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Bail commercial | La révision triennale du loyer

Publié le 26/04/2021 Vu 4 731 fois 0
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Mécanisme légal, la révision triennale du loyer n’est pas automatique mais doit être demandée par le locataire ou le bailleur. Sa mise en œuvre dépend du respect de nombreux critères.

Mécanisme légal, la révision triennale du loyer n’est pas automatique mais doit être demandée par le lo

Bail commercial | La révision triennale du loyer

En matière de baux commerciaux, le principe d’une révision du loyer est posé à l’article L.145-37 du Code de commerce lequel dispose que :

 

« Les loyers des baux d’immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre, renouvelés ou non, peuvent être révisés à la demande de l’une ou de l’autre des parties sous les réserves prévues aux articles L. 145-38 et L. 145-39 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

 

Cette révision a donc un caractère légal, mais aussi d’ordre public (article L.145-15 du Code de commerce).

En revanche, elle n’a rien d’automatique puisqu’elle reste conditionnée à une demande de l’une ou l’autre des parties au bail.

 

I. La nécessaire demande en révision triennale du loyer

 

Comme indiqué ci-avant, la révision du loyer ne doit être envisagée que si une partie le demande, sous réserves de certaines dispositions, et notamment celles de l’article L.145-38 du Code du commerce qui pose le régime de la révision triennale.

 

Temps de la demande. Aux termes de cet article, « la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé.(…) De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau loyer est applicable ».

 

Cette période de trois ans est un minimum. En conséquence, rien n’empêche une partie au contrat d’adresser une demande postérieurement à ce délai, sans néanmoins que celle-ci ne produise un effet rétroactif (Cass. 3e Civ., 13 février 2002, n°00-17.667). Dans l’hypothèse où le loyer serait assorti d’une clause d’indexation (également dite « d’échelle mobile »), le délai de trois ans court à compter de la dernière fixation du loyer, laquelle ne s’entend pas de la dernière application de la clause d’indexation, mais de la détermination du loyer par les partie (CA Paris, 6 février 2008, n°06/15555). Dans la même logique, si le bail prévoit un loyer dont le montant est progressif par application de paliers, l’existence desdits paliers n’est pas incompatible avec la révision triennale et le point de départ du délai de trois ans correspond à la date d’effet du bail et non à la date où le dernier palier vient à s’appliquer (Cass. 3e Civ., 14 mai 1980 n°79-10511).

 

Forme et contenu de la demande. S’agissant de sa forme, la demande de révision des loyers prévue à l’article L.145-37 du Code de commerce est exclusivement formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article R.145-20 du Code de commerce et Cass. 3eCiv., 1erjuillet 2015, n°14-13.056 ; Cass. 3eCiv., 15 novembre 2006, n°05-18.259). « Elle précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert » (article R.145-20 du Code de commerce – Cass., 3eCiv., 17 juillet 1986, n°85-11627).

 

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Une fois adressée, la demande de révision peut aboutir à une révision amiable du montant du loyer. Cette révision amiable vaudra renonciation au mécanisme légal de révision. Une telle renonciation suppose que le droit à révision soit acquis et, de manière classique, elle est subordonnée à l’existence d’un accord lequel peut être tacite (Cass. 3e Civ., 6 novembre 1991 n°90-15.605 : paiement par chèque du loyer sur la base du prix demandé, le propriétaire ayant encaissé ledit chèque sans réserve).

 

A défaut d’accord amiable intervenu entre les parties relativement au nouveau montant du loyer, la révision de celui-ci supposera une demande judiciaire en fixation du loyer révisé (II).

 

II. La fixation judiciaire du loyer révisé

 

L’action en révision du loyer doit intervenir avant l’expiration d’un délai de prescription de deux ans (C. com., art. L. 145-60 ) lequel cours à compter de la demande de révision amiable correspondant soit à la date d’expédition de la lettre de demande avec recommandée et avis de réception soit à la date de la signification de l’exploit d’huissier formant la demande.

 

Si l’action est prescrite, rien n’interdit cependant aux parties de formuler une nouvelle demande amiable de révision du loyer puis de saisir la justice dans les délais impartis, en cas de nouveau désaccord.

 

En cas de saisine, le juge fixera le montant du loyer révisé selon les modalités exposées en détail ci-après. En résumé, la révision triennale du loyer est plafonnée par la variation d’un indice (II.1) et ce n’est qu’en présence de la réunion de certaines conditions – assez rare en pratique – que le nouveau loyer sera fixé au niveau de la valeur locative (II. 2).

 

II.1. Le plafonnement de la révision à la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires intervenue depuis la dernière fixation du loyer de référence

 

Par principe, le montant du loyer révisé est désormais plafonné puisqu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article L.145-38 du Code de commerce « la révision du loyer doit être déterminée en considération de la seule variation de « l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires » », intervenue depuis la dernière fixation du loyer de référence.

 

Dit autrement, l’augmentation ou la diminution du montant du loyer en vigueur au jour de la demande de révision sera donc proportionnelle à la variation de l’indice entre la date de fixation du loyer de référence et celle du jour de la demande de révision.

 

Selon la Cour de cassation, cette référence aux indices précités a une conséquence importante dans l’hypothèse où une clause d’échelle mobile (également appelée « clause d’indexation ») serait stipulée au bail. En effet, en application de ce type de clause, le loyer en vigueur est le résultat de l’application au loyer de la variation d’un indice légal.

 

En conséquence, en présence d’une telle clause d’indexation, le loyer en vigueur et le loyer plafond sont confondus si bien que le juge perd sa faculté de révision et qu’il n’y a donc pas lieu à révision du loyer sur le fondement de l’article L.145-38 du code de commerce (Cass. 3e Civ., 20 mai 2015 n°13-27.367).

 

Aussi, lorsqu’une telle clause d’indexation figure au bail, le locataire pourra uniquement espérer obtenir une révision judiciaire du loyer sur le fondement de la révision légale triennale s’il rapporte la preuve soit d’une variation (à la hausse ou à la baisse) de plus de 10% de la valeur locative consécutivement à une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

 

Dans ce cas, le montant du loyer révisé sera arrêté par référence à la valeur locative qui redevient déterminante (2.2).

 

II.2. L’hypothèse d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de ladite valeur locative

 

L’alinéa 3 de l’article L.145-38 du Code de commerce écarte la référence indiciaire lorsqu’est rapporté « la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative ».

 

Le loyer révisé sera donc fixé au montant de la valeur locative si celle-ci a subi une modification de plus de 10 % (b), ceci en raison d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité (a).

 

II.2.a. Une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité

 

Le loyer révisé ne peut être fixé à la valeur locative que si la preuve est rapportée d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité. A défaut d’une telle démonstration, la demande de fixation du loyer révisé à la valeur locative sera rejetée (Cass. 3e Civ., 27 février 2002, n°00-17.902).

 

Selon la doctrine, la modification de ces derniers peut être définie comme « l’ensemble de circonstances concrètes qui, dans un quartier déterminé, ont entraîné un accroissement ou une diminution du volume des affaires commerciales » (Dictionnaire Permanent Gestion Immobilière, Editions Législatives, 2020)

 

L’article R.145-6 du Code de commerce indique en effet que :

 

« les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire ».

 

Une modification concrète. La jurisprudence est ainsi d’avis que la modification matérielle observée doit être concrète par opposition à de simples spéculations ou à une simple évolution conjoncturelle.

 

Concrètement, cette modification s’exprime selon différentes formes :

– la construction de logements et bâtiments à usage scolaire et industriel et la rénovation et l’aménagement de la portion de l’avenue sur laquelle se situe les lieux loués (Cass. 3e Civ., 24 mai 2017, n°16-15.043) ;

– la désertification de nombreuses surfaces de bureaux et de commerces et la baisse notable de la fréquentation RATP (CA Paris, 20 septembre 2002, n°2001/13412) ;

– le pouvoir d’achat plus élevé de la population (Cass. 3e Civ., 10 janvier 1996, n°94-11589 ) ;

 

A contrario, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a par exemple rejeté la qualification de modifications des facteurs locaux de commercialité, lui préférant celle « d’évolutions », s’agissant de l’augmentation de 64 % du nombre de croisiéristes, l’augmentation du nombre de nuitées de plaisance ou encore l’installation de nouvelles enseignes nationales dans un secteur bénéficiant d’ores et déjà d’une forte commercialité avec une réelle notoriété (CA Aix-en-Provence, 11e ch. A, 13 décembre 2016, n°15/16267).

 

Pour la Cour de cassation ne sont pas non plus constitutives de telles modifications « les modifications de loyers constatées dans le voisinage », éléments distincts des facteurs locaux de commercialité dans l’appréciation du montant de la valeur locative (Cass., 3e Civ., 25 octobre 2018, n°17-22129).

 

Une modification dans l’intérêt du commerce considéré. En outre, la modification des facteurs locaux de commercialité doit, selon les magistrats du Quai de l’Horloge, avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale du preneur (Cass. 3e Civ., 9 juillet 2008, n°07-16605 – Cass. 3e Civ., 14 septembre 2011, n°10-30825 – Cass. 3e Civ., 17 janvier 2012, n°11-12090 ; Cass. 3e Civ., 15 octobre 2013, n°12-21.274 – Cass. 3e Civ., 21 janvier 2014, n°12-25.241).

 

Sur ce point, il conviendra d’apprécier la situation de manière globale en faisant le bilan des effets positifs et négatifs résultant pour le commerce considéré des modifications des facteurs locaux de commercialité (TGI Verdun, 12 juillet 2012, RG n°10/00289).

 

Une modification localisée. Enfin, les facteurs de commercialité en cause doivent, aux termes mêmes du Code de commerce, avoir un caractère « local ». Ce critère devrait donc en principe exclure les phénomènes d’une certaine ampleur tels que la croissance économique générale ou l’accroissement démographique national.

 

Dans le même sens, on peut encore raisonnablement supposer que la crise sanitaire du « coronavirus » et les restrictions apportées au commerce qui y ont fait suite ne devraient pas recevoir cette qualification. D’un autre côté, la Covid 19 ayant frappé de manière différenciée les régions, voir même d’une ville à l’autre, son impact pourrait également être apprécié localement. Sur ce point, la jurisprudence à venir apportera son lot de réponse.

 

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La casuistique est donc très forte au stade de la caractérisation des modifications des facteurs locaux de commercialité.

 

Ensuite, la preuve d’une modification des facteurs locaux de commercialité n’est pas suffisante pour emporter révision du loyer. Celle-ci doit en outre avoir entrainé une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

 

II.2.b. Une variation de plus de 10 % de la valeur locative

 

Pour que le mécanisme légal de révision du loyer soit appliqué par les tribunaux, la modification des facteurs locaux de commercialité doit avoir entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative (article L.145-38 alinéa 3 du Code de commerce).

 

Comme indiqué dans le texte de l’article, seule la modification des facteurs locaux de commercialité doit avoir entraîné cette variation, à l’exclusion des autres critères de détermination de la valeur locative de l’article L.145-33 du Code de commerce qui, à ce stade, ne sont pas pris en considération.

 

Aussi, il faut que soit caractérisé un lien de causalité entre la modification des facteurs locaux de commercialité et la variation de la valeur locative et c’est au demandeur à la révision de rapporter la preuve de ce lien de causalité.

 

Si la preuve d’une variation de la valeur locative dans la proportion exigée est rapportée, le déplafonnement de la révision du loyer est alors justifié et il conviendra de déterminé celui-ci en considération de la valeur locative.

 

II.2.c. Le déplafonnement et la fixation du loyer révisé au montant de la valeur locative

Lorsque la proportion de variation de la valeur locative est atteinte, le critère de révision du loyer devient unique : c’est la valeur locative. Par conséquent, le déplafonnement du loyer qui en résulte peut jouer aussi bien à la hausse qu’à la baisse (Cass. 3e Civ., 24 mai 2017, n°16-15.043), même si la modification des facteurs locaux de commercialité est en sens inverse.

 

Par principe, la valeur locative est déterminée conjointement par le bailleur et le preneur. A défaut d’accord, elle est, aux termes de l’article L.145-33 du Code de commerce, déterminée d’après :

«1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ; (qui n’est alors qu’un critère parmi d’autres)

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ».

 

Toutefois, aucune précision n’est faite sur la combinaison de ces éléments ou sur une méthode de calcul appropriée. De manière générale, la détermination de la valeur locative nécessitera que soit diligenté une expertise en sens.

 

Sur le fondement de ces facteurs, le juge des loyers commerciaux pourra fixer le nouveau prix du loyer. Cela étant sa liberté est ici limitée par l’article L.145-38 alinéa 3 du Code de commerce qui précise in fine que dans l’hypothèse du déplafonnement du loyer « la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ». Ce lissage, incorrectement qualifié de « plafonnement du déplafonnement » est applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 (article 21 II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « Pinel »).

 

Plus justement, la limitation de l’augmentation du loyer à 10 % de celui acquitté l’année précédente, doit, selon la Cour de cassation, plutôt être qualifié d’« étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative ». En conséquence, « ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d’établir l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir » (Cass. Avis du 9 mars 2018 n°17-70040).

 

En revanche, dans l’hypothèse d’une baisse de la valeur locative, aucune limite n’est posé par le texte, si bien qu’une baisse du loyer dans une proportion supérieure à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente est envisageable, avec de possibles lourdes conséquences pour les bailleurs.

 

Méfiance donc pour ces derniers qui auront tout intérêt à démontrer en amont l’absence de réunion des critères de révision triennale du loyer à hauteur de la valeur locative et rappelés précédemment.

 

Mieux encore, au stade de la rédaction du bail, ils auront intérêt à réclamer en sus du paiement d’un loyer de base, un loyer variable fonction du chiffre d’affaires du locataire. En effet, l’institution d’un loyer «binaire », c’est-à-dire un loyer composé d’une partie fixe et d’une partie fonction des recettes ou du chiffre d’affaires du locataire, fait obstacle au mécanisme de révision triennale (Cass., 3e Civ., 10 décembre 2002 n°01-10208 – CA Aix-en-Provence, 23 septembre 2010, n°08/20794, Confirmation – CA Poitiers, 27 février 2018, n°17/00386, Infirmation). En présence d’une clause recette c’est ainsi un loyer de base immuable qui est promis au bailleur…

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Récemment, sur le thème de la fermeture des commerces lors du premier confinement et le paiement des loyers.

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