L'habilitation familiale : Mode d'Emploi

Publié le 13/12/2016 Vu 10 215 fois 0
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Un nouveau dispositif, prévu par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, permet aux familles qui sont en mesure de pourvoir, seules, aux intérêts de leur proche vulnérable d’assurer cette protection, sans se soumettre au formalisme des mesures de protection judiciaire. Moins lourde psychologiquement qu'une demande de mise sous tutelle, cette mesure est une alternative intéressante offerte aux familles.

Un nouveau dispositif, prévu par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, permet aux familles qui son

L'habilitation familiale : Mode d'Emploi

ENTREE EN VIGUEUR DE L’HABILITATION FAMILIALE 

La procédure judiciaire par habilitation familiale a été créée par l’Ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015.

Ce nouveau dispositif d’ « habilitation familiale » est entré en vigueur après la publication du décret n° 2016-185 du 23 février 2016 pris pour l’application de l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille.

L’habilitation familiale a été codifiée aux articles 494-1 à 494-12 du Code Civil.

DEFINITION DE L’HABILITATION FAMILIALE

Par définition, l’habilitation est familiale ce qui suppose comme pré-requis indispensable une bonne entente entre la personne à protéger et la ou les personnes qui seront habilitées par le juge des tutelles.

L’habilitation familiale permet aux proches d'une personne majeure hors d'état de manifester sa volonté, de la représenter pour un certain nombre d’actes délimités ou d’une façon plus générale.

Une personne dans le coma, lourdement handicapée ou gravement malade peut ainsi être représentée, après autorisation du juge des tutelles.

LES PERSONNES POUVANT ETRE HABILITEES

Le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes (article 494-1 du code civil)  choisies parmi les ascendants, les descendants, les frères et sœurs, le concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité de la personne à protéger.

Plusieurs personnes peuvent être habilitées, le juge déterminant pour chacune d’elle les conditions d’exercice de sa mission.

La personne habilitée doit remplir les conditions pour exercer les charges tutélaires prévues à l’article 445 du code civil). 

En outre, le juge doit s’assurer de l’adhésion ou de l’absence d’opposition, à la mesure d’habilitation et au choix de la personne habilitée, des proches connus de la personne à protéger (article 494-4 alinéa 2 du code civil).

La mission relève de la solidarité familiale et ne donne donc droit à aucune rémunération du mandataire habilité.

LES ACTES CONCERNES PAR L’HABILITATION FAMILIALE

La personne habilitée pourra réaliser certains actes sans avoir à observer le formalisme d'une mesure de tutelle, qu'il s'agisse d'actes relatifs à son patrimoine ou à sa personne (comme les actes médicaux).

L’habilitation peut porter sur des actes spécifiques : 

1) Sur des actes relatifs aux biens de la personne à protéger:

L’autorisation du juge des tutelles est nécessaire pour accomplir un acte de disposition à titre gratuit (donation par exemple) ;

La personne habilitée peut, sauf décision contraire du juge, procéder sans autorisation à l’ouverture ou la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée  (article 494-7 du code civil), ce qui est donc moins lourd que la tutelle ou la curatelle;

La personne protégée ne peut en revanche disposer des droits relatifs à son logement ou à son mobilier sans une autorisation du juge des tutelles ;

Le juge peut prévoir que certains actes particuliers nécessitent son autorisation ;

L’habilitation ne peut pas porter sur les actes interdits au tuteur énumérés à l’article 509 du code civil (renonciation gratuite à un droit acquis, exercice d’un commerce ou d’une profession libérale au nom de la personne protégée, acquisition des biens de la personne protégée etc)

​2) ou des actes relatifs à la personne de l’intéressé :

Dans ce cas, l’habilitation s’exerce dans le respect des dispositions des articles 457-1 à 459-2 du code civil qui prévoient notamment que l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée comme par exemple la déclaration de naissance d’un enfant, la reconnaissance d’un enfant ou les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant.

L’habilitation peut être générale autorisant alors le mandataire à accomplir l’ensemble des actes d’administration et de disposition, sauf ceux expressément interdits ou nécessitant l’autorisation du juge.

LA PROCEDURE DEVANT LE JUGE DES TUTELLES

Les conditions de recevabilité de la requête

Comme pour toute mesure de protection judiciaire, la demande d’habilitation familiale doit être présentée au juge des tutelles du lieu de résidence habituelle de la personne à protéger.

La requête n'est recevable que si elle est accompagnée d'un certificat spécialement motivé et rédigé par un médecin expert inscrit sur la liste établie par le procureur de la République.

Le juge doit également vérifier qu’aucune autre mesure plus légère n’est possible comme la représentation  issue du régime de la communauté entre époux. 

La requête doit enfin contenir les renseignements suivants (article 1260-3 du code de procédure civile et article 494-3 du code civil) :

- les coordonnées de la personne à protéger (nom, prénom, adresse)

- l’énoncé des faits qui appellent cette protection au regard de l’article 494-2 du code civil sa situation personnelle et matrimoniale

- l’identité des personnes de ses proches mentionnés à l’article 494-1 du code civil (ascendants, descendants, partenaire de PACS, concubin) le nom de son médecin traitant,

- les éléments relatifs à sa situation financière et patrimoniale

- les coordonnées de la personne demandant à être habilitée (nom, prénom, adresse).

L’instruction de la demande

Comme pour toute demande de placement sous mesure de protection judiciaire, le juge procède à l’audition de la personne à protéger, sauf si cette audition est de nature à porter préjudice à sa santé ou s’il est hors d’état de manifester sa volonté, ce qui sera obligatoirement consigné dans le certificat médical joint à la requête.

La personne à protéger peut être accompagnée de son avocat ou avec l’accord du juge, par toute autre personne de son choix.

Le juge procède obligatoirement à l’audition de la personne demandant à être habilitée (ou de la personne habilitée, en cas de renouvellement).

Il peut également, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’instruction, notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix (articles  1221 et 1260-8 du code de procédure civile).

Le jugement

Comme en matière de tutelle ou curatelle, le jugement doit être prononcé dans l’année de la saisine, à peine de caducité de la requête (articles 1260-10 et 1227 du code de procédure civile).

Le jugement désigne la personne habilitée, l’étendue de l’habilitation et sa durée qui ne peut excéder 10 ans.

La mesure peut être renouvelée pour 10 ans maximum ou pour 20 ans maximum si l’altération de la personne protégée apparaît comme insusceptible d’évoluer favorablement selon les données acquises de la science.

Si le juge estime que les éléments du dossier ne permettent pas l’ouverture d’une mesure d’habilitation familiale, les textes ne prévoient pas qu’il puisse prononcer une autre mesure, comme une tutelle.

Inversement, si après saisine aux fins d’ouverture d’une mesure de tutelle ou de curatelle, il apparaît qu’une habilitation familiale serait plus appropriée, le premier dossier devra être clôturé et une requête aux fins d’habilitation devra être déposée.

Aucune passerelle n’existe malheureusement entre les différentes mesures de protection, ce qui est regrettable.

Le jugement est notifié par le greffe :

- à la personne à protéger ;

- à la personne demandant à être habilitée ;

- aux personnes visées à l’article 494-1 du code civil (ascendant, descendant, frère ou sœur, partenaire PACS ou concubin) dont il a dû être vérifié l’adhésion ou l’absence d’opposition légitime à la mesure et qui entretiennent des liens étroits et stables avec la personne ou qui manifestent de l’intérêt à son égard et dont il connaît l’existence au moment du jugement

Un avis est donné au procureur de la République.

Le jugement est opposable aux tiers dans les 2 mois de son inscription en marge de l’acte de naissance de la personne protégée.

L’appel du jugement

Le délai pour faire appel de la décision d’habilitation est le même que pour les autres mesures de protection soit 15 jours à compter de la date de la décision (si l’appelant n’a pas été notifié) ou de la date de notification (si l’appelant  a reçu notification de la décision)

L’appel doit être formé par lettre recommandée avec avis de réception auprès du greffe du Tribunal d’Instance ayant prononcé le jugement, et non auprès de la Cour d’Appel directement.

L’appel sera enregistré par le greffe du Tribunal d’Instance qui ensuite transmettra le dossier à la Cour d’Appel territorialement compétente.

LA FIN DE L’HABILITATION FAMILIALE

L’habilitation prend fin par (article 494-11 du code civil) :

- le décès de la personne à l’égard de qui l’habilitation familiale a été délivrée ;

- le placement de l’intéressé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle 

- en l’absence de renouvellement à l’expiration du délai fixé pour les habilitations générale

- après l’accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation avait été délivrée, pour les habilitations spéciales ;

par jugement de mainlevée (passé en force de chose jugée) prononcé par le juge à la demande de l’une des personnes mentionnées à l’article 494-1 ou du procureur de la République, si les conditions de l’habilitation ne sont plus réunies ou si l’exécution de l’habilitation familiale est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée.

Le juge peut  ainsi, à tout moment, modifier l’étendue de l’habilitation ou y mettre fin, après avoir entendu ou appelé la personne protégée (sauf impossibilité d’auditionner) ainsi que la personne habilitée).

CONCLUSION

L’habilitation familiale apparaît comme un choix intermédiaire entre le mandat de protection future et une mesure de protection judiciaire de type curatelle ou tutelle.

Sur le plan juridique, il est parfois trop tard de faire signer un mandat de protection future à une personne dont l’altération mentale est déjà avancée, sous peine de voir le mandat remis en cause.

De plus, beaucoup de familles comprennent mal le fonctionnement du mandat et sont peu enclines à le mettre en place, ce qui a fait perdre à cette mesure toute efficacité.

L’habilitation familiale est donc un outil supplémentaire à la disposition des familles, sous réserves qu’elles s’entendent, sous contrôle de juge.

Les cas les plus fréquents de demande d’habilitation concernent en général l’accomplissement d’actes spécifiques comme la vente d’une maison à la suite d’un départ en maison de retraite ou le rachat d’épargne ou assurance vie pour financer une maison de retraite.

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A propos de l'auteur
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Me Thierry Rouziès, Avocat au Barreau de Paris depuis 1999, est expert en Droit de la Protection des Majeurs. Il conseille et assiste tant des particuliers que des Professionnels (MJPM).

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