«… Le constat établi sur le fonctionnement du marché financier en Afrique Centrale montre que celui-ci n’est pas intégré car coexistent sur cet espace économique communautaire, un marché national, celui du Cameroun aux côtés d’un marché régional commun aux six Etats de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale »[1].
Dans un contexte particulier dans lequel l’on observe des formes multiples de « nationalismes exacerbés », voire même de « chauvinisme économique », incompatibles non seulement à toute ambition d’intégration en général, et d’union économique ou financière en particulier, mais aussi à toute chance d’attraction des Investissements Directs Etrangers[2], notre analyse portera stricto sensu sur le caractère hétérogène du système boursier[3] en zone CEMAC, à travers les différentes bourses que sont la Douala Stock Exchange (ci-après DSX)[4] et la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (ci-après BVMAC)[5], par le biais de leurs textes respectifs.
Il s’agit donc d’un clash juridique communautaire portant sur un même domaine. D’une part nous avons le Règlement n°06/03-CEMAC-UMAC, portant organisation, fonctionnement et surveillance du marché financier de l’Afrique Centrale créant la BVMAC, d’autre part, nous avons la loi camerounaise n° 99/015 du 22 déc. 1999, portant création et organisation d’un marché financier, tous les deux, ayant pour prétention commune : la règlementation d’un marché financier en zone CEMAC[6]. Tout investisseur ou encore toute entreprise, au regard de tout ce qui précède, pourrait donc se poser la question suivante : A quel saint se vouer ?
Certes, nous concédons volontiers l’argument de la précision spatiale du Règlement UMAC et de l’imprécision de la loi camerounaise. En effet, il est vrai que le Règlement UMAC susvisé vise expressément le « Marché Régional », tandis que la loi camerounaise, quant à elle, reste muette sur la compétence spatiale de l’institution boursière dont elle est la génitrice. Cependant, l’article 7, alinéa 1[7] de cette dernière institue avec clarté, la condition d’établissement du siège social en terre camerounaise, comme l’une des conditions légales d’obtention de l’agrément par tout prestataire de service d’investissement, prévu par l’article 6 de la même loi. A la lecture de cet article 7 de la loi camerounaise donc, nous pouvons en déduire la compétence spatiale de la DSX, qui ne se limiterait donc qu’au Cameroun. L’on pourrait donc à tort, être tenter de penser que la compétence spatiale de la DSX étant moins étendue, ses activités ne sauraient constituer une entrave à celles de la BVMAC, à compétence spatiale plus large. Il s’agirait donc d’un raisonnement erroné car, la seule présence d’une institution boursière en terre camerounaise, exerçant les mêmes attributions que celles déjà prévues par les textes communautaires par une autre institution, reste en soi, un élément perturbateur dans l’engrenage communautaire, mettant ainsi en péril l’idée d’intégration, qui pourrait se résumer par la fameuse maxime : « tous pour un et un pour tous ».
L’on se retrouve donc face à un véritable dilemme juridique, qui en lui seul, non seulement, symbolise l’une des principales difficultés rencontrées par toute communauté d’intégration, mais aussi amène l’opinion communautaire et le monde scientifique à se poser la question suivante : Que faire ?
Tout en préservant une distance de sécurité d’avec cette vieille casquette démodée et destructrice de donneur de leçon, la première idée que nous mettrons en lumière ici, celle préconisée par le Conseil des Ministres de l’UEAC[8][9] lui-même, et qui parait, à notre humble avis, être la plus évidente et la plus intelligente, est celle du rapprochement des bourses opérant en zone CEMAC, voire leur fusion. Il s’agirait concrètement, de réfléchir sur la possibilité d’unifier les deux textes, à savoir le Règlement UMAC et la loi camerounaise, afin de n’avoir qu’un seul texte communautaire, qui instituerait une seule et unique institution boursière en zone CEMAC. Cet objectif, pour être atteint, devrait en principe être subordonné à l’engagement de négociations diplomatiques sérieuses entre la CEMAC et l’Etat du Cameroun.
A titre de rappel, en effet, L'origine de la bourse de Douala remonte à un projet de la CEMAC de création d'une bourse de valeurs mobilières pour l'Afrique Centrale. La CEMAC ayant choisi Libreville au Gabon comme siège de cette nouvelle bourse, le Cameroun a choisi de créer sa propre bourse[10]. La création d’une bourse camerounaise peut donc être interprétée comme une conséquence du malaise né entre la CEMAC et le Cameroun, comme un caprice camerounais.
D’une manière générale, nous pouvons dire, sans risque de nous tromper, que malgré ce dualisme, le Marché Financier de l’Afrique Centrale est devenu une réalité grâce à la réunion des conditions préalables au démarrage de ses activités[11]. Cependant, cette situation constitue un véritable frein au processus d’intégration en zone CEMAC en général, à la création d’un espace financier véritablement intégré et viable, qui est, entre autres, une condition sine qua non à l’attraction des investissements étrangers en zone CEMAC, à sa croissance
[1] Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique Centrale, « Comment développer le marché financier en Afrique Centrale ? », Feuille de route en vue de dynamiser le Marché Financier en zone CEMAC, 2009, p.5.
[2] IDE en abrégé, traduction de l’acronyme anglais FDI pour Foreign Direct Investment.
[3] Marché primaire et secondaire
[4]Créée par la loi n° 99/015 du 22 déc. 1999, portant création et organisation d’un marché financier. L'origine de la bourse de Douala remonte à un projet de la CEMAC de création d'une bourse de valeurs mobilière pour l'Afrique centrale. La CEMAC ayant choisi Libreville au Gabon comme siège de cette nouvelle bourse, le Cameroun a choisi de créer sa propre bourse. 1er décembre 2001.
[5] Créée par un Règlement de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) : Règlement N°06/03-CEMAC-UMAC, portant organisation, fonctionnement et surveillance du marché financier de l’Afrique Centrale.
[6] En effet, l’article 3 du Règlement UMAC créant la BVMAC, désigne explicitement la BVMAC comme « … animateur de la composante boursière (ci-après dénommée « la Bourse Régionale ») du marché financier régional… ». L’article 1er de la Loi Camerounaise quant à lui, parle de loi portant création et organisation d’un marché financier.
[7] Article 7. Les conditions d’obtention de l’agrément visé à l’article 6 ci-dessus sont les suivantes :
• Avoir un siège social au Cameroun ;
• Disposer d’un capital minimum déterminé par la Commission ;
• Indiquer l’identité de ses actionnaires et de ses dirigeants, personnes physiques ou morales, ainsi que le montant de leur participation ;
• Présenter, pour approbation, les dossiers de ses principaux dirigeants et, au minimum d’un commissaire aux comptes agrée ;
• Revêtir une forme sociétaire adaptée à l’activité de prestataire de services d’investissement ;
• Présenter un programme d’activité pour chacun des services proposés ;
• Souscrire au cahier des charges élaboré par la Commission.
(2) Les établissements de crédit qui sollicitent l’obtention d’un agrément en vue de fournir des services d’investissement sont assujettis aux conditions visées à l’alinéa (1) ci-dessus.
[8] Union Economique de l’Afrique Centrale.
[9] Lors de la 22ème session ordinaire du conseil des Ministres de l’UEAC qui s’est tenue à Brazzaville, République du Congo, dans les locaux du Palais des Congrès, le 19 décembre 2011. Information Tirée de « La 22ème Session ordinaire du Conseil de Ministres de l’UEAC », in V i s i o n C e m a c • n ° 0 2 0 5 1er trimestre, 2 01 2, p.2.
[10] Consulté sur www.wikipedia.com.
[11] L’élaboration d’un Cadre juridique ; l’octroi d’agréments à des organismes de marché et à des intermédiaires en bourse ; la disponibilité et l’opérationnalité des plateformes de cotation et de Règlement livraison réalisation des premières opérations d’Appel public à l’Epargne sous forme de cessions de parts et d’émission d’emprunts obligataires.