Le 17 janvier 2019, la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 651-4, L. 651-6 et L. 651-7 du code de la construction et de l'habitation.
En vertu de l'article L. 651-6 du code de la construction et de l'habitation, les agents assermentés du service municipal du logement sont habilités à visiter les locaux à usage d'habitation situés dans leur ressort de compétence, aux fins de constater les conditions d'occupation de ces locaux et, notamment, le respect des autorisations d'affectation d'usage. Le cinquième alinéa du même article prévoit que le gardien ou l'occupant du local est tenu de laisser les agents effectuer cette visite, qui ne peut avoir lieu qu'entre huit heures et dix-neuf heures, en sa présence.
Le sixième alinéa de l'article L. 651-6 autorise les agents du service municipal du logement, en cas de refus ou d'absence de l'occupant du local ou de son gardien, à se faire ouvrir les portes et à visiter les lieux en présence du maire ou d'un commissaire de police.
C’est sur le fondement de ces articles que la loi autorise ces agents à enquêter sur les locations saisonnières, allant jusqu’à visiter les logements en l’absence des propriétaires ou des locataires.
Ces visites se sont multipliées avec le développement des locations par l’intermédiaire de la plateforme Airbnb et n’ont cessées de faire naître des doutes légitimes quant à leur légalité.
C’est pourquoi très logiquement, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019, décide de censurer le sixième alinéa de l’article L. 651-6 du Code de la construction et de l’habitation aux motifs suivant :
« Le sixième alinéa de l'article L. 651-6 autorise les agents du service municipal du logement, en cas de refus ou d'absence de l'occupant du local ou de son gardien, à se faire ouvrir les portes et à visiter les lieux en présence du maire ou d'un commissaire de police. En prévoyant ainsi que les agents du service municipal du logement peuvent, pour les motifs exposés ci-dessus, procéder à une telle visite, sans l'accord de l'occupant du local ou de son gardien, et sans y avoir été préalablement autorisés par le juge, le législateur a méconnu le principe d'inviolabilité du domicile. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre grief, le sixième alinéa de l'article L. 651-6 doit donc être déclaré contraire à la Constitution ».
Il se fonde pour cela sur l’article 2 de la DDHC aux termes duquel :
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ».
La liberté proclamée par cet article implique selon sa jurisprudence, le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile.
Cette décision apparaît à la fois logique au regard de la jurisprudence du Conseil relative aux visites domiciliaires mais surtout très circonstanciée.
En effet, et c’est la partie la plus importante de la décision, le Conseil constitutionnel juge l’inconstitutionnalité de ce droit de visite comme étant d’application immédiate :
« En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ».
Concrètement, il résulte de cette jurisprudence et de son application dans le temps, que les procédures en cours en matière de faute commise par les propriétaires pourraient se trouver frappées d’irrégularité si des preuves ont été glanées au cours de visites réalisées en violation du principe d’inviolabilité du domicile et en application de l’alinéa 6 de l’article L. 651-6 du Code de la construction et de l’habitation jugé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Pierre Castéra
Avocat
Docteur en droit
pierre.castera-avocat@outlook.fr
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