CE 5 juin 2019, n° 412732
Un agent titulaire au centre hospitalier de Sedan, a été victime en 2007 d'un accident l'ayant blessé au genou gauche, reconnu imputable au service. A la suite d'un nouvel accident survenu en 2010, et suivant l'avis de la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier de Sedan a écarté l'imputabilité au service du second accident.
L’agent a donc été placé en disponibilité d'office à compter de la date de l'accident conformément à l'avis du comité médical.
Finalement en 2013, le centre hospitalier de Sedan, suivant l'avis de la commission de réforme, a admis l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er novembre 2012.
L’agent a alors demandé par une requête devant le tribunal administratif l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.
Mais, au cours de l'instance devant le tribunal administratif, l’agent et le centre hospitalier ont conclu un protocole transactionnel, lequel fait notamment état du recours engagé contre la décision de placement en retraite.
Le protocole prévoyait que « les parties se déclarent entièrement remplies de leur droit et s'engagent à se désister, en tant que de besoin et à renoncer expressément à toutes instances et actions passées, présentes ou à venir et qui trouveraient leur fondement dans la formation, l'exécution ou la rupture des relations de travail ayant existé entre elles » et stipule qu' « il est définitivement mis un terme à tous les litiges ayant opposé les parties ».
Le Tribunal administratif a finalement décidé d’annuler la décision de 2013.
Cependant, en appel, le centre hospitalier a produit le protocole transactionnel et a demandé à la cour administrative d'appel d'en déduire qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande.
Pour rejeter l'appel du centre hospitalier, la Cour administrative d'appel de Nancy a retenu que :
« Les agents publics ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices d'ordre public instituées en leur faveur, telles les dispositions régissant l'admission à la retraite pour invalidité, de sorte qu'aucune transaction ne saurait faire obstacle au jugement d'un recours pour excès de pouvoir présenté par un fonctionnaire contre la décision prononçant son admission à la retraite ».
Cette décision, qui paraissait juridiquement logique, tant le droit d’exercer un recours pour excès de pouvoir, recours objectif par nature ne peut faire l’objet d’un renoncement, même par engagement contractuel.
Un tel contrat ne peut ainsi qu’avoir une cause illicite.
Pourtant, le Conseil d’Etat censure l’arrêt de la Cour administrative d’appel au motif de principe suivant :
« Aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents de la fonction publique hospitalière, ni aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que l'administration conclue avec un fonctionnaire régi par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ayant fait l'objet d'une décision l'admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, une transaction par laquelle, dans le respect des conditions précédemment mentionnées, les parties conviennent de mettre fin à l'ensemble des litiges nés de l'édiction de cette décision ou de prévenir ceux qu'elle pourrait faire naître, incluant la demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et celle qui tend à la réparation des préjudices résultant de son éventuelle illégalité ».
Ainsi, il est désormais possible de transiger et ce afin de prévenir et/ou de mettre fin à des litiges nés ou à naître du fait de la carrière et de la sortie de service d’un fonctionnaire à l'action engagée par ce dernier devant le tribunal administratif.
S’il n’est pas à exclure que cette décision soit un cas d’espèce, notamment car elle se borne à la fonction publique hospitalière, elle ouvre des perspectives incroyables aux procédures non-contentieuses de règlement amiable des litiges en droit de la fonction publique.
Cette contractualisation progressive du contentieux administratif, sur le modèle de ce qui existe légalement en droit de l’urbanisme, peut permettre le règlement accéléré de nombreux litige, mais il n’est pas certain qu’elle profite toujours au fonctionnaire.
Pierre Castéra
Avocat
Docteur en droit
pierre.castera-avocat@outlook.fr
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