Le juge des référés du Conseil d’État était saisi, en appel, de quatre demandes de rapatriement de ressortissantes françaises et de leurs enfants retenus en Syrie, dans des conditions telles qu’elles justifiaient de saisir le juge de l’urgence.
Pourtant, le juge des référés rejette ces demandes en relevant qu’elles nécessiteraient l’engagement de négociations avec des autorités étrangères ou une intervention sur un territoire étranger, qui ne peuvent être demandées à un juge.
Ces demandent émanaient de ressortissantes françaises ou de membres de leurs familles.
Elles ont d’abord été présentées au juge des référés du tribunal administratif de Paris tendant au rapatriement de ces femmes et de leurs enfants détenus dans les camps de Roj et d’Al-Hol, en Syrie.
Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes et les demandeurs ont porté l’appel devant le juge des référés du Conseil d’État.
En défense, pour le ministère des affaires étrangères, la France n’a pas autorité sur ces territoires qui se trouvent être administrés par les autorités Kurdes. L’obligation de protection n’est donc pas opposable au gouvernement hors des frontières de la France. Le rapatriement relève du pouvoir politique et de la négociation (confidentielle) avec les autorités kurdes.
La décision de rapatrier ces personnes est donc indétachable de la conduite des relations internationales.
Le juge des référés du Conseil d’État relève que ces demandes ont pour objet soit que l’État intervienne auprès d’autorités étrangères sur un territoire étranger afin d’organiser le rapatriement en France de ressortissants, soit qu’il s’efforce de prendre lui-même des mesures pour assurer leur retour à partir d’un territoire hors sa souveraineté.
Il précise que les mesures ainsi demandées en vue d’un rapatriement, qui ne peut être rendu possible par la seule délivrance d’un titre leur permettant de franchir les frontières françaises, ainsi que cela a été demandé à l’audience, nécessiteraient l’engagement de négociations avec des autorités étrangères ou une intervention sur un territoire étranger.
Le juge des référés du Conseil d’État en déduit que les mesures en cause ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France et qu’ainsi « une juridiction n’est pas compétente pour en connaître ».
Sur le terrain juridique la décision paraît logique, et l’on pouvait s’attendre à un tel dénouement.
Cependant, cette décision et l’urgence de la situation humanitaire révèlent les limitent du système juridictionnel français, qui par tradition se refuse à toute ingérence, même minime, dans ce qui relève du pouvoir discrétionnaire de l’Etat dans la gestion des affaires internationales.
On pourrait d’ailleurs aller plus loin dans la réflexion.
Dans la mesure où le Président de la république dispose d’un droit d’évocation de ce qui relève des nécessités de la sauvegarde de l’indépendance nationale, son rôle politique de détermination et de conduite des relations extérieures est, dans sa dimension nationale, sans réel partage. Le Parlement n’y est que très difficilement associé et le peuple trop peu sollicité. Cette situation marque un déficit de légitimité démocratique de son action internationale, l’opacité des relations extérieures révélant les limites du gouvernement délibératif.
C’est la raison pour laquelle les demandes s’orientent vers le juge administratif.
Cependant, ce juge ne peut s’élever en arbitre ou en variable d’ajustement du caractère discrétionnaire de la politique internationale menée par la France, quand bien même l’inaction de l’Etat porterait atteinte aux droits fondamentaux de ses ressortissants.
Pierre Castéra
Avocat
Docteur en droit
pierre.castera-avocat@outlook.fr