Il serait ambitieux de prétendre exposer toute la situation du Congo, tant sur le plan politique que juridictionnelle en ces quelques lignes. Je vais néanmoins me limiter à  tracer quelques points essentiels, en commençant par une brève présentation de la RDC (I), ensuite je vais examiner la situation politique de l’indépendance à ce jour, et enfin je vais exposer la situation de la justice en RDC, avec un accent particulier sur la justice de proximité.  Â
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I. Présentation sommaire de la RDC
La République Démocratique du Congo (RDC) occupe la troisième position en Afrique en termes de superficie (2.345.410 km²), après le Soudan (2.505.810 km2) et l’Algérie (2.381.741 km2). Depuis la division du Soudan en deux États, la République Démocratique du Congo est devenue le deuxième pays le plus vaste en Afrique. Elle est 4 fois plus grande que la France, et 80 fois plus grande que la Belgique son ancienne métropole. Elle est placée au cœur de l’Afrique ; ce qui a fait dire à FRANTZ FANON que : « L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo [1]».
Actuellement, la RDC compte 72 587 456 habitants (depuis 2010), elle partage ses frontières terrestres et maritimes avec neuf pays : au Nord avec la RCA et le Soudan, au Sud avec l’Angola et la Zambie, à l’Est avec l’Ouganda, le Rwanda, la Burundi et la Tanzanie, et à l’Ouest par le Congo Brazzaville. Sa capitale est Kinshasa, anciennement appelée Léopoldville.
La RDC compte 12 provinces, environ 250 ethnies, 450 coutumes, et 4 langues nationales : Lingala, Kikongo, Shwali, et  Tshiluba. Sa langue officielle est le français. La nouvelle constitution a prévu le découpage de ce pays en 26 provinces. Mais la mise en œuvre de ce découpage se fait encore attendre, certes, pour des raisons financières.
Il existe en RDC environ une  cinquantaine de minerais recensés, mais il n’y a qu’une douzaine actuellement exploitée: le cuivre (10% de la réserve mondiale) , le cobalt (50% de la réserve mondiale), l'argent, l'uranium, le plomb, le zinc, le cadmium, le diamant, l’or, l’étain, le tungstène, le manganèse et quelques métaux rares comme le colton. Mais ces richesses ne profitent guère à la majorité des congolais. Sa monnaie est le Franc congolais.
A titre de rappel, la RDC qui s’appelait de 1885 à 1908 Etat indépendant du Congo (EIC), était une propriété privée du Roi Léopold II de Belgique. Les atrocités (les maltraitances, sévices et tueries des populations autochtones) commises par les préposés du Roi belge dans le territoire de l’EIC, suite à l'exploitation acharnée du caoutchouc, indignèrent la communauté internationale et obligèrent le Roi à renoncer à cette propriété qu’il s’était octroyé, et à la céder à la Belgique. A partir de cette cession, l’EIC devint colonie belge et prit la dénomination de Congo belge.
Vers 1958 en vertu du droit à l’autodétermination des peuples, consacré par les Nations Unies, les partis politiques furent autorisés à fonctionner. Il y avait au départ 3 principaux partis politiques : l’Association des Bakongo (ABAKO : une association culturelle créée en 1950 par un missionnaire catholique flamand, le père Van Wing, et qui avait un objectifs culturels ; la défense de la langue et de la culture kongo), le Mouvement National Congolais (MNC), et la confédération des Associations du Katanga (Conakat
Après les émeutes de Léopoldville, intervenues du 4 au 7 janvier 1959 à la suite de l'interdiction d'un meeting de l'ABAKO, et qui ont conduit à  l’arrestation de Kasa-Vubu le 12 janvier 1959 les partis politiques furent officiellement légalisés.
Du 20 janvier au 20 février 1960, il fut organisé une table ronde à Bruxelles entre les intellectuels congolais et belges, pour décider de l’indépendance du Congo. cinq partis politiques congolaises ont pris part à ces travaux : l’Alliance des Bakongo, représentée par Edmond NZEZA LANDU, Joseph KASA VUBU, et Daniel KANZA ; le Mouvement National Congolais de Kalonji, représenté par Albert KALONJI, et Joseph ILEO NSONGO AMBA ; le Mouvement National Congolais de Lumumba, représenté par Patrice Emery LUMUMBA qui venait d’être libéré de la prison après le début de la table ronde, et Victor NENDAKA ; la Confédération des Association du KATANGA, représentée par Moïse TSHOMBA, et l’Union des Bateka, représentée par Pierre MOMBELE.
Il y avait aussi la présence des chefs coutumiers et d’un journaliste congolais, monsieur Joseph Désiré MOBUTU.Â
Du Côté Belge il y avait le premier ministre Excellence monsieur Gaston EYSKENS ; le vice premier ministre Excellence Monsieur Albert LILAR ; le ministre du Congo Belge et du Ruanda-Urundi Excellence Monsieur August SCHRIVER ; le ministre de la défense Nationale Excellence Monsieur Arthur GILSON ; le ministre de la Fonction Publique Excellence Monsieur Pierre HARMEL ; et un attaché au ministère des Affaires Etrangères Monsieur Etienne DAVIGNON.  Â
A l’issue de cette table ronde, les congolais et les belges s’accordèrent sur le principe de l’organisation des élections nationales au courant de la même année. Avant ces élections, de violentes émeutes politico-ethniques éclatèrent au Katanga, au Kasaï et à Léopoldville. Au niveau législatif et provincial, les élections se déroulèrent en mai 1960.
Au Parlement, Joseph Kasa-Vubu fut élu Président de la République, et Patrice Emery LUMUMBA désigné Premier ministre chef du gouvernement.
II. La situation politique de la RDC depuis l’indépendance
1. Le régime de Joseph KASAVUBU et les différentes sécessionsÂ
Après environ 80 ans d’occupation, le Congo devint indépendant le jeudi 30 juin 1960.
Patrice Emery Lumumba, Premier ministre Chef du Gouvernement déclara officiellement lors de son discours programme que « Désormais, toutes les richesses naturelles dont regorge le Congo, doivent d’abord bénéficier aux populations congolaises pour relever leur niveau de vie et développer rapidement le nouvel Etat ». Mécontentes de ce programme, les grandes puissances firent tout pour empêcher sa réalisation. Peu après la proclamation de l’Indépendance, le Congo connu plusieurs sécessions :
- D’abord celle du Katanga du 11 juillet 1960 avec à la tête Moïse TSHOMBE.
Mais l’Association générale des Baluba du Katanga (Balubakat) sous l’autorité de son leader Jason Sendwe s’opposa à cette sécession menée par Tshombe et proclama la création de la province de Lualaba dans le Nord-Katanga.
Le 13 juillet 1960, le Premier ministre Patrice Emery Lumumba rompt les relations diplomatiques avec la Belgique et fait appel à l’Organisation des Nations unies pour mater cette sécession du Katanga ; une décision qui en réalité était un arrêt de mort qu’il avait signé.
- Ensuite celle du sud Kasaï, en date du 8 août 1960 à l’initiative d’Albert KALONJI.
Le but de ces multiples sécessions était d’empêcher le gouvernement de Patrice Emeri Lumumba de réaliser son programme en le privant des recettes des richesses minières des provinces du Kasaï et du Katanga.
Le 5 septembre 1960, les exactions perpétrées lors des opérations de reconquête du Sud-Kasaï par la Force publique, rebaptisée Armée nationale congolaise (ANC), amenèrent le président Kasa-Vubu à révoquer Patrice Emery Lumumba pour le remplacer par Joseph Ileo Nsongo Amba ; décision prise sous pression internationale, sans procéder au partage des responsabilités. Le 14 septembre de la même année, pendant que Patrice Emeri Lumumba refusait de se soumettre à cette décision, et avait à son tour destitué le Président Kasa-Vubu, le Colonel Mobutu s’empara du pouvoir en suspendant les institutions. Il garda Joseph Kasa-Vubu à la tête de l’Etat, assigna Patrice Emery Lumumba en résidence surveillée et confia le pouvoir à un Collège de Commissaires constitué des jeunes universitaires (Groupe de Binza) dirigé par Justin-Marie Bomboko.
Ce coup d’Etat incita les partisans et alliés de Patrice Emery Lumumba à se réfugier à Stanleyville (Kisangani) où le leader du Parti solidaire africain (PSA) et ancien vice-Premier ministre du gouvernement Lumumba, Antoine Gizenga, révoqué lui aussi le 5 septembre 1960, reconstitua un gouvernement central regroupant un certain nombre de ministres lumumbistes.
Après avoir tenté en vain de rejoindre Antoine Gizenga à Stanleyville, le Premier ministre Patrice Emery Lumumba fut arrêté, torturé, et assassiné le 17 janvier 1961 à Elisabethville (Katanga). Son corps avait été découpé en morceaux et dissout dans l’acide sulfurique.Â
La nouvelle République sombra alors dans un chaos politique et économique sans précédent.
En août 1961, dans un esprit de conciliation, le Président Kasa-Vubu remplaça Joseph Iléo Nsongo Amba par le syndicaliste Cyrille Adoula lequel sera chargé de former un gouvernement d’union nationale, regroupant nationalistes lumumbistes (dont Gizenga et Gbenye) et membres du groupe de Binza, et qui va gouverner le Congo jusqu’en juin 1964 avec l’aide des Nations unies. Bien que nommé vice-Premier ministre du gouvernement Adoula, Antoine Gizenga campa sur ses positions dans son bastion de Stanleyville, et Moïse Tshombe refusa catégoriquement de réintégrer le gouvernement de Léopoldville.
Le 14 janvier 1963, aidé par les casques bleus de l’Organisation des Nations Unies et dont l’opération fut baptisée « Opération des Nations Unies au Congo » ; le gouvernement du Premier Ministre Cyrille Adoula parvint à mettre fin à la sécession du Katanga ; celle du Sud-Kasaï ayant été matée bien avant par l’Armée Nationale Congolaise (ANC).
En janvier 1964, le député Pierre Mulele (ministre de l’Instruction publique dans le gouvernement Lumumba) et Théodore Bengila, qui s’étaient enfui de la capitale  quelques semaines auparavant, déclenchèrent à Kwilu la première grande insurrection paysanne.
En avril 1964, Louis Bidalira, Gaston Soumialot, Nicolas Olenga et Laurent Désiré Kabila[2], lancèrent un second mouvement révolutionnaire dans la région de Fizi-Uvira à l’Est du Congo. Cette rébellion occupa rapidement le 3/4 du territoire de la République : le Nord-Katanga en juin, le Kivu-Maniema en juillet, le Sankuru et Stanleyville en août 1964. Cette dernière devint la capitale d’une seconde République dénommée République populaire du Congo, dirigée par Christophe Gbenye.
Au-delà de leurs points de convergence idéologique (mythe d’une « seconde indépendance »), ces deux rébellions (de Pierre MULELE et Gaston Soumialot) devenues Conseil National de Libération (CNL), avaient pour caractéristique commune d’utiliser des pratiques ésotériques. Leurs combattants devaient crier « MULELE mai » lorsqu’ils combattaient avec l’ennemi, pour faire croire à ces derniers que leurs balles étaient sans effet, c’est-à -dire que ces balles tombaient dans l’eau.
Les multiples tueries commises par ces rebelles avaient fait environ vingt mille victimes. Ils ont littéralement décimé l’élite et la classe moyenne des régions qu’ils avaient contrôlées.
En septembre 1964, Moïse Tshombe rappelé à Léopoldville (Kinshasa), et devenu Premier ministre, lança la contre-offensive pour reprendre le contrôle du territoire aux mains du CNL dans l’Est du pays. Cette contre-offensive générale fut menée avec l’appui de mercenaires, d’anciens gendarmes katangais (les « diabos »), des pilotes cubains anticastristes et des officiers et sous-officiers belges. La reconquête avait fait de très nombreuses victimes au sein de la population civile et dans les rangs des rebelles « les simba ».
Le 28 octobre 1964, devant la progression inéluctable de l’ANC et des mercenaires, le président Gbenye prit en otage tous les étrangers vivant dans sa zone d’influence et menaça de les exécuter si les Etats-Unis et la Belgique ne suspendent pas leurs aides au gouvernement central de Léopoldville. Cette prise en otage déclencha l’intervention directe de la Belgique et des Etats-Unis.
Le 24 novembre 1964, trois jours après l’appel à l’aide lancé par Moïse Tshombe, les militaires belges, les troupes de l’ANC et les « volontaires spéciaux » commandés par Jean Schramme s’emparèrent de Stanleyville par une double intervention aérienne et terrestre (opérations Dragon rouge et Ommegang). La même opération fut répétée quelques jours plus tard pour la prise de la ville de Paulis (Dragon noir). Dans les semaines et les mois qui ont suivi, les deux rébellions populaires avaient perdu le contrôle de plusieurs villes, et leurs principaux leaders s’étaient enfuis à l’étranger. L’ANC et les mercenaires libérèrent progressivement tout l’Est du Congo.
 En avril-mai 1965, le Peuple congolais qui avait retrouvé un calme précaire, exigea des nouvelles élections générales. Moïse Tshombe, ancien chef de la sécession katangaise, alors devenu Premier ministre du gouvernement de Salut Public de transition à Léopoldville, remporta ces élections sans aucune contestation.
2. Le règne de Joseph Désiré MOBUTU
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Le 25 novembre 1965, Sous prétexte de mettre fin à l’anarchie, le Maréchal Joseph Désiré MOBUTU, alors Lieutenant Colonel, renversa l’ordre institutionnel établi par un coup d’Etat, il remplaça Joseph Kasa-Vubu à la tête du pays, congédia le Parlement, et instaura une longue dictature  pendant 32 ans et ce, avec l’aval et la complicité de la classe politique et des puissances étrangères.
Quelque mois après la prise de pouvoir, MOBUTU fut voir au peuple et à la classe politique congolaise, que son pouvoir sera fort et tyrannique. Les récalcitrants et opposants à son régime étaient sévèrement sanctionnés : exil, relégation, exclusion ou exécution sommaire.
En 1966, il fomenta un coup d’Etat qu’il a imputé à Emmanuel BAMBA, Alexandre MAHAMBA, Evariste KIMBA, et Jérôme ANANY. Les intéressés furent arrêtés le 29 mai de cette année à la résidence d’un des Officiers de l’armée de l’époque, Monsieur Bangala au quartier Parc Hembrise, à Ma campagne, et pendus en date du 2 juin 1966 au Pont Gaby à Kinshasa (actuel emplacement du stade des martyrs), après un jugement expéditif rendu par un tribunal militaire d’exception crée par ordonnance n° 66-338 du 30 mai 1966 pour la cause.
Il mata un mouvement de révolte des étudiants de Lovanium (actuelle université de Kinshasa) en 1969 et condamne douze étudiants à mort. En 1971, Mobutu instaura un parti unique : le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), dont il devint président fondateur. Il débaptisa les noms du pays (Zaïre), du fleuve, battu une nouvelle monnaie (Zaïre) ; décréta la zaïrianisation des entreprise tenues par les étrangers, et instaura l’authenticité comme idéologie, ce qui signifie : le recours aux valeurs traditionnelles. Corruption et agonie économique agitèrent le pays.
En 1975, il fomenta un autre coup d’Etat qu’il qualifia de « coup d’Etat monté manqué », et l’imputa à certains officiers de l’armée devenus gênants, notamment André Mpika, Victor Lundula, Massiala Kulu Kangala, Utshudi, Katsuva, et Omba. Les pauvres furent arrêtés le11 juin 1975, et certains furent condamnés à mort, notamment André MPIKA, le 1er septembre 1975 par un tribunal militaire expéditif. Mais suite à la pression des puissances étrangères notamment les Etats Unis, ces militaires ne furent pas été exécutés. Ils furent d’abord gardés au cachot de la Cité de l’Organisation des Nation Unie (OUA) à Kinshasa/Ngaliema, ensuite transférés à la prison de Angenga, puis libérés et relégués dans leurs villages, après qu’ils aient été dépouillés de tous leurs biens matériels.
Durant tout le règne de MOBUTU, les hommes politiques congolais ne lui juraient que fidélité et obéissance. Le mobutisme fut la doctrine consacrée du parti. Ce fut un véritable culte de la personnalité. Tout cela s’est soldé par la destruction systématique du tissu socio-économique et la clochardisation du peuple congolais.
Le 24 avril 1990 commença la pénible période d’une longue transition. Mobutu céda larmes aux yeux, sous la forte pression du Peuple révolté au multipartisme et pluralisme syndical. La conférence nationale souveraine qui avait eu lieu pendant une année et demi, soit du deuxième semestre de 1990 à 1992,  n’avait permis qu’à hisser une nouvelle classe politique aux affaires. Les résolutions de cette conférence et du Haut Conseil de la République-Parlement de la Transition (HCR-PT) n’avaient jamais été mise en application par le régime MOBUTU.
A la fin de la guerre froide, tous ceux qui soutenaient le dictateur MOBUTU lui avait tourné le dos, et le « guide éclairé et clairvoyant » de l’ex Zaïre ne devait s’en prendre qu’à lui-même.
L’on est tenté de dire que MOBUTU était un prophète, car il avait prédit de quelle manière il allait quitter le pouvoir. Lors de son discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1973, il avait dit : « Un fruit ne tombe que quand il est mûr, mais devant l’ouragan et la tempête de l’histoire, mûr ou pas mûr il tombe quand même »[3]
C’est ce qui lui est arrivé à la suite d’une guerre de rébellion soutenue par le Rwanda, Burundi, Ouganda et les puissances étrangères, et qui a permis Laurent Désiré KABILA de chasser MOBUTU de son trône en 1997.
Avant son exilé et sa mort à l’étranger, il adressa une lettre à un Chef d’Etat occidental en ces termes[4] :
                                                               Kinshasa, le 11 mai 1997
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                                                                 A Son Excellence Monsieur …………….                                                                 Président de la République ………………
Monsieur le Président,
Avant toute chose, je tiens à vous présenter mes salutations sincères, à vous, tout autant qu'à Madame votre épouse, au nom de la très longue amitié qui nous lie depuis plus d'une décennie.
Aujourd'hui, la situation est pénible pour moi. Devant la gravité du moment, d'abord, au niveau de mon pouvoir où j'ai perdu l'efficience sur la population, ensuite, au niveau militaire. Il m'est impossible de freiner l'avancée des rebelles vers Kinshasa, qu'ils peuvent atteindre à n'importe quel moment.
S'agissant de Kinshasa, je ne peux favoriser un bain de sang inutile, car en tout état de cause, les rebelles l'atteindront bien ; tout étant affaire de temps.
Faut-il vous rappeler que je fais face à une guerre injuste ? Aujourd'hui, les Etats-Unis et la Grande Bretagne par l'intermédiaire de l'Afrique du Sud, de l'Ouganda, du Rwanda et de l'Angola utilisent le chef de bande Laurent Désiré Kabila pour me poignarder dans le dos profitant de ma maladie.
Autrefois, les Etats-Unis ont été mes alliés, souvenez-vous de l'épisode angolais. Je me réserve le droit de publier dans les prochains jours mes mémoires. Alors, le monde entier saura enfin des vérités insoupçonnées jusqu'ici.
Mon ami, vous savez aussi bien que moi que le chef de bande Laurent Désiré Kabila est une personnalité douteuse, génocidaire et inappropriée pour diriger le Zaïre comme chef de l'Etat. J'ai tout essayé pour empêcher cela. Mais ses maîtres occidentaux, les Etats-Unis en l'occurrence le soutiennent et l'encouragent dans cette voie.
Devant l'obstination américaine et la dégradation continue de mon état de santé, je suis obligé de vous annoncer mon intention de transférer le pouvoir à Kabila lors de notre prochaine rencontre sur Utenika le 14 mai prochain.
Que Dieu aide le Zaïre
                                           MOBUTU SESE SEKO NGWENDU WAZA BANGA
                                                    Président de la République
Les Etats Unis n'avaient pas eu la peine de convaincre MOBUTU qu'il n'en avait plus que pour quelques mois à vivre. Et il suffisait également de le rassurer que Kabila n'en aurait aussi que pour quelques mois de règne. Ils ont fait miroiter à Mobutu le retour aux affaires de ses héritiers tant biologiques que politiques. Ainsi, ses mémoires auxquels il tenait tant de publier, seraient gardés secrets. Il n'y avait pas quelque chose qui pouvait rassurer le maréchal et le décider d'attendre tranquillement sa mort à Rabat au Maroc que cette promesse. Cette lettre, explique en grande partie la guerre 1998 imposée à la RDC. En écartant Laurent Désiré Kabila du pouvoir, les puissances Occidentales ont respecté la promesse faite à MOBUTU, et dissuader les héritiers de Mobutu à publier les mémoires accablantes de leur père.
Malade, MOBUTU meurt d’un cancer au Maroc où il est enterré, en septembre de la même année.
Les bienfaits de MOBUTUÂ :
Son règne n’a pas été que négatif, MOBUTU a réussi unifier le pays, à le pacifier, et à mettre ensemble le peuple (le vouloir vivre ensemble). Durant son règne, la population pouvait aller d’un coin à l’autre de la République sans s’inquiéter, et de son époque à nos jours, le mariage entre congolais des provinces différentes ne pose aucun problème. C’était un vari pacificateur.
3. Le régime de Laurent Désiré KABILA
En octobre 1996, la milice de Laurent Désiré KABILA en coalisions avec les tutsi rwandais, ougandais et burundais entrent en rébellion contre le gouvernement de MOBUTU. Le 17 mai 1997, cette rébellion fait son entrée à Kinshasa, chasse MOBUTU du pouvoir, et Laurent Désiré KABILA s’autoproclame Président de la République. Il change le nom du pays donné par MOBUTU en 1971 en celui de République Démocratique du Congo, restaure la dénomination de la monnaie du Congo de l’époque (franc congolais), change le nom du fleuve, reprend l’ancien hymne national et l’ancien drapeau.
Après sa séparation avec ses alliées du Rwanda, Burundi, et Ouganda en 1988, il pratique une politique proche de MOBUTU, et institue une nouvelle dictature.
En 1999, il abolit l’Alliance de forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), et crée le Comité du Pouvoir Populaire (CPP). En 2000, il met en place un nouveau parlement de 300 députés.
La brouille avec ses alliés d’hier finit par plonger le pays dans une autre rébellion qui a fait plus de trois millions de morts parmi les civils congolais. Révolté par la nouvelle dictature instaurée par Laurent Désiré KABILA, certains politiciens congolais entre ne rébellion et promettent de mettre en place un véritable Etat de droit.
Le 16 janvier 2001 le Président Laurent Désiré Kabila est assassiné dans sa résidence officielle à Kinshasa au Palais de marbres, mais sa mort ne sera officiellement annoncée que le 17 janvier 2001.
Côté positif de Laurent Désiré KABILA :
Il était aux yeux du peuple congolais comme un nationaliste à l’instar de Patrice Emeri LUMUMBA. Ce qui l’a amené è se débarrasser de ses anciens alliés avec qui il ne partageait pas la même idéologie. Pendant le peu de temps qu’il est resté au pouvoir, il a fait voir à la communauté internationale que la RDC pouvait bien se suffire sur le plan économique avec ses propres ressources. Il a instauré le système de paiement de toutes les recettes fiscales et domaniales à la Banque Centrale sans passer par des comptables publics, considérés comme détourneurs des fonds de l’Etat. A son époque, la RDC avait suffisamment d’argent stocké à la Banque Centrale. Mais quelle était la destination de ces recettes ? Les fonctionnaires de l’Etat étaient-ils mieux payés ? Les routes bien entretenues ? Les réponses à ces questions ne pouvaient dépendre que de la durée de son mandat à la tête du pays.   Â
4. Le règne de Joseph KABILA
Sur désignation du Gouvernement et du Parlement de Transition, Joseph Kabila alors chef d’état major des Forces Terrestres devint Président de la République en remplacement de Laurent Désiré KABILA.
Pour faciliter la restauration d’un Etat de droit au Congo, sous la médiation de la Communauté internationale, le nouveau Chef de l’Etat Joseph Kabila facilita et accepta les négociations politiques inter-congolaises de Sun City en République Sud-Africaine tenues de 2001 à 2003. Ces négociations donnèrent lieu à la mise en place d’un gouvernement de Transition composé d’un Président et de 4 Vice-présidents (1+4) ; une nouveauté jamais expérimentée au monde.
Le 18 février 2006, le Président de la République Joseph Kabila promulgua la nouvelle Constitution de la troisième République
A l’issue des élections organisées du 30 juillet au 29 octobre 2006, Joseph KABILA fut proclamé Président de la République. Mais ces élections suscitèrent des contestations dans les rangs des partisans de son principal opposant Jean Pierre BEMBA, et de la grande majorité des habitants de Kinshasa.
Aujourd’hui, il est inopportun de faire le bilan du règne de Joseph Kabila, car il est encore au pouvoir. Il faut attendre la fin de son règne pour connaitre ses réalisations, éventuellement ses cinq chantiers en construction.
Mais, il y a encore un long chemin à parcourir pour que la RDC devienne un Etat de droit. Lors de mon dernier voyage en RDC en fin 2007 début 2008, j’ai eu à constater qu’il n’existe plus d’Etat au Congo. Les routes devenues inexistantes, et une nouvelle dictature semble prendre le pas sur la démocratie. Les étrangers touristes ou simple voyageurs, voire les nationaux, n’ont pas le droit de photographier les places publiques sous peine d’arrestation par les services secrets.
Sur le plan politique, il existe à ce jour plus de 400 partis politiques en République démocratique du Congo évoluant pour la plupart dans la capitale, ce qui constitue un véritable record. La majorité de ces partis ne sont composés que des membres d’une famille, et sert de satellites soit au parti au pouvoir, soit aux véritables partis de l’opposition. Le but poursuivi par ces partis satellitaires est certes, le partage du gâteau. Il faut attendre la fin de Joseph KABILA pour faire un point plus approfondi sur son règne.
III. La situation de la justice en RDC
1. Les juridictions pendant la période de l’occupation
Au niveau juridique, le Congo n’a pas connu des grands changements depuis son accession à l’indépendance, sous réserve de l’élaboration et de la promulgation du code de la famille du 1er août 1987, en remplacement du code civil livre I laissé par la colonisation, et qui constitue un maillage du droit écrit et du droit coutumier.
La quasi-totalité des textes de loi aujourd’hui en application au Congo, sont soit un héritage colonial, soit un mimétisme des textes des pays de la famille romano-germanique : la France et la Belgique.
En ce qui concerne les juridictions de droit écrit, le Congo de l’époque traditionnelle n’en avait pas connue avant son occupation par les puissances étrangères. Le peuple résolvait ses conflits au moyen de la justice privée et ne connaissait ni droit écrit, ni actuelle organisation de la justice. Il y avait trois types de justice privée : la justice privée individuelle, la justice privée domestique, et la justice privée intergroupes.
Peu à peu, grâce aux contacts qu’il avait noués avec les peuples étrangers ainsi que l’apport de la religion, la justice privée a été quasiment abandonnée au profit de la justice (juridictions) coutumière, et le mode idéal de résolution des conflits devint la conciliation.
L’actuelle organisation de la justice congolaise commença sous l’autorité du Roi Léopold II de Belgique. Dès la création de l’Etat Indépendant du Congo (EIC), le pays entra dans la famille romano germanique et expérimenta l’institution de deux ordres de juridictions : l’ordre judiciaire, et l’ordre administratif.
L’ordre judiciaire comportait les juridictions civiles et les juridictions répressives. Les juridictions civiles étaient composées du tribunal de première instance de BOMA et du conseil supérieur. Les juridictions répressives comprenaient les tribunaux territoriaux, le tribunal de première instance, le tribunal répressif d’appel de Boma et le conseil supérieur. Il statuait en appel contre les décisions judicaires rendues au premier degré en matière civile et commerciale, par le tribunal de première instance de Boma si la valeur du litige était supérieure à 25,00 francs. Il tranchait aussi les contentieux administratifs, et était juge de cassation des décisions rendues en dernier ressort par les tribunaux du Congo belge.Â
Pendant la colonisation, l’organisation judiciaire congolaise a connu des grandes réformes, tant au niveau des juridictions de l’ordre judiciaire, que de celles de l’ordre administratif.
Pour les juridictions de l’ordre judiciaire, la première réforme est intervenue en 1910 par la création d’un second tribunal d’appel à Elisabethville[5]. Ensuite, l’ordonnance du 28 mai 1912 créa les tribunaux de district.
En 1924, la compétence en matière de cassation des décisions de justice rendues par les juridictions du Congo belge fut retirée au conseil supérieur, au bénéfice de la cour de cassation de Belgique. En 1932, les tribunaux d’appel devinrent des cours d’appel, et les tribunaux de parquet furent crées dans chaque district.
L’arrêté royal du 22 décembre 1934, cordonnant plusieurs décrets[6], intégra officiellement les juridictions coutumières dans le système juridictionnel étatique. Le législateur créa aussi plusieurs autres juridictions : tribunaux de police, tribunaux de parquet, tribunaux de première instance, conseil de guerre, et conseil de guerre d’appel.
En ce qui concerne l’ordre administratif, la compétence du conseil supérieur en matière des contentieux administratifs fut transférée au conseil d’Etat, crée par la loi du 23 décembre 1946. Ce dernier avait pour attributions le traitement des recours contre les actes administratifs et l’émission des avis consultatifs à l’initiative du gouvernement belge. Son siège administratif se trouvait à Bruxelles et sa juridiction s’étendait au Congo belge et au Rwanda - Urundi.
2. Les institutions juridictionnelles 50 ans après l’indépendance
La justice congolaise a connue deux périodes importantes après l’accession du pays à l’indépendance :
-         Période de 1960 à 1965 : En raison des multiples rébellions et sécessions, les juridictions ordinaires furent mises en veilleuse dans des provinces en rébellion, au profit de juridictions d’exception. En 1964, le constituant de Luluabourg créa la cour suprême de justice[7] (CSJ).
-          Période de novembre 1965 à nos jours : Cette période est caractérisée par l’unification de plusieurs types de juridictions : les juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ; les juridictions civiles et répressives (Ce sont les mêmes juridictions qui traitent à la fois des contentieux judiciaires et administratifs).
-         Depuis la loi de 1982, le législateur a décidé de la suppression progressive des tribunaux de police et des juridictions coutumières au profit des tribunaux de paix.
Chaque province est dotée depuis 1978 d’une cour d’appel, mais la ville de Kinshasa en a deux, soit au total 12 cours d’appel pour l’ensemble du pays. Le législateur a crée en 1979 une cour de sûreté de l’Etat (CSE), en 2001 des tribunaux de commerce, et en 2002 des tribunaux du travail.
Les tribunaux de première instance, les tribunaux de district, et les tribunaux de parquet ont été supprimés au profit des tribunaux de grande instance.
Depuis la promulgation de la constitution de février 2006, la cour de sûreté de l’Etat qui était de machine de répression des opposants aux régimes MOBUTU, KABILA I et II, a été supprimée et la CSJ a éclatée en 3 catégories de juridictions : les juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions de l’ordre administratif et la cour constitutionnelle (juridiction n’appartenant à aucun ordre).
Ces trois catégories de juridiction n’étant pas encore installées, et la justice congolaise continue à fonctionner comme avant et suivant la pyramide tracée ci-dessous :
           Cour Suprême de Justice et Parquet Général près cette cour
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           Cours d’Appel                                               Parquets GénérauxÂ
          TGI                                                                                   PGI
Tr. de commerce
Tr. du travail
                                             Tribunaux de paix
                                       Tribunaux de police
                                     Juridictions coutumières
Au sein de la CSJ fonctionnent 3 sections : judiciaire, administrative et de législation. Il ya dans des cours d’appel deux sections : judiciaire et administrative.
3. L’incidence de la politique sur les institutions juridictionnelles
Les articles 149 à 151 de la constitution du 18 février 2006 consacrent l’indépendance de la justice, et la non immixtion de l’exécutif et du législatif dans la sphère des compétences de la justice.
Mais dans la pratique, le principe de séparation de pouvoirs prôné par Montesquieu dans son ouvrage intitulé Esprit des lois,  et exprimé en ces termes : « Il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » est sérieusement énervé au Congo.
Le pouvoir judiciaire congolais n’est pas totalement indépendant. Il souffre constamment de l’immixtion de l’exécutif et du législatif dans la sphère de ses attributions. Dans certains cas, le magistrat judiciaire se voit contraint de prendre une décision de justice sur ordre de l’une ou l’autre de ces autorités.
Face à ce dysfonctionnement, y compris la lenteur de la justice, la cherté de la procédure, l’éloignement de la justice de ses usagers, la population a déserté les tribunaux étatiques, pour se confier aux structures parallèles de résolution des conflits, notamment la palabre africaine, le comité de vigilance, les parajuristes soutenues par les ONG, les conseils de famille (ceux-ci formalisés), et bien d’autres. Le peuple considère que la justice telle qu’elle fonctionne actuellement au Congo est une source de tracasserie et d’enrichissement des gens de justice
En ce qui concerne l’éloignement géographique de la justice du citoyen, il convient de signaler que le législateur avait décidé d’instituer un ou deux tribunaux de paix par territoire rural ou par ville. Mais ce nombre ne peut certainement pas satisfaire aux besoins de justice de la population, car la superficie d’un territoire en RDC peut être environ égale ou supérieure à celle d’une région française. Et dans certains territoires ruraux, il n’existe pas encore de tribunal de paix. Pour un total de 145 territoires ruraux et de plusieurs villes, il n’existe aujourd’hui que 58 tribunaux de paix : 8 à Kinshasa, et 50 en milieux ruraux, encore que certains de ces tribunaux ruraux ne sont pas opérationnelles ; ce qi réduit en conséquence le nombre des juridictions qui fonctionnent effectivement. A. Rubbens, alors professeur de droit à l’université de Kinshasa écrivait en 1969 que : « Bien que le Président de la République ait toute la liberté dans la politique à suivre pour l’installation des tribunaux de paix, on peut prévoir qu’il ne créera pas un tribunal de paix pour remplacer chaque tribunal coutumier actuellement existant. Des raisons budgétaires autant que la pénurie de personnel y feront obstacle »[8].
Conclusion
Cinquante ans après son accession à la souveraineté nationale, le Congo continue à être encore un grand chantier à construire (les cinq chantiers du Président Joseph KABILA en sont une preuve), non pas seulement au niveau politico-juridictionnel comme je viens de l’exposer, mais à tous les niveaux : éducatif social, économique, culturel, environnemental, administratif, juridique, et juridictionnel.
Le congolais, où qu’il se trouve ; à l’intérieur du pays ou à l’étranger, doit prendre conscience de cette situation, s’assumer afin de reconstruire son pays et de promouvoir son développement, au lieu de continuer à accuser le voisin ou la communauté internationale. Les exemples de la Chine, de l’Inde, et de bien d’autres pays, hier sous développés, et aujourd’hui développés, doivent servir d’inspiration voire de leçon à tous les congolais. Il faut profondement repenser le justice congolaise en vue de l'instauration d'un Etat de droit.
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Pour citer cet article : Jean Pierre MBOTO Y'Ekoko Ngoy, " La situation politico-juridictionnelle en RDC depuis l'indépendance " , Acte de conférence au cours du cinquatième anniversaire de l'indépendance de la RDC, Saint Etienne, 2010.
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Jean Pierre Mboto est doctorant en Sciences juridiques à l'Université Jean Monnet Saint Etienne.
[1] Frantz Fanon, in J.D. Mobutu Sese Seko, discours à l’Assemblée des Nations Unies en 1973.                           Â
[2] D’après Madame Victorine, ancienne journaliste de la radio congolaise de l’après Independence, Kabila n’avait pas à cette époque le prénom de Laurent Désiré, mais simplement celui de Laurent.
[3] J.D. Mobutu Sese Seko, op. cit.                          Â
[4]In http://www.sangonet.com/FichPtsdevuesuite/LettreMobutuChirac.htmlÂ
[5] Décret du 1er juillet 1910, qui a également élargi le nombre de tribunaux de première instance de six à sept.
[6] Les décrets du 09/0701923, 02/02/1926, 24/12/1930, 22/02/1932, 31/05/1934 et 26/11/1934.
[7] Article 125 de la constitution du 1er août 1964, repris par l’article 59 de la constitution du 24 juin 1967. La cour suprême de justice a été organisée par l’ordonnance n° 68/248 du 10 juillet 1968 et installée en date du 23 novembre 1968.
[8]A. Rubbens, la réforme judiciaire du 10 juillet 1968, in Cahiers Economiques et Sociaux, vol III, n° 4, déc 1969, IRES, Université de Lovanium, p. 415, cité par J.P. Fofe Djofia Malewa, Justice pénale et réalités sociétales : de l’analyse du modèle RD Congo à la formation d’une politique criminelle participative, l’Harmattan, Paris, 2007, p.130.