Le pacte civil de solidarité est issu de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999[1], qui instaure les articles 515-1 et suivants du Code civil. La loi le définit comme « un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». Le régime juridique du Pacs est ensuite décliné par les articles suivants, et présente de nombreuses différences avec le mariage.
Des obligations distinctes du mariage
En matière matrimoniale, le droit est très clair, s’agissant de l’obligation de fidélité entre époux. L’article 212 du Code civil dispose en effet que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. » L’obligation de fidélité fait donc partie des obligations fondamentales du mariage, et les époux ne peuvent y déroger. Sa violation constitue donc une cause de divorce pour faute, et peut entraîner l’octroi de dommages et intérêts, au profit de l’époux ayant été trompé, quand bien même l’infidélité surviendrait après une séparation de fait[2] ou pendant la procédure de divorce[3]. L’important est qu’elle ait été constatée antérieurement au divorce, alors que toutes les obligations légales de l’article 212 pesaient encore sur les époux.
Dans le cadre du Pacs, a contrario, aucune des dispositions figurant aux articles 515-1 et suivants ne prévoit d’obligation de fidélité. Le juriste aura alors tendance à se tourner vers le droit commun des contrats. Puisque l’article 515-1 du Code civil nous précise, dans la définition du Pacs, qu’il s’agit avant tout d’un contrat, les règles de notre droit civil, communes à l’ensemble des contrats, doivent pouvoir s’appliquer. Or l’article 1104 du Code civil dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». L’alinéa 2 du même article ajoute que « cette disposition est d'ordre public. »
Cette règle, qui a longtemps figuré à l’article 1134 du Code civil, avant d’être impacté par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, implique une obligation de loyauté contractuelle. Cette loyauté pourrait-elle aboutir à sanctionner les infidélités durant le Pacs, comportement hautement déloyal pour le partenaire qui viendrait à le subir ?
Une obligation débattue
A en croire le Tribunal de grande instance de Lille, à l’occasion d’un jugement rendu le 5 juin 2002, il y aurait bien une obligation de fidélité entre partenaires pacsés. Selon les juges, « il découle de l’article 515-1 du code civil une obligation de vie commune entre partenaires d’un Pacte civil de solidarité, qui doit être exécutée loyalement. » Le tribunal a par la suite ajouté que « l’obligation de devoir exécuter loyalement le devoir de communauté de vie commande de sanctionner toute forme d’infidélité entre partenaires », avant de résilier tout bonnement le pacs des intéressés.
Plusieurs commentateurs de la décision y ont vu une confirmation claire de la volonté des juges de transposer l’obligation de loyauté contractuelle dans le pacs, et donc, d’astreindre les partenaires à la fidélité.
D’autres ont toutefois fait observer que le Pacs, par rapport au mariage, constitue un contrat de liberté. S’il s’agissait, pour les intéressés, de s’astreindre aux mêmes obligations contraignantes que les couples mariés, il était inutile d’instaurer une forme d’engagement à part.
Les tribunaux eux-mêmes ont fait preuve d’hésitations. Ainsi, la Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt remarqué du 5 mai 2015, a reconnu que « la situation de concubinage, même formalisée par la conclusion d’un PACS, ne génère aucune obligation de fidélité propre au mariage »[4].
En attendant que la Cour de cassation ne tranche cet épineux débat dans un sens ou dans l’autre, la pratique tendrait donc plutôt à considérer qu’à ce jour, aucune obligation de fidélité ne pèse sur les partenaires pacsés, qui ne pourront donc en aucun cas invoquer l’adultère au soutien d’une demande de rupture du PACS, assortie ou non de dommages et intérêts.
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Sources :
[1] JORF 16 novembre 1999.
[2] CA Paris, 17 novembre 2016, n° 14/14482.
[3] Civ. 1re, 9 novembre 2016, n° 15-27.968.
[4] CA Rennes, 5 mai 2015, n° 14/01737.
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