Dans tout contrat d'assurance, les déclarations faites par l'assuré sont déterminantes pour l'assureur afin qu'il évalue le risque et la prime correspondante.
Ces déclarations sont obligatoires, aussi bien lors de la souscription (article L. 113-2 2° du Code des assurances), qu'au cours de l'exécution du contrat (article L. 113-2 3°).
Elles doivent porter sur les circonstances ayant une influence sur l'opinion du risque. En fonction de ces circonstances, l'assureur pourra calculer le montant de la prime, voire refuser de garantir.
Les déclarations faites au moment de la conclusion du contrat sont essentiellement portées dans le formulaire de déclaration du risque. Celles faites en cours de contrat portent sur les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur; elles sont portées à la connaissance de l'assureur, par lettre recommandée, dans les quinze jours à partir du moment où l'assuré en a eu connaissance.
En cas de fausse déclaration, l'assuré risque :
- s'il est de bonne foi, une surprime, une réduction du montant de l'indemnité et éventuellement la résiliation du contrat (article L. 113-9),
- s'il est de mauvaise foi, la nullité du contrat : "le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre" (article L.113-8).
Ce texte impose des conditions (I) qui, si elles sont réunies, seront lourdes de conséquences pour l'assuré (II).
I) Les conditions d'application de l'article L. 113-8 du Code des assurances
A) Présentation des conditions
1) une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle ...
L'assuré devra avoir trompé l'assureur en connaissance de cause sur le risque à assurer, lorsqu'il a souscrit le contrat ou même au cours de l'exécution, par exemple on omettant sciemment de déclarer une nouvelle situation.
La fausse déclaration se traduit par un acte positif (exemple : une réponse négative à une question où l'assuré aurait dû répondre par l'affirmative), tandis que la réticence consiste en une suppression ou omission volontaire d'une chose qu'on devrait déclarer.
La réticence ou la fausse déclaration intentionnelle se rencontrent dans tous les types de contrat d'assurance. La Cour de cassation, dans cinq arrêts du 16 décembre 2010, s'est prononcée sur ces notions dans les contrats suivants :
- assurance automobile : la fausse déclaration porte sur l'identité du conducteur habituel (pourvoi n°10-13517),
- assurance multirisques habitation : porte sur le défaut de paiement des primes du précédent contrat souscrit chez un autre assureur(pourvoi n°10-13926),
- assurance crédit : concerne l'existence d'une maladie antérieure à la conclusion du contrat (pourvois n°10-30206, n°10-13768, n°10-12179).
2) ... qui change l'objet du risque ou diminue l'opinion du risque pour l'assureur
Cette condition est cumulative. La réticence ou la fausse déclaration intentionnelle n'est pas suffisante. Dans quatre arrêts du 16 décembre 2010, la Cour de cassation a rappelé cette condition :
- pourvoi n°10-13517 (fausse déclaration sur l'identité du conducteur habituel) : le changement d'opinion du risque pour l'assureur se caractérise par le montant de la prime, qui aurait dû être plus élevé,
- pourvoi n°10-13926 : "la déclaration inexacte de Mme X a changé l'opinion du risque pour l'assureur lequel n'a pu se rendre compte de la portée de l'engagement qu'il prenait en contractant avec un assuré qui n'avait pas payé ses précédents primes, ce qui pouvait être une source de difficultés multiples",
- pourvois n°10-13768 et n°10-12179 : la Cour de cassation casse les arrêts qui n'ont pas recherché en quoi la fausse déclaration intentionnelle avait changé l'objet du risque ou en avait modifié l'opinion pour l'assureur. Ainsi, l'omission d'une maladie, aussi grave soit-elle, sur un questionnaire médical, n'entraîne pas, ipso facto, la nullité du contrat.
L'article L. 113-8 parle d'un risque et non pas de plusieurs risques. Que se passe-t-il dans un contrat multirisques ? La Cour de cassation a jugé que "l'appréciation de la portée, en ce qui concerne l'assureur, de cette réticence ou fausse déclaration, doit se faire par rapport à chaque risque en litige, mais indépendamment des circonstances du sinistre" (Cass civ 1ère, 3 janvier 1996, pourvoi n°93-18812). Elle ne se prononce pas directement et renvoie aux juges du fond pour l'appréciation. Ainsi, une fausse déclaration portant sur l'identité d'un conducteur pourra entraîner une modification de l'opinion du risque pour l'assureur, aussi bien pour le risque responsabilité civile que les risques vol ou incendie.
B) Preuve des conditions
La réticence et la fausse déclaration sont des faits juridiques, ils peuvent donc être prouvés par tous moyens. Le plus souvent, l'assureur utilisera le questionnaire et les réponses fournies par l'assuré.
L'assuré est présumé être de bonne foi, la charge de la preuve incombe donc à l'assureur qui devra établir :
- la réticence ou la fausse déclaration
- l'élément intentionnel
- et en quoi cela change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour lui-même.
Un problème se pose concernant la fausse déclaration portée dans un questionnaire médical. L'assureur ne peut pas connaître le dossier médical de son assuré. Il peut faire une demande du dossier médical de l'assuré à son médecin traitant. Mais ce dernier refusera en raison du secret médical.
Désormais, les contrats d'assurance crédit comportent une clause subordonnant la garantie de l'assureur à la communication des documents couverts par le secret médical, l'assuré étant considéré avoir tacitement renoncé au droit d'invoquer le secret médical. Cette clause a été jugé licite par la Cour de cassation. En pratique, l'assuré va signer un formulaire médical autorisant le médecin-conseil de l'assureur à demander au médecin traitant de remplir ce formulaire. Cette demande s'effectuera juste après la déclaration du sinistre, qui peut survenir de nombreuses années après la conclusion du contrat !
Les juges du fonds apprécieront souverainement les moyens de preuve qui leur seront soumis.
En cas d'impossibilité de démontrer l'intention, l'assureur pourra invoquer l'article L.113-9 du Code des assurances.
Une fois tous les éléments démontrés, l'assuré sera sévèrement sanctionné.
II) Les conséquences de la fausse déclaration intentionnelle
A) La nullité du contrat
Cette sanction est clairement affirmée par l'article L.113-8 du Code des assurances, qui est d'ordre public. Le juge devra donc la prononcer dès lors qu'il aura constaté toutes les conditions.
La nullité entraîne donc l'anéantissement rétroactif du contrat. Le plus souvent, l'assureur établira la fausse déclaration intentionnelle après la survenance d'un sinistre. L'assuré ne sera pas indemnisé pour ce sinistre.
Les conséquences sont dramatiques pour une personne qui a contracté une assurance pour garantir le remboursement d'un emprunt. La nullité d'un contrat peut survenir 10 ou 15 ans après la conclusion du contrat, l'assuré aura donc payé sur une aussi longue durée sans jamais avoir été couvert.
De plus, il devra (théoriquement) rembourser toutes les indemnités perçues.
Lorsque l'annulation vient sanctionner une omission ou une fausse déclaration d'une circonstance nouvelle en cours de contrat, elle remontera seulement au jour où la déclaration aurait dû être effectuée.
La nullité est opposable aux tiers, aussi bien à la victime d'un sinistre causé par l'assuré qu'un établissement de crédit bénéficiaire des indemnités correspondantes aux mensualités.
B) Les dommages-intérêts accordés à l'assureur
Il s'agit de toutes les primes payées et échues (article L.113-8 alinéa 2 du Code des assurances). Cela déroge au droit commun de la responsabilité dans la mesure où seul un préjudice permet d'obtenir des dommages-intérêts. Cette seconde sanction étant la conséquence de la première, on peut donc en déduire que c'est le changement de l'objet du risque (ou la diminution de l'opinion par l'assureur) qui constitue le préjudice, la faute étant la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle.
Ici aussi, le juge devra prononcer cette sanction.
Toutefois, cette sanction ne s'applique pas pour les assurances de personnes.
Ces sanctions sont très lourdes mais permettent d'équilibrer les relations entre l'assuré où l'assureur. Ce dernier doit pouvoir accorder toute sa confiance à l'assuré. L'exactitude dans la déclaration des risques est la seconde obligation de l'assuré, après le paiement de la prime. Il s'agit donc de le responsabiliser pour qu'il ne mette pas en péril le mécanisme de l'assurance.