Le détective privé : Quelles sont les limites de la profession ?
Les particuliers, les entreprises et mêmes certaines collectivités territoriales françaises font de plus en plus appel à des détectives privés agréés en cas de soupçon lié à un vol, une contrefaçon, mais également en cas de doute sur la solvabilité d’un salarié, d’une tromperie, d’une disparition, d’un divorce… Les raisons et les contextes sont nombreux pour justifier le recours à ce genre de prestations, mais la pratique est-elle légale ? Quelles sont les limites du métier ?
Est-il légal de faire appel à un détective privé ?
La pratique est légale mais est soumise à certaines règles strictes et à une haute surveillance. Même si ce type de prestation se banalise en France, faire appel à un détective privé a quelques limites malgré tout.
Les affaires professionnelles représentent plus de trois quarts des dossiers traités : elles portent notamment sur de la concurrence déloyale, du détournement de clientèle, des fraudes, des escroqueries…
Le détective privé intervient seulement lorsqu’il existe une légitimité juridique à enquêter. Dans la plupart des cas, une personne qui sollicite ce genre de service est victime d’un préjudice, prévu et réprimé par la loi, par une tierce personne physique ou morale. Le détective privé intervient pour collecter les informations qui apportent la preuve de ce préjudice dans le but de défendre les intérêts légitimes de son client.
Ensuite, le lien entre la victime de ce préjudice et le responsable de ce dernier doit être direct. Par exemple une épouse peut enquêter sur son conjoint si elle doute de sa fidélité car le code civil dispose que « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. » (art. 212). En revanche, un époux ne peut enquêter sur l’amant de sa femme car aucun lien réel n’existe entre eux.
Le détective privé est tenu au secret professionnel : il ne doit en aucun cas divulguer les informations de l’enquête à une personne extérieure. En cas de non-respect de cette règle, des sanctions disciplinaires sont prévues dans le Code de déontologie ainsi que des sanctions pénales selon l’article 226-13 du Code pénal.
Par ailleurs, il lui est strictement interdit de posséder une arme ou de faire usage de violence physique ou morale.
Une profession reconnue et certifiée par l’État
En outre, la profession est réglementée. Il est nécessaire d’avoir suivi une formation inscrite au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) où des matières comme le droit civil, pénal, patrimonial, social, commercial sont enseignées et ensuite appliquées à la profession d’enquêteur privé. Le détective privé est ainsi en mesure de distinguer ce qui est légal et illégal et ainsi apporter à ses clients des renseignements obtenus de façon légale et donc recevable devant les juridictions compétentes en la matière.
Pour créer une agence de détectives privés, il faut au préalable formuler une demande d’agrément de Dirigeant d’Agence de Recherches Privées qui est délivrée par le CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité). Un casier judiciaire vierge est également obligatoire pour exercer.
L’enquête doit reposer sur des méthodes qui respectent la législation française, notamment en matière de droit au respect de la vie privée, à l’intimité, au droit à l’image (il est par exemple interdit de photographier une personne à son domicile ou dans un lieu privé sans son consentement), au droit au secret des correspondances (interdiction de détourner une lettre ou un courrier électronique qui ne nous est pas destinés).
Quel encadrement juridique pour ce genre d’enquête ?
Les libertés fondamentales évoquées précédemment relèvent du droit pénal dès lors qu’elles ne sont pas respectées (amendes ou peines d’emprisonnement). Mais il est important de préciser que les principaux domaines d’intervention du détective privé relèvent du droit civil (mariage, divorce, succession, filiation…) ou commercial (concurrence déloyale, litige prud’homal…). Or, il est interdit de contrevenir à une loi pénale pour prouver une faute civile. Ainsi, des preuves obtenues par des procédés déloyaux et/ou illégaux ne seront pas recevables par un magistrat.
Le détective privé peut également enquêter en matière pénale pour des cas de fraude, escroquerie, vol, abus de confiance, contrefaçon… En droit pénal, toutes les preuves sont recevables dès lors qu’elles visent à défendre la victime. Cependant, si ces preuves sont considérées et acceptées dans le cadre d’une procédure pénale, le détective privé encourt sa responsabilité pénale et peut voir son agrément retiré en cas de manquement à la loi.
Concernant la forme, le détective privé restitue les renseignements et preuves obtenus dans un rapport d’enquête écrit. Le nom de l’agence qui a réalisé l’enquête est mentionné sur ce rapport et ce dernier est signé par son directeur. La jurisprudence rappelle que le rapport du détective privé doit être « détaillé, circonstancié, et précis ». Le détective privé a le devoir de relater les faits constatés avec une réelle objectivité, sans interpréter ou juger la partie en cause, sous peine de voir son rapport écarté des débats.
Pour en savoir plus sur les étapes détaillées d’une enquête, consultez notre article « Comment se déroule l’enquête d’un détective privé ? ».