La prestation compensatoire constitue la pièce maîtresse de la réforme du divorce de 1975, qui l’a instaurée. Son but est fixé à l’article 270 alinéa 2 du Code civil, selon lequel « l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »
L’idée est simple. Quelles que soient les circonstances dans lesquelles le divorce est prononcé, celui-ci va entraîner des conséquences spécifiques sur les époux, et notamment sur celui des deux qui a le niveau de vie le moins important. La prestation compensatoire va, comme son nom l’indique, venir compenser ces conséquences liées à la perte de niveau de vie résultant du divorce.
Prestation compensatoire et pensions alimentaires : deux notions distinctes
A ce titre, il est nécessaire de distinguer la prestation compensatoire de la pension alimentaire, qui constituait, jusqu’en 2004, un droit d’aliment de l’un des époux, au sens pécuniaire du terme.
Alors que le principe demeurait la disparition de tous les effets du mariage par l’effet du divorce, la réforme du divorce de 1975 décidait de maintenir le devoir de secours dans le cadre du divorce pour rupture de la vie commune, en faveur de l’époux qui le subissait.
La loi du 26 mai 2004[1] supprime cette exception et généralise la disparition du devoir de secours pour tous les cas de divorce, y compris concernant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, ancien divorce pour rupture de la vie commune. Désormais, il n’existe plus, entre époux, de pension alimentaire après divorce. Seuls les enfants du couple peuvent le cas échéant, bénéficier d’une pension alimentaire. Etant mineurs, cette somme sera versée à l’époux qui a la garde des enfants, par son ex-conjoint, mais ne constitue en aucun cas une somme d’argent dont peut se servir l’ex-époux à titre personnel. Destinée à pourvoir aux besoins alimentaires et vestimentaires des enfants, l’intégralité de la somme devra leur être consacrée.
Les modalités d’établissement de la prestation compensatoire
A la différence de la pension alimentaire d’avant 2004, la prestation compensatoire constitue, elle, une dette personnelle entre époux. En tant qu’elle sert à rééquilibrer le niveau de vie des époux à la suite du divorce, la prestation compensatoire ne se négocie pas, en dehors du cas du divorce par consentement mutuel. Par principe, elle a un caractère judiciaire. Son montant sera fixé par le juge aux affaires familiales, de façon totalement objective, et sera égal à la perte constatée à l’occasion du divorce. Ses modalités d’exécution seront, elles aussi, décidées unilatéralement par le juge.
Selon l’article 270 alinéa 2 du Code civil, le principe est celui de la fixation d’une prestation compensatoire sous forme de capital. L’article 275 précise que par principe, ce capital sera versé en une seule fois, mais que le débiteur aura la possibilité de solliciter l’échelonnement des versements, sur une période de huit années, en cas d’impossibilité de s’en acquitter en une fois.
L’alinéa 3 de l’article 270 prévoit une exception dans laquelle, malgré la perte de niveau de vie résultant du divorce, l’époux concerné ne peut en bénéficier : lorsque « l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».
Quant à l’article 271 du code civil, il prévoit une liste de critères permettant au juge d’établir la nécessité de prononcer le versement d’une prestation compensatoire, ainsi que d’en fixer le montant. Il lui est notamment demandé de prendre en considération les « besoins de l'époux à qui elle est versée et [des] ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. » A ce titre, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt de la première Chambre civile en date du 6 octobre 2010[2], que seule la période suivant le mariage des époux doit être prise en compte pour calculer le montant de la prestation compensatoire. Le juge ne saurait se fonder sur des circonstances antérieures au mariage pour calculer la somme totale due.
La prestation compensatoire ainsi fixée n’est, en principe, plus révisable par la suite. L’article 276-3 du Code civil précise toutefois que « La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties. » Néanmoins, « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. »
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Sources :
[1] LOI n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.
[2] 1e civ., 6 octobre 2010, n° 09-12.718, AJ fam. 2010. 493, obs. David ; Dr. fam. 2010, n° 178, obs. Larribau-Terneyre ; JCP G 2011, n° 29, obs. Favier ; RTD civ. 2011. 112.
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