DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
INTRODUCTION GENERALE.
Dans la perception commune, le droit international public est une espèce d’Enigme de Manchou, c'est-à-dire la solution à l’énigme est une autre énigme qui déplace l’interrogation vers un autre lieu. Au droit civil s’attache une image de régulation des rapports entre particuliers. Au droit administratif, l’on associe l’organisation, le commandement et le développement de la société. Au droit pénal, la fonction de répression pour la paix sociale. Au droit international public, correspondrait au contraire, une idée confuse où se rangent pêlemêle, la force, les impuissances, l’anarchie, et l’intérêt. Sans doute au regard de la pratique, ces images de surface correspondent-elles à une part de vérité. Mais, elles restent pour l’essentiel l’apanage d’une pensée première qui n’a pas rompu avec l’apparence pour toucher à l’essentiel des choses. Ce sentiment de désordre pour une part importe de la décentralisation de l’ordre juridique international, de dysfonctionnements multiples parfois amplifiés par le caractère tragique de certains faits internationaux (le génocide rwandais, les évènements en ex Yougoslavie, la crise dans les grands lacs et la situation au soudan). Plus fondamentalement, il résulte de la tentative de lire le droit international aux moyens d’un ordre sémantique et grammatical qui n’est pas le sien. En tant que corpus, le droit international partage un grand nombre de schémas, de nationalités et de procédure techniques avec le droit interne. Mais, construit par et pour les Etats souverains qui naissent et vivent radicalement insubordonnés au plan juridique, il ignore par nature la centralisation et le mode d’emprise autoritaire qui caractérise l’ordre juridique interne. En réalité, le droit international autrement appelé droit des gens est constitué de l’ensemble des règles de droit qui s’appliquent aux sujets de la société international, notamment les Etats et aux organismes internationales.
Au plan de la pratique juridique, c’est un ensemble de règles techniques qui permettent de définir le statut des sujets de droit international dans les rapports entre ces sujets et le statut des domaines public international qui échappe à la compétence individuelle des Etats. Au total, le droit international est à la fois le droit de la société relationnelle et le droit de la société institutionnelle. En effet, et s’agissant du droit de la société relationnelle, il faut relever que sur le vaste champ interétatique, nul pouvoir n’est au dessus de l’Etat. Dans une société dépourvue d’organes propres, ce sont les organes étatiques qui sont en même temps les organes de droit international.ils agissent pour le compte de leur Etats respectifs et pour celui de la collectivité internationale, ce que GEORGES SCELLE appelait le déroulement fonctionnel. Dès lors, le pouvoir dans la société relationnelle classique toujours persistante se représente avec trois caractères :
- Il est éparpillé
- Il est inconditionné
- Il est violent
Quittant définitivement la scène interétatique du droit international, on évoluerait dans un droit de la société institutionnelle à travers une structuration verticale assurant la subordination des Etats à des organisations convergentes elles-mêmes vers un pouvoir de sommet. C’est dire que « tout ce qui monte converge » et c’est cette montée qui se révèle ardue ; la souveraineté colle au sol. Cette affirmation expire les contradictions sociales, idéologiques et économiques qui s’opposent à l’édification des pouvoirs inédits et superposés.
A. Les caractères du droit international
La création et la mise en œuvre d’un droit supposent l’existence d’un ordre juridique ; en d’autres termes, il n’y a pas de droit sans règles juridiques. Techniquement, tout s’identifie et s’intègre dans un ordre juridique. Ainsi, peut-on globalement distinguer trois ordres juridiques :
- L’ordre juridique interne
- L’ordre juridique des relations internationales
- L’ordre juridique international.
L’ordre juridique international (qui nous intéresse) est particulier et spécifique en ce sens qu’il est exagérément subordonné à la volonté des Etats. C’est un ordre juridique dépourvu d’un système de juridiction obligation et d’un mécanisme centralisé de sanctions. C’est un ordre juridique qui, comme l’ordre juridique interne des Etats, est susceptible de donner naissance à un ordre public véritablement international (ART 53 de la convention de vienne de 1969 sur le droit des traités).
Le droit international est composé d’un ensemble de règles qui permettent d’affirmer son autonomie en tant que branche du droit. Ce sont des règles fragmentaires, eu égard non seulement à leur domaine et leur mode de d’élaboration, mais aussi au système de suivi et de sanction qui leur est consacré. En effet, l’ordre juridique international se caractérise par l’absence de sanctions sociales centralisées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une partie de la doctrine a considéré que cette caractéristique constituait l’une des faiblesses du droit international. C’est une faiblesse qui est compréhensible si l’on prend en compte la souveraineté comme l’unique fondement du droit international. Certains éminents internationalistes ont pensés à cet égard que la souveraineté représente un mal congénital au droit international (MICHEL VIRALY). Le droit international se caractérise tout particulièrement encore par l’absence d’un système général de juridiction obligatoire. Le principe étant la juridiction facultative. Cette affirmation découle à la fois de la pratique internationale et du droit conventionnel. Cela est d’autant plus vrai que la Charte des Nations Unies, à travers le statut de le CIJ, l’a codifié en son article 36 al.2.
B. Histoire de la société internationale
L’histoire de la société internationale est essentiellement tumultueuse, émouvante, marqué par de courtes périodes de paix et de longues périodes de guerre. Il n’y a ni période historique, ni date précise marquant le début de l’histoire du droit international. Tous les groupes humains organisés en sociétés politiques ont toujours entretenus des relations plus ou moins organisés. Aussi, les grands empires égyptiens et les grandes monarchies historiques utilisaient-ils déjà le traité conclu sur la base d’égalité et dans le respect de la règle pacta sunt servanda c'est-à-dire le respect scrupuleux des engagements contractés. La conscience de l’Etat se forgera à travers l’idée de puissance et à travers le concept de guerre. C’est ainsi qu’à la fin du moyen âge, se formera une conception nouvelle d’une société internationale composée d’Etats indépendants et souverains. A la souverainneté dans l’Etat, viendra se juxtaposer la souveraineté de l’Etat c'est-à-dire son indépendance vis-à-vis des autres Etats souverains.
La société internationale qui se forme après 1648 est caractérisée par la souveraineté absolue du prince. Ici en effet, rien ne peut limiter la volonté de l’Etat souverain. Le jeu de souveraineté aboutira cependant à la paix de Westphalie en Europe qui mettra fin à la guerre de 30 ans. Durant la période qui va de Westphalie au congrès de Vienne en 1815, tout un système normatif appelé système interétatique s’installera et servira de cadre à la désormais société internationale classique et par conséquent au droit international classique. Jusque là, la souveraineté restera la pierre angulaire de l’édifice et la société internationale sera par conséquent entièrement dominée par les exacerbations des souverainetés ; d’où la première et la deuxième guerre mondiale. C’est sur la base de cette société internationale classique en ruine que s’édifiera la toute première ébauche de la société internationale institutionnelle à travers l’avènement de la SDN. A partir de cette période et au moins plus clairement depuis 1945, la société internationale va connaitre une réelle mutation non seulement à travers la création de nombreuses organisations internationales, mais aussi et surtout à travers l’annonce d’une communauté internationale à venir. Cela s’avère d’autant plus nécessaire que les Etats ont aujourd’hui des valeurs en partage. C’est le cas notamment de la paix, du développement, de la dignité humaine et de la protection de l’environnement.
C. Les grands courants doctrinaux du droit international
Dans la doctrine classique, il existe deux grands courants : l’un axé sur la volonté (le volontarisme) et l’autre axé sur les exigences de nécessités sociales et située en dehors de la volonté (le courant objectiviste).
Pour les volontaristes, le droit international trouve sa source dans l’expression d’une volonté authentique c'est-à-dire dépourvue de tout vice. Ses défenseurs sont nombreux et font reposer le droit international sur la volonté de l’Etat. C’est ainsi que GELLINECK affirme que l’Etat ne peut être lié par le droit que s’il a consenti. C’est la fameuse thèse de l’autolimitation qui, au plan conventionnel, peut déboucher sur la volonté commune, source du droit international. Ce dernier fondement a été théorisé par TRIEPEL dans sa théorie de la VEREIN BARUNG c'est-à-dire la volonté commune. Il pose en effet que le droit international naît de la fusion des volontés étatiques. Cette volonté nouvelle issue de la communion est créatrice d’un ordre juridique spécial supérieur à celui des volontés initiales et parce qu’elles résultent de la fusion des volontés étatiques et non d’une simple addition arithmétique. La Vreinborung n’est susceptible ni de division, ni de soustraction.
A ces deux théories, l’on peut ajouter la théorie positiviste défendu par l’italien DIONISIO ANZILOTTI. Pour les positivistes, la règle de droit tire son autorité du seul fait qu’elle est parvenue mieux à s’imposer au besoin en s’appuyant sur le pouvoir coercitif de l’Etat. Ses défenseurs entendent se borner à décrire le droit en vigueur c'est-à-dire le droit positif.
Pour les objectivistes, le postulat d départ est simple : il n’y a de droit sans société et il n’existe pas de société sans droit. Ce courant de pensée se subdivise en trois écoles :
- L’école du droit naturel : qui trouve que la raison social impose certaines règles aux relations humaines même en dehors de toute autorité sociale. Cette école est née et s’est consolidée sous l’impulsion des auteurs comme HUGO DE GROTE (Grotius) et SAMUEL PUFENDORF.
- L’école du normativisme : c’est la deuxième défendue par HANS KELSEN. Elle est en quelque sorte le perfectionnement de la théorie du positivisme. Pour cette école, il existe une norme fondamentale d’où découlent toutes les règles de droit. Elle envisage l’ordre juridique comme un édifice à plusieurs étages superposées et dont chaque échelon acquiert validité par délégation de al norme supérieur c'est-à-dire la fameuse GRUND NORM.
- L’école sociologique défendu par Georges SCELLE rejette la notion de souveraineté étatique pour des raisons de nécessité sociale. Hostile à une certaine construction de la société qui nie l’individu en le diluant dans la logique de l’institution, George SCELLE fait de celui-ci un acteur institutionnel doté d’une rationalité limitée.
De la même manière générale, pour cette école, la règle de droit a son origine dans le fait social c'est-à-dire dans une contrainte qui s’impose d’elle-même aux individus.
En somme, l’on peut dire que la pensée juridique internationale balance entre l’intersubjectivité et la volonté d’objectivisation du système juridique international.
PREMIERE PARTIE
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL
Tout doit se définir à partir de ses sources. En droit international comme dans toutes les sources du droit, il existe deux conceptions de source : d’une part, les sources matérielles qui sont la cause profonde de formation de la règle de droit. Techniquement, il s’agit d’un ensemble d’éléments qui, à un moment donné, conduisent à l’élaboration d’une règle. Aussi, parlera-t-on du droit de la Genève pour singulariser le droit humanitaire ou le droit de la paix en référence avec la Haye. D’autre part, les sources formelles qui sont les modes ou procédés par lesquels est établi ou constituée une règle de droit. C’est le cas du traité, eu égard à ses procédures d’élaboration. A la différence du droit interne, et conformément a sa nature conventionnelle, le droit international trouve sa source dans la volonté des Etats. Ces sources ne sont pas contenues dans des codes au sens du droit interne. Cela est tellement vrai que la problématique de la détermination de sources du droit international fait apparaitre que celles-ci sont toujours issues d’une énumération dans les instruments internationaux de portée générale. Historiquement, ce fut le cas de l’article 7 de la convention de la Haye du 18 octobre 1907. C’est le cas aujourd’hui de l’article 38 du statut de la CIJ qui pose clairement que : « la cour dont la mission est de régler conformément le droit international, les différends qui lui sont soumis appliquent :
a- Les conventions internationales
b- La coutume internationale
c- Les principes généraux de droit
d- Les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes… »