Les cas possibles de rétractation d’une offre de contracter
Notre droit des contrats nous enseigne que pour qu’un contrat soit valablement formé, il est nécessaire de constater une rencontre de volontés de la part des contractants qui s’engagent. Ainsi, lorsqu’une offre de contracter est émise, seule une acceptation formulée dans les mêmes termes que l’offre permettra de sceller le contrat.
La jurisprudence Cruz, issue d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 décembre 1993[1], a posé un cadre légal clair afin de régir les hypothèses de rétractations d’offres. Selon cet arrêt, un promettant peut retirer son offre dès lors que le bénéficiaire de l’option n’a pas encore levé celle-ci. En effet, en pareille circonstance, la rétractation exclut « toute rencontre de volontés réciproques de vendre et d’acquérir ». Ainsi, en l’espèce, la rétractation ne pouvait qu’entraîner l’octroi de dommages et intérêts pour le préjudice qu’elle avait pu engendrer, mais en aucun cas, l’exécution forcée du contrat était envisageable.
Cette solution apparaissait particulièrement critiquable, dès lors qu’en l’espèce, la promesse de vente était consentie jusqu’au 1er septembre 1987, avant d’être rétractée le 26 mai 1987, alors que l’option était finalement levée le 10 juin 1987, donc dans les délais conventionnels.
Autrement dit, la solution retenue vidait de sa substance l’obligation volontairement souscrite par le promettant, qui consistait à maintenir son offre jusqu’au 1er septembre 1987.
L’ordonnance du 10 février 2016[2], qui réforme le droit des contrats, est venue réformer la solution retenue, en intégrant au Code civil un nouvel article qui renverse entièrement la jurisprudence Cruz.
La sanction de la rétractation abusive de l’offre de contracter
Désormais, depuis la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, un article 1124 alinéa 2 du Code civil dispose que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Autrement dit, dans des circonstances identiques à celles de l’espèce examinée par la Cour de cassation en 1993, la sanction encourue est désormais l’exécution forcée du contrat, et non pas le simple octroi de dommages et intérêts.
Ainsi, deux cas sont à distinguer. Lorsqu’une offre de contracter est émise sans délai, elle apparaît librement révocable en toute circonstance, dès lors qu’aucune acceptation n’est survenue. Dès lors, en effet, qu’une acceptation s’est manifestée dans les mêmes termes que l’offre, la rencontre des volontés scelle définitivement le sort des contractants, qui se trouvent irrémédiablement engagés dans la voie contractuelle.
A contrario, lorsque l’offre de contracter est stipulée avec délai, le promettant se trouve contraint de maintenir son offre jusqu’au terme du délai stipulé. Sa rétractation est donc privée d’effet avant la date butoir, si bien que toute acceptation de la part du bénéficiaire de l’option, formulée dans les délais conventionnels, entraînera rencontre des volontés.
Cette solution apparaît davantage conforme à la volonté contractuelle et a le mérite de responsabiliser les promettants, qui y réfléchiront à deux fois avant de s’engager unilatéralement dans une voie qu’ils ne souhaitent finalement pas poursuivre. Elle repose toutefois sur une fiction juridique consistant à voir une rencontre de volontés là où en réalité, l’un des cocontractants a clairement manifesté son intention de ne plus rentrer en relation contractuelle.
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Sources :
[1] Civ. 3e, 15 décembre 1993, n° 91-10199, Bull. civ. III, n° 174.
[2] Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et du régime général de la preuve des obligations, JORF 11 février 2016.
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