Dix ans se sont écoulés depuis la réforme de la protection juridique des majeurs introduite par la loi du 5 mars 2007. Quels étaient les principaux objectifs ? Quel est le profil des personnes sous protection ? Quel bilan en font les principaux acteurs ?... Explications.
L’actuel régime de protection juridique des majeurs, réformé par la loi n°2007-308 du 5 mars 2007, est entré en vigueur le 1er janvier 2009.
La réforme avait deux objectifs principaux : placer la personne ayant une altération de ses facultés personnelles médicalement constatée au cœur du dispositif ; mettre en place une révision périodique pour s'assurer que la mesure est toujours nécessaire et proportionnée, avec des modalités d'exercice toujours adaptées (cf. art. 425 et art. 428 alinéa 2 du Code civil).
La loi distingue désormais cinq principales mesures, de la moins contraignante à la plus lourde : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle chacune d’elle pouvant faire l’objet d’aménagements et de graduation ainsi que l’habilitation familiale et le mandat de protection future. Ce dernier offre, quant à lui, une alternative plus souple (cf. rubrique Le saviez-vous ci-contre).
Une des avancées fondamentales de la loi concerne la priorité aux liens familiaux, d’affection ou de confiance. L'article 449 du Code civil prévoit que doit être désigné, en priorité : le conjoint, le partenaire de Pacs ou le concubin, un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur ou entretenant avec le majeur protégé des liens étroits et stables.
À défaut, l'article 450 du Code civil prévoit que : « Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la mesure de protection, le juge désigne un Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs ».
Des chiffres imprécis
Au 31 décembre 2013, le ministère de la Justice comptabilisait quelque 660 000 majeurs sous protection judiciaire dont 54 % sous tutelle et 46 % sous curatelle ainsi que 150 000 mineurs.
L’âge moyen d’une personne protégée varie selon le type de mesure de protection et le sexe : les personnes sous tutelle ont en moyenne 64 ans, et près de 10 ans de plus que celles sous curatelle.
De même, les femmes sous protection sont en moyenne âgées de 12 ans de plus que les hommes.
Si les femmes sont légèrement majoritaires, elles sont particulièrement surreprésentées au sein des personnes sous tutelle de plus de 80 ans.
Selon le bilan d’activité de la Direction générale de la cohésion sociale – DGCS – sur la protection juridique des majeurs au 31 décembre 2012, un peu plus de 400 000 mesures de protection juridique étaient confiées à un Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs (MJPM) exerçant au sein d’une association (81 %) ou en tant que profession libérale (14 %) ou au sein d’un établissement public hospitalier (5 %). Moins de la moitié des mesures est en fait assumée par un membre de la famille…
Des axes d’amélioration à l’étude
En l'absence de statistiques ou d’indicateurs vraiment fiables permettant d'assurer le suivi et la bonne application de la réforme, l'inter-fédération représentant ce secteur (CNAPE, FNAT, UNAF et UNAPEI) a réalisé en 2012 un Livre blanc qui synthétise des propositions concrètes et réalistes.
« L'objectif de ces préconisations est de garantir l'égalité d'accès aux droits, les libertés individuelles, la protection des personnes concernées et leur entourage, explique Hadeel Chamson, délégué à la FNAT.
Les préconisations portent principalement sur la mise en place d’outils, sur l’organisation de la justice des majeurs et les délais de prise de décision par le juge des tutelles en cas d’urgence, ainsi que sur les modalités de contrôle de comptes de gestion des personnes protégées. »
Ces préconisations rejoignent celles, plus récentes, de la Cour des comptes qui suggèrent une réelle politique publique de la protection des majeurs, la concrétisation des objectifs de déjudiciarisation et de priorité familiale, et le renforcement de la professionnalisation et du contrôle des acteurs.
Elle souhaite mettre en place un véritable observatoire de la protection juridique des majeurs, permettant de mieux connaître ses caractéristiques et les motifs de son placement.
Elle préconise de corréler l’allocation des fonds publics versés aux mandataires judiciaires à des indicateurs de résultat et de performance, et de normaliser les modalités d’établissement, de transmission et de contrôle des documents prévu par le Code civil pour la protection de la personne et de ses biens.
Elle recommande enfin, d’amplifier les dispositifs de soutien aux tuteurs familiaux, tout en confiant à des professionnels l’établissement et le contrôle des inventaires des comptes de majeurs notamment ceux dont la situation financière est complexe ou présente des risques.
Si les grandes lignes de la loi de 2007 – replaçant la personne protégée au cœur du dispositif, préservant ou restaurant leur citoyenneté et luttant contre leur isolement – font l’objet d’un large consensus, le bilan au bout de 10 ans reste mitigé et les améliorations nécessaires.
Les principales fédérations et acteurs (FNAT, ANJI, ANDP, FNMJI, UNAPEI, ANMJPM, UNAF et CNAPE) se mobiliseront les 7 et 8 novembre 2017 à Paris avec pour objectif de dresser un bilan approfondi, d’envisager des perspectives d’évolution et d’ouvrir le débat sur les enjeux du secteur. À suivre !
Source et remerciements à JE TUTELLE - édition du mois de mai 2017