GRAFFITI : LA JUSTICE INSOUMISE ?

Publié le Modifié le 07/04/2022 Vu 3 212 fois 0
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Une récente décision du Tribunal Judiciaire de Paris éclaire sur les droits des Graffeurs et Street-Artist.

Une récente décision du Tribunal Judiciaire de Paris éclaire sur les droits des Graffeurs et Street-Artist.

GRAFFITI : LA JUSTICE INSOUMISE ?

 

Un « street artist » français a découvert avec stupéfaction que l’image de l’une de ses fresques (« la Marianne asiatique ») avait été intégrée à des vidéos de campagne du parti politique la « France Insoumise » dans le cadre des élections municipales de 2020.

Son autorisation n’ayant pas été préalablement sollicitée, l’artiste a mis en demeure ce parti politique de supprimer toute reproduction de sa fresque et de l’indemniser pour son préjudice.

Cette mise en demeure n’ayant pas été suivie d’effet, l’artiste a naturellement craint que cette utilisation ne perdure et ne prenne plus d’ampleur lors de la campagne présidentielle à venir et a donc porté cette affaire en justice.

Le jugement rendu par le Tribunal de Paris, le 21 janvier 2021 (RG : 20/08482) apporte deux éclairages notables sur le droit des Graffeurs et Street-artists :

- Prouver que le Street-artist est bien l’auteur de la fresque

Selon le Code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre est celui sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée. Mais, en l’occurrence, la signature de ce Street-artist avait été effacée. Le Tribunal a accepté comme preuve de cette titularité que l’artiste produise des extraits d’un compte instagram l’associant à cette fresque par le recours à un hashtag (« #artby »).

 

- La contrefaçon de street art

Le Tribunal après avoir rappelé que les œuvres de street-art sont « réalisées sans autorisation sur la voie publique » a rejeté la demande de condamnation pour contrefaçon en se fondant sur l’exception de panorama et celle de courte-citation dont il fait une interprétation très extensive et à notre sens, excessive.

Il faut d’abord rappeler que le Code de la propriété intellectuelle ne distingue pas selon le « genre, le mérite ou la destination » de l’œuvre (art. L112-1 CPI). La protection par le droit d’auteur est par nature indépendante de la morale et même de la légalité.

Ainsi une sculpture obtenue à partir de glaise volée, peut être protégée au titre du droit d’auteur, comme pourrait l’être également un film érotique.

Compte tenu de la très large définition du Code de la propriété intellectuelle, une œuvre de rue peut donc également bénéficier de cette protection, sous réserve de démontrer son originalité, rapportée en l’espèce.

Pour dire que l’intégration de cette fresque à cette campagne politique n’était pas fautive, le Tribunal s’est fondé sur les dispositions de l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle qui autorise d’une part les « courtes-citations » (L122-5 CPI al3) et d’autre part, « Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l'exclusion de tout usage à caractère commercial ».

Pour le Tribunal de Paris, l’homme politique, représentant personne physique de la France insoumise, qui avait été assigné, pouvait se prévaloir de l’exception de panorama, puisque cette reproduction ne pouvait « sérieusement » être considérée comme « commerciale ».

L’association étant une personne morale ne pouvait se prévaloir de cette exception. Le Tribunal l’a cependant exempté en considérant que cet usage relevait du droit de citation et ce bien que la France Insoumise ait par erreur attribué cette fresque à un autre artiste.

Or, en l’occurrence :

-      Le mur sur lequel la fresque est apposée est un mur décrépi qui ne peut en aucun cas être qualifié d’œuvre architecturale, ni évidemment de sculpture ; le Tribunal est donc allé au-delà du texte en y ajoutant les œuvres dites de street-art ;

-  Il a par ailleurs été jugé que l’exception de courte-citation n’était pas compatible avec la reproduction d’une œuvre en intégralité (Ccass.04 juillet 1995 – décision rendue à propos d’une fresque dans un théâtre et jugée conforme par le CEDH, 15 janv.1997, 30/26296) ;

- Enfin, le caractère « critique ou d’information » qui légitime la courte-citation de vidéos bien que celles-ci promeuvent un parti politique, apparaît discutable.

Cette analyse nous semble donc juridiquement acrobatique mais cache peut-être la volonté de sanctionner le caractère illicite de cette fresque non autorisée sur la voie publique.

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