CE 28 juin 2019, n° 421458
En application de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat :
« Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée.
La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies.
Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. […]
Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux quatrième à sixième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. En cas de refus par l'agent de l'avenant proposé, l'agent est maintenu en fonctions jusqu'au terme du contrat à durée déterminée en cours ».
La loi du 12 mars 2012 qui a instaurée ce mécanisme visait à autoriser le recrutement en CDI sur les emplois de l'État qui ne peuvent être pourvus par les corps de fonctionnaires existants. Il s'agissait ainsi de remédier aux difficultés de recrutement sur des emplois à compétence spécialisée et soumis à la concurrence du secteur privé.
Le dispositif d’abord expérimental mis en place avait pour objet de répondre à la demande de métiers nécessaires à l'accomplissement du service public sans que les corps de fonctionnaires ne puissent y pourvoir.
La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a, depuis, généralisée dans la fonction publique d'État, la faculté de recruter directement un agent en CDI.
Dans l’affaire visée en référence, le Conseil a tranché une question essentielle marquant le phénomène de contractualisation de la fonction publique, et touchant aux critères d’appréciation de la requalification d’un CDD en CDI dans la fonction publique d’Etat.
En l’espèce, le requérant avait été recruté le 1er février 2007 par la direction générale de l’armement, en qualité de technicien, pour exercer les fonctions de spécialiste gestionnaire de projet.
Son contrat a été résilié et un nouveau contrat a été signé la même année, en qualité d’ingénieur cadre.
Ce contrat de trois ans a ensuite été renouvelé pour la même durée.
Finalement radié des cadres en 2013, le requérant a contesté cette décision devant le juge administratif après que la cour administrative d’appel ait rejeté sa requête fondée sur l’obligation qu’avait le ministère de requalifier son CDD en CDI.
La Cour avait notamment estimé que le changement d’appellation et de catégorie hiérarchique entre le contrat signé en février 2007 et celui signé trois ans plus tard ne lui permettait pas de justifier d’un service continu au sens de la loi de 1983.
Le Conseil censure fort heureusement cette analyse en jugeant qu’il résulte des dispositions de l’article ;6 bis de la loi de 1983, qu’un agent contractuel de l’État peut bénéficier d’un contrat à durée indéterminée lorsqu’il justifie d’une durée de services de six ans, accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, dans des fonctions relevant d’une même catégorie hiérarchique A, B ou C.
Pour le Conseil, lorsque les contrats successifs de l’agent mentionnent, s’agissant de l’emploi qu’il occupe, des appellations et références catégorielles différentes, il peut néanmoins bénéficier d’un contrat à durée indéterminée s’il est établi qu’il a en réalité exercé, en dépit des indications figurant sur les contrats, des fonctions identiques pendant la durée de services requise.
Le critère d’appréciation est donc celui de la réalité des fonctions exercées, permettant une application plus juste d’un dispositif qui doit permettre une meilleure protection des agents contractuels, dont la généralisation est en marche.
Pierre Castéra
Avocat
Docteur en droit
pierre.castera-avocat@outlook.fr