La prescription d’une agression sexuelle peut exister mais elle a tendance à disparaître. Non pas que la prescription aurait disparue comme certaines associations de victime le voudrait, mais les règles de la prescription d’une agression sexuelle sont différentes de celles prévues dans le régime général. Une différence qui serait due à la nature même de ce type d’infractions et au temps nécessaire pour que la parole de la victime se libère.
La prescription a un fondement juridique. Historiquement, il était liée à une forme de rachat de sa peine par le pénitent par une vision assez judéo-chrétienne. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a précisé dans un arrêt de 2014 que la prescription de l’action publique se justifie par la dépréciation des preuves. On le voit souvent dans les affaires d’agression sexuelle, les faits sont souvent très anciens et il n’existe plus de preuve matérielle autre que la parole des uns et des autres. Or il est difficile d’obtenir la condamnation d’un individu sur la seule foi de la parole d’une autre. Surtout que la mémoire comme les preuves se détériore avec le temps.
Les délais « normaux » de la prescription sont fixés par les articles 7 à 9 du Code de procédure pénale. Ils sont de 20 ans pour un crime, six ans pour un délit et de un an pour une contravention.
Pour la prescription d’une agression sexuelle, celle-ci va varier. Pour les infractions sexuelles sur mineurs, les délais sont la prescription d’une agression sexuelle sont de vingt ans pour un crime (à savoir le viol d’un mineur) et pour les délits d’agression sexuelle aggravée (lorsque la victime est une personne vulnérable comme un enfant). Même pour un délit qui normalement devrait être prescrit au bout de six années, si l’infraction est une agression sexuelle sur mineur, elle est de trente ans ce qui change évidemment beaucoup les choses. Pour un délit sexuel sur mineur qui n’est pas une agression sexuelle aggravée, la prescription est ramenée à dix années. Il s’agirait d’une atteinte sur mineur comme un attouchement par exemple.
Pour l’ensemble des infractions sexuelles, lorsque la victime est un mineur, la prescription ne commence à compter qu’à partir de la majorité de la victime. Ça créée forcément des délais de prescription qui peuvent être très long et n’enlève rien à la pertinence de l’arrêt de la CEDH. Plus le temps passe et plus la qualité des preuves est faible et par conséquent plus le risque d’une erreur judiciaire est possible. Par cette volonté d’allongement de la prescription d’une agression sexuelle, on se retrouve avec des affaires dont les preuves sont peu nombreuses. Prenons un exemple, une personne qui aurait été victime de faits qui se seraient déroulés en 1999 et est née en 1988. Elle peut se retrouver à devoir témoigner des faits de 1999 en 2036 soit plus de 37 ans après. Quel est la fiabilité d’un témoignage 37 ans plus tard ? Les souvenirs se seront encore détériorés et les détails (un élément indispensable pour faire la part de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas dans un témoignage) seront plus confus.
La loi d’août 2019 dite Loi Schiappa motivait cela comme pouvant permettre aux victimes de ces crimes le temps nécessaire à la dénonciation des faits. Une référence est faite dans la circulaire du 3 septembre 2018 au « phénomène de l’amnésie traumatique ». Il s’agirait d’un phénomène sur lequel les experts psychiatriques ne s’accordent pas complètement. Il est en lien avec la prescription d’une agression sexuelle dans la mesure où cette amnésie reportait d’autant plus la poursuite des faits puisque la dénonciation des faits ne pourraient intervenir qu’après un long moment.
Même si la prescription d’une agression sexuelle devient de plus en plus théorique au vu des dernières lois qui la rallonge, cela se fait au prix d’un risque aggravé de la détérioration des preuves et de la procédure générale avec forcément les erreurs judiciaires qui peuvent s’en suivre.