L’année 2014 est derrière nous mais les chiffres du chômage ne cessent de faire pâlir l’ensemble des observateurs du monde politico-économique à commencer par le gouvernement lui-même.
Lors de ses vœux présidentiels, François Hollande a parlé d’audace et a souhaité moins de dénigrement de l’action publique sans doute, qu’en est-il de la sphère plus économique ?
L’année 2015 c’est l’avènement du « pacte de responsabilité » et l’entrée en lice du « compte pénibilité ». Serait-ce aussi, l’inversion de la courbe du chômage et la hausse des embauches en CDI ?
De quels licenciements parlons-nous ?
Avant de se déterminer sur les règles à respecter en matière de licenciement, il est bien de rappeler qu’il en existe deux types ; celui qui implique directement un salarié fautif (motif personnel) et celui dont la cause lui est étrangère (motif économique). Selon la situation à laquelle l’employeur est confronté, il devra appliquer les procédures afférentes sous peine de voir sa décision frappée de nullité par la justice.
Licenciement pour motif personnel
Qu’il y ait faute simple (cause réelle et sérieuse en application de l’article L1232-1 du Code du travail) ou faute grave, la procédure est identique à quelques possibilités près. Dans le cadre d’une faute simple, l’employeur doit honorer le préavis contractuel (article L1234-1 du Code du travail) soit en obligeant le salarié à travailler pendant cette durée précédent la rupture effective du contrat de travail soit en la rémunérant (article L1234-5 du Code du travail) tout en exonérant le salarié de l’exécuter (ce qui est le plus couramment observé). Précisons pour considérer dans ce cas la date effective de la rupture du contrat de travail ; l'inexécution du préavis de licenciement n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin (article L1234-4 du Code du travail). À l’inverse, la faute grave lorsqu’elle est qualifiée est confiscatoire de tout préavis et donc ce dernier n’est plus opposable à l’employeur. Notons que cela ne revêt que peu d’importance pour décompter le temps que prend réellement un tel licenciement sinon que le coût d’une telle mesure sera différent selon l’importance de la faute ; dans le premier cas, l’employeur doit en effet verser des indemnités en sus d’observer un préavis, dans le second, il en est exempt.
Dès lors que l’employeur est dans une perspective de licenciement pour motif personnel, il doit le faire savoir au salarié en lui adressant une convocation à un entretien préalable (article L1232-2 du Code du travail) à une éventuelle sanction, pouvant aller jusqu’au licenciement. Vous devez toutefois respecter un 1er délai impérieux ; en effet, l’entretien ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Vous noterez l’emploi du « conditionnel » dans cette première étape obligeant l’employeur à attendre clairement ce qui se dégagera d’un tel entretien, avant de prendre une décision définitive (article L1232-3 du Code du travail). En effet, si avant comme durant l’entretien, ce dernier laissait paraître qu’il aurait pris la décision de licencier, la rupture du contrat serait dépourvue de cause réelle et sérieuse. C’est que nous rappelle notamment la Cour de Cassation qui a épinglé un employeur ayant déclaré que la décision de licenciement interviendrait de manière certaine après l'entretien préalable. Cela revenait à faire fi du délai de réflexion (article L1232-6 du Code du travail) qui s’impose légalement entre ledit entretien et la notification de la décision définitive (Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-20.354, Inédit).
Ce dernier est au moins de 2 jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable auquel le salarié a été convoqué. Cette décision peut sembler curieuse au regard des pratiques courantes observées dans les entreprises. En effet, d’aucun dise que la décision de licencier est souvent prise « avant ledit entretien », lequel, hypocritement, se transforme en une simple formalité administrative afin d’éviter la remise en cause de la procédure. C’est assez vrai d’autant qu’une récente jurisprudence souligne que l’absence d’entretien ne rime pas toujours avec nullité de la procédure.
En effet, dès lors que le salarié a été régulièrement convoqué à l'entretien préalable au licenciement, son absence à l'entretien n'a pas pour effet de rendre la procédure de licenciement irrégulière et peu importe que l'employeur ne s'y soit pas non plus rendu (Cass. soc. 17 sept. 2014, n° 13-16.756). On peut aisément en déduire que dans certaines situations, la décision de licencier semble tellement évidente aux parties, qu’elles ne prennent même plus la peine de se rencontrer afin de s’en expliquer. |
En résumé, si l’employeur doit effectivement respecter une procédure de licenciement souvent analysée comme stricte, on peut au moins observer que sauf particularités de la procédure (mise à pied à titre conservatoire par exemple), il en coûtera 10 jours à l’entreprise. En effet, considérant que les délais sus visés interviennent le lendemain de l’action à mener, il s’écoulera 6 jours avant l’entretien, auquel on ajoute 1 jour pour l’entretien qui s’additionne avec les 2 jours ouvrables de réflexion et le jour où intervient réellement la notification ; il faudra donc 10 jours pour licencier un salarié au minimum. Ce délai est différent selon qu’il s’agisse d’un salarié protégé ou non.
Licenciement pour motif économique
Souvent décrit comme « compliqué » et particulièrement chronophage tant il faut s’échiner à « démontrer » l’existence d’une réelle et pertinente « cause économique » afin de disposer du droit de licencier pour ce motif, beaucoup d’employeurs y renoncent préférant à ce mode de rupture du contrat de travail, la controversée « rupture conventionnelle ». La démarche est contestable tant elle vise à détourner la procédure qui serait dans pareil cas, légitime.
Que redoutent vraiment les employeurs lorsqu’il s’agit de licencier pour faire face à des difficultés économiques ? Difficile à dire. Notez avant de vous engager qu’il y a deux procédures à connaître ; l’une vise les « licenciements de moins de 10 salariés » et l’autre, les « Plan de Sauvegarde de l’Emploi » au-delà de ce 1er seuil (les deux s’apprécient sur une même période de 30 jours). De même, précisons qu’il existe des particularités dès lors que l’entreprise compte 1000 salariés et plus.
Nous nous intéresserons ici uniquement à celles qui en comptent moins et représentant la très grande majorité des entreprises en France. Nous ferons fi également de la procédure spéciale à observer pour les salariés protégés ; ils ne représentent en effet, qu’un échantillon des salariés.
Face à une difficulté économique (article L1233-3 du Code du travail) l’employeur doit prioritairement rechercher à tout licenciement (individuel ou collectif) à reclasser. De même que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés (article L1233-4 du Code du travail). Rappelons que la suppression d’un poste de travail ne suppose pas le licenciement du salarié qui l’occupait. Aussi, bien que cette liaison semble naturelle parmi certains employeurs prétextant le principe de cause à effet, il convient d’appliquer les critères d’ordre de licenciements applicables y compris lors d’un unique licenciement (article L1233-7 du Code du travail).
Dans tous les cas, l’employeur doit se soumettre à la consultation du comité d’entreprise ou à défaut à celle des délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Le projet sera plus résumé ou plus dense selon le nombre de salariés pouvant être impactés ; pour un seul cas, la consultation se limitera aux critères d’ordre, alors qu’au-delà, l’employeur devra fournir tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif (article L1233-10 du Code du travail).
S’en suivent ensuite, des délais propres à ce type de licenciement. Il faut notamment intégrer le délai dont disposera le salarié pour recourir ou non au Contrat de Sécurisation Professionnelle. Selon l'Unedic, le délai de réflexion de 21 jours court à compter du lendemain de la remise des documents sur le CSP au salarié. Lorsque le salarié adhère au CSP avant la fin du délai de réflexion, cela n'a pas pour effet d'anticiper la rupture du contrat de travail, laquelle n'intervient qu'à l'issue des 21 jours ; toutefois, le délai expire le dernier jour à minuit, sauf si le dernier jour tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé. Dans ce cas, le délai de 21 jours est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Délais d'une rupture conventionnelle ?
Depuis son entrée en vigueur en août 2008, la rupture conventionnelle a permis à 1 691 596 de salariés et d’employeurs de rompre d’un commun accord, toute relation contractuelle. Il s’agit de chiffres DARES (maj au 30 novembre 2014) et uniquement de demandes homologuées. Rappelons que seuls les salariés en CDI peuvent en bénéficier. Cela ne favoriserait donc pas les ruptures parfois recherchées des contrats à durée déterminée (CDD), des contrats de professionnalisation, d’apprentissage… Pour l’année 2014, ce n’est pas moins de 301 000 ruptures validées.
La rupture conventionnelle est subordonnée à un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié et l'employeur peuvent se faire assister (article L1237-12 du Code du travail). L'employeur n'est pas légalement tenu de convoquer le salarié par courrier (CA Rouen, ch. soc. 12 avr. 2011, n° 10/04389). Notons que la loi ne précisant pas de délai entre chaque entretien, ceux-ci peuvent donc intervenir le même jour ou à un jour d'écart (à moins qu'un vice du consentement du salarié puisse être établi). Il est plutôt conseillé de s’astreindre à un délai de 2 jours ouvrables avant le nouvel entretien et d’en prévoir au moins 2 ; l’un pour cadrer la demande et envisager les possibilités, l’autre pour négocier et entériner la demande. Attention à toute manifestation de précipitation car les juges peuvent vérifier si l'employeur n'a pas exercé une pression sur le salarié pour hâter sa décision (Cass. soc. 19 nov. 2014, n° 13-21.979).
À compter de la date de signature de la convention de rupture conventionnelle par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de 15 jours calendaires (tous les jours comptent) pour exercer son droit de rétractation (article L1237-13 du Code du travail). Si aucune des deux parties ne s'est rétractée, l’employeur adresse, à l'issue du délai de rétractation, une demande d'homologation à l'autorité administrative (Direccte) en y joignant un exemplaire de la convention de rupture (article L1237-14 du Code du travail). Précisons également que la date de rupture « ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation ». Le délai étant au maximum de 15 jours ouvrables.
En conclusion, un licenciement individuel pour motif :
personnel (hors cas particuliers) prend au moins 10 jours ouvrables ; | |
économique prend au plus 30 jours ouvrables (en incluant les 21 jours du CSP) |
Un licenciement collectif inférieur à 10 salariés sur une même période de 30 jours (hors cas salariés protégés) pour motif économique prend au plus 30 jours ouvrables.
Une rupture conventionnelle implique :
2 entretiens espacés de 2 jours (convocation et 1 jour entre chaque entretien) ; 4 jours | |
Délai de 15 jours ouvrables de rétractation des parties signataires ; | |
1 jour (soit le lendemain) pour envoyer la demande d’homologation ; | |
La Direccte dispose de 15 jours ouvrables pour faire connaitre sa décision ; | |
La rupture du contrat est effective le lendemain de l’homologation. |
Soit 36 jours au plus et 29 jours au mieux si l’homologation intervient dans les 8 jours suivant la demande par exemple.
Il n’est donc pas difficile de licencier en France contrairement aux idées reçues et largement répandues dans la presse pour peu qu’il existe un motif sérieux et circonstancié. Par ailleurs, la popularité de la rupture conventionnelle qui se confirme par une hausse de 6% entre 2013 et 2014 démontre bien l’étendue des possibilités et des facilités existantes à ce jour dans notre droit. À force de croire la chose impossible elle finit par le devenir. Il faut donc envisager pour les employeurs peut-être plus de formation et d’accompagnement afin de gérer au mieux leur politique salariale en fonction des besoins de l’entreprise et de ses difficultés.