Ce pouvoir de porter atteinte au droit de la propriété privée résulte notamment du droit de préemption (on parlera généralement des droits de préemptions car il en existe plusieurs catégories) qui a été institué pour permettre aux collectivités publiques d'acquérir du foncier pour des opérations d'intérêt général, sous le contrôle du juge.
Dans certaines zones identifiées dans les documents d’urbanismes applicables, la mise en vente des biens immobiliers par des particuliers peut être soumise à ce droit de la personne publique d'acquérir en priorité les biens mis en vente sur certaines zones de leurs territoires.
Je n’évoquerais pas les conditions de création des zones de préemption mais je définirai ici les modalités de contestation ou l’étendue des droits dont dispose les propriétaires confrontés à cette problématique en cas de vente de leur bien à travers trois notes dont la première vise à présenter de manière très synthétique le droit de préemption.
Il n’est pas inutile de citer quelques statistiques.
Sur environ 950 000 ventes de biens immobiliers chaque année en France, on estime à 2 % le nombre de décisions de préemptions réalisées.
L'institution d'un tel droit prend la forme d'une délibération du conseil municipal ou de l’Etablissement Public de Coopération Intercommunal (EPCI) qui devra faire l'objet d'un affichage en mairie pendant un mois et d'une mention dans deux journaux du département.
Le droit de préemption urbain a pour objet la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs généraux de l'aménagement définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, à l'exception des objectifs visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels (Article L. 210-1 du Code de l’urbanisme).
Ainsi, le droit de préemption urbain pourra être sollicité pour mettre en œuvre un projet urbain, une politique de l'habitat, pour organiser le maintien, l'extension ou l'accueil d'activités économiques, pour réaliser des équipements collectifs, favoriser le développement du tourisme, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain ou encore réaliser des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur.
Bien évidemment, le droit de préemption est bien souvent mis en œuvre afin de constitution par les collectivités de réserves foncières.
On le répète, l’exercice même de ce droit portant directement atteinte au droit de propriété doit répondre à des exigences d’intérêt général.
I- Comment se déroule la préemption :
Au moment de la vente :
Le vendeur, généralement averti par son Notaire, vérifie que le bien se situe dans une zone de préemption.
Il doit, car c’est une obligation à peine de nullité de la vente, avertir la Mairie du lieu de localisation de la vente de son intention de céder son bien soumis au droit de préemption par une déclaration d'intention d'aliéner.
II- La Déclaration d’intention d’aliéner :
La Déclaration d'intention d'aliéner (DIA) doit être faite au maire de la commune où se trouve situé le bien (C. urb., art. R. 213-5) qui la transmet au directeur des services fiscaux, et éventuellement aux autres titulaires du droit de préemption (C. urb., art. R. 213-6).
C’est en fait ni plus ni moins qu’une offre de vente faite par le notaire à la mairie dans le ressort de laquelle s’exerce le droit de préemption ou à l’établissement titulaire de ce droit.
III- La décision de la collectivité publique
Une décision de préemption doit être expresse, le silence du titulaire impliquant sa renonciation à exercer le droit de préemption (C. urb., art. R. 213-7).
Ce délai est de deux mois. L'article L. 213-2, alinéa 3 du Code de l'urbanisme précise en effet que le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la DIA vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption (CE, 13 mai 1996, Cne Franconville-la-Garenne, n° 1996-050509).
Le titulaire du droit de préemption dispose alors d'un délai de deux mois pour prendre sa décision.
- Il peut tout d'abord renoncer à exercer ce droit, expressément ou tacitement en gardant silence pendant un délai de deux mois.
- Il peut décider d'acquérir le bien au prix et conditions fixés dans la déclaration d'aliéner, et la vente est alors définitivement conclue.
- Enfin, il peut décider d'acquérir ce bien mais au prix qu'il propose et, à défaut d'accord du vendeur, manifester son intention de saisir le juge de l'expropriation à qui il reviendra de fixer le prix. Dans cette dernière hypothèse, le vendeur dispose d'un délai de deux mois pour notifier sa réponse au titulaire du droit de préemption qui pourra accepter le prix, renoncer à l'aliénation, ou maintenir le prix fixé dans la décision d'intention d'aliéner. En ce cas, la personne publique disposera d’un délai de 15 jours pour saisir le « juge de l'expropriation » (le juge judiciaire) et demander une fixation judiciaire du prix.
Une prochaine note définira les modalités de contestation ou l’étendue des droits dont disposent les propriétaires confrontés à une décision de préemption.
Pierre Castéra
Avocat
Docteur en droit
pierre.castera-avocat@outlook.fr
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