des textes révisés qui seront adoptés à Libreville le 30 janvier 2009.  En effet, le besoin se faisait de plus en plus sentir d’actualiser les bases juridiques de la CEMAC, afin d’avoir une organisation mieux structurée, mieux adaptée aux grandes mutations de l’économie mondiale, mais surtout consacrer plus fermement le choix de faire du droit le vecteur principal du processus d’intégration en zone CEMAC. Cette place désormais plus explicitement consacrée du droit dans la réalisation de l’intégration régionale en Afrique Centrale, transparait clairement à travers ces quelques points qui font l’objet du présent article,  notamment : l’instauration d’un mécanisme de sanction qui n’existait guère jusqu’à lors au sein de la CEMAC (I), le renforcement et l’élargissement des pouvoirs de la commission (II) en matière d’application du droit communautaire, et surtout l’érection de la Chambre judiciaire en une juridiction autonome, la Cour de justice de la CEMAC (III).

 

I- L'INNOVATION DU TRAITE CEMAC REVISE: LE RECOURS EN MANQUEMENT D'ETAT DE L'ARTICLE 4

     Le traité CEMAC révisé du 25 juin 2008 est porteur d’une innovation majeure et déterminante pour la mise en œuvre du droit communautaire CEMAC. En effet, il précise en son article 4 al 2 s’agissant de la participation des Etats membres à l’application du droit communautaire, qu’« En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des textes spécifiques ». Il s’agit d’un mécanisme novateur qui s’inspire totalement de celui existant au sein de l’Union Européenne, et qui vise à réprimer, à l’instigation de la Commission ou d’un autre Etat membre, la violation des règles communautaires par les Etats eux-mêmes, dans leurs activités matérielles comme dans leurs activités normatives.

         Le manquement visé à l’article 4 du Traité peut consister soit dans un acte positif (l’introduction d’une loi ou d’une réglementation nationale incompatible avec les obligations communautaires), soit dans une omission  (l’omission d’abroger une loi ou  une  règlementation incompatible avec le traité ou le droit communautaire dérivé). Le comportement répréhensible doit être imputable à l’Etat. Le droit communautaire tend à considérer l’Etat comme un tout quel que soit l’organe dont l’action ou l’inaction est à l’origine du manquement, qu’il s’agisse des Etats fédérés dans un Etat fédéral ou encore des autorités décentralisées dans un Etat unitaire ; ce peut donc être le gouvernement, mais aussi le parlement, ou tout aussi bien les institutions judiciaires, qui agiraient en méconnaissant les dispositions claires, précises et inconditionnelles d’une directive déjà en vigueur.

          L’adoption du mécanisme de recours en manquement au sein de la CEMAC se justifie à plus d’un titre.  Le droit communautaire de la CEMAC en effet, s’il énonçait des principes, créait des obligations,  et formulait des interdictions, il ne donnait aucune précision sur la sanction de la violation du droit communautaire par les Etats membres. L’adoption du mécanisme vient donc répondre à une nécessité criarde en zone CEMAC, celle d’instaurer une réelle garantie du respect du droit communautaire par les Etats membres, mais elle répond aussi à l’appel lancé en 2005 par le comité inter Etats réuni à Malabo, qui réclamait l’adoption d’un véritable régime de sanction. « Le législateur CEMAC » accomplit ainsi une véritable révolution, en  introduisant  dans  l’ordre  juridique communautaire un mécanisme habilitant la Cour à constater les manquements d’un Etat membre, et éventuellement  lui infliger des  sanctions financières.

II- LE RENFORCEMENT DES  POUVOIRS DE CONTROLE DE LA COMMISSION

          Les dispositions du Traité CEMAC révisé ne peuvent prêter à confusion quant aux nouveaux pouvoirs de la Commission de la CEMAC, qui en toute logique visent à assurer l’efficacité du mécanisme de recours en manquement d’Etat. En effet, il ressort de l’article 35 que la Commission dans ses missions :

  • « renforce la coopération entre les Etats membres et la coordination de leurs activités dans les domaines d’intérêt commun. Elle est le moteur de la politique communautaire;
  • veille au respect et à l’application, par les Etats membres ou leurs ressortissants, des   dispositions du présent Traité et des Actes pris par les organes de la Communauté ;
  • attire l’attention des Etats sur les conséquences du non respect des politiques communautaires. Elle établit dans ce sens un rapport au Conseil des Ministres. En cas de silence du Conseil, le Président de la Commission saisit la Cour de Justice aux   fins de faire constater le manquement et de prononcer les sanctions ;
  • veille à la mise en œuvre du présent Traité, des conventions et des décisions de la  Communauté.  Elle veille également à la réalisation des objectifs en matière d’intégration. »

     Le législateur CEMAC est notamment allé très loin,  pour se rapprocher le plus près du législateur européen, voir même reproduire dans le traité CEMAC révisé, la substance juridique de la Commission de l’UE, une réalité qui contraste sans aucun doute avec la place qui était assignée autrefois au Secrétariat Exécutif de la CEMAC.  La commission de la CEMAC pourra désormais veiller à l’application conforme du droit de la CEMAC, par des enquêtes régulières, et émettre le cas échéant des avis motivés ou mettre en demeure les Etats qui auront manqué à leur devoir, et en dernier recours porter  plainte contre ceux-ci devant la CJC comme c’est le cas au sein de l’UE, et même pour y réclamer leur condamnation à une astreinte ou une amende aussi longtemps que durera l’infraction. Il est par ailleurs important que la Commission de la CEMAC procède désormais comme son homologue européen, à la publication chaque année d’un rapport sur l’application du droit communautaire établissant la liste des manquements à leurs obligations imputables aux Etats membres ; elle pourra aussi publier des guides, pour la mise en œuvre du droit communautaire en général.

          Un écueil subsiste toutefois, dans la démarche du législateur CEMAC, en effet, d’après l’article 141 de l’avant projet d’Acte additionnel portant règles de procédure devant la Cour de justice de la CEMAC, « … le recours  n’est recevable que si la Commission a préalablement adressé un rapport au Conseil des ministres…», un choix déjà inscrit dans le Traité CEMAC révisé, notamment à l’article 35 qui dispose que la commission, lorsqu’elle attire l’attention des Etats membres sur leurs manquements, «… établit dans ce sens un rapport au Conseil des Ministres. En cas de silence du Conseil, le Président de la Commission saisit la Cour de Justice aux   fins de faire constater le manquement et de prononcer les sanctions ; ». On ne peut que rester dubitatif face à ce maintien du pouvoir politique dans une posture qui fera sans aucun doute obstacle à l’indépendance et à l’efficacité de la Commission.

          La Commission de la CEMAC au regard des dispositions du Traité CEMAC révisé, est donc appelée en principe, à exercer un rôle de pilier dans la mise en œuvre du droit communautaire, une position déterminante dans la mesure où son action conditionnera l’envergure, la dimension, du contrôle juridictionnel de l’obligation des Etats membres de mise en œuvre du droit communautaire. L’efficacité de la commission conditionnera par-dessus tout, l’efficacité du recours en manquement d’Etat.

III- L’ERECTION D’UNE COUR DE JUSTICE COMMUNAUTAIRE AUTONOME (LA CJC)

          Aucune disposition du Traité de N’djamena du 16 mars 1994 ne fixait les conditions nécessaires à un contrôle efficace de la CJC sur l’application par les Etats du droit CEMAC. Il en va de même de son additif relatif au système institutionnel et juridique de la CEMAC, de la Convention de Libreville du 5 juillet 1996 portant création de la Cour de justice de la CEMAC, et de l’Acte additionnel n°4/00-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 portant règles de procédure devant la chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC.

     La CJC dans sa configuration actuelle est l’œuvre du Traité CEMAC révisé de 2008, qui à son article 10 à la place de l’ancienne Cour de justice de la CEMAC bicamérale (avec une chambre judiciaire et une chambre des comptes),  énumère deux nouvelles  institutions, la Cour de justice et la Cour des comptes. La CJC hérite alors pour l’essentiel, des attributions de l’ancienne Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC. Mais le Traité CEMAC révisé institue tout de même une réelle innovation, avec la consécration en son article 4 al 2 d’un mécanisme de sanction, « le recours en manquement » qui permettra une implication plus déterminante de la CJC dans la mise en œuvre du droit communautaire.

     Le recours en manquement d’Etat offre une nouvelle alternative à la Cour de Justice de la CEMAC, face à l’usage inexistant par les juridictions nationales du renvoi préjudiciel (procédure de dialogue des juges nationaux avec la Cour de justice CEMAC face à des difficultés d’interprétation du droit communautaire), pour développer les grands principes et articulations de l’exécution par les Etats membres du droit communautaire CEMAC, mais aussi pour sanctionner le cas échéant toute violation par ces derniers de leurs obligations communautaires.

     La CJC pourra à travers le recours en manquement  définir une politique jurisprudentielle au service des objectifs communautaires, qui sera relayée de manière contraignante par les juridictions nationales, dont l’attitude jusqu’ici pourrait amener à croire au caractère absolument facultatif du renvoi préjudiciel.  Les juridictions nationales n’auront d’autre choix que de se conformer aux décisions de la CJC, ou même de s’approprier alors le mécanisme du renvoi préjudiciel, dans la mesure où le manquement de l’Etat peut tout aussi bien être le fait des instances judiciaires nationales. A travers le recours en manquement d’Etat, il est offert à la CJC l’occasion d’exprimer toute sa dimension au sein de la construction communautaire, et donc « non seulement de préciser le droit, mais aussi de couvrir les lacunes par une jurisprudence créative, prétorienne, en préfigurant ainsi… l’évolution de la législative ».

           Il semble donc important qu’une réelle synergie s’installe rapidement entre la commission de la CEMAC et la CJC, car c’est cette association qui semble au regard du cas européen,  permettre une protection effective et efficace des effets du droit communautaire. Elle permettra aux autorités communautaires de mettre en œuvre de véritables sanctions contre les Etats membres.

     Les particuliers tout comme les Etats membres pourront donc saisir la commission par une plainte, lorsqu’ils s’estimeront lésés par une violation du droit communautaire, une opportunité qu’attendaient sans aucun doute depuis longtemps les praticiens avertis.

     La mise en œuvre du droit communautaire semble alors promise à un avenir meilleur en zone CEMAC, par conséquent, vivement que l’instabilité en République Centrafricaine (RCA) prenne fin et que tous les Etats membres ratifient les traité et Conventions révisés, afin que le processus d’intégration en Afrique Centrale assimile désormais complètement le droit, comme le pilier principal de son succès futur.

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