INTRODUCTION
Le besoin de protection des intérêts économiques et individuels, la nécessité d’attirer les investisseurs et partenaires économiques dans la Sous-région a amené le législateur Ohadien à encadrer un droit pénal des affaires à travers les différents actes uniformes qui y sont en vigueur tout en laissant le soin à chaque Etat-partie d’organiser la répression des différentes incriminations.
La responsabilité pénale n’échappe pas au droit des affaires, la faute demeurant le principal fondement de cette responsabilité, ainsi nous gloserons dans cette pièce introductive de la problématique(A) ; des hypothèses (B) ; de l’intérêt du sujet (C) ; des méthodes de recherche (D) ; de la délimitation ; et enfin de l’annonce du plan (F).
A.PROBLEMATIQUE
Le droit pénal des affaires de l’OHADA est marqué par une option qui, même si elle paraît assez originale, n’en recèle pas moins quelques incohérences du point de vue de la politique criminelle. En effet, si la politique criminelle apparaît, selon Marc ANCEL comme « une stratégie méthodique de réaction anticriminelle», il est difficilement concevable de soumettre les deux éléments de sa structure que sont le phénomène criminel et la réponse de politique criminelle à une logique différente[1].
Telle est cependant la stratégie qui a été adoptée par le législateur de l’OHADA pour venir à bout de la délinquance d’affaire. Celle-ci a consisté à harmoniser[2] les infractions d’affaires dans l’espace communautaire et à laisser le soin aux Etats parties de déterminer librement les sanctions qui leur sont applicables. De cette option pourrait résulter une certaine hétérogénéité des sanctions qui seront déterminées par les Etats.
A côté de l’extension des pouvoirs des associés (droit à l’information renforcé), on note un contrôle de l’exécution du contrat de société par des organes extérieurs professionnalisés.
Il faut se remémorer que les documents comptables ont pour vocation de renseigner les associés et les créanciers réels ou potentiels de la société ; c’est dans cette optique qu’est organisé un droit comptable imposé aux commerçants. Ainsi, dans la perspective d’un contrôle efficace, l’Acte uniforme a organisé la profession de commissaire aux comptes, à l’instar de ce qui était déjà prévu dans les Etats de l’UDEAC[3] (article 695 et suivants de l’AUSC).
Les S.A. doivent obligatoirement désigner un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire aux comptes suppléant nommés pour deux exercices (article 694 de l’AUSC). Les S.A. faisant publiquement appel à l’épargne doivent, quant à elles, désigner deux commissaires titulaires et deux suppléants (article 720 de l’AUSC).
La même obligation est désormais imposée par l’article 376 de l’AUSC à certaines S.A.R.L. : celles ayant un capital social supérieur à dix millions (10.000.000 F CFA), ou qui ont un chiffre d’affaire annuel supérieur à deux cent cinquante millions (250.000.000 F CFA), ou qui ont un effectif permanent supérieur à 50 personnes. En revanche, la présence des commissaires aux comptes dans les sociétés de personnes n’est pas exigée, mais l’Acte uniforme prévoit que les associés qui exercent leur droit de communication peuvent, pour mieux s’éclairer, se faire assister par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes (article 289 de l’AUSC).
Les commissaires aux comptes ont une mission bien précise, qu’ils exercent sans complaisance, en toute indépendance[4], de manière à provoquer la sanction des auteurs d’irrégularités.
La troisième partie de l’Acte uniforme traite des infractions pénales spécifiques aux sociétés commerciales[5]. Le premier mérite du législateur OHADA est justement cet effort de systématisation donnant ainsi au droit pénal des sociétés une idée directrice.
Mais il faut reconnaître que l’unité des textes d’incrimination n’est pas achevée. Le législateur africain n’a pas érigé en infractions un certain nombre de prescriptions parfois visées par l’Acte uniforme lui-même. Dès lors, il est permis de se demander si, à côté des incriminations prévues, les législateurs nationaux pourront en consacrer d’autres. La réponse affirmative semble ne pas faire de doute. En effet, l’alinéa 2 de l’article 5 du Traité OHADA dispose seulement que «Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incriminations pénales»[6]. Ce qui signifie qu’ils peuvent ne pas en inclure et chaque législateur national en aurait institué. Du moment où l’Acte uniforme en contient, ces dispositions doivent être comprises comme le «minimum commun» aux Etats parties qu’aucun législateur national ne saurait entamer en dépénalisant sur son territoire des comportements saisis par l’Acte uniforme[7].
Il faut par ailleurs préciser que l’Acte uniforme s’en tient aux règles pénales de fond. Tout au plus au détour de quelque article est-il fait allusion à certaines règles de procédure pénale. Il en est ainsi singulièrement de la prescription (articles 164,170, 727 et 743 de l’AUSC). Lorsque l’action en responsabilité civile contre les dirigeants sociaux est basée sur un fait qualifié de crime, elle se prescrit par dix ans. Il faut en déduire que lors que le fait dommageable ne constitue pas une infraction pénale, la prescription est de 3 ans. Dans le cas où il s’agit d’une infraction pénale, il faut distinguer deux hypothèses : si le fait dommageable constitue un délit ou une contravention, la prescription est de trois ans. (8) Dans les autres cas, elle se prescrit par trois ans(9). Cela dit, toute procédure pénale demeure donc régie par la législation propre à chaque pays.
Enfin, à la différence de certaines législations pénales(10) l’Acte uniforme n’a pas consacré la responsabilité pénale des personnes morales.
Dans le cadre ainsi délimité, le législateur africain, avec une méthodologie particulière pour répondre au souci de l’intégration, s’est servi, de manière assez classique, d’un critère temporel pour fixer les comportements répréhensibles. Ainsi, pré voit-il, des infractions relatives à la constitution, au fonctionnement et à la dissolution des sociétés commerciales.
Pour éviter que les dirigeants sociaux se livrent facilement à des actes d’aliénation du patrimoine social, le législateur a prévu tout un système de contrôle de sa gestion. C’est ainsi que l’article 694 de l’AUSC précise que « le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs commissaires aux comptes »[8]. Toutefois, ces commissaires aux comptes ne peuvent exercer leur fonction au mépris d’incompatibilité. En effet, l’Acte uniforme interdit à certaines personnes de devenir contrôleur de la société, par exemple les apporteurs en nature, les administrateurs, certains parents ou alliés de ces personnes, etc.
L’article 898 de l’AUSC condamne tout individu qui, en son nom personnel ou à titre d’associé d’une société de commissaires aux comptes, aura sciemment accepté, exercé ou conservé les fonctions de commissaires aux comptes nonobstant les incompatibilités légales. Mais ne sont visées que les incompatibilités et non les incapacités. L’infraction suppose que l’acceptation, l’exercice ou la conservation des fonctions ait eu lieu en connaissance de cause. La prescription de l’action publique part du jour de la cessation des fonctions ou du moment où prend fin la cause d’incompatibilité(11)
Hormis ces infractions relatives aux incompatibilités, le législateur « ohadien », à travers le titre 5, aborde la question du contrôle sous un double aspect : d’une part la répression des infractions au contrôle, commises par les dirigeants de la société et qui constituent alors un obstacle à ce contrôle, d’autre part les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes, dans l’exercice de leur fonction et qui se présentent sous forme d’un refus de contrôle(12)
Eu égard à ce qui précède, nous nous posons la question de savoir :
- En quoi consiste explicitement le droit pénal des affaires issu de l’OHADA ?
- Quelles sont, de façon détaillée, les infractions susceptibles d’être commises contre les commissaires aux comptes et celles susceptibles d’être commises par ces derniers ?
- Et comment sont-elles réprimées en droit OHADA?
C’est sur ces interrogations que nous allons réfléchir et donner des réponses qui puissent nous aider à élargir notre savoir juridique.
B.Hypothèses
Dans le langage courant, le terme hypothèse évoque la présomption que l’on peut construire autour d’un problème donné. Pour R. ROZSOHAZY, « l’hypothèse cherche à établir une vision provisoire du problème soulevé en évoquant la relation supposée entre les faits sociaux dont le rapport constitue le problème et en indiquant la nature de ce rapport ».(13)Le droit pénal des affaires issu de l’OHADA consiste à harmoniser les infractions d’affaires dans l’espace communautaire et à laisser le soin aux Etats parties de déterminer librement les sanctions qui leur sont applicables. De cette option pourrait résulter une certaine hétérogénéité des sanctions qui seront déterminées par les Etats.
Hormis les infractions relatives aux incompatibilités prévues à l’article 898 de l’AUSC, le législateur « ohadien », à travers le titre 5 de la 3e partie dudit AUSC, aborde la question du contrôle sous un double aspect : d’une part la répression des infractions au contrôle, commises par les dirigeants de la société et qui constituent alors un obstacle à ce contrôle, d’autre part les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes, dans l’exercice de leur fonction et qui se présentent sous forme d’un refus de contrôle.
L’obstacle au contrôle est donc le fait des dirigeants sociaux. En effet, « désireux d’écarter un contrôle seulement gênant ou franchement dangereux pour eux s’ils ont commis des actes délictueux, les dirigeants sociaux peuvent y mettre obstacle de manière plus ou moins directe ». C’est ainsi qu’ils peuvent ne pas désigner les commissaires aux comptes ou, une fois qu’ils les ont désignés, ne pas les convoquer aux assemblées d’actionnaires. Ils peuvent également faire obstacle à leurs vérifications ou leur refuser la communication de documents. Ainsi, l’obstacle au contrôle est réprimé par le législateur OHADA aux articles 897 et 900 de l’AUSC.
Par ailleurs, le commissaire aux comptes peut violer ses obligations professionnelles et tomber ainsi sous le coup des incriminations prévues à l’article 899 de l’AUSC, par action en donnant ou confirmant « des informations mensongères sur la situation de la société » ou par omission, en ne révélant pas « au ministère public les faits délictueux dont il aura eu connaissance ».
C.Intérêt du sujet
Ce travail présente un intérêt majeur pour tous les praticiens du droit (juges, avocats, conseillers juridiques, etc.) et pour tous les étudiants en droit et même les enseignants du droit car il s’agit d’une recherche sur une matière jusque-là ignorée de notre droit positif. Il revêt encore un intérêt indéniable dans la mesure où il est de nature à dissuader certains auteurs de la commission d’actes malveillant favorisant ainsi dans le monde des affaires notamment dans l’espace ohada , un climat social non favorable et, une insécurité certaine . Ce travail leur permettra de s’imprégner des notions du droit pénal des affaires que le droit OHADA a introduit dans notre arsenal juridique, et surtout de celles relatives aux infractions liées au contrôle de la gestion des sociétés.*
D.Méthodes de recherche
Les méthodes en sciences sociales sont aussi nombreuses que divergentes. Elles se sont soit succédées dans le temps, soit élaborées de façon concomitante. La méthode est l’ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu’elle poursuit afin de la démontrer et de les vérifier. (14) c’est à juste titre que B. VERHAEGEN soutient « qu’il n’existe pas, même à l’égard d’un objet spécifique comme la ville, une méthode universelle applicable en tous temps et en tous lieux(…) en effet, il est vrai que chaque objet de connaissance informe et conditionne la méthode. Mais il est également vrai que la méthode se transforme et s’ajoute constamment au cours même de son application »(15)
Pour la réalisation de ce travail nous nous sommes servis de :
- La méthode juridique qui est entendu comme celle exégétique autrement appelée casuistique ou dogmatique et normative car elle pose ou donne des normes.
Poursa partleprofesseurJacquesDjolile définitcommecellequiconsisteàexposer , analyserdestextesde loi, diversdocumentsrelatifsà lamatièreencherchantsans cesseledroitposé, applicableencasd’espèce.(16)
- La technique documentaire qui nous a aidés dans la recherche des solutions à notre problématique dans des différents ouvrages qui cadrent avec notre sujet.
E.Délimitation du sujet
Restreindresonchampd’investigationnedevraitpas êtreinterprétécommeuneattitudedefaiblesseoudefuitederesponsabilitémais, bienaucontraire , comme unecontraintede ladémarchescientifique.(17) De même ROZSOHAZY élucide que toute démarche scientifique procède fatalement par un découpage de la réalité. Il n’est pas possible d’étudier, de parcourir tous les éléments influents jusqu’aux extrêmes limites de la terre et jusqu’au début des temps ».(18) Délimiter bien son travail, permet au chercheur de travailler en profondeur au lieu d’être superficiel. La délimitation de notre sujet est double. Sur le plan territorial, tout l’espace OHADA en général et la République Démocratique du Congo en particulier constituent le cadre de nos investigations. Nous tenons à préciser qu’aujourd’hui 16 Etats sont membres de l’OHADA : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. La République Démocratique du Congo a, depuis le mercredi, 27 juin 2012, transmis au Sénégal, pays dépositaire de ladite organisation(19), ses instruments d’adhésion. Conformément au traité portant OHADA, la RDC a, dès cet instant, 60 jours pour la mise en application sur son territoire dudit traité et des actes uniformes de l'OHADA(20). Donc, c’est probablement vers ce mois de septembre que l’adhésion de la RDC à l’OHADA sera effective. Sur le plan temporel, nos recherches se sont étendues à partir de l’année 1997 jusqu’à l’année 2012 étant donné que c’est en date du 17 avril 1997 qu’est entré en vigueur l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, le principal texte légal en rapport avec notre sujet. Il s’agit d’un texte qui, depuis son entré en vigueur jusqu’à ce jour, n’a encore subi aucune révision.
F.Annonce du plan
Hormis l’introduction et la conclusion, d’une manière sommaire, notre travail se présente de la manière suivante :
- CHAPITRE I. OBSERVATIONS SUR LE DROIT PENAL DES AFFAIRES DE L’OHADA
- Section1. La responsabilitépénale en Droit pénal des Affaires
OHADA
- Section 2. L’harmonisation des infractions
- Section 3. L’hétérogénéité des sanctions
- CHAPITRE II. MISSIONS DES COMMISSAIRES AUX COMPTES EN DROIT OHADA
- Section 1. Les missions des commissaires aux comptes
- Section 2. Les suites du contrôle des commissaires aux comptes
- Section 3. Etude détaillée des missions des commissaires aux comptes en droit OHADA
- CHAPITRE III. GLOSEDES INFRACTIONS SUSCEPTIBLES D’ETRE COMMISES CONTRE ET PAR LES COMMISSAIRES AUX COMPTES
- Section 1. Les infractions susceptibles d’être commises contre les commissaires aux comptes (l’obstacle au contrôle)
- Section 2. Les infractions susceptibles d’être commises par les commissaires aux comptes (le refus de contrôle).
Chapitre I. OBSERVATIONS SUR LE DROIT PENAL DES AFFAIRES DE L’OHADA
Le droit pénal des affaires de l’OHADA est marqué par une option qui, même si elle paraît assez originale, n’en recèle pas moins quelques incohérences du point de vue de la politique criminelle. En effet, si la politique criminelle apparaît, selon Marc ANCEL comme « une stratégie méthodique de réaction anticriminelle», il est difficilement concevable de soumettre les deux éléments de sa structure que sont le phénomène criminel et la réponse de politique criminelle à une logique différente(21) .Telle est cependant la stratégie qui a été adoptée par le législateur de l’OHADA pour venir à bout de la délinquance d’affaire. Celle-ci a consisté à harmoniser (22)les infractions d’affaires dans l’espace communautaire (section 2) et à laisser le soin aux Etats parties de déterminer librement les sanctions qui leur sont applicables. De cette option pourrait résulter une certaine hétérogénéité des sanctions qui seront déterminées par les Etats (section 3) dont découle la responsabilité pénale (section 1)
Section I : LARESPONSABILITEPENALEENDROITPENALDESAFFAIRESOHADA.
Demanièreliminairemaisprofondamentale, ledroit pénaloudroitcriminelestl’ensemblederèglesjuridiquesde fondetde formeorganisantlaréactiondel’Etatàl’encontredesdélinquantet desinfractions.
A côtédece droitcommunsesitueunautreplusspécial, enraisondescaractèresspécifiquesqui lecomposent, àsavoirlesrelationscomplexesquis’établissententrepersonnesmoralesetpersonnesphysiques , hommed’affaireset simpleparticuliers, employeuretemployé : c’’estle droitpénaldes affaires. PoursapartleprofesseurMUANDA,ledroitpénal desaffairesestun droitspécialauxaffaires…,c’estledroitpénalspécialapplicableauxprincipalesopérationsd’affaires.(23)
Aussibien, lebesoinde protectiondesintérêtséconomiquesetindividuels, lanécessitéd’attirerlesinvestisseursetpartenaireséconomiquesdanslasous-régiona amenélelégislateurOhadienà encadrerun droitpénaldes affaires, àtraverslesdifférentsActesUniformesquiysontenvigueuret enlaissantle soinà chaquepaysmembred’organiserlarépression desdifférentesinfractions.
La responsabilitépénalen’échappepasau droitdes affaires , lafautedemeurantlefondementprincipalde cette responsabilité ;c’estainsi quenousexamineronsce droitcommunde laresponsabilitépénalen droitdesaffaires. (§.1.) etleparticularismede laresponsabilitépénaleen droitdesaffairesOHADA. (§.2).
§.1. LeDroitCommun de laResponsabilitéPénaledans le DroitPénaldesAffaires.
Sous cetterubriquenousgloseronsde manièresuccessivedesélémentsconstitutifsdelaresponsabilité pénale (A),ainsi quelesélémentsaffectant laresponsabilité pénale(B).
- ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA RESPONSABILITE PENALE.
Pour parler aisément de la responsabilité pénale, il faut que ses éléments constitutifs soient réunis, c’est ainsi, pour qu’une infraction soit constituée, il faut en principe un élément légal (1) et un élément matériel (2) Lesquels forment c’est ce qu’on appelle « élément objectif » ; et un élément moral (3). Doctrinalement appelé « élément subjectif ».
- Elément légal
L’élément légal suppose la définition ou la détermination des incriminations par la loi. Il découle du principe de la légalité des délits et des peines que la première condition d’existence de l’infraction est la loi violée.
Sans reprendre ici les nombreuses discussions terminologiques auxquelles cette matière a donné lieu, nous considérons que l’élément légal de l’infraction comprend d’une part, comme le démontre L.JIMENEZ DE ASUA « l’anti juridicité » (24)et d’autre part, le fait qu’il soit passible d’une peine prévue par la loi, qui sont les deux pôles de droit pénal.
Une fois cette double condition remplie, l’exigence de l’élément légal se révèle encore négatif lorsque surgit une cause de justification qui rend l’acte conforme à la loi.
- Elément matériel
Pour éviter les procès de tendance et d’opinion et donc arbitraire, toute infraction pour être objectif et faire l’objet des poursuites doit être révélée à l’extérieure par un fait matériel objectivement constatable, la simple pensée infractionnelle ne suffit guère, il faut la déduction de l’incrimination par un élément ; c’est élément est matériel.
Dans une perspective extensive, l’élément matériel de l’infraction comprend tout ce qui se rattache à la réalisation de l’infraction à l’exception de l’élément moral (25)car dit le Professeur NYABIRUNGU la loi ne secrète ni les reins ni le cœur. Elle attend pour intervenir, que la résolution criminelle se manifeste par des actes extérieurs. L’élément matériel, c’est le fait extérieur par lequel l’infraction se révèle et, pour ainsi dire prend corps.(26) Le droit pénal requiert l’accomplissement d’un acte, c’est –à-dire une réalisation, une manifestation, je dirais mieux un événement dans le monde extérieur, car sont donc en principe exclues les pensées e t les opinions car la criminalité dite intellectuelle reste non punissable.
Pour nous en effet, l’élément matériel doit consister à un fait ou un amas de faits générateurs d’habitudes ; aussi variable que les infractions sont multiples en droit des affaires. En fait lorsqu’on parle de l’élément matériel, l’on fait allusion au mode d’exécution, aussi l’élément matériel d’une infraction peut être une action (Commission ou infraction de commission) ou une abstention (infraction d’omission).(27)
L’élément matériel d’une infraction peut être un acte positif accomplis dans un but contraire à l’intérêt de celle-ci et dans un intérêt personnel (comme abus de biens sociaux ou de crédit de la société par les dirigeants.)
L’élément matériel peut être aussi un comportement négatif (comme le défaut d’immatriculation ou défaut d’inscription qui consiste à ne accomplir les formalités requises). Mais les éléments objectifs seuls ne sont pas suffisant à l’accomplissement de l’infraction s’ils ne sont pas adjoint de l’élément moral ou intentionnel mieux intellectuel.
- Elément moral
Bien qu’aucun texte légal n’en ait expressément consacré l’exigence, il est traditionnellement admis en droit Congolais qu’il ne saurait y avoir d’infraction purement matérielles, c’est-à-dire d’infractions qui existeraient par le seul fait qu’ait été matériellement accompli un acte interdit par la loi. Aux éléments légal et matériel (élément objectif), il convient dès lors d’ajouter un troisième élément « subjectif » : élément moral à l’absence du quel toute forme de condamnation pénale peut apparaitre radicalement injuste, voir inutile.(28)
Pour que l’agent réponde de l’infraction dit le professeur NYABIRUNGU, il ne suffit pas d’établir l’élément légal et matériel , ni même établir son imputabilité , il faut encore prouver l’élément moral, c’est -à-dire la faute , l’état d’âme, la tournure d’esprit, socialement répréhensible même moralement qui aura accompagné et caractérisé son activité délictueuse.(29)
En droit pénal des affaires pour qu’une infraction soit constituée, il ne suffit pas que l’agent en soit l’auteur matériel. L’acte n’est constitutif d’une infraction punissable que s’il émane d’un commerçant, personne physique ou morale ayant toutes ses facultés mentales. (30); les peines seront prononcées donc qu’à l’encontre des personnes pénalement responsable.
Pour qu’il ait responsabilité pénale , il faut donc qu’il y ait à la fois imputabilité et culpabilité, l’infraction ici peut être intentionnelle ou non intentionnelle.
Elle est intentionnelle lorsqu’elle requiert chez l’agent l’intention de commettre l’acte. Cette infraction suppose que l’auteur ait voulu un résultat et qu’il agisse en vue de ce résultat, c’est le cas notamment de la distribution des dividendes fictifs , l’ infraction de simulation de souscription ou de versements, le délit de publication de faits faux,…
Elle est par contre non intentionnelle lorsqu’elle est indépendante de l’intention de l’auteur et est réprimée en raison de la seule violation des dispositions légales ; c’est le cas notamment des infractions relatives à l’augmentation du capital, le délit de négociations des titres, le délit d’émission,…
En conséquence , dès que les éléments matériels d’une infraction sont établis, il ne reste qu’à prouver que l’auteur a volontairement commis les faits caractérisant les éléments constitutifs de l’infraction. Et qu’ils les a commis avec l’intention que ces faits auront pour conséquence la réalisation de l’infraction.(31)
- Les Eléments Affectant la Responsabilité Pénale
A côté des éléments matériels, intentionnel et légal de l’infraction, le droit pénal a aussi prévu l’élément injuste de l’infraction. (32) rentrent dans la catégorie d’élément injuste de l’infraction toutes les causes qui altèrent partiellement ou totalement l’infraction (1). Mais désormais, il existe aussi des faits prévus mais qui ne rentrent pas dans la catégorie d’élément injuste ; il s’agit des causes d’aggravations de la responsabilité pénale. (2).
- Les Causes de l’Altération de la Responsabilité Pénale.
En fonction de l’intensité de ces causes sur la responsabilité pénale, celle-ci peut disparaitre ou tout simplement atténuée. Notons ava nt de continuer que dans ce dernier cas, du fait des contraintes du droit des affaires, dans le souci de préserver les intérêts des créanciers. Les cas d’altération partielle sont difficilement admissibles en l’espèce, c’est pourquoi seules les premières causes évoquées seront présentées ici.
Ainsi, l’infraction qui résulte de l’exécution d’un ordre de la loi ne peut donner lieu à aucune répression , car la responsabilité pénale ici est absente. Cependant , pour qu’il ait absence de cette infraction, deux conditions doivent au préalable être remplies, à savoir :
- L’existence d’un ordre de la loi et exécution de cet ordre conformément à la loi.
- L’ordre soit légitime.
- Les Causes d’Aggravation de la Responsabilité pénale
Les causes d’aggravation sont comme leur nom l’indique , celle qui visent à augmenter la peine applicable à l’infraction. Etant donné qu’il n’existe pas la loi sur la répression des infractions contenues dans les Actes Uniformes au Congo , à ce sujet nous trouverons lumière au code pénal seul que nous pouvons résoudre ce problème, nous n’examinerons que le cas de la récidive.
- La RECIDIVE
La matière de récidive est une matière complexes qui réunit , tant sur le plan pratique que théorique certaines questions parmi les plus significatives du droit pénal.
Bien que la récidive ne soit pas définie par la loi, la doctrine enseigne qu’il s’agit selon TROUSSE de la rechute dans l’infraction.(33), mais cette définition a été complétée par la doctrine moderne , la récidive est une rechute dans l’infraction dans les conditions légalement déterminées, et après une ou plusieurs condamnations coulées en force de chose jugée .(34)
Ainsi dans le domaine des affaires un récidiviste se verra retenu les sanctions comme la déchéance et la fermeture de l’établissement. De ce qui précède force est d’admettre que bien comportant des éléments du droit pénal général, la responsabilité applicable en droit des affaires se veut dans une certaine mesure spécifique, voir particulière.
§.2. LE PARTICULARISME DE LA RESPONSABILITE PENALE
EN DROIT OHADA.
Le particularisme s’apprécie aussi bien au niveau personnel (A) que matériel (B).
- Au niveau personnel
Il est question ici de présenter les personnes qui peuvent être poursuivies dans le monde des affaires. C’est ainsi qu’on distingue ceux qui le sont à titre principal (1) et ceux qui le sont à titre accessoire (2).
- Les personnes poursuivies à titre principal.
Leur culpabilité résulte d’un fait personnel, on distingue l’auteur principal du complice.
- l’Auteur
il est en principe admis que seules les personnes physiques peuvent être délinquants, toute fois même la responsabilité des personnes morales est discutée , et même , de plus en plus retenues en droit positif d’autres pays (c’est le cas de la France).
Pour les personnes physiques, le principe est que seules les personnes physiques sont capables de délinquer car ils sont dotées de volonté et intelligence et de ce fait il encours des peines.(35)
Pour les personnes morales , jusqu’à une période récente, le principe « societas delinquere non potest » n’était pas discuté, et dans beaucoup des pays, dont le nôtre et voire dans l’espace Ohada, il est en vigueur. Il convient de noter qu’en droit Ohada la responsabilité des personnes morales n’est pas de mise et s’il y a un fait infractionnel qui font penser aux personnes morales seuls les dirigeants, personnes physiques pourront pénalement répondre.
Le droit Ohada préconise comme auteur principal :
- le Commerçant personne physique ;
- le Commissaire aux comptes ;
- les dirigeants de la société.
- La Complicité
La complicité est la modalité atténuée de la participation criminelle ; les complices d’une infraction sont ceux qui apportent à sa réalisation une aide utile, mais non indispensable.(36) faute de la loi portant répression des incriminations prévues aux Actes Uniformes , seul le code pénal peut nous éclairer quant à ce.
L’article 22 du Code Pénal livre I détermine de manière limitative, les modes de complicité, dont :
- Les instructions données pour commettre l’infraction
- Laide accessoire apportée à la commission de l’infraction
- Les moyens fournis et qui ont servis à la commission de l’infraction
- Le fait de loger habituellement certaines catégories des malfaiteurs.
Le droit Ohada préconise comme complice , principalement il s’agit des prête-nom, considéré très souvent comme le complice, le banquier ; les commerçant personnes physiques, le commissaire aux comptes et les et les dirigeants sociaux sont selon les cas chacun en ce qui le concerne de complicité.
- Les Personnes poursuivies à titre accessoire
On retiendra celles répondant d’actes posés par des personnes dont elle sont civilement responsable , et le cas du dirigeant de la personne morale.
- Les personnes répondant d’actes, la solidarité en matière d’amendes pénales.
Faute de la loi pénale portant répression en RDC des infractions prévues dans les Actes Uniformes, nous recourons à la loi Camerounaise n°2003/008 du 10 Juillet 2003 portant répression des infractions contenues des actes Uniformes Ohada.
Si le prononcé de la sanction comporte des peines pécuniaires (exemples : le commettant et son préposé qui est condamné) celui qui répond sur le plan civil des actes posés par d’autres sera considéré comme la garantie civile du paiement des amandes pénales prononcées contre celui dont il répond(37) (sous réserve que le commettant intente contre lui une action récursoire). On voit là une (38)atteinte au principe de la responsabilité de la peine.
- Le cas du dirigeant de la personne morale
S’agissant du dirigeant de la personne morale, il sera poursuivi des actes posés dans l’intérêt de celui-ci , car la personne morale est considérée comme «fiction ». Ainsi, il sera d’abord responsable de la violation des règlement propres à son entreprise , comme l’établissement de la communication d’états financiers ne représentant pas une image fidèle du patrimoine de la société.(39)
Ensuite, il est responsable de tout manquement d’ordre général commis dans son entreprise. Il convient de relever que les ascendants, descendants et collatéraux du commerçant ou de la société verront leur responsabilité pénale engagée lorsque l’intérêts des créanciers sera menacé suite à leurs engagement frauduleux.(40)
Particulière au niveau personnel, la responsabilité pénale en droit pénal des affaires OHADA l’est sur le plan matériel.
B. Au domaine matériel
Le domaine se rapporte ici aux différentes infractions que l’on retrouve en droit pénal des affaires ; celui-ci sont reparties en trois groupes. Nous verrons d’abord les incriminations liées à l’’entrée à la vie des affaires (i), ensuite celles relatives à la vie des affaires (2), et enfin les incriminations de la sortie de la vie des affaires(3).
- Les incriminations liées à l’entrée à la vie des affaires
Premièrement nous abordons ici les incriminations que peut commettre une personne qui envisage d’ouvrir le commerce, elle a des obligations à remplir pour que son commerce soit exercé de façon légale notamment en ce qui concerne les obligations se trouva nt au titre II de l’AUDCG, pour l’immatriculation.
Tout commerçant qui ne remplit pas régulièrement ses obligations de publicité légale sera donc poursuivi pour les Chefs d’inculpation de défaut d’inscription, défaut d’immatriculation , ou de fraude.
En second lieu, le droit pénal OHADA recense les infractions en matière des sociétés notamment lors de leur constitution.
Nous citerons par exemple la simulation de souscription ou de versement prévue à l’article 887 alinéa 3 de l’AUSGIE, la publication des faits faux (art 887 al. 3et 4) et nous citerons encore le délit d’émission. (41) telles sont donc les infractions fondant le particularisme du droit pénal des affaires OHADA en matière de l’entrée à la vie des affaires.
- Les incriminations relatives à la vie desaffaires
Concernant premièrement le commerçant, l’art. 68 de l’AUDCG prévoit de retenir la responsabilité pour l’infraction d’inscription frauduleuse d’une sûreté mobilière ou portant sur des indications inexactes données de mauvaise foi., l’Art 108 du même texte prévoit l’infraction d’omission d’indication en tête de ses bon de commande, factures et autre documents à caractères financier ou commercial, de son numéro d’immatriculation au RCCM ou de sa qualité de Locataire , Gérant pour celui-ci.
Quant avec société commerciales en second lieu, la responsabilité des responsables sera retenue pour des infractions liées au fonctionnement de la société, que sont la distribution des dividendes fictifs , abus de biens sociaux et le délit de publication des comptes sociaux ne donnant pas image fidèle de la société. (Art. 889, 890, 891 et de l’AUSCGIE).
Les infractions relatives au contrôle de la société, que sont l’obstacle au contrôle ou refus de communication des documents, obstacle à la désignation ou à la convocation des commissaires aux comptes, faits délicieux (Art. 897, 898, 899, 800 de l’AUSCGIE) en matière de modification du capital , et celles relatives aux assembles générales , celles relatives en cas d’appel public à l’épargne.
Après cette monographie d’infraction liées à la vie des affaires qui fonde le particularisme de responsabilité en droit ohada, il sera aisé, de terminer par l’étude des infractions liées à la sortie de la vie des affaires.
- Les incriminations liées à la sortie de la vie des affaires.
La responsabilité pénale en ce qui concerne les infractions liées à la sortie de la vie des affaires s’observe à deux niveaux.
Premièrement, la perte de la qualité commerciale d’une personne physique, nous pouvons citer parmi les infractions la banqueroute simple (Art.230 de l’AU portant organisation des procédures collective d’apurement du passif) et la banqueroute frauduleuse (Article 240 du même texte.
Deuxièmement en ce qui concerne particulièrement la société , dans sa dissolution nos avons les infractions relatives à la liquidation de la société.
Tel est le domaine matériel en matière de responsabilité pénale en droit OHADA. Notons tout de suite que comme dans le droit pénal général , le législateur OHADA n’a pas distingué les infractions en les catégorisant , on ne retrouve ici que des délits, et dans une mesure d’aggravation les crimes. Il n’existe pas de contravention en droit pénal OHADA. Analysons à présent l’harmonisation des infractions en droit OHADA.
Section 2. L’harmonisation des infractions
En son article 1er, le Traité pour l’Harmonisation du droit des affaires rappelle qu’il a pour objet «l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l’élaboration et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies…» (42). C’est sur les règles juridiques applicables que l’OHADA va agir pour harmoniser le droit des affaires dans l’espace qu’elle couvre. Cette technique d’harmonisation (§1) qui ne porte que sur un certain nombre d’infractions dites d’affaires (§2) pose des problèmes de légalité auxquels la jurisprudence et la doctrine tentent encore d’apporter des réponses, sous l’égide de la CCJA, organe juridictionnel de l’harmonisation.
§1. La technique d’harmonisation : les Actes uniformes
Pour procéder à l’harmonisation des législations d’affaires des Etats membres, l’OHADA a préféré utiliser la technique des règles matérielles (et non celle des conflits). En effet, les Actes uniformes réglementent directement les matières concernées par l’harmonisation et s’appliquent directement aux contentieux. L’article 5 du Traité précise que « les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale» mais que les sanctions encourues sont déterminées par les Etats, il s’agit d’un partage de compétence entre l’ohada qui énonce les éléments matériels et moraux que les Etats qui s’obligent à déterminer les sanctions pénales. Ceci permet de ménager les susceptibilités souverainistes des Etats en préservent leur domaine résiduel et de fixation de sanction par le biais de leur code et législation en matière pénale. (43)Il s’agit là d’une décomposition de l’élément légal de ses principales composantes. Ainsi, l’incrimination sera fondée sur un texte communautaire, supranational, alors que la sanction, quant à elle, des législations nationales.
L’application directe du droit communautaire issu des Actes uniformes de l’OHADA dans le droit pénal national est susceptible de soulever quelques interrogations relatives à leur conformité par rapport à certains principes de cohérence et de fonctionnement du système juridique. En effet, outre la crainte de voir s’effriter la souveraineté nationale, il existe surtout un risque de voir s’imposer un droit supranational ne garantissant pas le respect des principes fondamentaux du droit pénal dont le principe de la légalité. En effet, le processus d’adoption des Actes uniformes repose sur la compétence du Conseil des ministres (A) composé de représentants du pouvoir exécutif. De même, concernant la légalité interne des infractions, l’interprétation (B) et l’application dans le temps et dans l’espace des normes communautaires (C) soulèvent d’importantes questions auxquelles il faudrait s’intéresser.
A.L’élaboration des Actes uniformes par le Conseil des ministres
Les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat permanent de l’Organisation africaine en concertation avec les gouvernements des Etats parties (44). Ils sont examinés et adoptés par le Conseil des ministres après avis de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA). Créées dans chacun des Etats parties, les commissions nationales OHADA sont chargées d’examiner les projets d’Actes uniformes. Ces actes sont «directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieur» (45) .Il résulte de ces dispositions de l’article 6 que les Actes uniformes ont un double effet abrogeant et neutralisant pour les dispositions nationales antérieures et postérieures impliquant ainsi des retraits du système pénal national qui se manifestent par la décriminalisation de certaines infractions comme l’abus des pouvoirs et des voix dans la société commerciale, ou d’appel au système pénal par des incriminations nouvelles.
- Elaboration des Actes Uniformes
La procédure d’élaboration des AU fait intervenir pratiquement tous les organes : Secrétariat permanant, Conseil des Ministres et la Cour Commune de Justice et l’Arbitrage. Lors de son élaboration, on observe à deux phases.
La phase initiale qui constitue la préparation des projets d’AU , est du ressort de l’organe administratif le Secrétariat permanent exerce ses fonctions en secondant tous les autre organes de l’OHADA.
Il joue ici, sous l’impulsion de son Chef ( le secrétaire permanent ), un rôle normatif en concertation avec les gouvernement des Etats parties. (46)
Dans la plupart des organisations internationales, il revient à l’organe administratif, de faire des études et de préparer les décisions des organes intergouvernementaux. L’OHADA ne déroge pas à la règle et impose même à cet organe de recueillir les points de vue des gouvernements, à l’exclusion des parlement nationaux. (47)
La seconde phase consiste en la délibération et l’adoption des projets d’AU par le seul conseil des Ministres organe international, dont le pouvoir normatif s’affirme dans l’émission de ces règles.
Toutes fois, l’intervention du Conseil des Ministre est subordonné à l’avis préalable de la cour commune de justice et d’arbitrage. Mais en l’absence de toute indication du traité de Port-Louis ou du règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Sur les effets de l’Avis, on ne peut que lui prêter un caractère consultatif.
Ce premier aspect de la fonction consultative de la cour commune de justice et d’arbitrage reprise à l’article 14 du traité , ne lie ni les Etats, ni la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
- Adoption et entrée en vigueur des Actes Uniformes.
Il convient de souligner que : « l’adoption des actes uniformes par le conseil des Ministre requiert l’unanimité des représentants des Etats présents et votants… ». L’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption des actes uniformes. (48)
L’autorité conférée aux actes uniformes justifie l’existence de l’unanimité des représentants des Etats parties présents et votant pour leur adoption par le conseil des Ministres. cette condition ne sera valable qu’à condition que les deux tiers au moins des Etat parties soient représentés. Comme de coutume dans certaines organisations internationales , la possibilité d’abstention n’est pas un obstacle à l’adoption , pourvu que le mode de prise de décision soit respecté. (49)
S’agissant de l’entrée en vigueur l’article 98 du traité de Port-Louis dispose que « les actes uniformes entrent en vigueur quatre-vingt-dix jours après leur adoption sauf modalités particulières d’entrée en vigueur prévues par l’acte uniforme lui-même. Ils sont opposables trente jours francs après leur publication au journal officiel des Etats parties ou par tout autre moyen approprié ».
Comme condition de son inclusion dans le droit positif et de son intégration dans l’ordonnancement juridique , un acte juridique doit au préalable entré en vigueur, en principe, les normes juridiques secrétées par l’organisation internationale ne connaissent au début d’application qu’à partir de la date prévue pour leur entrée en vigueur.
Ce principe souffre quelques exception car les modalités particulières d’entrée en vigueur peuvent être prévues par chaque acte uniforme. Ainsi en est -il des actes uniformes sur le droit commercial général, sur les sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique et sur les sûretés adoptés le 17 Avril 1997, mais hélas entra en vigueur neuf mois après leur adoption et trois mois après leurs publication au journal officiel de l’OHADA.
En tout état de cause, ces actes uniformes ne sont opposables que tente jours après leur publication au journal officiel de l’OHADA. Cette opposabilité implique une fois les conditions de publication et de délai respectées, le droit pour toute partie à un contrat ou à un procès, d’invoquer ces actes uniformes devant les juridictions nationales des Etats parties pour accroitre les possibilité de porter ces actes uniformes à la connaissance des populations des états parties, une exigence complémentaire de publication dans les journaux officiels des états parties ou « par tout autre moyen approprié » a été prévu.
- De l’Immédiate et la Primauté des Actes Uniformes.
L’article 10 du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique est claire en la matière tout en disposant que « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure ».
L’article tranche clairement en faveur de la primauté et de l’effet direct (immédiateté) des actes uniformes.
Il convient de rappelé que selon la jurisprudence , la primauté bénéficie à toute les normes communautaires primaires comme dérivées, immédiatement applicable ou non et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales, administratives, législatives, juridictionnelles ou même constitutionnelles , par ce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux … ainsi le juge national , en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde, en appliquant l’un et en écartant l’autre (50)
De même ; « serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit communautaire toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit communautaire… ». (51)
Pour sa part la Cour Commune de Justice et d’arbitrage a eu l’occasion de préciser la portée de l’article 10 dans avis du 30 Avril 2001 sur la demande de la République du Côte d’Ivoire concernant l’effet abrogatoire des actes uniformes sur le droit interne , elle a admis que « l’art. 10 contient une règle de supranationalité parce qu’il prévoit l’application directe et obligatoire dans les Etats parties des actes uniformes et institue par ailleurs , leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieur et postérieur.
En vertu du principe de la supranationalité qu’il consacre l’article 10 du traité prévoit l’application directe et obligatoire des actes uniformes dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne , antérieur ou postérieur , contient une règle relative à l’abrogation du droit interne par les actes uniformes. L’article 10 apparait alors comme la seule disposition susceptible de consacrer la supranationalité des actes uniformes, confirmée par les articles spécifiques de chaque acte uniforme (52)
Les actes uniformes posent le problème de la supranationalité qui consiste en l’existence d’un système institutionnel autonome permettant de privilégier le bien commun par rapport aux intérêts nationaux et d’édicter des normes qui, non seulement s’imposent aux Etats, mais aussi régissent directement la situation juridique des particuliers. (53)
Il va de soi que l’article 10 énonce une règle d’application directe invocable par les ressortissants communautaires et les étrangers à l’encontre de tout Etat membre qui en violerait les dispositions.
En toute hypothèse, le droit OHADA l’emporte sur le droit national. Il entraine l’obligation pour les autorités nationales d’interpréter tout le droit national en conformité avec les actes uniformes et, le cas échéant, de réparer les conséquences dommageables de leur non-respect.
B.L’interprétation des normes communautaires
Pour passer de la règle abstraite à l’espèce pratique, le juge procède nécessairement à l’interprétation de la loi pénale en utilisant cependant des méthodes différentes de celles qui ont cours dans les autres branches du droit. En effet, tandis qu’au civil ou au commercial par exemple, l’interprétation peut être extensive, voire analogique, au pénal, elle est nécessairement littérale ou dans certains cas, téléologique mais jamais analogique. Ainsi, pour appliquer les dispositions pénales contenues dans les Actes uniformes de l’OHADA, le juge devra se limiter à lire le texte de l’article concerné en se fondant toutefois sur l’intention du législateur. Pour cela, il faudra aux juges non seulement une conscience aiguë et un sens affiné de leurs responsabilités, mais aussi une formation technique solide (54)
Lorsque, dans l’interprétation de la loi pénale, le juge constate qu’il y a «contradiction entre ce qu’a voulu le législateur et ce qu’il a dit, le texte de la loi fait foi»(55) La conséquence de cette forme d’interprétation est que la mention d’une chose exclut nécessairement toute autre chose (56) et le juge se bornera à vérifier simplement si le fait incriminé tombe effectivement sous le coup de la loi pénale invoquée par l’accusation. Il ne s’agira pas pour lui d’étendre le sens de la loi sous prétexte qu’il y aurait eu oubli du législateur ou que le fait reproché, par exemple l’abus de pouvoir, est tellement lié à l’abus des biens qu’il n’a pas paru nécessaire de la mentionner dans les dispositions de l’article 891 AUSC. C’est d’ailleurs en application de ce principe de l’interprétation restrictive de la loi pénale qu’on a pu parler de retrait du système pénal à propos de l’abus des pouvoirs et des voix, une incrimination qui était contenue dans le Code sénégalais des sociétés, mais que le droit pénal harmonisé n’a pas repris (57)
Il faut cependant souligner que l’application de ce principe risque de soulever des difficultés liées notamment à la nécessité de procéder à des vérifications constantes de la conformité entre les dispositions pénales communautaires et celles nationales. Une telle vérification est nécessaire afin de constater les appels aux systèmes pénaux nationaux dans le cas de création d’une incrimination nouvelle par l’OHADA. Elle permet également de lire les mouvements de retrait du système pénal comme en matière d’abus de biens qui a été défini d’une manière restrictive par l’OHADA. Il en a résulté sa décriminalisation partielle qui provoque l’arrêt des poursuites fondées sur les dispositions abrogées du fait de la rétroactivité des lois pénales plus douces.
C.Le principe de légalité et l’application des normes pénales communautaires
L’OHADA a procédé d’une part à l’élargissement du champ spatial des infractions d’affaires qui ont quitté l’espace national pour l’espace communautaire et d’autre part au rétrécissement du champ infractionnel en décriminalisant certaines ou en abrogeant d’autres. Cela pose des problèmes d’application dans le temps (1) et dans l’espace (2) des normes communautaires.
1.L’application des normes communautaires dans le temps
A chaque fois qu’une loi criminelle modifie, abroge ou remplace une autre, il se pose la question de son application à des situations juridiques prenant naissance antérieurement à son entrée en vigueur mais déroulant leurs effets sous son empire. C’est le problème des conflits de lois pénales dans le temps. Il s’agit de voir s’il faut ou non faire rétroagir la nouvelle loi. La solution actuellement adoptée résulte d’un compromis dans le sens de la protection des droits et des libertés individuelles. C’est ainsi que la nouvelle loi jugée plus douce s’appliquera immédiatement aux faits, même ceux antérieurs à sa promulgation. Mais quand est-ce qu’une loi pénale est plus douce qu’une autre ? A quelle autre mesure-t-on la sévérité d’une loi pénale ?
En présence de deux lois d’incrimination, la rigueur respective des deux lois est facile à comparer : la plus sévère est «celle qui soumet à la répression la plus rigoureuse le fait actuellement poursuivi»(58). Cependant, l’OHADA n’ayant pas fixé de sanction, cette solution nécessitera la combinaison de la norme communautaire et de la nationale d’application pour déterminer la rigueur de deux incriminations.
A l’inverse, la loi pénale la plus douce est celle par exemple qui définit plus restrictivement ou abroge les éléments d’une incrimination déjà punissable. Ainsi, dans le cas de l’incrimination d’abus de biens sociaux, la définition plus restrictive de l’objet de l’abus par l’article 891 de l’AUSC apparaît comme un adoucissement et la loi nouvelle devrait, par conséquent, s’appliquer au Sénégal (59)
Outre la localisation des infractions d’affaires dans le temps qui pose parfois quelques difficultés, on peut s’intéresser aux effets de la loi pénale plus douce sur le procès en cours. A ce niveau, le prononcé d’une décision définitive sera le critère d’application ou non de la loi pénale. En effet, tant qu’il n’y aura pas de décision définitive, la loi plus douce pourra être appliquée. Mais si le juge a déjà rendu une décision définitive, la loi nouvelle, quelle que soit sa douceur ne sera pas appliquée aux faits considérés s’il s’avère qu’elle leur est postérieure.
2.L’application des normes communautaires dans l’espace
Depuis l’entrée en vigueur des premiers Actes uniformes en janvier 1998, les infractions d’affaires font l’objet d’une harmonisation du point de vue de leur incrimination dans toute la zone géographique constituée par les Etats parties au Traité OHADA. Elles devraient donc y être réprimées, sous réserve des sanctions édictées individuellement par les Etats, sur la base des mêmes textes d’incriminations. D’ailleurs, c’est la CCJA qui est compétente en dernière instance pour contrôler l’application des incriminations par les juridictions nationales des Etats parties. Ces dernières sont compétentes pour connaître d’une infraction lorsqu’elle est commise sur leur territoire. Ainsi, les juridictions congolaises seront compétentes quand l’infraction a été commise en RDC. Selon l’article 97 du Code judiciaire militaire, «est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en République Démocratique du Congo ».
Les juridictions congolaises sont aussi compétentes lorsqu’un citoyen congolais commet une infraction dans un autre Etat membre de l’OHADA en vertu des dispositions de l’article 100 du Code judiciaire militaire qui soumet dans cette hypothèse la compétence des juges congolais à la condition que les faits commis soient aussi réprimés par leur pays de commission. Dans l’espace OHADA, cette exigence devient sans intérêt du fait de l’unification des infractions d’affaires. Dès lors, en application du droit pénal communautaire, les juridictions deviennent compétentes en raison de la qualité de l’auteur du délit ou du lieu de commission de l’infraction.
Mais ces critères de compétence dans un espace harmonisé ne risquent-ils pas d’engendrer des conflits de compétence du fait de la mobilité des agents économiques et de la complexité des infractions ?
Il est de principe général en RDC qu’aucune poursuite n’a lieu si l’inculpé justifie qu’il a été jugé définitivement à l’étranger et en cas de condamnation, qu’il a subi ou prescrit sa peine ou obtenu grâce. Pourtant, ces difficultés éventuelles auraient pu être tournées par les Etats de l’espace OHADA à leur avantage par la création d’une structure chargée de centraliser la répression des infractions d’affaires. Ce serait un grand pas dans la lutte contre la criminalité transnationale et permettrait d’atténuer les conséquences de l’hétérogénéité découlant de la détermination de la sanction des infractions d’affaires par renvoi aux législateurs nationaux.
Mais, même si la technique de l’harmonisation par des Actes uniformes est considérée par certains auteurs comme «séduisante et parfaitement adaptée à la situation actuelle pour de nombreuses matières juridiques où il s’agit plus de réduire les divergences existantes et d’ en éviter de futures que de faire une synthèse uniquement destinée à ménager les susceptibilités nationales»(60) il n’en demeure pas moins qu’elle pose des problèmes liés notamment à la nécessité de procéder à une vérification générale et permanente de la conformité entre la législation communautaire et les législations nationales dans les matières qui font l’objet de l’harmonisation(61).
§2. L’objet de l’harmonisation : les infractions d’affaires
L’objet de l’OHADA, c’est l’harmonisation du droit des affaires, mais elle n’a pas procédé à la définition du droit des affaires. Est-ce parce que le droit des affaires est un droit «qui ne se laisse pas aisément définir»(62) ou parce que tout simplement , l’OHADA ne voulait pas avoir à regretter le choix d’un critère, ou d’une définition trop vague qui risquerait d’englober tout le droit privé ou trop restrictive pour prendre en compte tout le droit des affaires ? Toujours est-il que face à la difficulté, elle a choisi la prudence en procédant à une énumération non limitative des règles juridiques considérées comme entrant dans le domaine du droit des affaires pour l’application du Traité OHADA(63). Ainsi, aux termes de l’article 2 du Traité OHADA, en vue de l’application du Traité, les matières retenues comme relevant du droit des affaires sont toutes celles qui sont relatives au «droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait, à l’unanimité d’y inclure, conformément à l’objet du Traité OHADA(64).
On constate, cependant, que cette énumération est restrictive de la notion de droit des affaires. Il faut remarquer que d’autres matières qui relèvent du droit des affaires au sens étroit n’ont pas été prises en compte dans cette entreprise d’harmonisation. Il en est ainsi du droit de la consommation, du droit bancaire et cambiaire … Si l’omission de certaines matières peut, dans une certaine mesure, s’expliquer par l’existence d’une réglementation communautaire antérieure (code CIMA en matière d’assurance, loi uniforme de l’UEMOA sur les instruments de paiement …), il n’en est pas de même pour la majorité des autres matières occultées. L’OHADA aurait pu également s’intéresser aux matières relevant du droit économique comme la réglementation des prix, le droit fiscal, le droit minier, le droit douanier, le droit pétrolier, le droit des changes, le droit des investissements, le droit de l’environnement, etc.
De même façon, elle aurait pu faire référence aux infractions pénales de droit commun qui, lorsque certaines conditions sont réunies, deviennent des infractions d’affaires. C’est le cas du vol qui a eu pour cadre la société commerciale et pour protagonistes des agents de ladite structure commerciale.
Cependant, consciente de l’importance des matières occultées, l’OHADA a prévu, pour le Conseil des ministres, la faculté d’élargir la liste de l’article 2 en y ajoutant d’autres matières conformément à l’objet du Traité OHADA (65) Malgré cette brèche, il semble impérieux, sinon d’opter pour une conception claire et précise du droit des affaires, du moins d’adopter des critères explicites de choix des matières concernées par l’harmonisation. Ceci aurait le mérite d’éviter certains problèmes de légalité posés par l’adoption des normes communautaires issues des Actes uniformes.
Section 3. L’hétérogénéité des sanctions
En application de l’article 5 du Traité OHADA par lequel ils s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues par les contrevenants à la norme communautaire, les Etats membres de l’OHADA fixent le quantum des peines applicables. Chaque Etat y procède en fonction de paramètres qu’il lui revient de déterminer. Le choix de ne pas harmoniser les sanctions traduit à la fois l’option libérale qui sous-tend la législation de l’OHADA et les disparités économiques et parfois idéologiques en Afrique noire francophone. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater aujourd’hui une certaine hétérogénéité des sanctions pénales édictées par les Etats. Cette hétérogénéité s’accentue davantage du fait de l’insuffisance de l’encadrement des parlements nationaux (§2) tenus de déterminer les sanctions pénales (§1er). Il devient dès lors impératif de poser des principes directeurs communautaires pour orienter l’harmonisation des réponses pénales (§3).
§1. La détermination des sanctions par les Etats
Par la méthode du renvoi législatif, l’OHADA a transféré aux Etats le soin de trouver des sanctions aux incriminations contenues dans les Actes uniformes. C’est ce que Jacques BORE appelle «une mobilisation du droit national au service du droit communautaire»(66). Ainsi, les législateurs nationaux, puisqu’ils ont compétence à cet effet, déterminent les sanctions de leur choix. Chaque pays de l’espace OHADA est compétent pour prendre les lois pénales sanctionnant les incriminations contenues dans les Actes uniformes de l’OHADA. Cela signifie que chaque pays de l’espace déterminera les sanctions en fonction de ses propres valeurs de référence. Cette option originale a fait l’objet des vives critiques par une partie de la doctrine qui en conteste la pertinence. Il importe d’étudier les justifications de l’attribution des compétences aux Etats (A) qui emporte d’importantes conséquences (B).
A.Les justifications de l’attribution de compétence aux Etats
Le rattachement des peines aux législations nationales est une option contestable mais qui semble reposer sur des considérations ou raisons diverses et d’importance inégale qu’il est possible de présenter en distinguant entre elles selon qu’elles sont juridiques (1) ou économiques (2).
1.Les raisons juridiques
La principale raison invoquée par l’exposé des motifs de la loi sénégalaise n° 98-22 du 26 mars 1998 portant sur les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l’AUSC, c’est la différence de système pénal des Etats signataires du Traité OHADA(67). C’est à cet effet, toujours selon l’exposé des motifs, que la République Démocratique du Congo a la préoccupation de prévoir des peines conformes à son système pénal, par conséquent adaptées à ses valeurs et ses réalités. L’affirmation de Portalis selon laquelle «la lecture des lois pénales d’un peuple peut donner une juste idée de sa morale publique et de ses mœurs privées» trouverait ici sa pleine signification(68).
L’OHADA a opté pour le système libéral et c’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’elle accorde une certaine liberté aux Etats dans le choix de leurs systèmes pénaux et, par ricochet, des sanctions encourues par les contrevenants à la norme communautaire.
Cependant, cette argumentation ne résiste guère à l’analyse car rien ne s’opposait à ce que les Etats mettent en harmonie leur conception philosophico-juridique en vue de mettre en place un dispositif répressif commun en laissant aux juges une marge d’appréciation permettant de moduler les peines prévues au moment de leur application en fonction des particularités de chaque espèce. C’est ce qui serait le plus conforme au mouvement d’harmonisation qu’ils ont enclenché.
D’autres arguments relatifs notamment à la rupture de l’égalité des justifications de l’OHADA devant les sujétions résultant des peines appliquées peuvent être invoqués. En effet, les Etats membres de l’OHADA ne sont pas à un même niveau de développement(69). Cette disparité économique des Etats se répercute sur le pouvoir d’achat des justiciables. Ainsi, le PNB/h du Gabon était de 4480 en 1992 alors que celui de la Guinée Bissau était de 210 à cette même date(70) Dès lors, soumettre le citoyen gabonais et le citoyen Bissau-guinéen à une même amende, par exemple, pour la violation de l’article 886 AUSC relatif à l’émission d’actions avant l’immatriculation de la société, heurterait le principe de l’égalité de ces deux justiciables devant la norme communautaire. D’un autre côté, la recherche d’une plus grande efficacité de la répression pénale justifierait que les normes soient rapprochées au maximum du citoyen. Il faut que les destinataires de la loi pénale sentent que celle-ci constitue l’expression de leurs profondes aspirations mais surtout de leur volonté propre.
Ainsi, sur le plan juridique, l’option du législateur de l’OHADA pourrait être soutenue mais en est-il de même sur le plan économique ?
2.Les raisons économiques
Selon l’article 1er du Traité OHADA, l’objectif poursuivi par cette institution est «l’élaboration et l’adoption de règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies»(71). Cela signifie que les Etats parties au Traité OHADA, ont conscience qu’ils ne sont pas à un même niveau de développement. D’où des disparités économiques dont il faudrait qu’ils tiennent compte dans leur projet communautaire.
La justice a un coût, un prix qu’il faut payer chaque fois qu’on la réclame. La justice pénale étant le monopole de l’Etat, c’est à lui de la prendre en charge. Mais nos Etats ne sont pas riches. Et c’est pourquoi on pourrait interpréter la nationalisation de la sanction pénale comme une manière de faire respecter le droit issu de l’OHADA en fonction de leur capacité financière et économique à prendre en charge le phénomène criminel. La disparité flagrante des niveaux de développement des pays africains membres de l’OHADA semble être à la base du rattachement des sanctions aux législateurs nationaux. En pratique, cela signifierait, dans un Etat comme la Guinée Bissau, que les sanctions privatives de liberté qui seront consacrées seront fonction de capacité d’accueil des prisons de ce pays, que la décision d’emprisonner un dirigeant d’entreprise «en délicatesse» avec la loi pénale dépendra de la capacité de cet Etat de se passer des finances de ce «White colar criminal»(72). Mais nos Etats ne risquent. Ils pas de privilégier les sanctions pécuniaires (pour s’enrichir) au détriment des sanctions privatives de liberté ? En d’autres termes, la délinquance ne risque-t-elle pas de devenir un fonds de commerce à la disposition des Etats ? Ainsi, par la multiplication des amendes, la délinquance financera elle-même les politiques qui seront mises en œuvres par les Etats pour endiguer la criminalité. De ce fait, à défaut de neutraliser le phénomène criminel, les Etats tâcheront d’en minorer le coût économique. Cependant, il leur faudrait également maîtriser toutes les conséquences d’une telle option.
B.Les conséquences de l’attribution de compétence aux Etats
L’OHADA n’a pas voulu ou n’a pas pu harmoniser les sanctions pénales pour des raisons que nous venons d’évoquer. Chaque Etat prendra donc les sanctions qu’il jugera opportunes selon les objectifs de répression qu’il se sera fixé et les moyens à sa disposition. Les Etats pourront mettre en place des législations pénales très tolérantes pour ne pas dire permissives ou, au contraire, d’une grande sévérité. Ceci risque de déboucher, du fait des disparités possibles entre les sanctions qui seront édictées dans les différents Etats parties (1) sur l’apparition de paradis pénaux (2).
1.Le risque de disparité des sanctions nationales
Il semble peu probable que les dix-sept Etats membres de l’OHADA choisissent une gamme identique de sanctions en application de l’article 5 du Traité OHADA. En tout cas les difficultés rencontrées dans l’adoption et la ratification des Actes uniformes ne le laissent pas supposer. Dès lors, à moins que certains Etats procèdent à une harmonisation de fait en s’inspirant fortement du droit français, il y aura autant de régimes de sanction que d’Etats. Ainsi, pour appréhender le droit pénal communautaire, le juriste devrait se référer à environ seize sanctions différentes pour chaque incrimination qu’il voudra étudier. L’investisseur devra également procéder de la sorte car il sait que, même si le droit de l’OHADA est taillé sur mesure pour la protection de ses capitaux, il pourrait toujours arriver qu’il transgresse la loi et s’expose à des sanctions pénales qu’il voudra certainement aussi légères que possible. Cet état de fait pourrait l’amener à choisir de s’implanter dans un pays où la réponse étatique face au phénomène criminel est la moins ferme. Il faut seulement espérer que la course aux investissements n’amènera pas certains Etats à vider leur droit pénal de toute son essence, à savoir son aspect sanctionnateur, pour être plus «compétitifs»(73).
Mais il se pourrait que les Etats aillent non pas dans le sens de l’assouplissement mais dans celui de la rigueur car, faut-il le rappeler, le droit de l’OHADA cherche aussi et surtout à mettre un terme à l’insécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA.
Toujours est-il que selon leur propension à la rigueur ou à la flexibilité, les Etats choisiront les sanctions devant assurer le respect de la norme communautaire et il en découlera, certainement, une disparité des sanctions pénales. Dès lors, l’instinct de survie aidant, les délinquants potentiels pourraient s’installer dans le pays réputé plus clément, moins répressif. Ainsi, risquerait-on d’assister à l’exportation de la criminalité vers des pays qui apparaîtraient comme des «paradis pénaux»(74).
2.Le risque d’apparition de «paradis pénaux»
Les «paradis pénaux», encore appelés «pays refuge»(75) ou «forum shopping», seront constitués par ceux d’entre les pays de l’espace OHADA qui, pour diverses raisons adopteront les sanctions les moins lourdes et attireront par la même occasion les investisseurs peu enclins à se conformer aux prescriptions de la loi communautaire(76). Ce risque est grave puisque à terme pourrait se mettre en place de vraies multinationales du crime avec des pays exportateurs de la criminalité.
De la même manière que certaines sociétés procède pour s’en tirer à bon compte au plan interne, à la budgétisation des infractions qu’elles commettent en ouvrant des comptes destinés exclusivement à la prise en charge de leurs dépenses actuelles ou éventuelles nées de leurs activités délictuelles, les multinationales pourraient choisir le territoire de commission de leur forfait pour échapper à la rigueur de telle législation ou bénéficier de la douceur de telle autre. C’est d’ailleurs ce qui explique le développement de la criminalité transnationale avec notamment la complexité liée à la décentralisation du pouvoir de décision et la dispersion des acteurs (acteurs, complices, commanditaires …) dans un espace interconnecté.
De ces considérations, il résulte que la dévolution de compétence aux législateurs nationaux pour la détermination des sanctions attachées aux infractions contenues dans les Actes uniformes, même si elle peut être défendue au fond, pose des problèmes de politique criminelle dont l’acuité pourrait encore longtemps alimenter la réflexion et la recherche. L’apparition des paradis pénaux, faute d’unification des sanctions pourrait conduire a ce résultat absurde qu’en cas de pourvoi en cassation portant sur une infraction pénale, celui-ci soit partager entre la CCJA compétente pour apprécier si le délit est constitué, et la cour de cassation nationale compétente pour apprécier la légalité de la sanction(77)
En tout état de cause, le juge dispose, dans la fixation de la peine, du fait de la richesse de la gamme des sanctions qui peuvent être édictées, d’un important pouvoir d’appréciation. Mais cet accroissement de ses pouvoirs l’expose à certaines pressions et exige de lui une claire conscience de sa mission, un sens aigu de la justice et une technique affinée du droit. Ce qui est d’autant plus nécessaire que les textes législatifs sont souvent imprécis et lacunaires du fait notamment de l’encadrement insuffisant des parlements nationaux.
§2. L’insuffisance de l’encadrement des parlements nationaux
Absents de tout le processus d’élaboration des normes communautaires, les parlements nationaux sont pourtant chargés de voter les règles destinées à faire respecter les Actes uniformes. Pour y procéder efficacement, il leur faut une certaine maîtrise des tenants et des aboutissants de chacune des dispositions communautaires. Mais ce qu’on remarque, c’est qu’ils ne sont même pas représentés dans les comités nationaux OHADA. Ce qui laisse entrevoir une certaine exclusion des parlements nationaux de l’œuvre d’harmonisation. Détenteurs d’une compétence résiduelle de fixation du quantum des peines encourues, les représentants des nations se retrouvent obligés, du fait de leur inaptitude à appréhender le droit de l’OHADA sous ses différents aspects, de voter sans vraiment les discuter ou, encore moins, les amender, les projets de lois qui sont préparés par les directions des affaires criminelles ou les services des Ministères de la justice. Il en résulte un dessaisissement de facto des parlements nationaux de leurs compétences législatives en droit des affaires au profit des pouvoirs exécutifs. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les inquiétudes de Me DOUDOU NDOYE qui s’interroge sur la nécessité d’une institution qui «dénie aux peuples africains un minimum de contrôle sur les choix relatifs à leur destin …»(78)
Dans les cas où la loi nationale est le résultat d’une proposition de loi, donc d’une initiative parlementaire, il risque de se poser des problèmes d’adéquation entre les buts visés par l’OHADA, les moyens à sa disposition et les dispositions nationales d’application. L’exemple le plus patent est donné par le déphasage entre les objectifs d’harmonisation et la disparité des sanctions édictées par les Etats au risque de créer des paradis pénaux. Et lorsqu’elle résulte d’un projet de loi, c’est le contrôle parlementaire qui risque de ne pas être correctement exercé. C’est pourquoi, il est impératif de poser des principes directeurs (79)communautaires pour orienter les politiques législatives nationales.
§3. La nécessité de poser des principes directeurs communautaires
L’harmonisation est un processus qui consiste à consacrer les convergences et à rapprocher les divergences. A cet effet, il faut des règles juridiques et des valeurs communes qui servent de référence. Ce sont des principes directeurs. Ces derniers sont d’autant plus nécessaires que du fait de l’option communautaire, l’ordre juridique nouveau a créé des bouleversements ou, tout au moins, des changements dans les ordres juridiques internes posant ainsi des problèmes d’articulation entre le premier et les derniers. Ces principes directeurs peuvent être, selon la distinction qui a été opérée par le Pr. DELMAS-MARTY(80) :
- Des «principes directeurs de confluences» lorsqu’ils tendent à consacrer des confluences(81) Par exemple, la reprise par l’OHADA des dispositions qui ont été consacrées par l’ensemble des Etats parties au Traité OHADA. D’ailleurs, ces principes pourraient être fondés sur ce que les concepteurs de l’OHADA appellent «les traditions juridiques communes» inspirées ou imposées par la France et la Belgique principalement(82);
- Des principes directeurs de synthèse «qui tendent à concilier des divergences de conception»(83). Ces derniers sont plus en adéquation avec l’option libérale qui caractérise l’OHADA. Ces divergences de conception sont aplanies lorsque l’on aboutit à une définition commune des institutions qui font l’objet de divergences ;
- Des règles supplétives lorsqu’il s’agit de combler des lacunes constatées. Ces lacunes pouvant découler de l’évolution économique et juridique ou tout simplement sociale. La consécration par l’OHADA de la société anonyme unipersonnelle semble bien procéder de cette volonté de combler les lacunes constatées dans certains domaines du droit des affaires comme c’est le cas en matière de responsabilité où on attend encore la consécration de la responsabilité pénale des personnes morales.
Avant d’analyser les infractions susceptibles d’être commises contre et par les commissaires aux comptes, nous tâcherons d’abord d’examiner les missions que remplissent ces derniers en droit OHADA.
Chapitre II. MISSIONS DES COMMISSAIRES AUX COMPTES EN DROIT OHADA
A côté de l’extension des pouvoirs des associés (droit à l’information renforcé), on note un contrôle de l’exécution du contrat de société par des organes extérieurs professionnalisés.
Il faut se remémorer que les documents comptables ont pour vocation de renseigner les associés et les créanciers réels ou potentiels de la société ; c’est dans cette optique qu’est organisé un droit comptable imposé aux commerçants. Ainsi, dans la perspective d’un contrôle efficace, l’Acte uniforme a organisé la profession de commissaire aux comptes, à l’instar de ce qui était déjà prévu dans les Etats de l’UDEAC(84) (article 695 et suivants de l’AUSC). Les S.A. doivent obligatoirement désigner un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire aux comptes suppléant nommés pour deux exercices (article 694 de l’AUSC). Les S.A. faisant publiquement appel à l’épargne doivent, quant à elles, désigner deux commissaires titulaires et deux suppléants (article 720 de l’AUSC). La même obligation est désormais imposée par l’article 376 de l’AUSC à certaines S.A.R.L. : celles ayant un capital social supérieur à dix millions (10.000.000 F CFA), ou qui ont un chiffre d’affaire annuel supérieur à deux cent cinquante millions (250.000.000 F CFA), ou qui ont un effectif permanent supérieur à 50 personnes. En revanche, la présence des commissaires aux comptes dans les sociétés de personnes n’est pas exigée, mais l’Acte uniforme prévoit que les associés qui exercent leur droit de communication peuvent, pour mieux s’éclairer, se faire assister par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes (article 289 de l’AUSC).
Les commissaires aux comptes ont une mission bien précise, qu’ils exercent sans complaisance, en toute indépendance(85) de manière à provoquer la sanction des auteurs d’irrégularités.
Section 1. La mission des commissaires aux comptes
La mission du commissaire aux comptes est essentiellement et traditionnellement une mission de contrôle des comptes. Mais par rapport au régime antérieur, la forme et les moyens dont dispose le commissaire aux comptes ont été diversifiés.
Le commissaire aux comptes a, tout au long de l’exercice, une mission permanente de contrôle sur les valeurs et les documents comptables de la société. Il doit alors s’assurer de la conformité de la comptabilité avec les règles en vigueur. A cette fin, il a le droit de se faire communiquer sur place tous contrats, livres, documents comptables et registres des procès-verbaux appartenant à la société contrôlée. Il peut même recueillir toutes informations utiles auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de la société. Mais de ceux-ci, sauf décision de justice, il ne saurait exiger communication des pièces. La loi vise ainsi non pas tous les tiers ayant contracté avec la société mais les tiers mandataires de la société : notaires, huissiers, experts divers, etc. Pendant cette mission permanente de contrôle, le commissaire aux comptes peut, sous sa responsabilité, se faire assister ou représenter par des experts ou collaborateurs de son choix qu’il fait connaître nommément à la société.
De manière plus ponctuelle, le commissaire aux comptes est appelé à exercer deux types de contrôle. L’un était déjà prévu par la législation antérieure. Il s’agit de certifier(86)
Que les états financiers de synthèse de la société contrôlée, ou même le cas échéant de ses filiales, sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que la situation financière et patrimoniale de la société à la fin de l’exercice. Il s’agit pour le législateur de s’assurer que l’information servie par les dirigeants aux actionnaires est fiable.
L’autre type de contrôle institué par le législateur OHADA à la charge du commissaire aux comptes est la vérification du respect de l’égalité entre les associés(87). A titre d’exemple, il doit vérifier que les actions d’une même catégorie bénéficient des mêmes droits, à l’occasion notamment du partage des dividendes ou de distribution du droit de vote. Ainsi le législateur peut, en amont, faire tarir par ce contrôleur les sources de certains litiges entre actionnaires ou entre ceux-ci et les dirigeants sociaux.
Dans l’un et l’autre cas, le commissaire aux comptes ne doit pas s’immiscer dans la gestion de la société. Pourtant, on décèle dans l’Acte uniforme des dispositions qui instituent implicitement un droit pour les commissaires aux comptes de contrôler la gestion de la société. Outre qu’il est prescrit à ces derniers de vérifier la sincérité et la concordance des informations contenues dans le rapport de gestion des dirigeants sociaux, ce qui implique forcément un droit de regard et d’appréciation de cette gestion, le législateur communautaire a organisé une procédure d’alerte qui ne saurait s’exercer sans que le commissaire aux comptes épluche la gestion tout entière de la société. Mais on aborde déjà là les incidences du contrôle.
Hormis sa mission traditionnelle qui est celle de contrôler, le commissaire aux comptes exerce encore la procédure d’alerte. Celle-ci est une innovation dans le droit des sociétés de la plupart de pays membres du traiter ohada.
Le commissaire aux comptes à un devoir supplémentaire celui d’alerter les dirigeants sociaux. L’alerte doit être déclenchée lorsque celui-ci prend conscience d’un risque sérieux de cessation d’exploitation, donc de mise en redressement ou en liquidation judiciaire.
Le commissaire aux comptes, dans les sociétés autres que les sociétés anonymes, demande par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception des explications des gérants qui est tenu de répondre, dans les conditions et délais prévu par l’acte uniforme, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevé lors de l’examen des documents qui laissent communiqués ou dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission , le délai pour le gérant de répondre est de 8 jours. Il a été jugé que la procédure d’alerte n’est pas un préalable au prononcé d’une mesure d’urgence (88)
Le commissaire aux comptes, dans une société anonyme, demande par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre au recommandée avec demande d’avis de réception des explications au président du conseil d’administration , au président Directeur Général ou l’Administrateur Général selon le cas, lequel est tenu de répondre dans les conditions et délais ( ils doivent répondre par lettre au porteur ou par la lettre recommandée dans le mois qui suit la réception de la demande d’explication ) sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation…
Il a été jugé que la procédure d’alerte n’est pas la condition sine qua non à la prise de toute mesure d’urgence . lorsque le commissaire relève des faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation, il y a urgence et le juge de référé est compétent même si n’a pas été mise en œuvre la procédure d’alerte.(89)
Notons enfin que les fonctions du commissaire aux comptes en cas de la transformation de la société ne prennent pas fin si la nouvelle forme de société issue de la transformation requiert la nomination d’un commissaire aux comptes.
Toutes fois, lorsque cette nomination n’est pas requise , la mission du commissaire aux comptes cesse par la transformation, sauf si les associés en décident autrement.
Le Commissaire aux comptes dont la mission a cessé , rend, néanmoins comptes de sa mission pour la période comprise entre le début de l’exercice et la date de cessation de cette mission à l’assemble appelée à statuer sur les comptes de l’exercice au cours duquel la transformation est intervenue.
L’efficacité du contrôle ne peut être assurée que si les contrôleurs constatant des irrégularités donnent suite au contrôle.
Section 2. Les suites du contrôle des commissaires aux comptes
Le commissaire aux comptes est obligé de donner certaines suites à son contrôle. Si le contrôle est la mission essentielle du commissaire aux comptes, il n’en est pas l’unique. Le législateur fait reposer sur lui à l’issue du contrôle un devoir d’information et un devoir de dénonciation.
La mission d’information consiste à porter à la connaissance des dirigeants sociaux et des associés des faits découverts au cours de ces investigations. En fait, il s’agit d’une mission traditionnellement reconnue aux commissaires aux comptes. Celui-ci est tenu de dresser un rapport qu’il adresse au conseil d’administration ou à l’administrateur général faisant état des investigations auxquelles il a procédé et des irrégularités qu’il a découvertes (article 715).
A la suite du contrôle, les contrôleurs peuvent engager leur responsabilité. L’Acte uniforme a réservé quelques dispositions au commissaire aux comptes. Ainsi, il ressort de l’article 725 que le commissaire aux comptes est civilement responsable, tant à l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions. Il peut être responsable des dommages causés par les infractions commises par les membres du conseil d’administration ou par l’administrateur général si, en ayant eu connaissance, il ne les a pas révélées dans son rapport à l’assemblée générale (article 726 de l’AUSC). Cependant, sa responsabilité ne peut être engagée pour les informations ou divulgations de faits auxquelles il procède en exécution de sa mission, notamment dans le cadre de la procédure d’alerte. Ce qui est fort compréhensible. Néanmoins, l’importance de la mission d’alerte qui lui incombe, comme mode de protection des associés et des tiers, implique que sa responsabilité civile soit engagée s’il oublie pour une raison ou une autre de déclencher cette procédure. De même est-il tenu de signaler à la prochaine assemblée générale, les irrégularités et inexactitudes relevées au cours de sa mission. L’obligation de dénonciation au ministère public des faits délictueux découverts par le commissaire aux comptes est une innovation que le droit OHADA apporte au droit congolais. Elle ne figure pas dans le décret du 27 février 1887. L’Acte uniforme précise cependant que la responsabilité du commissaire aux comptes ne peut être engagée par cette révélation, dans le cas notamment où les faits dénoncés ne sont pas punissables. La sanction des commissaires aux comptes est véritablement une garantie pour la société.
Il sied de souligner que la République Démocratique du Congo a déjà, depuis le mercredi, 13 juin 2012, déposé au Sénégal, pays dépositaire de l’OHADA(90), ses instruments d’adhésion à ladite organisation. Donc, en RDC, le Traité OHADA et ses Actes uniformes entrèrent en vigueur 60 jours après la date dudit dépôt(91), c’est-à-dire probablement vers le mois de septembre 2012. Cet état des choses nous pousse à mener une étude détaillée des missions des commissaires aux comptes en droit congolais et droit OHADA.
Section 3. Etude détaillée des missions des commissaires aux comptes en droit OHADA
En droit OHADA, nous allons étudier les missions des commissaires aux comptes dans une Société à Responsabilité Limitée (S.A.R.L.) et dans une Société Anonyme (S.A.).
§.1. Les missions des commissaires aux comptes dans une Société à Responsabilité Limitée (S.A.R.L.)
Le contrôle de la gestion de la S.A.R.L. est assuré par les associés. On l’a vu avec le renforcement de leur droit à l’information. Il était jusqu’ici admis qu’ils pouvaient se faire assister le cas échéant par un conseil de surveillance(92). Aujourd’hui, l’Acte uniforme institue purement et simplement un contrôle éventuel par des commissaires aux comptes. Cela n’a rien d’étonnant si l’on considère que le conseil de surveillance faisait déjà office de commissariat aux comptes dans les S.A.R.L. qui comptaient plus de 20 associés.
La nomination d’un commissaire aux comptes dans une S.A.R.L. obéit à des conditions précises. D’après l’article 376 de l’AUSC, sont tenues de désigner au moins un commissaire aux comptes les sociétés à responsabilité limitée dont le capital social est supérieur à dix millions (10.000.000) de francs CFA ou qui remplissent l’une des deux conditions suivantes :
1°) un chiffre d’affaires annuel supérieur à deux cent cinquante millions (250.000.000) de francs CFA ;
2°) un effectif permanent supérieur à 50 personnes.
Pour les autres sociétés à responsabilité limitée ne remplissant pas ces critères, la nomination d’un commissaire aux comptes est facultative. Elle peut toutefois être demandée en justice par un ou plusieurs associés détenant, au moins, le dixième du capital social.
Le commissaire aux comptes est choisi selon les modalités prévues aux articles 694 et suivants de l’Acte uniforme (concernant les commissaires aux comptes des sociétés anonymes). Pour des raisons d’impartialité, des incompatibilités sont prévues(93) Ainsi, en vertu de l’article 378 de l’Acte, ne peuvent être commissaires aux comptes de la société :
1°) les gérants et leurs conjoints ;
2°) les apporteurs en nature et les bénéficiaires d’avantages particuliers ;
3°) les personnes recevant de la société ou de ses gérants des rémunérations périodiques sous quelque forme que ce soit, ainsi que leurs conjoints.
Aux termes de l’article 379 de l’AUSC, le commissaire aux comptes est nommé pour trois exercices par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital social. Si cette majorité n’est pas obtenue et sauf stipulation contraire des statuts, il est nommé à la majorité des votes émis, quelle que soit la portion du capital représentée. Le mandat du commissaire aux comptes est plus court que celui des gérants (quatre ans renouvelables en l’absence de clause statutaire contraire à cet effet). Il n’est donc pas lié à celui de ces derniers, ce qui apparaît comme une garantie d’indépendance supplémentaire. L’Acte uniforme ne dit cependant pas si le mandat des commissaires aux comptes est renouvelable. A l’instar de ce qui est prévu pour les S.A. (article 708 et 709 de l’AUSC), rien ne semble s’opposer formellement à ce renouvellement.
Les délibérations prises à défaut de désignation régulière du commissaire aux comptes ou sur le rapport d’un commissaire aux comptes nommé ou demeuré en fonction contrairement aux dispositions ci-dessus de l’article 379 sont nulles. L’action en nullité est éteinte si ces délibérations ont été expressément confirmées par une assemblée sur le rapport d’un commissaire aux comptes régulièrement désigné.
De toute manière, les désignations concernant les pouvoirs, les fonctions, les obligations, la responsabilité, la révocation et la rémunération du commissaire aux comptes sont régies par un texte particulier réglementant cette profession (article 381 de l’AUSC). S’agissant des missions incombant aux commissaires aux comptes de S.A.R.L., on peut, dans le silence de la loi, se référer à celles des commissaires aux comptes des S.A. (article 710 à 734 de l’AUSC).
§.2. Les missions des commissaires aux comptes dans une Société Anonyme (S.A.)
De manière générale, le législateur OHADA a renforcé le contrôle dans les sociétés commerciales, et spécialement dans les sociétés anonymes.
Il en est ainsi du contrôle interne(94) Ainsi, les actionnaires disposent d’un droit de communication des documents (article 525 de l’AUSC), du droit de déclencher la procédure d’alerte en posant au plus deux fois par an des questions écrites aux dirigeants (article 158 de l’AUSC) ; et surtout du droit de recourir à une expertise de gestion (articles 159 et 150 de l’AUSC)(95). De même, dans les sociétés anonymes comportant un président du conseil d’administration ou un DG, il est reconnu au premier un droit de contrôle de la société confiée au second (article 480 de l’AUSC).
Le contrôle externe de la société anonyme effectuée par le commissaire aux comptes a été amélioré. C’est de lui seul qu’il s’agira ici. L’Acte uniforme fait obligation aux sociétés anonymes de désigner un commissaire aux comptes et un suppléant(96). Si la société fait appel public à l’épargne, elle est tenue d’avoir au moins deux commissaires aux comptes et deux suppléants. La taille de l’entreprise postulant de l’importance des fonctions à exercer justifie ce nombre. Le législateur OHADA a élargi le champ d’investigation du commissaire aux comptes en même temps qu’il s’est montré plus restrictif dans le choix de ce collaborateur privilégié, mais parfois peu compris de l’entreprise.
1.Le choix du commissaire aux comptes
Pour exercer la fonction de contrôle d’une société, il faut avoir et la qualité et le mandat de commissaire aux comptes.
a.Les qualités requises
Peuvent avoir la qualité de commissaire aux comptes, les personnes d’une certaine compétence et d’une liberté assurée.
Leur compétence est tirée de la qualification exigée. Seuls des experts comptables(97) peuvent être désignés commissaires aux comptes qu’ils aient été agréés par l’ordre dans les Etats qui en possèdent un(98) ou alors choisis sur une liste préalablement établie par une commission siégeant auprès d’une cour d’appel dans les Etats où il n’existe pas d’ordre des experts comptables.
La liberté des commissaires aux comptes est recherchée à travers les nombreuses incompatibilités qui sont désormais posées. Il s’agit de leur assurer une liberté matérielle et morale.
Ainsi, l’article 697 de l’AUSC pose-t-il de manière claire que les fonctions de commissaire aux comptes sont incompatibles :
- avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ;
- avec tout emploi salarié, sauf lorsqu’il s’agit d’enseignement ;
- avec toute activité commerciale, qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée.
Cependant, les articles 698 à 700 de l’AUSC ne reprennent pas le terme « incompatibilité », mais utilisent celui d’ « interdiction »(99) La question se posera certainement au juge de dire ou de déterminer la frontière entre ces deux termes. La même difficulté se pose avec acuité en matière pénale(100).
Ainsi, les articles 697 jusqu’à 700 de l’AUSC réglementent les incompatibilités avec la fonction de commissaire aux comptes.
De manière générale, conformément à l’article 697 de l’AUSC, les fonctions de commissaires aux comptes sont incompatibles avec toute activité subordonnée ou activité commerciale :
- toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ;
- tout emploi salarié sauf lorsqu’il s’agit d’enseignement ;
- toute activité commerciale, qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée.
Par ailleurs, aux termes de l’article 698 de l’AUSC, les fonctions de commissaires aux comptes sont incompatibles avec les activités ou actes de nature à porter atteinte à son indépendance. Ne peuvent donc être commissaires aux comptes :
- les fondateurs, apporteurs, bénéficiaires d’avantages particuliers, dirigeants sociaux de la société ou de ses filiales, ainsi que leur conjoints ;
- les parents et alliés, jusqu’au quatrième degré inclusivement, des personnes visées au paragraphe 1°) du présent article ;
- les dirigeants sociaux de sociétés possédant le dixième du capital de la société ou dont celle-ci possède le dixième du capital, ainsi que leur conjoint ;
- les personnes qui, directement ou indirectement, ou par personne interposée, reçoivent, soit des personnes figurant au paragraphe 1°) du présent article, soit de toute société visée au paragraphe 3°) du présent article, un salaire ou une rémunération quelconque en raison d’une activité permanente autre que celle de commissaire aux comptes ; il en est de même pour les conjoints de ces personnes ;
- les sociétés de commissaires aux comptes dont l’un des associés, actionnaires ou dirigeants se trouve dans l’une des situations visées aux alinéas précédents ;
- les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l’un des dirigeants, soit l’associé ou l’actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux comptes, a son conjoint qui se trouve dans l’une des situations prévues au paragraphe 5°) du présent article.
Enfin, les articles 699 et 700 de l’AUSC traitent des incompatibilités à la fin des fonctions de commissaires aux comptes.
Ainsi, le commissaire aux comptes ne peut être nommé administrateur, administrateur général, administrateur général adjoint, directeur général ou directeur général adjoint des sociétés qu’il contrôle moins de cinq années après la cessation de sa mission de contrôle de ladite société. La même interdiction est applicable aux associés d’une société de commissaires aux comptes. Pendant le même délai, il ne peut exercer la même mission de contrôle ni dans les sociétés possédant le dixième du capital de la société contrôlée par lui, ni dans lesquelles la société contrôlée par lui possède le dixième du capital, lors de la cessation de sa mission de contrôle de commissaire aux comptes.
L’appréciation de la participation se fait au moment de la cessation de la première mission.
Cette interdiction constitue une disposition impérative de l’AUSC dont la violation a pour effet d’entraîner la nullité de la nomination de l’ancien commissaire aux comptes aux fonctions d’administrateur ou de directeur général.
De même, les personnes ayant été administrateurs, administrateurs généraux, administrateurs généraux adjoints, directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints, gérants ou salariés d’une société ne peuvent être nommées commissaires aux comptes de la société moins de cinq années après la cessation de leurs fonctions dans ladite société. Pendant le même délai, elles ne peuvent être nommées commissaires aux comptes dans les sociétés possédant 10% du capital de la société dans laquelle elles exerçaient leurs fonctions ou dont celles-ci possédaient 10% du capital lors de la cessation de leurs fonctions.
Ces interdictions sont également applicables aux sociétés de commissaires aux comptes dont lesdites personnes sont associées, actionnaires ou dirigeantes.
Le législateur OHADA a même voulu sanctionner sévèrement l’inobservation de ces prescriptions. Alors que le décret du 27 février 1887 est muet sur les délibérations prises par l’assemblée des actionnaires sur le rapport d’un commissaire aux comptes irrégulièrement désigné, l’Acte OHADA consacre désormais le principe de la nullité(101)
La délibération ne peut être expurgée du vice qui l’infecte que si elle est expressément confirmée par une assemblée générale, sur le rapport des commissaires régulièrement désignés.
Mais, il ne suffit pas de remplir les conditions légales pour exercer effectivement les fonctions de commissaire aux comptes auprès d’une société. Encore faut-il être désigné par ses organes, autrement dit, recevoir mandat d’eux.
b.La désignation et la cessation de fonctions
Le premier commissaire aux comptes et son suppléant sont désignés dans les statuts ou par l’assemblée générale constitutive pour deux exercices sociaux. Ce mandat est porté à six exercices lorsque le commissaire aux comptes et son suppléant sont désignés par l’assemblée générale ordinaire en cours de vie sociale. Ce précis et long mandat de six années est louable parce qu’il permet un meilleur suivi par ce professionnel de la situation de l’entreprise alors que le décret du 27 février 1887 ne s’est pas prononcé sur la durée du mandat d’un commissaire aux comptes, il s’est juste limité à stipuler à son article 72, qu’il peut être désigné pour une durée limitée ou illimitée. Bien évidemment, cette durée demeure renouvelable.
Exceptionnellement, le commissaire aux comptes peut être désigné judiciairement. Il faut supposer alors que l’assemblée générale ait omis d’en élire un. Tout actionnaire peut demander en référé au président de la juridiction compétente de suppléer à cette lacune. Tant que cela n’est pas fait, sauf refus exprès, le commissaire aux comptes reste en poste jusqu’à la plus prochaine assemblée générale ordinaire annuelle.
Le législateur OHADA qui attache une importance capitale aux fonctions de commissaires aux comptes, frappe de nullité toute délibération prise à défaut de désignation régulière de commissaire aux comptes ou sur le rapport du commissaire aux comptes titulaire nommé ou demeuré en fonction en violation des règles gouvernant cette nomination (article 701-1 de l’AUSC). Toutefois, l’action en nullité est éteinte si les délibérations litigieuses sont confirmées par une assemblée générale sur le rapport d’un commissaire aux comptes régulièrement désigné (article 701-2 de l’AUSC)(102). Par ailleurs, encourent une sanction pénale les dirigeants sociaux qui n’auront pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auraient pas convoqués aux assemblées générales (article 898 de l’AUSC).
Pour garantir davantage l’indépendance du commissaire aux comptes par rapport aux dirigeants de mauvaise foi, il lui est reconnu le droit, lorsque ceux-ci proposent à l’assemblée de ne pas renouveler son mandat, de se faire entendre à la séance. Il pourra alors mettre en exergue les raisons qui sous-tendent cette proposition pour lui préjudiciable. L’assemblée se décidera en toute connaissance de cause.
Elle peut alors ne pas renouveler le mandat de l’ancien commissaire aux comptes auquel cas elle désigne un autre, les fonctions de l’ancien commissaire aux comptes cessent donc.
Le mandat du commissaire aux comptes peut pareillement prendre fin en cas de démission, empêchement ou décès. Les fonctions sont alors exercées par le suppléant jusqu’à la cessation de l’empêchement ou lorsque l’empêchement est définitif, jusqu’à l’expiration du mandat du commissaire aux comptes empêché.
Il peut enfin être mis fin prématurément aux fonctions du commissaire aux comptes.
Tantôt ce sera à titre de prévention. Le commissaire aux comptes est alors soupçonné d’impartialité. Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le dixième du capital social ainsi que le ministère public peuvent demander en justice sa récusation. Les motifs n’étant pas précisés par le législateur, le tribunal appréciera, en s’inspirant du droit commun, de la pertinence des raisons invoquées à l’appui de la demande.
Tantôt ce sera à titre de sanction et il sera mis fin aux fonctions de commissaires aux comptes. Il s’agit de punir la faute ou alors de remédier à l’empêchement définitif du commissaire aux comptes : un ou plusieurs actionnaires représentant le dixième du capital social au moins, le conseil d’administration, l’administrateur général ou même le Ministère public peuvent demander en justice sa révocation. Le cas échéant, sa responsabilité civile pourra être engagée non pas en qualité de mandataire comme le prévoyait l’article 108 du décret du 27 février 1887 mais plus d’après les règles de droit commun. L’action doit être exercée dans les trois ans, ce délai court à compter de la date du fait dommageable ou si le fait a été dissimulé à compter de sa révélation. Si le fait est constitutif de crime, l’action se prescrit par dix ans.
C’est que la mission confiée au commissaire aux comptes est fondamentale pour le devenir de l’entreprise. Elle ne s’accompagne guère de fautes et de négligences.
2.La mission du commissaire aux comptes
Il s’agit essentiellement d’une mission de contrôle. Mais par rapport au régime antérieur, la forme et les moyens dont dispose le commissaire aux comptes ont été diversifiés tout comme les suites de ce contrôle.
a.La forme et les moyens de contrôle
Le commissaire aux comptes a tout au long de l’exercice une mission permanente de contrôle sur les valeurs et les documents comptables de la société. C’est pour atteindre cette fin qu’il a le droit de se faire communiquer sur place tous contrats, livres, documents comptables et registres des procès-verbaux appartenant à la société contrôlée. Il peut même recueillir toutes informations utiles auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de la société. Mais de ceux-ci, sauf décision de justice, il ne saurait exiger communication des pièces. La loi vise ainsi non pas tous les tiers ayant contracté avec la société mais les tiers ayant contracté avec la société mais les tiers mandataires de la société : notaires, huissiers, experts divers, etc.
Pendant cette mission permanente de contrôle, le commissaire aux comptes peut, sous sa responsabilité, se faire assister ou représenter par des experts ou collaborateurs de son choix qu’il fait connaître nommément à la société.
De manière plus ponctuelle, le commissaire aux comptes est appelé à exercer deux types de contrôle.
L’un était déjà prévu par la législation antérieure. Il s’agit de certifier que les états financiers de synthèse de la société contrôlée ou même, le cas échéant, de ses filiales, sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que la situation financière et patrimoniale de la société à la fin de l’exercice. Il s’agit pour le législateur de s’assurer que l’information servie par les dirigeants aux actionnaires est fiable.
Mais surtout, le législateur OHADA prévoit désormais que le commissaire aux comptes doit s’assurer que l’égalité entre les associés est respectée. A titre d’exemple, il doit vérifier que les actions d’une même catégorie bénéficient des mêmes droits, à l’occasion notamment du partage des dividendes ou de distribution du droit de vote. Ainsi, le législateur peut en amont, faire tarir par ce contrôleur les sources de certains litiges entre actionnaires ou entre ceux-ci et les dirigeants sociaux.
Dans l’un et l’autre cas, le commissaire aux comptes ne doit pas s’immiscer dans la gestion de la société. Mais il est obligé de donner certaines suites à son contrôle.
b.Les suites du contrôle
Si le contrôle est la mission essentielle du commissaire aux comptes, il n’en est pas l’unique. Le législateur fait reposer sur lui à l’issue du contrôle un devoir d’information et un devoir de dénonciation.
La mission d’information consiste à porter à la connaissance des dirigeants sociaux et des actionnaires des faits découverts au cours de ces investigations. En fait, il s’agit d’une mission traditionnellement reconnue au commissaire aux comptes. Celui-ci est tenu de dresser un rapport qu’il adresse au conseil d’administration ou à l’administrateur général faisant état des investigations auxquelles il a procédé et des irrégularités qu’il a découvertes (article 715 de l’AUSC). De même est-il tenu de signaler à la plus prochaine assemblée générale les irrégularités et inexactitudes relevées au cours de sa mission.
Nouveau est en revanche le devoir qu’il a désormais de déclencher une procédure d’alerte dès qu’il a connaissance, dans l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (article 153 de l’AUSC). Il doit adresser une demande d’explication aux dirigeants et si le vice persiste, faire convoquer l’assemblée des actionnaires pour les en informer. En cas de résistance des dirigeants, il peut lui-même convoquer cette assemblée pour porter l’information à leur attention(103)
L’obligation de dénonciation au ministère public des faits délictueux découverts par le commissaire aux comptes est une innovation de taille que le droit OHADA apporte à notre droit. Elle n’est pas prévue par le décret du 27 février 1887. Bien que beaucoup d’auteurs la jugent choquante, anormale et inquiétante(104), elle est maintenue par le législateur OHADA. L’Acte uniforme précise cependant que la responsabilité du commissaire aux comptes ne peut être engagée par cette révélation, dans le cas notamment où les faits dénoncés ne sont pas punissables. En effet, ce serait trop demander que de lui porter la charge de qualifications pénales qu’il ne maîtrise certainement pas.
Le commissaire aux comptes exerce en définitive une fonction exaltante dans l’entreprise. Son rôle n’a cessé de s’accroître en même temps que son influence sur la vie de la société. Il paraît normal, même comme l’Acte uniforme n’en dit rien, que ses honoraires tout comme les autres rémunérations exceptionnelles soient librement débattus entre lui et les dirigeants. En revanche, il est prévu expressément que les faits de déplacement et de séjour engagés par les commissaires aux comptes dans l’exercice de leurs fonctions sont à la charge de la société. C’est la contrepartie nécessaire pour assurer la sauvegarde des biens de l’entreprise, et partant, de son fonctionnement.
Ceci étant, nous allons maintenant tâcher de faire une analyse des infractions susceptibles d’être commises contre et par les commissaires aux comptes.
Chapitre III. GLOSE DES INFRACTIONS SUSCEPTIBLES D’ETRE COMMISES CONTRE ET PAR LES COMMISSAIRES AUX COMPTES
La troisième partie de l’Acte uniforme traite des infractions pénales spécifiques aux sociétés commerciales(105). Le premier mérite du législateur OHADA est justement cet effort de systématisation donnant ainsi au droit pénal des sociétés une idée directrice.
Mais il faut reconnaître que l’unité des textes d’incrimination n’est pas achevée. Le législateur africain n’a pas érigé en infractions un certain nombre de prescriptions parfois visées par l’Acte uniforme lui-même. Dès lors, il est permis de se demander si, à côté des incriminations prévues, les législateurs nationaux pourront en consacrer d’autres. La réponse affirmative semble ne pas faire de doute. En effet, l’alinéa 2 de l’article 5 du Traité OHADA dispose seulement que «Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incriminations pénales».(106) Ce qui signifie qu’ils peuvent ne pas en inclure et chaque législateur national en aurait institué. Du moment où l’Acte uniforme en contient, ces dispositions doivent être comprises comme le «minimum commun» aux Etats parties qu’aucun législateur national ne saurait entamer en dépénalisant sur son territoire des comportements saisis par l’Acte uniforme(107).
Il faut par ailleurs préciser que l’Acte uniforme s’en tient aux règles pénales de fond. Tout au plus au détour de quelque article est-il fait allusion à certaines règles de procédure pénale. Il en est ainsi singulièrement de la prescription (articles 164, 727 et 743 de l’AUSC). Lorsque l’action en responsabilité civile contre les dirigeants sociaux est basée sur un fait qualifié de crime, elle se prescrit par dix ans. Dans les autres cas, elle se prescrit par trois ans Cela dit, toute procédure pénale demeure donc régie par la législation propre à chaque pays.
Enfin, à la différence de certaines législations pénales l’Acte uniforme n’a pas consacré la responsabilité pénale des personnes morales.
Dans le cadre ainsi délimité, le législateur africain, avec une méthodologie particulière pour répondre au souci de l’intégration, s’est servi, de manière assez classique, d’un critère temporel pour fixer les comportements répréhensibles. Ainsi, prévoit il,
des infractions relatives à la constitution, au fonctionnement et à la dissolution des sociétés commerciales.
Pour éviter que les dirigeants sociaux se livrent facilement à des actes d’aliénation du patrimoine social, le législateur a prévu tout un système de contrôle de sa gestion. C’est ainsi que l’article 694 de l’AUSC précise que « le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs commissaires aux comptes »(108). Toutefois, ces commissaires aux comptes ne peuvent exercer leur fonction au mépris d’incompatibilité. En effet, l’Acte uniforme interdit à certaines personnes de devenir contrôleur de la société, par exemple les apporteurs en nature, les administrateurs, certains parents ou alliés de ces personnes, etc.
L’article 898 de l’AUSC condamne tout individu qui, en son nom personnel ou à titre d’associé d’une société de commissaires aux comptes, aura sciemment accepté, exercé ou conservé les fonctions de commissaires aux comptes nonobstant les incompatibilités légales. Mais ne sont visées que les incompatibilités et non les incapacités. L’infraction suppose que l’acception, l’exercice ou la conservation des fonctions ait eu lieu en connaissance de cause. La prescription de l’action publique part du jour de la cessation des fonctions ou du moment où prend fin la cause d’incompatibilité(109).
Hormis ces infractions relatives aux incompatibilités, le législateur « ohadien », à travers le titre 5, aborde la question du contrôle sous un double aspect : d’une part la répression des infractions au contrôle, commises par les dirigeants de la société et qui constituent alors un obstacle à ce contrôle, d’autre part les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes, dans l’exercice de leur fonction et qui se présentent sous forme d’un refus de contrôle(1010).
Section 1. Les infractions susceptibles d’être commises contre les commissaires aux comptes (l’obstacle au contrôle)
L’obstacle au contrôle est le fait des dirigeants sociaux. En effet, « désireux d’écarter un contrôle seulement gênant ou franchement dangereux pour eux s’ils ont commis des actes délictueux, les dirigeants sociaux peuvent y mettre obstacle de manière plus ou moins directe »(111). C’est ainsi qu’ils peuvent ne pas désigner les commissaires aux comptes ou, une fois qu’ils les ont désignés, ne pas les convoquer aux assemblées d’actionnaires (§1). Ils peuvent également faire obstacle à leurs vérifications ou leur refuser la communication de documents (§2).
§1. L’obstacle à la désignation ou à la convocation des commissaires aux comptes
Les commissaires aux comptes sont en principe désignés par les statuts de la société ou lors de la constitution de celle-ci, par l’assemblée constitutive, ou encore lors de la vie sociale, par l’assemblée générale ordinaire. Pourtant, malgré leur rôle essentiel pour la transparence de la gestion, les dirigeants sociaux peuvent, par leur volonté ou par leur négligence, s’opposer à leur désignation en ne la provoquant pas. Ils peuvent, en outre, lorsque les commissaires aux comptes sont légalement nommés, ne pas les convoquer aux assemblées générales ; tout cela, dans la perspective de s’opposer à l’exercice effectif de leur mission de contrôle. Pour cette raison, l’article 897 de l’AUSC menace d’une sanction pénale « les dirigeants sociaux qui n’auront pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués aux assemblées générales »(112). On peut légitiment supposer également que ces dispositions concernent le remplacement des organes de contrôle en cas de démission ou de décès.
Enfin, il convient de rappeler que toutes les sociétés ne sont pas légalement tenues d’avoir des commissaires aux comptes. Celles qui sont obligées d’en avoir sont principalement les sociétés anonymes et certaines S.A.R.L. limitativement énumérées.
§2. L’obstacle aux vérifications ou le refus de communication de documents
Ce délit prévu à l’article 900 de l’AUSC est plus que le précédent et est puni de peines plus sévères. Au Sénégal, la loi prévoit un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement(113).
L’obstacle aux vérifications ou au contrôle des commissaires aux comptes ou encore le refus de leur communiquer les documents nécessaires à leur contrôle nécessite la mauvaise foi de l’auteur.
L’infraction peut être commise non seulement par les dirigeants sociaux, c'est-à-dire le président, les administrateurs et les directeurs généraux, mais aussi par « toute personne au service de la société »(114).
A.L’élément matériel
L’élément matériel de l’infraction consiste en un obstacle mis aux vérifications ou au contrôle des commissaires aux comptes ou encore en un refus de leur communiquer sur place toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission, notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux. Parfois la jurisprudence a assimilé au refus proprement dit « la simple réticence à fournir des explications, l’atermoiement inexcusable, la production partielle de documents »(115). Elle a même reconnu le délit réalisé alors que le commissaire aux comptes a déclaré au tribunal qu’il « ne pensait pas que le prévenu ait fait obstacle à sa mission, car il ne lui avait jamais refusé les documents »(116).
B.La mauvaise foi
L’article 900 de l’AUSC exige un élément intentionnel pour que l’infraction d’obstacle aux vérifications ou de refus de communication des documents de contrôle soit réalisée. En effet, il est nécessaire que l’action soit accomplie « sciemment », c’est-à-dire en toute connaissance de cause(117). Mais le plus souvent, cette mauvaise foi de l’auteur de l’infraction se déduira de l’élément matériel lui-même(118)
Section 2. Les infractions susceptibles d’être commises par les commissaires aux comptes (le refus de contrôle)
Aux termes de l’article 716 de l’AUSC, « le commissaire aux comptes signale les irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa mission, à la plus proche assemblée générale.
En outre, il révèle au ministère public les faits délictueux dont il a eu connaissance, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette révélation. De ce fait, le commissaire aux comptes est investi d’une mission permanente de contrôle de la situation comptable de la société. Et en violant cette mission, il commet un délit analysé comme une complicité ou un délit autonome »(119) En effet, le commissaire aux comptes peut engager sa responsabilité pénale sur le fondement d’une complicité du délit de présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation de la société(120). Il peut aussi directement engager sa responsabilité en refusant de dénoncer les actes délictueux des dirigeants de la société. Dans ce cas, il se présente comme un véritable collaborateur du parquet.
En définitive, le commissaire aux comptes peut violer ses obligations professionnelles et tomber ainsi sous le coup des incriminations prévues à l’article 899 de l’AUSC, par action en donnant ou confirmant « des informations mensongères sur la situation de la société » (§1) ou par omission, en ne révélant pas « au ministère public les faits délictueux dont il aura eu connaissance »(121)(§2).
§1. Les informations mensongères
L’article 710 de l’AUSC précise que « le commissaire aux comptes certifie que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle au résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice »(122).
Et pour éviter que ce rôle de contrôle du commissaire aux comptes ne soit un vain mot, l’article 899 de l’AUSC prévoit une sanction pénale contre « tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une société des commissaires aux comptes, aura sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société (…) »(123)
A.L’élément matériel de l’infraction
L’élément matériel est double : la présence d’une information mensongère se rapportant à la mission du commissaire aux comptes et sa communication aux associés et aux tiers.
1.L’exercice d’une information mensongère
Le texte de l’article 899 de l’AUSC n’est pas très précis sur le point de savoir quel doit être le contenu de l’information mensongère(124). Pour certains auteurs(125), l’objet du mensonge doit être compris de façon restreinte car le législateur aurait en vue la situation comptable et financière de la société. Selon ces auteurs, l’information concerne celle qui doit être donnée par le commissaire aux comptes de la situation de la société dans ses rapports à l’assemblée générale ; et l’objet du rapport, c’est bien la situation comptable et financière. D’ailleurs, le commissaire ne doit pas, selon eux, s’immiscer dans la gestion de la société contrôlée et donc n’a pas à informer les associés sur cette gestion. « Cette position a pour elle une apparente précision, mais elle ne saurait être retenue »(126). En effet, d’autres auteurs(127)considèrent que la loi ne limite pas le contenu de l’information incriminée à la seule situation financière. La limiter à celle-ci uniquement entraîne « des distinctions délicates pour savoir si elle a ou non un caractère financier »(128). En plus, cette limitation n’a pas été retenue par la jurisprudence.
Mais même si la doctrine dominante est en faveur d’une acception large du contenu de l’information, un accord semble exister entre les deux positions sur l’exigence d’une information précise(129)
B.La transmission de l’information mensongère
La transmission matérielle de l’information mensongère qui est nécessaire à la réalisation de l’infraction est établie lorsque le rapport du commissaire aux comptes a donné ou confirmé des mensonges des dirigeants sociaux. Mais puisque l’article 899 de l’AUSC n’utilise que l’expression « donné ou confirmé », cette transmission peut alors prendre toute forme(130).
Elle peut être orale ou écrite, publique ou privée(131).
Par ailleurs, le silence peut « être considéré comme une forme d’expression du mensonge dès lors qu’il est éloquent »(132). En effet, dès lors que le silence ou l’abstention équivaut à une affirmation, l’infraction peut être considérée comme réalisée. C’est le cas de l’abstention du commissaire aux comptes face à un bilan manifestement inexact couvrant les malversations des dirigeants de la société(133). Par contre, s’il refuse de le certifier, il n’engage pas sa responsabilité car, il n’aura ni donné, ni confirmé une information mensongère(134).
C.L’intention coupable
Le délit de confirmation d’informations mensongères n’existe que si l’auteur des informations a eu connaissance du caractère inexact de celles-ci(135) Cette recherche de l’intention frauduleuse permet d’éviter une « politique systématiquement répressive(136). C’est ainsi que la nécessité de l’intention coupable est relevée par la jurisprudence(137) qui vérifie à chaque fois si le commissaire aux comptes savait que telles informations étaient mensongères. L’article 899 de l’AUSC précise bien que ces informations doivent avoir été données ou confirmées « sciemment(138). C’est pourquoi, par exemple, les juges(139)avaient conclu dans une affaire que le prévenu, en sa qualité de commissaire aux comptes, a sciemment confirmé des informations mensongères en certifiant la régularité et la sincérité du bilan dont il connaissait la fausseté.
§2. La non-révélation de faits délictueux
Malgré le principe du secret professionnel, la loi impose au commissaire aux comptes l’obligation de révéler au procureur de la République, selon l’article 899 de l’AUSC, « les faits délictueux dont il a eu connaissance » à l’occasion de l’accomplissement de sa mission(140). Une telle obligation peut apparaître choquante car il peut sembler, comme le souligne B. BOULOC, « anormal qu’une personne, qui n’est ni une autorité constituée, ni un officier public, ni un fonctionnaire, soit tenue de dénoncer des faits délictueux sous peine de se rendre elle-même coupable d’un délit »(141). Mais, selon Y. GUYON, « bien que critiquée par certains, l’obligation de dénonciation paraît opportune, du moment qu’elle est entendue de manière raisonnable et qu’elle s’accompagne de relations confiantes entre les commissaires aux comptes et les magistrats du parquet. Elle peut notamment renforcer l’autorité du commissaire aux comptes à l’égard des dirigeants, en faisant prendre au sérieux les observations qu’il formule au cas où il lui apparaît qu’un délit, sur le point d’être commis, peut être encore évité »(142).
Mais quoi qu’il en soit l’AUSC réprime, à l’image du droit antérieur, le fait pour le commissaire aux comptes, de ne pas révéler au procureur les faits délictueux. Ainsi ce délit suppose réunis un élément matériel, que caractérise une non-dénonciation portant sur des faits délictueux, et un élément moral qui résulte de la mauvaise foi.
1.L’élément matériel
L’élément matériel suppose des faits délictueux qui n’ont pas été révélés par le commissaire aux comptes.
a.S’agissant des faits délictueux
La révélation doit porter sur toutes les situations irrégulières. Mais la question qui se pose est de savoir s’il faut entendre par fait délictueux toute infraction, quelle que soit sa nature, dont le commissaire aurait connaissance dans l’exercice de sa mission. La doctrine dominante(143)estime qu’il faut retenir la culpabilité sur la base de tout délit de société qui n’aura pas été dénoncé. Il ne s’agira donc que des infractions concernant la constitution ou la gestion de la société contrôlée. Mais la formulation (large) de l’article 899 semble permettre de pouvoir inclure dans les infractions à dénoncer tout autre délit ayant pour cadre la société, ce qui englobe les infractions économiques.
NICOLE STOWLY(145) se basant sur la norme 351 de la CNCC estime que deux critères cumulatifs sont dégagés pour conférer au commissaire aux comptes une obligation de dénoncer des faits : ils doivent être « significatifs et délibérés »(146). Les faits « significatifs », faisant référence aux conséquences de l’infraction, ont pour effet de soustraire l’entreprise ou ses dirigeants des dispositions légales spécifiques : ils modifient la représentation de la situation financière du patrimoine ou du résultat ou l’interprétation qui peut en être faite, ou portent préjudice à la société ou à un tiers(147). Les faits « délibérés » quant à eux font référence au but poursuivi par leur auteur et s’apprécient par rapport à des éléments objectifs démontrant la conscience que pouvait avoir l’auteur de ne pas respecter la réglementation en vigueur(148).
Le commissaire aux comptes qui aura constaté de tels faits devra mettre en demeure les dirigeants de régulariser la situation avant de pouvoir, le cas échéant, saisir le procureur de la République.
b.Quid de la non-révélation des faits délictueux ?
La loi n’a pas entendu imposer un délai dans lequel le commissaire aux comptes est tenu de dénoncer les faits délictueux, c’est-à-dire de les porter à la connaissance de la justice. En réalité, il est souvent difficile d’apprécier le moment où il entre en possession de ces faits. Et les juges apprécient le moment où la dénonciation est opportune. En tout état de cause, celle-ci ne doit pas être tardive, c’est-à-dire intervenir après le début du procès pénal.
La révélation doit intervenir dès que le commissaire aux comptes a connaissance du caractère délictueux des faits. C’est ainsi qu’il a été jugé que « se rend coupable du délit de non-révélation de faits délictueux, le commissaire aux comptes qui, ayant eu connaissance de la sous-évaluation des stocks de la société qu’il contrôlait, ne dénonça le délit de présentation de bilan inexact au procureur que cinq mois plus tard »(149).
2.L’élément moral
L’élément moral est double : le commissaire aux comptes n’aura pas, sciemment, révélé les faits délictueux dont il a la connaissance.
a.La connaissance des faits délictueux
Il est certain que le commissaire aux comptes ne pourra dénoncer que les faits dont il a la connaissance. Mais il y a une sorte de présomption de connaissance qui pèse sur lui, en tant que professionnel. C’est pourquoi l’erreur de droit résultant de l’ignorance du caractère délictueux des faits constatés, n’est pas admise, d’autant qu’il a la possibilité de solliciter l’avis du parquet. L’erreur de fait non plus ne sera pas retenue, parce que justement il a pour mission de découvrir et de contrôler ces faits.
Donc, c’est seulement lorsque l’exercice normal de sa mission ne lui permet pas d’être au courant de l’infraction que le commissaire aux comptes échappe aux foudres de l’article 899 de l’AUSC.
b.La mauvaise foi
L’infraction n’est consommée que lorsque la non-révélation de faits délictueux dont le commissaire a eu connaissance a été faite « sciemment »(150). Ce qui suppose dès lors non seulement la connaissance des faits mais aussi de leur caractère délictueux. Mais le mobile, c’est-à-dire le but réel poursuivi par l’auteur n’est pas pris en considération, même si, par exemple, l’omission a eu pour seule raison de ne pas nuire à l’expansion économique de la société. Car ce que la loi protège à travers cette infraction, c’est moins l’intérêt de la société commerciale que l’intérêt général.
CONCLUSION
Le droit pénal des affaires de l’OHADA est marqué par une option qui, même si elle paraît assez originale, n’en recèle pas moins quelques incohérences du point de vue de la politique criminelle. En effet, si la politique criminelle apparaît, selon Marc ANCEL comme « une stratégie méthodique de réaction anticriminelle», il est difficilement concevable de soumettre les deux éléments de sa structure que sont le phénomène criminel et la réponse de politique criminelle à une logique différente. Telle est cependant la stratégie qui a été adoptée par le législateur de l’OHADA pour venir à bout de la délinquance d’affaires. Celle-ci a consisté à harmoniser les infractions d’affaires dans l’espace communautaire et à laisser le soin aux Etats parties de déterminer librement les sanctions qui leur sont applicables. De cette option pourrait résulter une certaine hétérogénéité des sanctions qui seront déterminées par les Etats.
Hormis les infractions relatives aux incompatibilités prévues à l’article 898 de l’AUSC, le législateur « ohadien », à travers le titre 5 de la 3e partie dudit AUSC, aborde la question du contrôle sous un double aspect : d’une part la répression des infractions au contrôle, commises par les dirigeants de la société et qui constituent alors un obstacle à ce contrôle, d’autre part les infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes, dans l’exercice de leur fonction et qui se présentent sous forme d’un refus de contrôle.
L’obstacle au contrôle est donc le fait des dirigeants sociaux. En effet, « désireux d’écarter un contrôle seulement gênant ou franchement dangereux pour eux s’ils ont commis des actes délictueux, les dirigeants sociaux peuvent y mettre obstacle de manière plus ou moins directe ». C’est ainsi qu’ils peuvent ne pas désigner les commissaires aux comptes ou, une fois qu’ils les ont désignés, ne pas les convoquer aux assemblées d’actionnaires. Ils peuvent également faire obstacle à leurs vérifications ou leur refuser la communication de documents. Ainsi, l’obstacle au contrôle est réprimé par le législateur OHADA aux articles 897 et 900 de l’AUSC.
Par ailleurs, le commissaire aux comptes peut violer ses obligations professionnelles et tomber ainsi sous le coup des incriminations prévues à l’article 899 de l’AUSC, par action en donnant ou confirmant « des informations mensongères sur la situation de la société » ou par omission, en ne révélant pas « au ministère public les faits délictueux dont il aura eu connaissance ».
Pour tout dire, nous saluons l’adhésion de la RDC à l’OHADA. En effet, l’obligation de dénonciation au ministère public des faits délictueux découverts par le commissaire aux comptes, ainsi que le droit dont ce dernier jouit de déclencher la procédure d’alerte sont des innovations majeures que le droit OHADA apporte à notre droit. Car ces deux notions sont totalement ignorées de la législation congolaise puisque ne figurant pas dans le décret 27 février 1887, ni dans aucun autre texte de loi en vigueur. Raison pour laquelle le Professeur Don José MUANDA NKOLE WA YAHVE, directeur du CERDA, a toujours soutenu que l’adhésion de la RDC à l’OHADA est la solution face à l’anachronisme qui caractérise actuellement le droit congolais des affaires. L’adhésion de la RDC à l’OHADA s’inscrit dans la droite ligne de l’assainissement du climat des affaires congolais car tel que nous l’avons démontré dans ce travail, ce droit communautaire est l’une des meilleures législations de ce 21e siècle qui puissent mieux protéger les intérêts des associés, ainsi que des créanciers de la société.
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- NYABURUNGU MWENE SONGA, Traité de droit pénal général congolais, DES ,Kinshasa,2001.
- POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU (J.) et al., Le droit des sociétés commerciales et du G.I.E. OHADA, Bruxelles, éd. Bruylant, 2002.
- REINHARD (Y.), Droit commercial, Paris, Litec, 3e éd., 1993.
- SHOMBA KINYAMBA(S), Méthodologie de la recherche scientifique :les ficelles de captage et les logiques d’analyse des données, PUK ,Kinshasa,2012.
- TULKENS( F) et VAN DE KERCHOVE( M) ,Introduction au Droit Pénal :aspects juridiques et criminologiques,5e éd,story scientia ,Bruxelles,1999.
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- BEDJAOUI (M.), «Remarques conclusives», in Actes du huitième congrès annuel de la SADIC sur le thème : L’intégration régionale est-elle une solution aux problèmes économiques de l’Afrique ?» Le Caire, 2 au 4 septembre 1996.
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- BOULOC, La liberté et le droit pénal, « Revue des sociétés », 1989, pp. 377-396.
- DESPORTES (F.), «Le nouveau régime de la responsabilité pénale des personnes morales», JCP, 1993, éd. E, I, p. 219.
- DJOLI ESENG’EKELI (j), cours de droit constitutionnel Congolais, G2 Droit UNIMBA, 2009-2010.
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- GRUYON et COQUEREAU (G.), « Le nouveau statut des commissaires aux comptes », JCP, éd. n° 1969, études pratiques, n° 87150.
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- KALATA , La responsabilité pénale dans le droit des affaires ohada ,in www.google. com
- LAUNAIS et BOKOBZA, « Le commissaire aux comptes devant l’obligation de révéler au procureur de la République les faits délictueux », Gaz. Pal., 1965, doct. I, p.10.
- NGOMO (A.F.), L’amélioration du contrôle interne de la gestion des sociétés commerciales dans l’avant-projet d’Acte uniforme relatif au droit des sociétés et au groupement d’intérêt économique dans la zone franc, « Revue BEAC », n° 2, 25 avril 1996, pp. 101 à 110.
- STOLOWY (N.), La responsabilité pénale du commissaire aux comptes, « Revue des sociétés », juillet-septembre 1998.
- INTERNET.
Table des matières
Chapitre I. OBSERVATIONS SUR LE DROIT PENAL DES AFFAIRES DE L’OHADA.. 10
Section 2. L’harmonisation des infractions. 20
§1. La technique d’harmonisation : les Actes uniformes. 21
§2. L’objet de l’harmonisation : les infractions d’affaires. 30
Section 3. L’hétérogénéité des sanctions. 31
§1. La détermination des sanctions par les Etats. 32
§2. L’insuffisance de l’encadrement des parlements nationaux. 38
§3. La nécessité de poser des principes directeurs communautaires. 39
Chapitre II. MISSIONS DES COMMISSAIRES AUX COMPTES EN DROIT OHADA.. 41
Section 1. La mission des commissaires aux comptes. 42
Section 2. Les suites du contrôle des commissaires aux comptes. 44
Section 3. Etude détaillée des missions des commissaires aux comptes en droit OHADA.. 46
§1. L’obstacle à la désignation ou à la convocation des commissaires aux comptes. 60
§2. L’obstacle aux vérifications ou le refus de communication de documents. 61
§1. Les informations mensongères. 63
§2. La non-révélation de faits délictueux. 66
[1] P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., Le droit des sociétés commerciales et du G.I.E. OHADA, Bruxelles, édition Bruylant,2002, p. 227.
[2]Voir M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, édition du Seuil, 1994, p.240, selon qui «l’harmonisation ne veut pas dire unification. Elle admet les différences et les ordonne».
[3] P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al.,op. cit., p. 169.
[4] Bien qu’en pratique, on soulève souvent l’absence d’indépendance de ceux-ci, à cause notamment de leur mode de désignation et de rémunération par la société. Du reste, des règles d’interdictions et d’incompatibilité sont prévues.
[5]Voir P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al.,Op. cit., pp. 119 à 144 ; M. KOM KAMSU, Le droit pénal des sociétés commerciales dans l’Acte uniforme OHADA, Mémoire de DEA, Université de Dschang, 1999, 135p.
6 .Art 2 du traité du 17 octobre 1993 relatif à l'harmonisation des Droit des affaires en Afrique
[7].P.G.POUGOUE,F. ANOUKAHA,J. NGUEBO et ali., op. cit., p.225.
(8)P.G. POUOUE, F. ANOUKAHA, et J. NGUEBOU, L’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique annote et commente, juriscope, paris, p. 378.
(9) Il faut se souvenir que les articles 637, 638 et 640 du Code d’instruction criminelle encore applicable dans certains Etats membres de l’OHADA tels que le Cameroun, avaient institué la règle de la solidarité de prescription des actions civile et publique. Ainsi, contrairement à sa prescription normalement trentenaire, l’action civile se prescrivait en même temps que l’action publique par un an, trois ou dix ans selon qu’il s’agissait d’un fait qualifié de contravention, de délit ou de crime.
L’innovation de l’Acte uniforme quant à la prescription ne pourra donc concerner que les comportements répréhensibles qui seront qualifiés de contraventionnels par les législateurs nationaux. A l’avenir, l’action y relative se prescrira non plus par un an, mais par trois ans.
(10)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al.,op. cit., p. 274.
(11)M. DELMAS_MARTY, op.cit.p.297.
(12)P.G. POUGOUE, F.ANOUKAHA, J.NGUEBOU, op.cit. p.274.
(13)R. ROZSOHAZY,cité par S.SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de recherche scientifique : les ficelles de captage et les logiques d’analyses des données, PUK, Kinshasa, 2012,p.49.
(14)GRAWITZ et PINTO, Méthode de recherche en sciences sociales, Dalloz, paris, 1972, p.22.
(15)B.VERHAEGEN cité par S. SHOMBA KINYAMBA, op. cit. , p. 51.
(16)J.DJOLI ESENG’EKELI, Cours de droit constitutionnel Congolais, G2 Droit, Unimba, 2009-2010 p.6.,
(17)S. SHOMBA KINYAMBA, op. cit. , p.33.
(18)R. ROZSOHAZY cité par S. SHOMBA KINYAMBA, op. ciit. , p. 34.
(19)Article 57 du traité du 17 Octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, in j.o. ohada, n°1, 1993, p.1. et S.
(20)Article 53 du traité précité.
(21)P.G.POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et Al, op.cit, p.227.
(22)Voir M.DELMAS-MARTY, op.cit, p.240, selon qui « l’harmonisation ne veut pas dire unification. Elle admet les différences et les organes ».
(23)D.J. MUANDA NKOLE WA YAHVE, L’Escroquerie et la distribution des dividendes fictifs en droit pénal des sociétés issu de l’Ohada : esquisse d’une théorie de droit pénal Congolais des Sociétés, FENACO, Kinshasa,2010 p.9.
(24)L. JIMENEZ DE ASUA Cité par Fr. TULKENS et M.V DE KERCHOVE, Introduction au Droit Pénal : aspects juridiques et criminologiques, 5ème éd., Story Scientia , Bruxelles, 1999, p.278.
(25)Idem , p.298.
(26)NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit Pénal Général Zaïrois, 1ère éd.,DES, Kinshasa, 1989, p.145.
(27)Idem, p.146.
(28)Fr. TULKENS et M. V. DE KERCHOVE, op.cit p.324.
(29)NYABIRUNGU MWENE SONGA, op.cit, p.255.
(30)KALATA, La responsabilité pénale dans le droit des affaires ohada, in www.google.com, p.5.
(31)KALATA, op.cit, p.6.
(32)Idem.
(33)TROUSSE Cité par Fr. TULKENS et M.V. DE KERCHOVE, op.cit, p.387.
(34)NYABIRUNGU MWENE SONGA, op.cit.p 331.
(35)NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général Zaïrois, 2ème éd., DES, Kinshasa, 1995, p. 180.
(36)Idem, p.206.
(37)KALATA, op.cit, p.10.
(38)Idem.
(39)Lire à ce sujet le Professeur MUANDA, Comprendre le Droit Pénal des Sociétés issu de l’ohada, Cerda, Kinshasa, 2011.
(40) Article 241 de l’Acte Uniforme relatif à la procédure collective d’apurement de passif , in. J.o.ohada, n° 3, 1998.
(41)Lire à ce sujet MUANDA NKOLE, Comprendre le droit pénal des sociétés issu de l’Ohada, Cerda, Kinshasa, 2011.
(42)Article 1er du traité de l’Ohada.
(43)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, « Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique », in juriscope, 3ème éd, paris, 2008, p.28.
(44).Article 6 du traité ohada.
(45)Article 10 du traité ohada.
(46)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit, p.29.
(47)Idem.
(48)Article 8 du traité ohada.
(49)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit, p.30.
(50)Avis n°001/2003 de la Cour de justice de l’UEMOA Cité par B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit, p.32.
(51)Arrêt Factortame, Affaires C-213/89 de la Cour de Justice de la Commission Européenne cité par B. GUEYE et S. NOUROU TALL, Idem.
(52)Avis consultatif de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage 001/2001 du 30 Avril, in www.juriscope.org.
(53)B.GUEYE et S. NOUROU TALL, op.cit.p.34.
(54)Ce que l’Institution de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature devrait permettre d’assurer.
(55)MERLE et VITU, Traité de droit criminel : les principes généraux de la science criminelle, Tome 1, 6ème éd, Cujas, i984.
(56)Brocard latin : inclusio inuis, exclusio alterius.
(57)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al, Op.cit., p.229.
(58)MERLE et VITU, op.cit., p.245.
(59) P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al.,op.cit.,p.230.
(60)J.ISSA-SAYEGH, « Aspect techniques de l’intégration juridique des Etats Africains de Zone franc », in Communication à la session de formation du CFJ de Dakar du 27 au 30 Avril 1998, sur le thème : Ohada, un droit régional en gestation.
(61)P.G. POUGOUE , F. ANOUKAHA, J. NGOUEBOU et al. , po. Cit. , p. 232.
(62)Y. REINHARD, Droit commercial, paris, Litec, 3e éd. , 1993, p. 4.
(63)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit., p.232.
(64)Article 2 du traité de l’Ohada.
(65)C’est par exemple actuellement, deux projets d’Actes Uniformes sont en Cours d’élaboration ; il s’agit des projets d’Actes Uniformes sur des contrats et sur le droit du travail.
(66)J.BORE, « la difficile rencontre du droit pénal et du droit communautaire », in mélange à l’honneur d’André Vitu, droit pénal contemporain, Cujas, 1989, pp. 25.49.
(67)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J.NGOUEBOU et al., op.cit., p.234.
(68)Idem.
(69)Voir à ce propos S.E. je juge Mohamed BEDJAOUI , « Remarques conclusives », in Acte du 8ème Congrès Annuelle de la SADIC sur le thème : l’Intégration régionale est-elle une solution aux problèmes économiques de l’Afrique ?, le Caire, du 2 au 4 Septembre 1996.
(70)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGOUEBOU et al., op.cit p.235.
(71)Article 1er du traité Ohada.
(72)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.236.
(73)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.236.
(74)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.237.
(75)DELMAS-MARTY, Droit pénal des affaires, partie générale : responsabilité, procédure, sanction, Tome 1,3ème éd., PUF, Paris, 1990.
(76)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.237.
(77)D.J. MUANDA NKOLE WA YAHVE, op.cit,., p.69.
(78) DOUDOU NDOYE, “le traité relatif à l’Ohada, la constitution Sénégalaise et les principes des droits processuel », in revue EDJA, n°22, Juillet Septembre 1994, p.15.
(79)Sur la question, voir M. DELMAS-MARTY, op.cit., p.130.
(80)M.DELMAS-MARTY, La mondialisation du droit : chances et risques, 1999,p. 43 et s.
(81)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.239.
(82)Idem.
(83)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.239.
(84)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.169..
(85)Bien qu’en pratique, on soulève souvent l’absence d’indépendance de ceux-ci, à cause notamment de leur mode de désignation et de rémunération par la société. Du reste , des règles d’interdiction et d’incompatibilité sont prévues.
(86)Article 710 de l’Acte Uniforme du 17 Avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêts économiques, in j.o. ohada, n°2 1er Octobre 1997, p.1. et S.
(87)Article 714 de l’acte uniforme précité.
(88)CA Cotonou, 178/99 du 30 Septembre 1999, Affaires Dame Karamatou Ibikunle contre la Sté Coda-bénin et quatre autre in, www.juriscope.org.
(89)CA Cotonou, 178/99 du 30 Septembre 1999, Affaires Dame Karamatou Ibikunle contre la Sté Coda-bénin et quatre autre in, www.juriscope.org.
(90)Article 57 de L’AUSCGiE.
(91)Article 53 de L’AUSCGiE.
(92)la suppression du Conseil de surveillance n’est pas forcement appréciable ;le législateur aurait pu laisser le choix aux associé, ou proposer l’Institution pour les SARL d’une certaine dimension.
(93)Articles 697 et 698 de l’AUSCGIE.
(94)A.F. NGOMO, « l’amélioration du contrôle interne de la gestions des sociétés commerciales da ;ns l’avant projet de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique dans la Zone Franc », in revue BEAC, n°2 , 25 Avril 1996, p.101.
(95)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.449..
(96)les SARL ne sont obliger d’avoir un Commissaire aux comptes que dans les cas suivants :
- Chiffre d’affaires annuel supérieur à deux cent cinquante million,
- Effectif permanant supérieur à 50 personnes.
(97)Technicien de la Comptabilité du haut niveau, relevant d’un ordre professionnel et ayant pour fonction de réviser, apprécier et certifier les comptabilités des entreprises auxquelles il n’est pas lié par un contrat de travail.
(98)Les experts comptables dans les Etats membres de l’UDEAC doivent être agréer par une décision du comité de Direction de cette Institution (Acte du Conseil de Chef d’Etat UDEAC n°5/82-UDEAC-324 adopté le 18 Décembre 1982.
(99)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.450..
(100)Idem.
(101)Article 701 de l’AUSCGIE.
(102)L’Expression « à défaut de désignation régulière » vise non seulement le cas ou la société n’a pas des Commissaires aux Comptes mais aussi celui ou elle n’est pas doter d’un seul Commissaire alors qu’elle devrait en avoir deux.
(103)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.455..
(104)Cf. notamment sur la question : LAUNAIS et BOKOBZA, « Le Commissaire aux comptes devant l’obligation de révéler au Procureur de la République les faits délictueux », Gaz, Paris, 1965, p.10. ; BOULAY « l’obligation au Commissaire aux comptes de révéler les faits délictueux » in, rev. Soc., 1980, p443.
(105)M. KOM. KAMASU, op.cit., pp.119-144.
(106)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.225..
(107)Idem.
(108)Article 694 de L’AUSCGIE.
(109)M. DELMAS-MARTY, op.cit, p.297.
(1010)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.275..
(111)Voir les articles 376 de l’AUSCGIE Pour les SARL et 694 pour les SA.
(112)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.275..
(113)Article 15 de la loi n°98-22 du 26 Mars 1998 portant les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l’Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés et du groupement d’intérêts économiques au Sénégal.
(114)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.276.
(115)DELMAS –MARTY, op.cit p.298.
(116)Tribunal. Rennes, 301 Septembre 1974, revue des sociétés, 1976. 521 note MABILAT.
(117)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.276..
(118)Voir Cass. Crim., 14 Janvier 1981, Gaz. Pal, 25-26 Mars 1981
(119)N. STOLOWY, « La responsabilité pénale du Commissaire aux Comptes », in revue des sociétés, Juillet-Septembre 1998, p.521.
(120)Article 810 de l’AUSCGIE.
(121)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.277..
(122)Idem.
(123)Ibidem.
(124)MONEGER et GRANIER, « le Commissaire aux comptes », D, 1995, n°683, P.179.
(125)J. LARGUIER, Droit Pénal des Affaires, 9ème éd., Armand Colin, Paris, 1992, p.345. et
CONSTATIN, Droit Pénal des Sociétés par actions, PUF, Paris, p.844.
(126)N. STOWLY, Op.,cit p 525.
(127)GRUYON et G. COQUEREAU. « le nouveau statut de Commissaire aux comptes ».,JCP n° 1969, études pratiques n° 87150.
(128)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p278.
(129)M. DELMAS-MARTY, op.cit p.300.
(130)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p.278..
(131)J. LARGUIER. op.cit, p.344.
(132))N. STOWLY, Op.,cit p 525.
(133)Voir paris, 15 Février 1979, précité, n°44.
(134)paris 9juillet 1979,bull. CNCC, 1979,428,note E.DU PONTAVICE ,cass crim , 14 Janvier 1980, Bull CNCC, 1981, n° 36, p.210.
(135)Cass. Crim. 2 Avril 1990 n° 142, Revues des Sociétés 1990, p.461.
(136)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p278.
(137)Cass. Crim. , 26 Mai 1986, Bull. CNCC, Mars 1987, n°65, p.83.
(138)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p278.
(139)Cass.Crim. 12 Janvier 1981, D, note COSSON 9.
(140)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p278.
(141)BOULOC, « La liberté et le droit pénal », in revue des sociétés, 1989, pp.377-396.
(142)Y. GUYON, Droit des affaires, Tome1, Economisa, 7e éd., Paris, 1992, p.393.
(143)Voir DELMAS-MARTY, op.cit., p. 301.,J.LARGUIER, op.cit,p.346.
(145)N. STOWLY, op.cit. p.535.
(146)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p280.
(147)Idem.
(148)Ibidem.
(149)Affaire du Comptoir national du logement, Cass.crim. 8 Févier 1968, Bull. Crim., n° 42, p. 95 ; Besançon 24 Mai 1984, Bull. CNCC, n° 56, p. 480.
(150)P.G. POUGOUE, F. ANOUKAHA, J. NGUEBOU et al., op.cit.p281.