La consécration du droit au compte
Durant la première moitié du XXe siècle, une banque avait tout à fait le droit d’interdire à un individu de posséder un compte bancaire, à condition de ne pas abuser de cette faculté. Ainsi, son refus ne pouvait être motivé par une quelconque intention de nuire, ou formulé dans des formes préjudiciables au requérant.
La loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit a introduit un article L. 312-1 al. 1er au sein du Code monétaire et financier, en vertu duquel « toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d’un compte de dépôt, a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix ». Ce droit à l’ouverture d’un compte bancaire, qui, selon le même article, concerne même les interdits bancaires, a d’ailleurs été étendu aux étrangers en situation irrégulière[1].
Le contenu du droit au compte
Le demandeur peut exercer ce droit auprès de n’importe quel établissement de crédit, à condition de fournir une attestation en vertu de laquelle il affirme ne disposer d’aucun compte. L’établissement bancaire sollicité a alors le droit de refuser l’ouverture de ce compte[2]. Dans ce cas, elle doit remettre au demandeur une attestation de refus, l’informer de la possibilité de s’adresser à la Banque de France et lui proposer, si c’est une personne physique, d’effectuer les démarches en son nom et pour son compte.
En vertu du droit au compte, la Banque de France va alors désigner un établissement de crédit situé à proximité du domicile du demandeur ou d’un autre lieu de son choix, qui ne pourra cette fois pas refuser l’ouverture du compte. Cette dernière devra se faire dans les trois jours ouvrés à compter de la réception des pièces justificatives nécessaires.
Le droit au compte ne permet toutefois pas à l’individu concerné de disposer d’un compte bancaire fonctionnant sur le même modèle que celui qu’il avait auparavant la possibilité de détenir. Son accès sera généralement limité à des services bancaires de base, tels que la gestion de son compte, de ses moyens de paiement et de retrait, l’impression de relevés d’identité bancaires, ou encore l’encaissement des chèques. Il n’aura notamment pas accès à un découvert autorisé.
La sanction de la violation du droit au compte
Reste encore à faire respecter ce droit au compte. L’article L. 612-39 du Code monétaire et financier donne pour cela compétence à l’Autorité de contrôle prudentiel pour sanctionner les manquements. Les sanctions financières encourues par les établissements financiers pour toute violation de leurs obligations légales peuvent être considérables. Ainsi, en 2013, la banque LCL a-t-elle été condamnée à une sanction pécuniaire de 2 millions d’euros pour manquement à ses obligations vis-à-vis des bénéficiaires du droit au compte[3]. La Société Générale a, quant à elle, connu le même sort en 2014[4].
Reste que de telles sanctions ne sont pas automatiques, lorsqu’un établissement de crédit manque à ses obligations vis-à-vis du droit à l’ouverture d’un compte. Une proposition de loi en ce sens, avait été déposée à l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014[5]. Elle proposait d’introduire une disposition complémentaire à l’article L. 612-39 du Code monétaire et financier, en vertu de laquelle « en cas de non-respect des dispositions de l’article L. 312-1 CMF, la commission des sanctions est tenue de prononcer cette sanction pécuniaire ». Une telle disposition n’a toutefois jamais vu le jour.
Le droit à l’ouverture d’un compte demeure pour autant un droit fondamental qu’il convient de défendre, du fait de son importance indiscutable.
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Sources :
[1] TA Paris, 16 mars 2005 ; Rep. Min. 22 nov. 2005.
[2] Art. L. 312-1 al. 2 Code mon. fin.
[3] ACPR, 3 juillet 2013, n° 2012-09.
[4] ACPR, 11 avril 2014, n° 2013-04.
[5] Proposition de loi n° 2278 du 14 octobre 2014 visant à rendre obligatoire les sanctions financières pour violation du droit au compte bancaire,
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