Dans la présente espèce, M. X... avait saisi le juge des tutelles directement d'une demande tendant à voir autoriser le tuteur de la majeure protégée à faire rétablir le nom du bénéficiaire initial des contrats d’assurance vie souscrits par cette dernière.
Il a été débouté en première instance et en appel. La Cour de Cassation a validé la position des premiers juges en rappelant que :
- le tuteur représente seul la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine (C. civ. art. 496);
- il ne peut effectuer un acte de disposition qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il en a été constitué un (C. civ. art. 505).
Ainsi, s'agissant d'une demande tendant à la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par un majeur protégé dans le cas d'espèce (C. ass. art. L 132-4-1 ; Décret 2008-1484 du 22-12-2008 annexe 1), seul le tuteur peut saisir le juge des tutelles de cette demande.
Il avait déjà été jugé que seules les personnes désignées par la loi ont qualité pour assurer la gestion des biens appartenant à une personne protégée ; ainsi, un tiers intéressé par l'acquisition d'un bien appartenant à un majeur protégé est sans qualité pour demander au juge des tutelles d'autoriser la vente à son profit, seul le tuteur pouvant prendre l'initiative de cette demande (Cass. 1e civ. 7-11-1995 n° 93-21.299 : Bull. civ. I n° 393).
Arrêt in extenso ci-dessous :
Arrêt n° 314 du 19 mars 2014 (13-12.016) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2014:C100314
Demandeur(s) : M. Daniel X...
Défendeur(s) : Mme Antoinette Z..., veuve Y... ; M. Gérard A..., pris en qualité de tuteur de Mme Y...
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix en Provence, 10 décembre 2012), que Mme Y..., née le 9 août 1929, a été placée sous sauvegarde de justice le 23 septembre 2008, sous curatelle le 21 janvier 2009, et sous tutelle le 10 mars 2010 ; qu’en septembre 2008, elle a désigné en qualité de bénéficiaires de deux contrats d’assurance vie les enfants Mathieu et Marie B..., également institués légataires universels par testament du 2 septembre 2008 ; que le 27 octobre 2008, par un nouveau testament, elle a institué M. X..., son compagnon, légataire universel, révoquant les dispositions antérieures ; que par requête du 14 juin 2011, ce dernier a demandé au juge des tutelles d’autoriser le tuteur à intervenir auprès des établissements financiers concernés afin de faire modifier la clause bénéficiaire des deux contrats d’assurance vie à son profit ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de rejeter sa requête alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d’appel, qui constatait que M. X... était le bénéficiaire des contrats d’assurance vie depuis 1998, d’une part, et qu’il était établi qu’à l’époque de la rédaction des deux testaments de Mme Y... en septembre et octobre 2008, cette dernière ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l’impossibilité d’exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, d’autre part, aurait dû en tirer la conclusion qui s’en évinçait légalement au sujet de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie intervenue en septembre 2008 ; qu’en déboutant M. X... de sa demande tendant à voir autoriser le tuteur de la majeure protégée à faire rétablir le nom du bénéficiaire initial des contrats d’assurance vie souscrits par cette dernière au motif qu’il est conforme à l’intérêt de celle ci de maintenir la situation en l’état bien qu’elle venait de constater que la modification des clauses bénéficiaires desdits contrats était intervenue à une période à laquelle Mme Y... ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l’impossibilité d’exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 132 9 du code des assurances et a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge, tenu de faire observer et d’observer lui même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir préalablement invité les parties à en débattre contradictoirement ; qu’en la présente espèce, il ne ressort d’aucun des termes de l’arrêt attaqué que le tuteur de Mme Y... ou le ministère public auraient conclu à la confirmation de l’ordonnance entreprise, qui n’était pas fondée sur les mêmes moyens, en faisant valoir qu’il est établi qu’à l’époque de la rédaction des deux testaments de septembre et octobre 2008 (et donc de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie), la majeure protégée ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l’impossibilité d’exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, si bien que ces deux testaments sont susceptibles d’être soumis à une contestation future et ne permettent pas de faire droit à la requête présentée par M. X..., qui n’apparaît pas plus légitime que les enfants B... à prétendre au bénéfice des dispositions testamentaires de Mme Y... ; qu’en fondant principalement sa décision sur ce moyen qu’elle a relevé d’office sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’il résulte des articles 496, 502 et 505 du code civil que le tuteur a seul qualité pour représenter la personne protégée dans la gestion de son patrimoine et, à cette fin, pour solliciter les autorisations du juge des tutelles pour les actes qu’il ne peut accomplir seul ; qu’il en résulte que M. X... n’avait pas qualité pour saisir le juge des tutelles d’une demande tendant à la modification, à son profit, de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie litigieux ; que par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi