Dans l’affaire ayant donné lieu à ce jugement du Tribunal administratif, le cabinet défendait un couple dont l’épouse avait sollicité pour son conjoint en situation irrégulière le regroupement familial.
Le conjoint étranger en situation irrégulière vivait en France depuis six années au moment de la demande et travaillait depuis deux ans. Il résidait également avec son épouse depuis trois ans. Cette dernière disposait d’un certificat de résidence valable dix ans.
Le Préfet avait refusé la demande de l’épouse en estimant que son conjoint étranger était en situation irrégulière, il ne pouvait autoriser le regroupement familial. Il estimait que l’intéressé devait retourner dans son pays d’origine pour que l’épouse puisse faire une nouvelle demande de regroupement familial.
En défense, nous avons soulevé l’argument suivant : l’intégralité des revenus du couple provenait du travail du conjoint étranger en situation irrégulière depuis plusieurs années. Le regroupement familial n’était alors possible que parce que l’époux de la requérante était sur le territoire français et qu’il pourvoyait aux besoins du couple. Si Monsieur devait repartir dans le pays d’origine, il perdrait son emploi et son épouse ne serait plus en mesure de justifier des ressources suffisantes pour obtenir un regroupement familial.
L’administration en défense ne disait pas plus que ce qu’elle avait indiqué plus haut en précisant à nouveau qu’elle n’avait pas à admettre au bénéfice du regroupement familial le conjoint en situation irrégulière.
Dans la décision du Tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019, la juridiction retient l’argument selon lequel obliger le conjoint en situation irrégulière à retourner dans son pays d’origine pour que son épouse puisse solliciter le regroupement familial porte une atteinte disproportionnée à la vie familiale des intéressés.
Il aurait à mon sens été plus intéressant que la justice fonde sa décision sur l’article L411-1 et suivants du CESEDA (dans le cas d’espèce l’article 4 de l’accord franco-algérien du 28 décembre 1968 mais ces stipulations sont proches du régime général) plutôt que sur l’article 8 de la CEDH car celui-ci est moins précis et donne un sentiment parfois d’être un peu la solution à tout les problèmes.
Alors qu’en application de l’article L411-1, cela aurait créé une jurisprudence intéressante en estimant que lorsque l’origine des ressources du couple provient d’un étranger en situation irrégulière marié avec un étranger en situation régulière qui sollicite le regroupement familial, ces ressources ne peuvent pas être écartées.
Clairement le Tribunal administratif n’était pas près à aller aussi loin et à donc limiter son jugement à une simple violation de l’article 8 de la CEDH.